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6895Décidément, le jeune Emmanuel M. reste, malgré ses multiples avatars, ses casseroles idéologiques et ses conceptions politico-économiques stupides, une boîte à surprise. Ainsi pouvait-on en juger (“boîte à surprise”) lors de son intervention du 27 août où, après des recherches minutieuses, des commentateurs hors-Système et même antiSystème découvrirent des pépites que les grrrrrrands professionnels de la grrrrrrande presseSystème du bloc-BAO avaient ratées. (Si l’on parlait d’un film on dirait que la presseSystème montra dans ce cas une attitude qu’on nommerait “une connerie chorale” en jugeant qu’on se trouve là devant l’archétype de la chose.) Il s’agit bien sûr de cette déclaration selon laquelle il est notamment question de la fin de l’hégémonie occidentale, dont on mit du temps à comprendre l’importance :
« …Bref, et comme disait l’avisé Macron : « Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l'hégémonie occidentale sur le monde. » (Le temps de traduire ce texte du discours macronien, d’une forme infâme cachant les pépites reposant sur le fond, nos amis anglophones de la communication antiSystème commencent à réaliser le caractère historique de la chose : ici, ici, ici, etc.) »
Cette fois, Macron nous dit, via The Economist qui est certainement l’une de ses lectures de chevet, que l’OTAN est cliniquement kaput, ou dit autrement « en état de mort cérébrale ». C’est dans une interview du célèbre hebdo qui défend depuis bien plus d’un siècle l’Anglosphère, le libre-échange et le néo-ultralibéralisme, le suprémacisme anglo-saxon même déguisé en Jokey progressiste-sociétal, – et, par conséquent, l’OTAN elle-même.
Dans le viseur de Macron, outre l’OTAN kaput mais qu’on pourrait ressusciter si certains voulaient bien changer d’attitude, et notamment accepter de devenir le serviteur fidèle d’une “vraie défense européenne”, les USA de Trump avec des pincettes, et la Turquie d’Erdogan avec une artillerie extrêmement lourde.
Lisons le compte-rendu qu’en fait RT-France, qui vaut bien largement toutes les salades congelées que vont nous servir Le Monde, Libé et Jacques Attali (qui est cité justement, au moment où il nous régale de sa petite vesse mensuelle) :
« “Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’OTAN” : le jugement, particulièrement sévère, est celui du président de la République française. Dans un entretien accordé au magazine ‘The Economist’, Emmanuel Macron a expliqué ce constat par le désengagement américain vis-à-vis de ses alliés de l'alliance atlantique et le comportement de la Turquie, également membre de l'organisation militaire.
» Le chef d’État ne souhaite pas pour autant la fin de l'OTAN, appelant au contraire à “clarifier maintenant quelles sont [ses]finalités stratégique ”. En même temps, le président français a plaidé à nouveau pour “muscler” l'Europe de la Défense – une idée pourtant peu appréciée par l'alliée américain au sein de l'OTAN.
» La décision de la Turquie de lancer en octobre une offensive militaire contre la milice kurde des Unités kurdes de protection du peuple (YPG), qu'elle considère comme terroriste, a mis mal à l'aise ses partenaires de l'OTAN – les États-Unis et la France, entre autres, condamnant de leur côté fermement cette intervention.
» L'OTAN est apparu à cette occasion divisée sur une question d'ordre stratégique, au point que des commentateurs ont ni plus ni moins annoncé la “mort” de l’organisation militaire. “L’OTAN est mort[e]puisqu'une puissance de l'OTAN [la Turquie]a décidé de se battre, totalement librement, en achetant d’ailleurs des armes russes sans l'accord des autres membres”, avait par exemple jugé le mois dernier l'économiste Jacques Attali sur France Info. »
Outre la “mort cérébrale” de l’OTAN, qu’il est nécessaire rapidement de mettre aux soins intensifs pour la faire revenir dans ce bas-monde, Macron parle de la « “fragilité extraordinaire de l'Europe” qui “disparaîtra” selon lui, si elle ne “se pense pas comme puissance dans ce monde”. » Et de revenir bien entendu sur l’idée d’“armée européenne” qu’il est vital sous peine de mort de développer, mais selon une perspective si ambitieuse qu’on finirait par croire que l’OTAN, même ranimée et regonflée aux stéroïdes, ne serait que la supplétive de l’Europe super-ranimée (elle aussi). Le texte qui fait rapport de l’interview rappelle qu’en novembre 2018,
« Donald Trump avait exprimé son indignation face à la proposition d'Emmanuel Macron de créer une “vraie armée européenne” pour “protéger[l’Europe] de la Chine, de la Russie et même des États-Unis d'Amérique” ».
