Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.
9163• A ce point du conflit qui mobilise toute notre attention, nous éprouvons le besoin de faire un tour d’horizon extrêmement large, nous concentrant sur les points qui nous paraissent importants. • Nous seulement, il s’agit de juger de la situation d’un point de vue métahistorique, – rien que cela ! – mais aussi du point de vue du missionnaire de la communication, producteur encore plus d’analyse et d’intuition que d’informations. • C’est dire si, au travers de considérations opérationnelles et événementielles, nous ferons en sorte de suggérer, d’induire, les éléments de notre méthode de travail : même pour un missionnaire, il y a une façon de travailler qui répond à l’ordre, à la sélection, à l’harmonie de la perception, et qui nécessite par contre, dans le flot déchaîné de la communication, l’usage intensif de l’inconnaissance. • • Avec un peu d'intuition, nous devrions avoir conscience de vivre une sorte d’événement gigantesque, quasiment suprahumain, peut-être bien d’une importance comparable à celle de la naissance de Jésus-Christ ou de la chute de Rome, – rien que cela ! (bis).
27 février 2022 (18H35) – D’abord, nous devons nous pénétrer toujours plus de l’exceptionnalité de cette période, ce qui fait à la fois son désordre, son hypersophistication dans la manufacture des simulacres, son caractère de postvérité qui rend si difficile de distinguer une vérité-de-situation (car nous pensons intuitivement que la référence de la postvérité nous trompe en affirmant in fine que la vérité n’existe “plus”, et qu’elle nous pousse ainsi à envisager cette vérité qui est que la Vérité existe toujours) ; c’est-à-dire, tout cela de la période enfanté par la fantastique, la cosmique puissance du système de la communication. PhG avait fixé cela à l’entame de son essai ‘Des tours de Manhattan au jardin de l’Élysée’, dans ‘Les Chroniques de l’ébranlement’, citation déjà maintes fois faites, une fois de plus et cette fois absolument pertinente devant “l’événement en train de s’accomplir” qui prend tellement son temps :
« D'abord, il y a ceci : en même temps que nous subissions cet événement d'une force et d'une ampleur extrêmes, nous observions cet événement en train de s'accomplir et, plus encore, nous nous observions les uns les autres en train d'observer cet événement. L'histoire se fait, soudain dans un déroulement explosif et brutal, nous la regardons se faire et nous nous regardons en train de la regarder se faire. On sait également que ceux qui ont décidé et réalisé cette attaque l'ont fait parce qu'ils savaient qu'existe cet énorme phénomène d'observation des choses en train de se faire, et de nous-mêmes en train d'observer. Le monde est comme une addition de poupées russes, une duplication de la réalité en plusieurs réalités emboîtées les unes sur les autres. » (‘Chroniques de l’ébranlement’, PhG, éditions Mols, 2003)
Pour nous, deux citations donnent parfaitement les deux arcs-boutants de la subcrise devenant crise totale, les deux limites au-delà desquelles règne l’inconnu certainement fait d’un bouleversement complet des choses. L’une est de Poutine, l’autre de Biden. Elles sont toutes les deux d’une vérité qui pèse un poids formidable (« La charge du choix », certes). Celle de Poutine est certes d’une vérité qui renvoient au rayon des geignements de salon nos diverses lamentations et indignations sur le viol (effectif) du droit international à propos de l’affaire ukrainienne, d’une voix chargée du sang de Panama City-1989, de Bagdad-1991, de Belgrade-1999, de Kaboul-2001, de Bagdad-2003, de Tripoli-2010, de Damas-2011, de Kiev-2014, de Sanaa-2014, et l’on en passe, – tout cela, saupoudré de tous les respects possibles du droit international qui y sont ardemment associés.
• Le mot de Poutine, définissant la position de la Russie au moment du lancement de l’“opération spéciale” contre l’Ukraine : « Le problème est que nous n’avons plus d’espace pour reculer. » Cette remarque expliquant dans l’esprit des Russes l’inexistence d’une alternative acceptable à leur décision d’attaquer, après des années d’une tragique futilité quant aux “négociations” et au respect des divers “accords”, et devant la perspective d’un armement stratégique décisif des USA sur la frontière de la Russie...
