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38898 janvier 2022 – Cette affaire du Kazakhstan est, comment dirais-je pour ne pas manquer de respect à toutes les victimes et tous les malheureux ? Disons alors, donc sans mal penser à cet égard mais jugeant simplement de l’œil du commentateur irresponsable, du type qu’on « emmerde jusqu’au bout » : une “révolution-bouffe de couleur” ? Mais alors, vraiment de toutes les couleurs-bouffe, voyez, de l’arc-en-ciel aux rombiers-archers des troupes LGTBQ+.
C’en est au point, en vérité, que le secrétaire d’Etat des tout-puissants USA s’indigne absolument, en fin de conférence de presse, enfin conduit à dire ce qu’il pense en vérité (suite) et hors de toute tartufferie diplomatique du scandaleux comportement des Russes, ces spécialistes des révolutions de toutes les couleurs, ceux-là qui tiennent le monde dans leurs griffes acérées, qui le dominent, qui bafouent ces lois, qui en prennent à leur aise, non mais ! Voyez et oyez, ce sont tant de ces gémissements incroyablement américanistes, pépites absolument incomparables du discours de la rhétorique du très-bienpensant, sans souci du décalage et du simulacre, de ce type, – voyez (je simplifie) :
“Vous savez, les Russes, quand ils se sont installés quelque part, pour les faire déguerpir, hein, vous voyez ce que je veux dire...” (clin d’œil rapide vers la Crimée), et lui-même, secrétaire d’État, terminant dans sa tête et sans dire mot de risque d’exposer du ‘classified’ à la rapacité du KGB-FSB, lui nourri de sa gloire humble qu’il n’expose pas et de sa grandeur exceptionnelle qu’il dissimule : “Nous au moins, je le dis tout net, nous on se tire quand il le faut, quand on nous le demande, quand les règles du droit s’imposent, voyez Kaboul août-2021 les gars !”
Revenons au sérieux et lisons ce qu’en dit RT.com, qu’on ne peut en aucun cas soupçonner d’impartialité ni d’objectivité, ni de professionnalisme à l’occidental pour le coup, donc avec toutes les raisons du monde d’essayer de nous faire voir les USA en couleurs sombres et diffamatoires :
« Interrogé sur les manifestations et les émeutes en cours au Kazakhstan lors d'un point de presse vendredi, [le secrétaire d’État US] Blinken a fait valoir que la situation dans ce pays était distincte des tensions qui se développent chez un autre voisin russe, l'Ukraine, mais a affirmé que Moscou pourrait avoir des arrière-pensées en prenant la tête d'une réponse de sécurité conjointe pour réprimer la violence.
» “Je pense qu'une leçon de l'histoire récente est qu'une fois que les Russes sont dans votre maison, il est parfois très difficile de les faire partir”, a-t-il déclaré à la fin de la conférence de presse, sans donner plus de détails.
» Ce commentaire a suscité une vive réaction de la part du ministère russe des affaires étrangères, qui a reproché à M. Blinken de prendre à la légère les “événements tragiques” qui se déroulent dans l'ancien État soviétique, où des manifestations initialement pacifiques contre une hausse des prix du carburant ont rapidement dégénéré en affrontements meurtriers avec les forces de sécurité, ainsi qu’en incendies criminels, en actes de vandalisme et en pillages. »
En fait, cette affaire du Kazakhstan nous a pris par surprise, vous, eux, nous, – tous ceux-là avec nous-mêmes qui sommes et sont encalminés dans nos affaires de masques et de wokenisme, de complots et de crise de civilisation. Cela a éclaté au Kazakhstan le Jour de l’An et on a vraiment commencé à en parler le 4-5 janvier.
Signe inhabituel qu’il est bon de souligner d’un trait têtu, qui est comme un hommage du simulacre à la narrative : les Ricains, qui sont les premiers à applaudir, voire à distribuer des McDo aux insurgés, à féliciter les meneurs qu’ils viennent d’amener en avions-cargo, au milieu de palettes de dollars imprimés par la CIA, – bref, une “color revolution” selon les normes de l’art, quoi, qu’on ne dissimule surtout pas ni ne dément en aucune façon, bien au contraire, qu’on acclame bon Dieu ! Au côté de laquelle on se range, et comment ! Eh bien, cette fois ils se sont précipités pour proclamer : “Ce n’est pas nous ! Nous n’y sommes pour rien ! Encore un coup des Russes qui ne sont pas gentils avec nous !” A ne pas croire... D’autant plus qu’ils ont très vite envisagé l’évacuation de leur ambassade, pour se reporter sur la formule des “départs volontaires”, ce qui est tout le contraire des habituelles ‘color revolution’ où l’ambassade US du lieu est pleine à craquer, de la CIA à la DIA, et sert de centre de commandement des révoltés.
