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1036Quelques semaines avant son départ de la présidence du Joint Chiefs of Staff des forces armées US, l’amiral Mullen se trouve en Chine pour une importante mission : tenter de verrouiller les relations stratégiques entre cette puissance et les USA.
Le site DoDBuzz.com a, ce 11 juillet 2011, un commentaire mi-fataliste mi-acide sur ce voyage. Le site y voit, dans une lumière aveuglante, une démarche d’apaisement fondamentale, suivant d’autres “gestes” du même type de l’administration Obamza.
«Just like Fredo Corleone, communist powers want one thing above all others — respect — and after many bumps in the road, the Obama administration’s strategy this year with China has been to give exactly that. Secretary Gates played it cool when the J-20 flew during his visit. He didn’t make any threats about Kim Jong Il’s misbehavior; he just reminded everyone that it’s unwise to play with fire. Chinese President Hu Jintao had a relatively smooth visit to Washington, as did China’s top general, Gen. Chen Bingde — in this context of low expectations, both of their comparatively boring, standard diplomatic trips count as successes.
»When the prospect of a big arms sale to Taiwan threatened to upset this thaw, Washington put the kibosh on it. And now, Adm. Mullen has taken up Chen’s offer to visit China, where he arrived this weekend to visit with his counterparts and tour Chinese military facilities. The United States, Mullen repeated, wants a military-to-military relationship with China that can weather the diplomatic storms that crash across the Pacific every so often, and in particular, he told Chinese officials that it was important “to strengthen exchanges between the two nuclear strategic forces,” according to the China Daily.»
BoDBuzz.com cite des extraits d’un discours que Mullen a fait dimanche 10 juillet à l’université de Pekin, où le chef d’état-major général des forces armées US reconnaît à la Chine le statut de “puissance globale”, – ce qui conduirait les uns et les autres, et les Chinois en particulier, à considérer que cette reconnaissance place, aux yeux même des Américains, la puissance chinoise à parité avec la puissance US. Ci-dessous, en date du 10 juillet 2011des extraits de ce discours, présentés sur le site officiel du Pentagone ( American Forces Press Service). Nous soulignons de gras la phrase qui est largement présenté comme la plus importante du discours.
«The top U.S. military officer called upcoming military engagements between the United States and China an encouraging sign that the two countries are beginning to build a relationship that advances both their interests and their ability to confront common challenges. The United States seeks “a sustained and reliable military-to-military relationship with China,” Navy Adm. Mike Mullen, chairman of the Joint Chiefs of Staff, emphasized during a speech today at Beijing’s Renmin University. (…)
»First, both the United States and China must “work from a posture of mutual respect,” recognizing each others’ strengths and achievements. “When we do come together to talk, it should be from an honest and deep appreciation of the others’ positions, challenges, aspirations and interests,” he said.
»Secondly, Mullen said both the United States and China must recognize that local issues that impact Asia and the Pacific often have global implications. “Both of our nations recognize the emerging challenges of nuclear proliferation, terrorism, growing global energy demands and the geopolitical implications and stresses of climate change,” he said. “Therefore, our exchange must not be limited to the Asia-Pacific, but should range farther and wider, as befits our shared interests and China’s increasing ability to contribute positively and beyond your shores.”
»Finally, Mullen urged the two nations to look “to the future, not to the past.” “China today is a different country than it was 10 years ago… It is no longer a rising power. It has, in fact, arrived as a world power,” Mullen said. Likewise, he said the United States is changing, too, along with the context and global order in which both countries operate.»
Ces déclarations sont assez importantes pour mériter une interprétation à la fois globale et intégrée, c’est-à-dire qui concerne l’entièreté du domaine stratégique dans son sens le plus large, et les relations entre les USA et la Chine au niveau global. Ainsi, lorsque Mullen dit aux Chinois qu’ils sont une “puissance globale” (mondiale), les Chinois ne se priveront pas de traduire “une puissance globale à parité avec les USA” ; et lorsque Mullen dit que les problèmes de la zone Asie-Pacifique, où les USA et la Chine ont leur mot à dire, ont nécessairement un impact global, les Chinois ne se priveront pas de traduire que l’inverse est vrai.
…Que signifie “l ‘inverse” ? Simplement que, puisque les USA estiment avoir des intérêts engagés dans les événements de la zone Asie-Pacifique, et qu’ils justifient cela par la portée mondiale de ces événements en fonction de leur propre statut de “puissance globale”, en plaçant l’ensemble dans le cadre de bonnes relations entre la Chine et les USA, les Chinois peuvent riposter qu’ils éprouvent eux-mêmes un sentiment similaire pour les événements au Moyen-Orient, voire les événements dans la zone Amérique-Pacifique… Ce qui conduit à s’interroger pour savoir ce que diront et ne pourront pas dire les USA si, demain, une flottille chinoise patrouille au large de l’Amérique centrale, du Mexique, voire de la Californie, en arguant que la chose fait partie de leur préoccupation pour la répercussion vers l’Asie des événements dans cette zone, et cela dans le cadre de bonnes relations entre la Chine et les USA. On se doute que les stratèges américanistes n’apprécieront pas précisément, mais on pourra toujours leur ressortir le discours de Mullen : qui est une “puissance mondiale” voit sa présence de contrôle stratégique justifiée dans toutes les grandes zones stratégiques du monde.
Cela bien compris, qui ouvre de troublantes perspectives sur l’avenir, il faut évidemment comprendre ce que signifie le voyage de Mullen en Chine, qui pourrait finir par ressembler, dans les analyses et la mémoire qui en resteront, à une sorte de Canossa élégant et subreptice. Le grand chef des forces armées US vient voir les Chinois, porteur d’un tel message moins de trois semaines après les décisions d’Obama en Afghanistan, unanimement perçues comme l’annonce d’un désengagement qui ressemble à une défaite camouflée des USA. Les conclusions vont d’elles-mêmes, et l'on observera que, dans de telles conditions, la démarche de Mullen ressemble, encore plus qu'à une reconnaissance de parité avec la Chine, à la tentative d'une “puissance globale” en déclin accéléré de verrouiller certains liens stratégiques avant de perdre la légitimité à prétendre à de tels liens.
Mis en ligne le 12 juillet 2011 à 12H54