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5141• Le sommet des BRICS qui s’ouvre demain à Johannesbourg est partout salué comme un “événement extraordinaire”, par ceux qui en attendent tant et par ceux qui aimeraient y voir le signe de l’avortement. • Certains commentaires vont d’instinct et d’intuition à une autre voie pour présenter la chose. • Pépé Escobar nous en parle à partir d’une perspective venue de Boukhara, la ville chargée de la sacralité du saint soufi Bahâ’uddin Naqshband. • Ainsi est respectée la dialectique aujourd’hui nécessaire : le lien entre la Tradition et notre effondrement.
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Parmi les nombreux commentateurs de la dissidence, la Communauté Alt-Media (AMC) comme les désigne Andrew Kolybko, passe de plus en plus un courant tendant à une plus haute spiritualité pour mieux affronter et réduire le vide des incidents et crises terribles et déconstructrices du Système qui est maître des artifices et des simulacres. Il s’agit, si l’on veut, de passer des avatars courants et mal interprétés, aux Avatars dont le sens fut si affreusement détourné. Dès lors, les interprétations et les commentaires tendent à établir des liens entre des sacralités du passé dont on retrouverait la trace pour notre sauvegarde, et les choses insupportables et incompréhensibles qui parsèment cette époque de sans-Dieu... Les rues oppressantes de nos cités laissées à l’abandon clinquant de la modernité ont leurs sans-dents comme disait l’autre ; nos élites dont “l’autre“ fait partie ne peuvent être que des sans-Dieu.
... D’où ce choix du texte de Pépé Escobar, en ouverture au sommet des BRICS à Johannesbourg. Escobar a de tous les temps de ces entreprises, montré un soutien indéfectible du Sud-Global, des BRICS, du SCO, et ses commentaires et ses enthousiasmes en étaient marqués et parfois un peu trop influencés ou idéalisés. Dans le texte ci-dessous, par contre, il offre pour l’événement courant (le sommet BRICS) une perspective spirituelle qui est absolument bienvenue, évidente et fondamentale, aussi bien élevée jusqu’aux hauteurs de l’esprit intuitif qu’appuyée sur la raison ferme et nécessaire, avec tous les ingrédients terrestres et humains qui importent.
« Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a inventé une définition concise qui incarne un mélange fascinant de confucianisme et de soufisme :
» “Les pays des BRICS sont comme cinq doigts : courts et longs s’ils sont étendus, mais un poing puissant s’ils sont serrés ensemble” ».
Escobar lie ainsi aussi bien l’évolution des BRICS au destin du SCO (Organisation de Coopération de Shanghai) que le sommet de Johannesbourg à l’esprit venue de Boukhara, la ville sacrée du saint soufi Bahâ’uddin Naqshband. Le lien est ainsi fait entre ces entreprises terrestres comme tentatives de détruire le Système diabolique et la Tradition primordiale, à laquelle le soufisme, comme d’autres courants religieux, fut et reste rattaché. L’homme de cette philosophie primordiale au XXème siècle, le métaphysicien René Guénon, catholique, fut et reste vénéré par les soufies, auquel il se rattacha lui-même en s’installant au Caire au début des années 1930, tout proche de l’Islam sinon converti (la chose n’est pas établie et peu importe)... L’on comprend effectivement qu’importent peu ici les courants religieux dont on fait aujourd’hui des armes idéologiques, – “to weaponize religions”, – puisqu’il s’agit de voir en eux, en chacun d’eux une branche de la Tradition.
Il est certainement nécessaire de suivre avec attention sinon fièvre le sommet extraordinaire des BRICS à Johannesbourg, qui s’inscrit dans le déferlement de la GrandeCrise, cet événement effectivement extraordinaire nous emportant désormais d’une façon assurée depuis 2015-2016 après un envol tumultueux le 11-septembre, il y a vingt-deux ans. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit bien du « moment “décisif et final” », comme l’écrit Giovanni Sessa dans sa préface de ‘Metapolitica’ de Silvano Panunzio...