Encore RT.com (ma seule source, vues mes accointances avec le Ciel) qui remue le couteau suisse dans la plaie :
« La Maison Blanche suit le déroulement des manifestations au Kazakhstan et soutient “les appels au calme, pour que les manifestants s'expriment pacifiquement et que les autorités fassent preuve de retenue”, a déclaré [la porte-parole du président] Jen Psaki aux journalistes mercredi [5 janvier].
» “Il y a des allégations russes farfelues selon lesquelles les États-Unis seraient derrière tout cela, alors permettez-moi de profiter de cette occasion pour dire que c’est absolument faux et que cela fait clairement partie du standard de désinformation russe”, a-t-elle déclaré. »
Et pendant tout ce temps, la révolte se poursuit et semble contenue, avec des arrestations marquantes et des tentatives d’explication des événements tandis que les trouffions russes, chargés de quelques copains de l’organisation OTSC (le groupe des anciens pays formant l’URSS) et mettant en avant leurs ‘Spetsnaz’, débarquent dans le pays en trouble et commencent à aider les troupes locales à rétablir l’ordre, en s’en tenant à la protection de points stratégiques mais avec mission d’intervenir si la situation l’exige. Manœuvre stratégique inédite ouvrant bien des champs à la Russie qui est en train de peindre des lignes rouges sur l’autoroute eurasiatique.
Fedor Loukianov, intellectuel et directeur de la revue ‘Russia in Global Affairs’, assez proche de Poutine mais plutôt sur sa gauche, mais une gauche qui n’a point froid aux yeux dans la circonstance, juge que le Kazakhstan est un bon prototype de démonstration, – ou comment ne pas craindre les ‘révolutions de couleur’ mais plutôt en fabriquer une en termes de communication pour contrôler des événements de désordre dans un pays voisin (texte dans RT.com [‘what else ?’], traduit par ‘Le Sakerfrancophone’) :
« Les raisons pour lesquelles le gouvernement kazakh est au bord de l’effondrement sont de nature interne et sont liées au transfert prolongé et de plus en plus étrange du pouvoir après le règne de près de trois décennies de Nursultan Nazarbayev.
» Cependant, les manifestations de rue, qui ont été déclenchées par les prix du carburant et ont vu des bâtiments gouvernementaux incendiés et des troupes se rendre aux manifestants, ont été immédiatement présentées comme un acte d’agression extérieure de la part de “groupes terroristes” étrangers. Désormais, il semble que l’ennemi vienne toujours de l’extérieur, même s’il est en réalité à l’intérieur. Cette affirmation a permis de déclarer officiellement que le pays est attaqué et de faire appel à l’OTSC [et donc à la Russie]. [...]
» Ce qui est clair, c’est que si le fait de qualifier les manifestants de “terroristes” étrangers a permis au gouvernement kazakh d’obtenir des soutiens de poids de l’étranger, cela a propulsé le conflit sur la scène internationale... »
C’est en effet le sens général du jugement de Loukianov, qui renverse de façon assez originale l’habituel événement de la “révolution de couleur” et les habituels jugements, avec les habituelles pesées des appréciations fortes et radicales toujours à gauche de l’ultra-gauche et à droite de l’ultra-droite, de l’irrésistibilité et invincible puissance américaniste et de la vulnérabilité un peu peureuse des Russes.
