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38662 avril 2021 – “Diplomatie” est, aujourd’hui, dans cette séquence vertigineuse qui nous accable de tout son poids, un mot étrangement vide. Il n’y a là-dedans rien de quoi nous étonner puisque partout se manifeste « L’énorme poids du rien » ; mais quoi, je suis un homme de l’ancien temps, et bien que je sois, à la différence des experts des temps nouveaux, bien prompt à identifier cet “état de vide” qui équivaut au “rien”, et avec le poids qui va avec, je reste aussi prompt à m’en étonner tout de même.
Quoi qu’il en soit, je crois comprendre le jeu des Russes : les échecs, et dans le plus grand silence de mort et avec ce qu’il faut de mépris à peine agacé, si bien que l’adversaire qui somnole dans le bureau ovale ne s’aperçoit de rien. Il ne s’aperçoit de rien, donc il ne distingue même pas le “rien” qui caractérise sa propre diplomatie ; par conséquent, mot qui sonne effectivement “étrangement vide”.
Toute cette littérature un peu absconse n’est là que pour faire traîner le suspens qui marque la découverte que j’ai faite d’une situation d’une extraordinaire tension qui se développe, en quelque sorte, comme « un long fleuve tranquille ». Je fais cette remarque tout simplement parce que je découvre, au détour d’un texte de RT.com présenté lui-même sans faire montre de la moindre nervosité, que les Russes, qui ont rappelé leur ambassadeur à Washington D.C. le 20 mars après que Biden ait qualifié Poutine de « tueur », n’ont actuellement « aucun projet fixé » de le renvoyer aux USA. Tout se passe comme si les Russes, sans tambour ni trompette, nous disait que, pour eux, pour le temps qu’il faudra, les USA n’existent plus officiellement...
(Au reste, vous expliqueraient les Russes, pourquoi renvoyer l’ambassadeur ? Plus personne à D.C. ne veut le rencontrer. Les réseaux de surveillance de l’asile marche à plein et l’on vit dans la terreur d’une dénonciation si l’on vous voit avec un ambassadeur russe.)
Je vous donne ci-dessous l’essentiel du texte (laissant de côté le rappel de ce que nous savons déjà), avec cette précision de Lavrov selon laquelle rien n’est prévu pour l’instant pour le renvoi de l’ambassadeur à son poste.
« Le département d'État américain a nié que Washington soit responsable de la récente détérioration des relations avec Moscou, alors que Biden a déclenché un nouveau conflit diplomatique en suggérant que le président russe est “un tueur”.
» Jeudi, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré aux journalistes que l’état des relations entre les deux pays avait “touché le fond” et qu’il n’existait actuellement aucun projet fixé de renvoi de l’ambassadeur de Moscou à Washington. Antonov avait été rappelé à la suite d’une tension diplomatique croissante après qu’un présentateur de télévision eut demandé à Biden s’il pensait que le président russe Poutine était “un tueur”. “Mmm-hmm, je le pense”, avait répondu Biden.
» “Il est important d’analyser le stade actuel des relations avec les États-Unis”, a déclaré Lavrov. “Elle n'a pas été créée du jour au lendemain, ni au moment de cette interview, – elle s’est développée au fil des ans”.
» “La façon dont des propos inappropriés ont été lancés lors de l'interview de Biden... a montré l’urgence pour nous d’évaluer ces relations”, a déclaré le diplomate. “Cela ne signifie pas que pendant toutes ces années, nous nous sommes contentés d’observer et n’avons pas tiré de conclusions. Mais maintenant, le temps est venu de faire des généralisations.”
» Cependant, Ned Price, le porte-parole du département d’État américain, a profité d’un briefing jeudi pour dire que c'était la Russie qui avait conduit à l’escalade des tensions entre les deux capitales. Il a déclaré que les tensions étaient simplement dues au fait que les États-Unis enquêtaient sur “l’agression de la Russie contre notre démocratie en 2016 et plus récemment en 2020”, ainsi que sur “les rapports de primes russes promises pour chaque soldat américain tué en Afghanistan.”
» Il a également souligné les allégations de cyberguerre, l'emprisonnement de la figure de l'opposition Alexey Navalny et l'arrestation subséquente de manifestants pro-Navalny comme prétextes à la récente brouille entre les pays. Toutefois, a ajouté M. Price, “lorsqu’il existe des domaines de coopération potentielle, des domaines qu’il est dans notre intérêt national, – celui des Etats-Unis, – de poursuivre, nous le ferons”.