« Les esprits qui agissent dans le monde sont à la fois catagogiques et anagogiques. Les premiers visent à dégrader la nature humaine jusqu'à la rendre sauvage (en cela, les “signes des temps” évidents semblent confirmer la thèse de Panunzio), tandis que les seconds poussent l'homme vers le haut, vers l'atteinte de la nature angélique. Ce duel entre les forces célestes et infernales est vieux de plusieurs milliers d'années. L'époque actuelle, cependant, est le dernier âge, nous sommes au moment “décisif et final” de la crise. »
Nous ne savons pas exactement quoi faire des BRICS ni des SCO, c’est-à-dire quelle place et quelle importance leur attribuer, y voir un rôle d’“outils” ou plutôt un rôle de “fondements”. Peu nous importe... Il nous importe d’abord et singulièrement, sinon exclusivement et absolument, que ces évènements constituent des dynamiques faites pour frapper, endommager et peut-être détruire l’emprise diabolique et satanique qui règne sur le monde depuis au moins “plus de deux siècles”.
« Il est en effet possible d’avoir une lecture soufie de toutes ces plaques tectoniques géopolitiques et géoéconomiques en mouvement. Autant les promoteurs de “Diviser pour régner” et les chiens de guerre seraient désemparés en visitant le complexe Naqshband à l’extérieur de Boukhara, autant le “Globe mondial” pourrait trouver toutes les réponses qu’il cherche en s’engageant dans un processus de conversation et de respect mutuel. »
Le sommet des BRICS est une lanterne parmi d’autres qui indiquent qu’il y a des “lumières dans les ténèbres de la folie”. C’est à cette formule que nous avons ramené le titre initial (« De Boukhara aux BRICS, à la recherche de la lumière dans les ténèbres de la folie »), venu de ‘Strategic-Culture.org’ et ‘Réseau International’ pour la version française.
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Boukhara La Noble, le “Dôme de l’Islam”, dont l’histoire remonte à 2500 ans, recèle trop de merveilles pour être toutes citées : de l’Arche, vieille de deux millénaires, forteresse autour de laquelle la ville s’est développée, au minaret Kalon, haut de 48 mètres, construit en 1127, qui a tellement impressionné Gengis Khan qu’il a ordonné qu’il ne soit pas rasé.
L’élégante bande turquoise près du sommet du minaret est l’exemple le plus ancien de tuiles vernissées dans tout le Heartland.
Selon le Shanameh, l’épopée persane, le héros Siavach fonda la ville après avoir épousé la fille du voisin Afrasiab. Même avant l’ouverture des anciennes routes de la soie, Boukhara prospérait en tant que carrefour de caravanes, ses portes donnant sur Merv (dans l’actuel Turkménistan), Hérat (dans l’ouest de l’Afghanistan), Khiva et Samarcande.
L’apogée de Boukhara se situe aux IXe et Xe siècles, sous la dynastie samanide, lorsqu’elle devint un haut lieu de la culture et de la science persanes. C’est l’époque d’al-Biruni, du poète Rudaki et bien sûr d’Avicenne : ils avaient tous accès au légendaire Trésor de la Sagesse, une bibliothèque qui, dans le monde islamique, n’a d’égale que la Maison de la Sagesse de Bagdad.
Boukhara a été en grande partie rasée par Gengis Khan et les Mongols en 1220 (oui : seul le minaret a été épargné). Lorsque le grand voyageur marocain Ibn Battuta s’y est rendu en 1333, la majeure partie de la ville était encore en ruines.
Mais en 1318, quelqu’un de très spécial est né à Kasri Orifon, un village situé à l’extérieur de Boukhara. Au début, il était simplement connu sous le nom de Mohammed, d’après son père et son grand-père, dont les origines remontaient à Hazrat Ali. Mais l’histoire a voulu que Mohammed devienne célèbre dans toutes les terres d’Islam sous le nom du saint soufi Bahâ’uddin Naqshband.
