Neocons en boîte

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Neocons en boîte

16 novembre 2002 — Nous débattons avec des gens qui ont une voix tonitruante et une mémoire qui ne dépasse pas les 48 heures, les 72 heures au mieux. Leur vision de la situation du jour correspond à l'interprétation qu'il est convenu d'en faire et nullement à la réalité elle-même. Il y a une semaine, la chevauchée de GW vers la guerre était relancée et, cette fois, une fois de plus, plus rien ne l'arrêterait. Pas du tout.

Le Washington Post du 15 novembre écrit : « Last week's unanimous vote by the Security Council rewarded weeks of arm-twisting by Secretary of State Colin L. Powell and was seen as a major victory for the administration... » Aujourd'hui, poursuit le quotidien US, voilà qu'on s'inquiète chez les neo-cons. Cela se lit dans l'édito du Weekly Standard, signé de William Kristoll et Robert Kagan, et chez d'autres, notamment Richard Perle (c'est dire).

«  ...Yet those most hawkish toward Iraq — many of them people whose views are influential among administration policymakers — worry that the inspections roadmap in the U.N. resolution could lead to delays and diminished prospects for military action. “There is no point in kidding ourselves: The inspections process on which we are to embark is a trap,” William Kristol and Robert Kagan wrote in the Weekly Standard.

» Richard Perle, the head of the Defense Policy Board, a Pentagon advisory group, said in an interview yesterday: “I'm very skeptical about our ability to find things if Saddam is not cooperating. Inspections are not very effective in a hide-and-seek situation; there are too few inspectors and too many hiding places.”

» Kenneth Adelman, a former Reagan administration arms official who is close to various senior Bush aides, concurred. “The whole inspections regime is pretty vacuous,” he said in an interview. “When you look at 80 inspectors going into Iraq, that's the size of the police force of Blacksburg, Virginia.” »

Les 8-10 novembre, effectivement, Washington et les USA avaient en général résonné des acclamations pour la “victoire” US à l'ONU, même si les interprétations dans le monde étaient bien plus variées. Les journalistes américains, et anglo-saxons en général, qui préfèrent faire dépendre leurs raisonnements de leur fascination pour les manifestations de force (force apparente, sans aucun doute), présentaient une position qui peut être résumée par cet extrait d'un article de Rupert Cornwell, le 9 septembre dans The Independent (Cornwell, pourtant peu favorable à GW et à sa guerre) :

« In the space of a few minutes yesterday, two starkly contrasting faces of power were on view: diplomatic power, clothed in the formulaic rites of the United Nations Security Council, and raw, real power as brandished by President George Bush in the Rose Garden of the White House. »

On pourrait ironiser diablement sur l'efficacité et l'intelligence de cette « raw, real power », et constater combien notre fascination pour la force est devenue aujourd'hui la maladie de l'intelligence occidentale. On aura l'occasion d'y revenir. Pour l'heure, c'est le constat que les choses se mettent en place, une fois dissipée la fumée et retombé le boucan de la soi-disant « major victory » US à l'ONU.

Quelques considérations pour apprécier la situation :

• L'Amérique a accepté la logique de l'ONU, qui est une logique restrictive et une logique de compromis et de négociation.

• Il sera d'autant plus difficile de sortir de cette logique qu'elle plaît aux Américains : les sondages en faveur de la guerre montent du moment que cette guerre est approuvée par l'ONU, — et alors, ironie des ironies, que cette situation onusienne tend à rendre cette guerre beaucoup plus improbable.

• Pendant ce temps-là, on continue à préparer la guerre comme si elle allait avoir lieu. Cela n'est plus assez convainquant pour faire juger cette guerre comme inéluctable. Le vote de l'ONU et la mise en marche de la machine onusienne ont changé l'évolution des choses.

• L'attitude de Saddam est une autre nouveauté, qui introduit un élément de plus dans le jeu complexe de cette guerre présentée comme “assurée” depuis octobre 2001. Rapportant combien les Irakiens se montreraient prêts à coopérer, Brian Wittacker écrit dans le Guardian du 14 novembre : « ... This is what Burhan Chalabi, an Iraqi-born British businessman who has close contacts in Baghdad, describes as “the nightmare scenario for President Bush”. »

• En sommes-nous là ? Cette crise nous a appris à bannir la prévision, qui ressemble, dans les circonstances, à de la prédiction. Par contre, sur le constat des choses, on observe sans aucun doute une dégradation des certitudes du côté américain depuis le mois d'août. La rapidité avec laquelle la courte euphorie de la victoire des élections du 5 novembre et de la “victoire” de l'ONU du 8 novembre s'est dissipée laisse à penser.