Cela nous ramène à l’OTAN et, sur cette question des USA ainsi mentionnée, Macron fait quelques remarques nullement dénuées de sens sur ce qu’il perçoit des conceptions de Trump, terminant sur un clin d’œil vers la Russie, – selon l’arrangement du texte de RT-France qui est loin d’être de simple opportunité, – qui ferait croire qu’après tout il (Macron) préférerait peut-être bien la Russie aux USA comme partenaire stratégique :
« Dans son entretien à ‘The Economist’, Emmanuel Macron estime que le président américain et la France ne partagent pas la même philosophie de l'alliance atlantique. “Le président Trump, j’ai beaucoup de respect pour cela, pose la question de l’OTAN comme un projet commercial. Selon lui c’est un projet où les États-Unis assurent une forme d’ombrelle géopolitique, mais en contrepartie, il faut qu’il y ait une exclusivité commerciale, c’est un motif pour acheter américain. La France n’a pas signé pour ça”, a-t-il déclaré.
» Enfin, le président français juge que l'affirmation de la puissance européenne passera par la réouverture d'“un dialogue stratégique, sans naïveté aucune et qui prendra du temps, avec la Russie”. Une position affichée de longue date par le président français. »
Pour cette fois, ne dissimulons pas notre sérieux : l’humeur exécrable de Macron contre l’OTAN ne rencontre pas une opposition sourde et puissante de la part de l’“État-profond”à la française, comme c’est le cas pour sa volonté de rapprochement de la Russie. L’hostilité française à la Turquie, et indirectement à l’OTAN qui a plutôt et aussitôt soutenu la position turque dans l’affaire syrienne (la pseudo-“invasion” turque de la Syrie), est très répandue et extrêmement radicale dans les milieux et les bureaucraties diplomatiques et de la sécurité français, à Evere comme à Paris. Lorsqu’on remarque devant un haut-fonctionnaire français du domaine que cette hostilité à la Turquie implique, chose gravissime, le souhait du départ ou de l’expulsion de ce pays de l’Alliance, certains peuvent entendre comme réponse : « Qu’est-ce qui est plus grave, une OTAN sans la Turquie ou une OTAN sans la France ? ».
Cela ferait penser qu’il y a dans des esprits très échauffés l’idée d’un “c’est eux ou c’est nous”, avec comme conclusion d’une telle situation de confrontation qu’il y aurait de toutes les façons une crise gravissime et inévitable de l’OTAN. C’est bien entendu le sentiment de l’Attali cité, qui conclut déjà, et d’ailleurs pas faussement, que “l’OTAN est mort[e]”. Son allusion aux armes russes de la Turquie, – les S-400 et peut-être des Su-35 demain, – est par contre un peu déplacée et montre que cet esprit un peu trop embrumé suit mal le raisonnement puisqu’il transforme un argument anti-Trump de Macron (« l’OTAN comme un projet commercial […] il faut qu’il y ait une exclusivité commerciale, c’est un motif pour acheter américain. ») en un argument anti-Turquie. (Il y a déjà eu des cas du genre, comme les S-300 russes achetés par la Grèce, qui n’ont pas provoqué de crise.)
Finalement, l’humeur antiturque des français est assez peu compréhensible par rapport à l’énormité du sujet qu’elle déplace et des questions qu’elle pose. Elle est d’une intensité peu ordinaire par comparaison au sujet officiel-officieux qui la justifie (attaque des Turcs en Syrie, – Dieu sait si ce n’est pas la première, – défense des Kurdes “lâchement abandonnés” par la soldatesque US, laquelle continue à faire des ronds dans les sables syriens, ici ou là, avec l’odeur du pétrole et les batailles internes des différents centres de pouvoir de “D.C.-la-folle” en sus) ; quant au diagnostic sur “la mort cérébrale de l’OTAN”, on dira qu’il est valable depuis pas loin de tout juste vingt ans, après tout et après la chute du Mur… Aussi y a-t-il peut-être quelque chose de plus profond chez les Français, dont eux-mêmes ne se rendent peut-être pas compte, qui fait qu’on découvre parfois que le roi est nu simplement parce qu’on ouvre les yeux par inadvertance, – car nu, il l’est depuis longtemps. (Autrement dit : cela fait bien longtemps que « l’OTAN [est] un projet commercial […] il faut qu’il y ait une exclusivité commerciale, c’est un motif pour acheter américain » ; simplement, –ô surprise, o tempora, o mores, – Trump est plus sincère que ses prédécesseurs, il appelle un chat un chat…)
Dans tous les cas, si Macron poursuit sur ce terrain, une chose est assurée : il doit vite concrétiser son rapprochement avec la Russie, car il trouvera des USA déterminés et impitoyables de quelque que ce soit, et l’Europe en pleine accélération de désintégration. Il ne faut pas non plus se tromper en imaginant qu’une défaite ou une destitution de Trump, c’est-à-dire dans tous les cas une victoire d’un démocrate, ouvrirait de nouvelles perspectives de “coopération” avec les USA (“coopération, kèsako ?” interrogent les USA). Les perspectives devraient être pires, puisque s’ouvrant sans doute sur la perspective d’un conflit avec la Russie, la victoirte démocrate signifiant celle du DeepState.
