NordStream-2, pour quelques kilomètres...

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NordStream-2, pour quelques kilomètres...

Les Danois ont finalement donné leur accord pour que le gazoduc  NordStream-2 passe dans leurs eaux et achève sa mise en place, de la Russie à l’Allemagne. Les Danois ont finalement résisté aux très fortes pressions des USA, qui leur demandaient de sortir n’importe quel argument environnemental pour interdire le passage de la chose dans leurs eaux dont la pureté est bien connue ; certains jugeront, avec quelque raison, qu’il s’agit d’un acte de courage de la part du Danemark...

Dit autrement et avec quelques détails des meilleures sources, loin des suppositions aventureuses : « Le Danemark a autorisé mercredi 30 octobre la construction du gazoduc Nord Stream 2, ôtant le dernier obstacle à la finalisation de cet ouvrage controversé qui doit approvisionner l’Europe en gaz russe via la Baltique. Déjà construit à plus de 80 %, le gazoduc Nord Stream 2, un investissement d’une dizaine de milliards d’euros financé pour moitié par le géant russe Gazprom, doit permettre le doublement des livraisons de gaz russe à l’Allemagne.
» Sa construction  était jusqu’à présent bloquée  par l’absence de permis délivré par le Danemark pour traverser ses eaux territoriales. Le projet initial de construction prévoyait en effet de passer au large de l’île de Bornholm, tout comme le gazoduc Nord Stream 1, opérationnel depuis 2012. Plusieurs tracés avaient été proposés, et refusés, mais la route du sud-est qui a finalement été retenue “présente le moins de risques et d’impacts du point de vue de l’environnement et de la sécurité”, a indiqué l’agence danoise de l’énergie dans un communiqué. »

Tom Luongo, un chroniqueur dissident US de tendance libertarienne et d’esprit indépendant consacre  une analyse à cet événement qui complète une saga d’affrontement entre la Russie d’une part avec les encouragements chuchotés de certains européens, les USA de l’autre, avec plus ou moins de partenaires du  bloc-BAO selon les occasions. Pour Loango, c’est une grande victoire pour l’Allemagne, c’est même une sorte de “libération”, – comme symboliquement la fin d’une “occupation” par moyens différents interposés, ou plus justement dit selon nous tout en adoptant ce point de vue, le “début de la fin éventuelle” d’une “occupation”.

« En un sens, ce gazoduc est la déclaration d'indépendance de l'Allemagne par rapport à plus de soixante-dix ans de politique américaine. N'oubliez jamais que l'Allemagne est un territoire occupé avec plus de 50 000 soldats américains stationnés là-bas. »

L’idée développée ici est que cette “occupation” militaire aurait continué de peser de tout son poids si la dépendance énergétique s’y était ajoutée dans l’hypothèse d’un échec de  NordStream-2, à un moment où les Allemands croient  de moins en moins à la réalité de la protection militaire des USA. 

« Le stratagème consistait à arrêter Nordstream 2, puis à poursuivre en justice Gazprom pour ne pas avoir respecté les volumes qu'elle avait promis de livrer. Pendant des années, l’entreprise aurait dû faire face à des procès divers et variés au sein de l'UE tandis que les États-Unis seraient intervenus[avec leur gaz] comme le chevalier blanc, pour empêcher les Européens de geler jusqu'à la mort.

» Heureusement pour le monde, ce plan a échoué. »

... Et, selon, Luongo, les forces militaires déployées en Allemagne n’ont plus guère de poids sur la direction politique allemande, sans le levier de l’alimentation énergétique, ou plus crûment dit le “chantage énergétique”. Il est par conséquent très possible qu’on voit se renforcer le courant déjà très fort accéléré sous la présidence Trump de privilégier pour la Pologne l’engagement US en Europe, éventuellement au détriment de l’Allemagne avec  des transferts de force comme la menace en a déjà été évoquée, puisqu’effectivement la Pologne est le principal acolyte des USA dans ce jeu... Voici le début de l’analyse de Luongo, centré sur l’Allemagne.

 « Au cours des trois dernières années et jusqu’aux derniers kilomètres, les États-Unis se sont opposés à la construction du gazoduc Nordstream 2 de la Russie à l’Allemagne.
» Effectivement, la bataille s'est déroulée jusqu’aux derniers kilomètres, puisque le Danemark a refusé pendant des mois le permis environnemental final sur Nordstream 2.
» Les États-Unis, en particulier sous l'égide de Trump, s’étaient engagés à adopter une “approche pangouvernementale” pour empêcher que le gazoduc ne touche terre en Allemagne.
» J'ai documenté tous les rebondissements de Nordstream 2 au cours des dernières années (voyez mes archives), aussi bien sur ce site que sur Seeking Alpha et dans la collection de mon ancienne Newsletter sur Newsmax
» Jamais je n'ai pensé qu’arriverait un jour où les États-Unis finiraient par bloquer ce projet. La raison en est simple. L'Europe, et en particulier l'Allemagne, a besoin du gaz et il n’y a aucune raison impérieuse pour que l’Allemagne en soit arrivé à céder si elle veut survivre au XXIe siècle comme une des grandes économies du monde.
» Le gazoduc russe est tout simplement trop bon marché pour qu'un autre GNL puisse rivaliser avec le projet russe
» En un sens, ce gazoduc est la déclaration d'indépendance de l'Allemagne par rapport à plus de soixante-dix ans de politique américaine. N'oubliez jamais que l'Allemagne est un territoire occupé avec plus de 50 000 soldats américains stationnés là-bas.
» Il était extrêmement audacieux de la part du président Trump de décrire Nordstream 2 comme l’acceptation par l’Allemagne de devenir une “otage de la Russie” quand l’Allemagne a été otage des États-Unis depuis 1945.
» L’histoire n'est pas le fort de Trump... »