Que contient un nom ? Tout. Bahauddin signifie “la lumière de la religion” et Naqshband signifie “chasseur”. Son éducation a été enrichie par plusieurs pirs (“saints”) et cheikhs vivant à Boukhara et dans ses environs. Il a passé presque toute sa vie dans ces oasis, très pauvre et comptant toujours sur son propre travail manuel, sans esclaves ni serviteurs.
Bahâ’uddin Naqshband a fini par fonder une tariqa – école islamique – très influente, basée sur un concept très simple : « Occupez votre cœur avec Allah et vos mains avec le travail ». Ce concept a été développé en 11 autres règles, ou rashas (“gouttes”).
La visite du complexe Bahâ’uddin Naqshband, à l’extérieur de Boukhara, centré autour de la tombe du saint soufi du XIVe siècle, qui est en fait le protecteur spirituel de la ville, est une expérience éclairante : une atmosphère si paisible enveloppe un réseau apaisant de pierres sacrées, d’“arbres à souhaits” et d’offrandes sacrificielles occasionnelles.
C’est l’essence même de ce que l’on pourrait définir comme un islam parallèle qui infuse sous tant de latitudes à travers le Heartland, combinant un passé animiste avec des enseignements islamiques formels.
Au complexe, nous rencontrons des dizaines de jolies femmes ouzbèkes vêtues de couleurs vives, originaires de toutes les régions, ainsi que des pèlerins venus de toute l’Asie centrale, mais aussi de l’Asie occidentale et méridionale. Le président ouzbek Mirziyoyev, extrêmement populaire, était ici à la fin de la semaine dernière, et il est arrivé directement de l’aéroport voisin, flambant neuf.
Cette oasis de paix et de méditation offre non seulement un contraste saisissant avec les turbulences toxiques de l’époque, mais nous incite également à rechercher la raison au milieu de la folie. Après tout, l’un des rashas de Naqshband affirme que
« notre voie est la conversation, les bonnes actions ne se trouvent que dans la communication mutuelle, mais pas dans l’isolement ».
Appliquons donc la sagesse soufie au prochain moment, peut-être révolutionnaire, qui devrait consolider la voie de la majorité mondiale vers un modèle de relations internationales plus équitable et moins dérangé : le 15ème sommet des BRICS qui se tiendra en Afrique du Sud la semaine prochaine.
Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a inventé une définition concise qui incarne un mélange fascinant de confucianisme et de soufisme :
« Les pays des BRICS sont comme cinq doigts : courts et longs s’ils sont étendus, mais un poing puissant s’ils sont serrés ensemble ».
La façon de serrer ces doigts en un poing puissant a été le travail de quelques sherpas en préparation du sommet. Mais bientôt, il ne s’agira plus d’une question liée à un poing, mais à des poings, des bras, des jambes et, en fait, à tout un corps. C’est là qu’interviennent les BRICS+.
Parmi le réseau de nouvelles organisations multilatérales impliquées dans la préparation et la mise en œuvre d’un nouveau système de relations internationales, les BRICS sont désormais considérés comme la première plateforme du Sud mondial, ou de la Majorité mondiale, ou du “Globe mondial” (copyright Loukachenko).
Nous sommes encore loin de la transition vers un nouveau « système mondial » – pour citer Wallerstein – mais sans les BRICS, même les petits pas seraient impossibles.
L’Afrique du Sud scellera les premières coordonnées de l’expansion des BRICS+, qui pourrait se poursuivre indéfiniment. Après tout, de larges pans du “Globe mondial” ont déjà déclaré, officiellement (23 nations) et officieusement (d’innombrables « expressions d’intérêt », selon le ministère sud-africain des Affaires étrangères), qu’ils voulaient en faire partie.