Sur cette question, le texte de ce jour sur Strategic-Culture.org de Philip Giraldi, excellent commentateur généralement excellemment informé, est du plus haut intérêt. Giraldi s’intéresse au témoignage du colonel Vindman qui vient d’(avoir lieu à la Chambre des Représentants, dans l’instruction de la mise en accusation pour la destitution du président Trump. Vindman est un Ukrainien naturalisé Américain, qui s’occupe présentement du dossier-Ukraine au Conseil National de Sécurité (NSC). Son témoignage est intéressant parce qu’il est complètement indifférent à la polémique de savoir si Trump a demandé au président ukrainien d’impliquer les Biden dans l’affaire de corruption qui les met dans un mauvais cas, parce qu’il ne s’intéresse qu’au blocage de l’aide militaire pour l’Ukraine brandie par les démocrates comme argument prouvant dans ce cas la tentative de corruption du président ukrainien par Trump. Pour Vindman, cela signifie surtout qu’on n’arme pas les Ukrainiens contre les Russes. Giraldi juge que Vindman parle pour le DeepState et que le but du DeepState est non seulement l’armement de l’Ukraine, mais l’entrée de l’Ukraine (et de la Géorgie) dans l’OTAN… Voilà le véritable enjeu de l'Ukraingate parce que les démocrates sont à 200% otages du DeepState.
« Le colonel Vindman, qui dépendait de la détestable et hyper-antirusse Fiona Hill, laquelle dépendait du fou de guerre John Bolton, a été au cœur au milieu de tous les plans pour faire tomber la Russie. Il ne s'inquiète pas vraiment de la polémique Trump vs. Biden. Il s'agit plutôt, pour lui, d’accélérer l’aide militaire de 380 millions de dollars, y compris les armes offensives, qui était en préparation pour Kiev. Et en supposant que les Ukrainiens puissent réellement apprendre à utiliser les armes, l'objectif est de punir les Russes et de prolonger le conflit au Donbass sans autre raison [que la dynamique de désordre à finalité antirusse].
» Notez l'extrait suivant de la déclaration préparée par Vindman : “J'étais inquiet des implications pour le soutien du gouvernement américain à l'Ukraine... Je me suis rendu compte que si l'Ukraine menait une enquête sur les Biden, cela serait probablement interprété comme un jeu partisan qui ferait sans aucun doute perdre à l’Ukraine le soutien bipartisan qu'elle a maintenu jusqu'ici.” […]
» Alexander Vindman ne dit ni n’écrit que l'intégration de l'Ukraine dans l'OTAN est son objectif réel, mais ses commentaires sur “l'intégration dans l’Occident” et la “communauté euro-atlantique” l'indiquent clairement. L'expansion de l'OTAN jusqu'aux frontières de la Russie par l’irresponsable Clinton a constitué la destruction d’une des plus importantes occasions d’une stabilisation de sécurité après la Guerre froide. L’ajout de l’Ukraine et de la Géorgie à l'alliance amplifierait cette erreur, car ces deux pays sont des intérêts vitaux pour la sécurité nationale de Moscou compte tenu de leur histoire et de leur géographie. Vindman doit être considéré comme une manifestation de la pensée de l'État profond qui a causé tant de maux aux États-Unis au cours des vingt dernières années… »
Voilà l’alternative qui attend Macron (et les Européens) via l’OTAN si Trump s’en va, alors qu’un président français vient de nous dire que poursuivre dans l’OTAN selon les conceptions de Trump n’est plus guère possible. De tous les côtés et de toutes les façons, tout tourne au pire, – et cette fois, en remontant du Moyen-Orient jusqu’au cœur de l’Europe, là où les dangers de conflit sont infiniment plus graves. Certes, dans cette soupe Erdogan et ses conquêtes grandioses, sous la couverture des S-400 et l’œil attentif d’Attali, ne sont qu’un avant-goût, une mise en bouche.
“D.C.-la-folle” étant effectivement folle, il s’agit d’aller jusqu’au bout de la démence, comme on dit boire le calice jusqu’à la lie, et enfin saisir l’OTAN au corps pour bien vérifier qu’elle n’existe plus. Macron a pris un chemin semé d’embûches en disant ce qu’il a dit, mais cela est après tout préférable à la stratégie de l’autruche habituellement suivie. Dans tous les cas, et malgré ses beaux projets (ceux de Macron), l’Europe dans sa forme actuelle ne survivra pas aux événements tels qu’ils se profilent, – mais les USA non plus, certainement, et peut-être plus vite encore qu’on ne croit, – c’est-à-dire encore plus vite que “les événements tels qu’ils se profilent”...
Mis en ligne le 7 novembre 2019 à 17H55
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