» Le fait que M. Biden ait rompu avec le langage traditionnellement prudent à l'égard des dirigeants étrangers avait provoqué une vague de critiques à Moscou... »
Il est vrai qu’en d’autres temps, où l’on prenait au sérieux le terme de “diplomatie”, la durée du rappel de l’ambassadeur russe sans pour l’instant de plan prévu pour son retour aurait, dès la confirmation officielle de la chose, provoqué une tempête de consultations et d’échanges divers, avec le but, essentiel à toute diplomatie toutes nations confondues, de rétablir une situation normale. Mais non, les deux superpuissances nucléaires sont dans un état de relations diplomatiques semi-rompues, et cela ne fait pas plus de bruit qu’un discret glouglou le long du fleuve tranquille.
Si j’interprète assez bien et aisément le jeu des Russes, – les échecs dans le silence méprisant le plus complet hors les explications latérales, – bien entendu la situation des USA, appuyée sur l’habituel tas d’ordures mensongères arrosées d’eaux plusieurs fois usées, et usés jusqu’à la corde les mensonges tant ils nous été servis et resservis, cette situation me paraît chaque jour plus extra-ordinaire. Littéralement, – je n’ai pas d’autre mot, – ils s’en foutent parce que rien d’autre n’existe hors d’eux-mêmes et de leurs folies carnavalesques...
« Vous savez, ils sont vraiment fous ! », me dit le lapin blanc d’Alice in WonderLand, puis consultant à la volée sa montre à gousset, et allant s’écriant : “Ils sont de plus en plus fous, ils sont toujours de plus en plus fous”.
Alors, conduit par le cours du fleuve, j’en reviens à « L’énorme poids du rien », à ce constat d’une situation qui voit défiler des événements dérisoire devenant des crises cosmiques, tandis que d’autres événements, effectivement très importants sinon très alarmants selon le sens convenu des choses, passent complètement inaperçus...
« Nous sentons l’écrasement d’un terrible poids, d’une pression épouvantable comme d’une tempête infernale qui bouleverse le monde, qui aurait le poids littéralement d’une montagne pesant sur nous, puis aussitôt après, une sorte de faux-calme désenchanté et un peu désabusé, voire las et méprisant.
» C’est une sorte d’écrasement universel assez paradoxal, – ou bien dirions-nous un “écrasement universaliste” très paradoxal ? – mais dans tous les cas, affreusement pressant, étouffant... Alors que nous identifions l’instant d’après l’espèce de vacuité quasiment absolue d’événements qui n’en sont pas vraiment sinon ceux d’une sorte de Sainte-Folie qui n’a ni sens ni stature... [...]
» Ce que nous subissons est effectivement “énorme”, mais aussi à la fois étrange et extraordinaire. Il n’y a pas de crise métahistorique écrasante et visible, ni plusieurs crises furieuses et hurlantes, – du moins, pour la plupart d’entre nous, nous n’en entendons rien. Par conséquent pas d’“attente de crise” comme chez Maistre, mais bien une “structure crisique” qui fait que tout, absolument tout est d’ores et déjà crise. On pourrait dire que “tout fait crise”, comme l’on dit que “tout fait sens” ; et tout cela se réalise, “sous nos yeux aveuglés”. »
Effectivement, il me semble bien que les Russes ont rompu les ponts avec le monde parallèle de Washington D.C., – “D.C.-la-folle”. C’est effectivement le jeu des échecs dans un silence complet, et glacial de surcroit, aussi froid qu’au cœur de la Sibérie profonde. Ils écrasent d’une attitude d’une complète indifférence méprisante leur “partenaire” encalminés dans les folies diverses de leur direction et des effets à effet nul des décisions de leur direction. Ils ont décidé qu’ils se repliaient dans leur monde et vivraient désormais selon ses règles, qui sont pour l’extérieur celles des échecs “dans un silence complet et glacial”, et d’une bonne dose de mépris.
Tiens, avant-hier, “diplomates” américanistes et perroquets otaniens, sans compter les crécelles ukrainiennes, se sont inquiétés de mouvements de troupes russes à la frontière entre la Russie et le Donbass dissidents. « Les mouvements de troupes sur notre territoire ne sont pas de vos affaires », ont répondu poliment nos Russes. Les uns se demandent si la Russie « est sur le point d’envahir l’Ukraine », les autres si l’on ne se dirigent pas vers la Troisième Guerre mondiale. Les Russes ne répondent pas, très poliment, que ce ne sont pas les affaires du Lapin Blanc. On transmettra.