Ni U ni V, – mais X

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On suppose que c’est d’Aix-en-Provence que Robert Reich ramène cet état d’esprit plutôt crépusculaire, ou plutôt la confirmation de son état d’esprit crépusculaire. (Sur le séminaire d’Aix-en-Provence du 4-6 juillet, voir les notes de Frédéric Lemaître, selon notre F&C du 8 juillet 2009, où Reich est cité comme l’un des intervenants.)

La conviction de Robert Reich, sur son site le 9 juillet 2009 et sur CommenDreams.org le 10 juillet 2009, est fortement affirmée. Il n’y aura ni reprise en “V” (reprise immédiate une fois le fond de la crise atteint, comme un plongeur se propulse vers la surface une fois touché le fond, avec retour au même niveau qu’avant la crise), ni en “U” (reprise jusqu’au même niveau que précédemment, après un palier plus ou moins long, une sorte de marche du plongeur sur le fond avant de se propulser pour le retour à la surface). Pour Reich, ce sera plutôt la formule “X”, la lettre x étant l’inconnue des équations.

…C’est-à-dire : il va falloir quelque chose de nouveau, une “autre” économie, parce que le consommateur n’est pas au rendez-vous, n’y sera pas avant longtemps, et qu’il représente 70% de l’économie US… «And this time consumers got really whacked. Until consumers start spending again, you can forget any recovery, V or U shaped.»

Reich explique rapidement les conditions actuelles, qui font que le consommateur ne reçoit pas beaucoup d’argent, que le peu qu’il reçoit est sauvegardé plutôt que dépensé, que le chômage augmente et que les entreprises ne sont pas prêtes d’embaucher puisque la consommation ne redémarre pas et que les perspectives d’exportation sont ce qu’elles sont vu l’état du monde à cet égard. La “locomotive” américaniste est en panne. Le cercle est plutôt vicieux que vertueux, et la chose est expliquée en termes clairs. Conclusion : il faut autre chose, c’est-à-dire une “autre” économie, – le fameux facteur “X”. Bien entendu, il est essentiel que tout cela concerne l’économie US, qui tient évidemment par sa position un des clefs d’un mouvement éventuel.

«My prediction, then? Not a V, not a U. But an X. This economy can't get back on track because the track we were on for years – featuring flat or declining median wages, mounting consumer debt, and widening insecurity, not to mention increasing carbon in the atmosphere – simply cannot be sustained.

»The X marks a brand new track – a new economy. What will it look like? Nobody knows. All we know is the current economy can't “recover” because it can't go back to where it was before the crash. So instead of asking when the recovery will start, we should be asking when and how the new economy will begin. More on this to come.»

Ce texte, assez simple sous la plume d’un économiste chevronné et habitué aux présentations techniques, reflète une certaine clarification des enjeux selon des situations de plus en plus nettement définies. Elle marque aussi le renforcement d’un point de vue qu’on qualifierait, si l’expression est envisageable, de “modérément radical”. Reich est certainement un économiste US “social”, progressiste selon les normes US, mais il reste partie intégrante de l’establishment.

Cette prise de position illustre effectivement la radicalisation en cours d’une partie (la plus radicale) de l’establishment. Elle confirme que l’appréciation “officielle” de la crise, dans cette partie de l’establishment, commence à affirmer clairement, non plus la désirabilité de la recherche d’une autre économie, mais la nécessité et l’inéluctabilité de cette démarche. Cela revient à acter que la crise n’est plus un accident mais une tendance structurelle générale qui réclame désormais un effort de remise en cause générale du système.

Il apparaît également que cette évolution commence à entrer en contradiction directe avec une autre situation, que Reich décrivait au séminaire d’Aix-en-Provence («Robert Reich, l'ancien secrétaire au travail de Bill Clinton, […] juge que le poids des lobbies est sans doute trop puissant pour que Barack Obama puisse vraiment gagner contre Wall Street»). Le cercle vicieux décrit plus haut conduit également à un problème politique de type “quadrature du cercle”: comment espérer que le pouvoir US se lance à la recherche d’une “autre économie” (“X”) alors que le même qui juge inéluctable cette recherche constate par ailleurs l’emprisonnement du gouvernement dans un système qui est opposé de toutes ses forces à cette recherche. Comme écrit Reich: «More on this to come.»


Mis en ligne le 13 juillet 2009 à 14H36