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24 mars 2003 — La journée du 23 mars 2003 n’est pas nécessairement un tournant de la guerre en Irak, mais c’est au moins un symbole, un signe et un pénible rappel de la réalité du monde. La puissance américaine, qui s’est envolée dans une chevauchée présentée comme hollywoodienne dans les 3 premiers jours de guerre, surmontée par l’extraordinaire puissance de feu aérienne, se trouve confrontée à la réalité sordide, sanglante, débilitante, cruelle de la guerre de guérilla dans les villes irakiennes. La stratégie des Américains est alors de “contourner” ces “poches de résistance” pour filer vers Bagdad, objectif central, — mais là-bas, pour quoi faire ? A un moment ou l’autre, il faudra bien entrer dans la (les) ville(s) et l’(les) investir.
Nous nous référons notamment à ce texte du Financial Times que nous reprenons par ailleurs dans “Nos Choix commentés”. Ce texte, un parmi d’autres certes, est une bonne image de la guerre qui est en train de prendre sa place dans l’aventure irakienne des Américains. D’ores et déjà, les événements nous inspirent trois remarques. On notera qu’elles sont essentiellement psychologiques, cette matière où le système américaniste est d’une stupidité totale.
• Les Américains s’attendaient à ce que les Irakiens les accueillent en libérateurs. Ce n’est pas complètement le cas, malgré que la guerre ait commencé par le Sud, supposé favorable aux Occidentaux. Nous en sommes, du côté de Washington, au stade ultime du virtualisme, — à croire librement (les USA sont une société libre, indiscutablement) les mensonges hollywoodiens que dispensent les réseaux des hommes de communication chargés de présenter l’image du monde virtualiste à ce même Washington. Le résultat, sinistre par l’analogie, est que les soldats US subissent le même choc psychologique que les soldats du Pacte de Varsovie en 1968, en Tchécoslovaquie (on leur avait dit qu’ils allaient protéger les Tchèques contre les “revanchards” allemands). Ce n’est pas rien : cela suppose une grave perte de moral pour des soldats qui sont, par tradition et par système, psychologiquement fragiles.
• L’état d’esprit des chefs, des états-majors, etc, est caractérisé par la peur du risque, la couardise, la crainte des sanctions de l’impopularité médiatique en cas de pertes. La tactique de contournement des villes qui résistent est expliquée d’une façon savante, par des considérations techniques et autres (certains, fort inquiétantes au reste, notamment le manque d’effectifs US) ; elle est perçue d’abord, et le sera par les Irakiens, comme la peur de se battre dans des conditions de guérilla.
• On voit que nous prenons garde de parler des Américains, pas des Britanniques. Les Britanniques sont des combattants d’une toute autre trempe que les Américains. Mais ils sont complètement aux ordres des Américains. Cette circonstance pourrait faire que leurs qualités guerrières soient complètement gaspillées par la tactique générale. Il est à craindre que l’alliance avec “la plus grande superpuissance de l’histoire” déclenche en général une osmose malheureuse où les Européens perdront leurs vertus de guerriers (qui sont très réelles contrairement à la propagande atlantiste qu’on répète à longueur de journée).
Que se passe-t-il en Irak ? La question posée est de savoir si le conflit, voulu par les US comme une bataille technologique de très haute intensité, ne risque pas de se transformer en bataille asymétrique où, finalement, à cause du terrain (les villes) et des conditions, c’est le combattant le plus frustre mais le plus déterminé qui impose ses conditions de combat. En ce sens également, le temps travaille contre les Américains. Il faut qu’ils l’emportent vite, pour écarter ces risques d’enlisement dans des batailles asymétriques. S’ils n’y parviennent pas, c’est effectivement le risque vietnamien qui les guette, — non pas un risque matériel mais un risque psychologique, un enlisement psychologique, avec des forces au moral toujours plus bas, inadaptées à la bataille et ainsi de suite.
Ci-dessous, rappel de quelques scènes, sentiments, erreurs et doutes, tels qu’ils sont retranscrits dans l’article que nous citons, — jusqu’à cette “erreur” si caractéristique de hisser la bannière étoilée au-dessus d’une maison d’une ville (par ailleurs non réduite !), en signe de victoire, notamment pour les caméras TV, pour rappeler la scène semblable à Okinawa en 1945 (objet d’une photo puis d’une sculpture fameuse) ; tout cela, typiquement hollywoodien, pour découvrir brusquement que l’effet auprès des populations locales est désastreux, que cela fait “envahisseurs”, et remettre précipitamment le drapeau irakien ...
« Militarily, the outcome of the battle is not in doubt, since the coalition has complete air superiority and an overwhelming advantage in firepower. But events in southern Iraq since Friday when US marines briefly raised the Stars and Stripes over Umm Qasr before realising the gesture made them look more like occupiers than liberators suggest the war will be much more complicated than President George W. Bush had hoped.
» One problem for the Americans is that however much the Iraqis hate Saddam Hussein, they do not appear to be overjoyed in the Shia Muslim south, at least about the prospect of a US occupation.
» Reporters travelling independently in southern Iraq say some residents of Safwan, another town on the Kuwaiti border, were openly hostile to the coalition forces, although others said they were happy that President Bush was seeking to end the rule of President Hussein. »