La liste officielle – sujette à modification – des nations qui souhaitent faire partie des BRICS+ le plus rapidement possible est un véritable «who’s who» du Sud : Algérie, Arabie saoudite, Argentine, Bahreïn, Bangladesh, Biélorussie, Bolivie, Cuba, Égypte, Éthiopie, Honduras, Indonésie, Iran, Kazakhstan, Koweït, Maroc, Nigeria, État de Palestine, Sénégal, Thaïlande, Émirats arabes unis, Venezuela et Viêt Nam.
Et puis il y a l’Afrique : les “cinq doigts”, par l’intermédiaire du président sud-africain Cyril Ramaphosa, ont invité pas moins de 67 dirigeants d’Afrique et du Sud à suivre les dialogues BRICS-Africa Outreach et BRICS+ Dialogues.
Tout cela indique ce qui serait le rasha clé des BRICS, pour évoquer Naqshband : l’inclusion totale de l’Afrique et du Sud – toutes les nations engagées dans des conversations profitables et également respectées dans l’affirmation de leur souveraineté.
On peut affirmer que l’Iran se trouve dans une position privilégiée pour devenir l’un des premiers membres des BRICS+. Téhéran jouit déjà d’un statut de partenaire stratégique avec la Russie et la Chine et est également un partenaire clé de l’Inde dans le corridor de transport international nord-sud (INSTC).
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a déjà déclaré que
«le partenariat entre l’Iran et les BRICS a en fait déjà commencé dans certains domaines. Dans le domaine des transports, le corridor de transport nord-sud reliant l’Inde à la Russie via l’Iran fait en fait partie du projet de transport des BRICS».
Parallèlement aux avancées des BRICS+, les «cinq doigts» seront relativement prudents sur le front de la dédollarisation. Les sherpas ont déjà confirmé, officieusement, qu’il n’y aurait pas d’annonce officielle d’une nouvelle monnaie, mais davantage d’échanges bilatéraux et multilatéraux utilisant les propres monnaies des membres : pour l’instant, le fameux R5 (renminbi, rouble, real, roupie et rand).
Le dirigeant biélorusse Loukachenko, qui a inventé “Globe mondial” comme une devise aussi forte, sinon plus séduisante que “Sud global”, a été le premier à évoquer un coup politique crucial qui pourrait avoir lieu plus tard, avec BRICS+ en vigueur : la fusion des BRICS et de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).
Aujourd’hui, l’ancien ambassadeur sud-africain Kingsley Makhubela, ainsi que de nombreux diplomates et analystes du “Globe mondial”, se font l’écho de Loukachenko en public :
« À l’avenir, les BRICS et l’OCS devraient s’associer pour former une seule entité (…) Car il serait absurde que les BRICS et l’OCS fonctionnent en parallèle avec les mêmes membres».
Cela ne fait aucun doute. Les principaux moteurs des BRICS sont la Russie et la Chine, l’Inde étant légèrement moins influente pour un certain nombre de raisons complexes. Sur l’OCS, la Russie, la Chine, l’Inde, l’Iran et le Pakistan sont assis à la même table. L’accent mis sur l’Eurasie par l’OCS peut facilement être transposé dans les BRICS+. Les deux organisations sont centrées sur le “Globe mondial”, elles s’orientent vers la multipolarité et, surtout, elles s’engagent à dédollariser sur tous les fronts.
Il est en effet possible d’avoir une lecture soufie de toutes ces plaques tectoniques géopolitiques et géoéconomiques en mouvement. Autant les promoteurs de “Diviser pour régner” et les chiens de guerre seraient désemparés en visitant le complexe Naqshband à l’extérieur de Boukhara, autant le “Globe mondial” pourrait trouver toutes les réponses qu’il cherche en s’engageant dans un processus de conversation et de respect mutuel.
Que ces âmes mondiales soient bénies et qu’elles puissent trouver la connaissance comme si elles revisitaient le trésor de sagesse de Boukhara au Xe siècle.