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1187Il est manifeste que les Russes croient avoir avec Obama, dans cette période du début de l’administration dans tous les cas, une bonne opportunité, sinon d’arrangements immédiats, du moins d'une détente ouvrant l’opportunité d’arrangements. Pour les Russes, outre les divers signes indicateurs d’une certaine prudence dans le camp Obama vis-à-vis du BMDE depuis l’élection d’Obama, la volonté officiellement affirmée de l’administration Obama de “parler” avec l’Iran constitue un autre volet d’une appréciation positive, du sens d’une opportunité à saisir. Une poussée US d’une détente avec l’Iran ouvre la perspective de discréditer complètement l’argument officiel du déploiement du BMDE (anti-missiles) en Europe, en Pologne et en Tchéquie, – cet argument officiel étant la crainte d’une menace balistique nucléaire iranienne. Certes, il est difficile de trouver un expert ou un diplomate sérieux pour accepter cet argument, mais son discrédit officiel constituerait un tel revers pour le dossier BMDE qu’il serait bien difficile de continuer à le soutenir en l'état. S’il continuait à être déployé, le BMDE deviendrait quasi-officiellement ce qu’il est largement soupçonné d’être: un système directement anti-russe. Il est fortement improbable que l'administration Obama accepte de prendre cela à son compte.
On peut donc voir un lien de cause à effet entre les spéculations qui précèdent et l’annonce, aussitôt répercutée, que les Russes suspendent leur projet de déploiement de missiles sol-sol SS-26 Iskander à Kaliningrad. Cette suspension est directement liée à l’affirmation, qui semble refléter une conviction officielle de la direction russe, peut-être même étayée par des informations venant de Washington, que les USA sont en train de “réévaluer le déploiement des anti-missiles en Europe”. L’annonce du déploiement des Iskander avait été faite par Medvedev le lendemain (5 novembre 2008) de l’élection d’Obama, comme une mesure destinée à équilibrer préventivement ce que les Russes considèrent comme une menace contre eux (le système BMDE).
Le Times du 28 janvier rapporte la nouvelle de la suspension du déploiement des Iskander.
«Russia held out an olive branch to President Barack Obama today by suspending plans to deploy missiles in Europe, according to a report in Moscow. An official from Russia's General Staff in Moscow told Interfax news that the move had been made because the new United States leadership was reconsidering plans to establish a missile defence shield in eastern Europe. Deployment of Iskander short-range missiles, which can carry nuclear warheads, was being suspended in Russia's Baltic exclave of Kaliningrad in response, the unidentified official said. […]
»“These plans have been suspended because the new US administration is not pushing ahead with the plans to deploy...the US missile defence system in Poland and the Czech Republic,” the General Staff official told Interfax. “Russia does not need to deploy Iskanders in the Kaliningrad region if the US does not install its missile defence facilities in Eastern Europe.”
»There was no immediate official confirmation from Russia's Defence Ministry of the change in policy. But it would come at a critical moment as Mr Obama seeks to engage Iran to dissuade the Islamic regime from continuing with plans to develop a nuclear bomb.»
Il y a sans aucun doute un mécanisme en marche pour une détente sur divers “fronts“, passant aussi bien par la réévaluation des rapports des USA avec l’Iran, que par la réévaluation de la question des anti-missiles. Le fait intéressant, bien connu mais jusqu’ici exploité dans le sens de l’aggravation des situations, est celui des liens existant entre ces différentes affaires. A l’inverse de ce qu’on a constaté jusqu’ici, l’enchaînement est désormais vertueux; la détente sur un front tend à conduire à la détente sur un autre front qui lui est lié. C’est dans tous les cas l’orientation qui semble en train d’être prise, chaque partie, notamment la Russie et les USA, semblant jouer d’une manière peut-être en partie coordonnée, par des annonces publiques présentées comme des initiatives qui tendent à ajouter leurs effets et à les renforcer mutuellement. L’annonce faite à Moscou accompagne l’arrivée de Poutine à Davos et précède une intervention du Premier ministre russe à cette conférence, – lequel Poutine multiplie les déclarations pour souligner ce qu’il juge être des “signes positifs” venus de Washington.
Il y a un rythme derrière tout cela, on le constate, mis à part le seul cas de l’Afghanistan, mais lui aussi avec quelques ambiguïtés. Ce rythme est une spécificité de toute nouvelle administration, il l’est encore plus d’une nouvelle administration qui prétend apporter de grands changements, qui succède à une période aussi catastrophique que la période Bush. Ce rythme implique des nouveautés, des révisions, et c’est dans cette perspective qu’il faut considérer la question iranienne et la question du BMDE, et les deux liées entre elles. L’idée, en général alimentée par divers contacts avec l’administration Obama, qu’il y a “une fenêtre d’opportunité” pour susciter ou accompagner de grands changements de la part de l’administration Obama, est notamment justifiée par le constat que le rythme de la nouvelle politique impose le silence pendant un certain laps de temps aux critiques qui ne manqueront pas de naître contre cette éventuelle politique Obama, qui sera alors jugée par certains comme trop conciliante, sinon capitularde.
Et puis, il y a l’autre facteur, le facteur exceptionnel, qui fait à notre sens l’essentiel du cas. Encore et toujours, nous revenons à la sempiternelle, la formidable crise intérieure US, qui pèse de plus en plus fortement sur la politique extérieure. C’est vraiment l’élément capital, qui renforce le rythme décrit plus haut, qui pousser à l’exploitation d’opportunités de détente qui constitueraient un allégement du fardeau extérieur. La crise fait effectivement que la “fenêtre d’opportunité” pourrait bien s’institutionnaliser, dépasser le temps de l’opportunité…
Mis en ligne le 28 janvier 2009 à 14H24