Renversement ? Ce que nous dit Loukianov, c’est qu’on en vient à faire d’événements intérieurs des “révolutions de couleur” pour pouvoir mieux appeler les amis russes à l’intervention. D’où la vision optimiste (pour les Russes et Poutine) de l’événement selon Loukianov :
« C’est la première fois que la Russie utilise une institution qu’elle contrôle pour poursuivre ses propres objectifs politiques. Jusqu’à présent, il semblait que de telles structures étaient purement ornementales. Il est clair que les forces de maintien de la paix de l’OTSC déployées au Kazakhstan seront principalement constituées de troupes russes. Tout d’abord, cela garantit une réponse efficace. Ensuite, si le Kazakhstan peut accepter la présence de troupes russes sur son sol, il n’est absolument pas question de forces arméniennes ou, disons, kirghizes. Néanmoins, l’utilisation de la coalition offre à Moscou davantage de possibilités et justifie en outre l’existence de cette alliance. L’avenir dira si d’autres États membres de l’OTSC seront confrontés au scénario kazakh, mais un précédent a été créé.
» À l’approche des pourparlers russo-américains sur les questions de sécurité, cette situation vient à point nommé pour rappeler que Moscou peut prendre des décisions militaires et politiques rapides et peu orthodoxes pour influencer les événements dans sa sphère d’intérêt. Plus cette construction est importante, plus la responsabilité assumée est grande, bien sûr, y compris la responsabilité des développements dans les pays où les problèmes sont loin d’être terminés. Bien sûr, Moscou devra de toute façon faire face aux retombées de ces problèmes, et il est plus facile de le faire de manière proactive et grâce à une variété d’outils à portée de main. »
Cette analyse sur l’avantage de Moscou, non seulement contre une hypothétique menace ou concurrence, mais par le fait même de l’intervention russe selon des règles qui font précédent, est partagée par ‘MoonofAlabama’, citant notamment l’excellent analyste travaillant pour la Fondation Carnegie à Moscou, Dimitri Trenine (traduction à nouveau du ‘Sakerfrancophone’) :
« Les troupes de l’OTSC qui débarquent actuellement à Almaty mettront quelques jours à mettre fin à la rébellion. Mais l’issue ne fait aucun doute.
» Moscou, et non Washington DC, aura le dernier mot sur l’identité du vainqueur.
» Il est finalement possible que les résultats de toute cette affaire, comme les tentatives ratées de changement de régime des États-Unis en Biélorussie, n’affaiblissent pas la Russie mais la renforcent :
» “Dmitri Trenin @DmitriTrenin – 7:57 UTC – 6 Jan 2022 : ‘Le #Kazakhstan est un autre test, après le #Belarus, de la capacité de la Russie à aider à stabiliser ses alliés officiels sans s’aliéner leurs populations. En tant que première action de l’OTSC depuis sa création en 1999, c’est un test majeur pour le bloc. Beaucoup d’embûches potentielles, mais une réussite de Moscou peut devenir un atout majeur pour le pays’”. »
Alors et tenant compte de ce qui paraît une situation en voie sinon d’apaisement dans tous les cas de reprise de contrôle, l’essentiel devient évidemment de voir dans quelle mesure et dans quel sens cette affaire va peser sur les négociations entre Russie et USA à partir du 10 janvier sur la sécurité européenne, et notamment sur la position, des Russes.
Tout ce qu’on a vu montre plutôt les Russes en situation active, voire offensive, tandis que les américanistes restent, en position plutôt défensive, sur le bord de la touche et de la route. Dans tous les cas, l’intervention russe, non seulement renforce la position de la Russie en démontrant indirectement qu’il peut y avoir passage à l’acte s’il y a menace, mais pousse (certains pourraient dire : “force”) Poutine à durcir sa position en maintenant plus que jamais ses exigences : quand on montre sa force, c’est pour en profiter lors des négociations qui suivent. Il est alors difficile de voir comment les “partenaires” US pourraient assurer une position de résistance active, sinon en cochonnant ces négociations sans rien obtenir pour eux-mêmes, – ce qui ne serait pas extrêmement, ni glorieux ni avantageux. Et même en inversant, même en acceptant l’hypothèse d’une manigance US à l’origine, là aussi Poutine est poussé avec le moyen de le faire à cause de son intervention, au durcissement pour donner tout leur crédit à ses exigences.
Pour un peu si l’on suit une certaine forme un tantinet “complotiste” du raisonnement, on se laisserait aller à imaginer que les choses ne se passeraient pas mieux si la Russie avait manigancé toute l’affaire pour établir son “droit à l’intervention” et se pousser elle-même à une position dure vis-à-vis des USA...
Comme on dit, pour faire une chute et quoi qu’il en soit : “Si non è vero, è ben trovato”...