Luongo, qui a suivi avec attentions cette affaire comme il le rappelle lui-même, juge qu’il y eut essentiellement un seul allié véritablement actif et efficace pour les USA dans cette bataille, et qu’il s’agit effectivement de la Pologne qui a, elle, choisi d’acheter du gaz US et non russe. L’hostilité viscérale, historique et stratégique de la Russie dans le chef des Polonais, s’accompagne dans ce cas d’une hostilité polonaise à l’Allemagne plutôt du fait des conceptions complètement divergentes entre ces deux pays au sein de l’UE, – l’euroscepticisme polonais qui voit l’UE comme une machine à dévorer sa souveraineté, contre la puissante position de l’Allemagne au sein, sinon au faite de l’UE...

Comme on le voit dans ce cas, on se trouve dans les contradictions qu’impliquent les  vérités-de-situation stratégiques aussi bien que le combat de l’antiSystème contre le Système... Comme on le voit, d’ailleurs, essentiellement dans le cas germano-polonais, où tout le monde perd et tout le monde gagne à la fois ; c’est-à-dire, où cette affaire (réussite de  NordStream-2) ne peut être considérée que comme une étape dans un affrontement bien plus vaste (alors que la réussite des USA de contrecarrer le projet aurait par contre constitué une victoire du Système). Effectivement, les mouvements autour de la Pologne complètent fort bien les enseignements des mouvements autour de l’Allemagne :
• on doit considérer que l’achèvement de  NordStream-2 constitue une défaite pour l’implantation et l’influence des USA en Europe, – une défaite “objective” politique et culturelle, et donc déstructurante comme l’est le système de l’américanisme de notre point de vue ontologique quelles qu’aient été les préoccupation de Trump, qui étaient évidemment, essentiellement économiques, la question de l’ontologie, comme celle de l’histoire, étant de peu d’intérêt pour lui ;
• même si elle constitue un soutien absurde du point de vue souverainiste et de l’“antimodernité” du fait de la tradition, c’est-à-dire du point de vue antimoderniste culturel (ce sont des positions qu’on peut distinguer chez les populistes polonais au pouvoir) lorsqu’on voit comment les USA traitent la souveraineté et les cultures des autres, même de la part du pseudo-“populiste” (?) Trump, la position de la Pologne est compréhensible dans le chef de son hostilité à l’UE comme machine à broyer la souveraineté et les traditions soutenant l’antimodernisme culturel ;
• de ce point de vue (souverainisme et antimodernisme), la proximité entre la Russie et l’Allemagne dans cette affaire, de même que l’hostilité de la Pologne à l’encontre de la Russie, si elles se comprennent stratégiquement et autres dans les concepts politiques relatifs, sont complètement invertis d’un point de vue ontologique, puisque la Russie est manifestement une force de tendance souverainiste et culturellement antimoderne ;  
• par conséquent, on peut effectivement parler dans la probable conclusion de la saga  NordStream-2  d’une étape dans la Grande Crise Générale, avec les entrechocs et entrelacs habituels des contradictions, des positions à contrepieds, des inversions, d’une déstructuration supplémentaire de l’Europe-UE (excellente chose), etc. Pour nous, bien entendu et comme nous le répétons souvent, plus aucune des matières habituelles des grandes données pseudo-scientifiques habituelles ne règle rien de la situation crisique générale : ni la géostratégie de la puissance d’influence et d’hégémonie, ni la géopolitique de la puissance énergétique, etc. Tous ces facteurs, considérés en général comme essentiels et stratégiques, ne sont considérés, selon notre point de vue, que comme tactique et rien d’autre. 

Le seul intérêt, le seul avantage de l’issue qu’on observe est l’absence de “victoire” des forces économiques et d’influence du système de l’américanisme, avec comme conséquence l’approfondissement du fossé séparant les USA de l’Europe/UE (c’est-à-dire un fossé à l’intérieur du bloc-BAO). Il s’agit là d’un facteur intéressant de l’accroissement du désordre et de la confusion à l’intérieur du Système.

 

Mis en ligne le 31 octobre 2019 à 15H05