« Pensent-ils véritablement que nous ne voyons pas ces menaces ? Ou pensent-ils que nous allons simplement rester les bras ballants, en regardant ces menaces contre la Russie émerger ? Le problème est que nous n’avons plus d’espace pour reculer. C’est là la question. »
• |a deuxième est donc de Biden, répondant à ceux qui l’interrogent, parfois agressivement, sur la passivité selon eux des USA, et particulièrement sur leur propension à s’en remettre aux sanctions et à des livraisons d’armes. Même si Biden varie parfois devant les questions, plus qu’il n’est de coutume pour un président des USA dans un tel cas, la réponse indiquant la crainte d’une Troisième Guerre mondiale revient régulièrement, – que la Troisième Guerre mondiale, si elle paraît l’être, en vérité n’est pas une option :
« Écoutez, vous avez deux options : soit déclencher la Troisième Guerre mondiale, – entrer en guerre avec la Russie, physiquement, ou bien : faire en sorte qu'un pays qui agit de manière aussi contraire au droit international paie le prix pour l’avoir fait. »
Il est extrêmement difficile de donner une évaluation précise de la situation militaire en Ukraine. Pour évaluer d’une façon analogique et, peut-être, symbolique, l’avancée russe en Ukraine (avec, en plus, l’observation que cette avancée a été arrêtée pendant un jour sur ordre de Poutine, qui espérait des négociations avec Zelenski), Larry Johnson, ancien officier de la CIA et le principal contributeur du site ‘Turcopolier.com’ du colonel Lang, qui reste remarquablement objectif vis-à-vis des Russes, prend une référence historique fameuse : l’offensive ‘Barbarossa’ de l’armée allemande en juin 1941. Il écrit hier :
« Il fallut six semaines au groupe d'armées Sud pour atteindre Kiev (7 août) et sept semaines supplémentaires pour obtenir sa reddition (26 septembre 1941). Aucune retenue n’était appliquée. Les villes et les bastions civils furent bombardés sans pitié.
» Je pense qu'il s'agit là d'un point de référence intéressant pour comparer les progrès réalisés par Poutine pour désarmer l'armée ukrainienne. Contrairement aux nazis de 1941, les forces de Poutine s'attachent à frapper des cibles militaires. Oui, elles ont tué et blessé des civils. Mais Poutine n'a pas autorisé une attaque massive contre les civils. Il convient de rappeler que Churchill et Roosevelt ont autorisé des missions de bombardement dévastatrices sur les centres de population civile en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.
» Alors qu'il a fallu près de deux mois aux nazis pour encercler Kiev, les troupes de Poutine semblent l'avoir fait en quatre jours. Reste à voir s'il s’agira d’une guerre d'usure et de souffrance prolongée ou si une solution politique sera envisageable une fois que Kiev sera bouclé. »
L’exemple de Kiev est sans aucun doute significatif, et symbolique lui aussi. S’il marque effectivement la capacité d’avancement des forces russes, il en marque peut-être aussi la limite, voire pire encore. Pour envisager cela, on peut se reporter au Saker-US, éminemment favorable à Poutine sans aucun doute, mais aussi bien informé, et qui, dans ce cas, nous décrit une situation très difficile à Kiev, voire proche d’être hors de contrôle alors que les Russes n’y sont pas encore entrés. Il n’est même plus question de la perspective d’une guérilla antirusse, mais de bien pire : ce que l’auteur nommer une ‘Mad Max zone’ :
« Je conclurai par quelque chose d'assez typique : vous vous souvenez comment, hier, des tonnes d'armes ont été distribuées à Kiev ? Eh bien, pendant la nuit, divers gangs se sont livrés à des échanges de tirs, non pas contre les Russes (qui ne sont toujours pas entrés dans la ville), mais les uns contre les autres. Certains des ‘wannabe Ukie Volkssturm’ ont même fait prisonniers un groupe d'officiers du SBU. Certaines rumeurs font état d'une soixantaine de morts pour la seule nuit.
» Espérons que cette folie s'arrêtera et que certains commandants ukrainiens rétabliront la loi et l'ordre avant que leur pays tout entier ne se transforme en une “zone Mad Max”. Si de tels commandants sont trouvés, je suis sûr que les Russes non seulement ne les engageront pas, mais leur offriront même un certain degré de collaboration. »
... On peut en effet espérer mais il ne nous apparaît nullement acquis que les Russes puissent trouver des structures ukrainiennes qui, acceptant une coopération à cause du désordre, puissent maîtriser ce désordre dans un pays qui est effectivement entraîné sur cette pente qu’il connaît déjà bien à cause du désordre de la guerre. Les années vécues depuis 2014 en Ukraine ont vu une situation générale d’une instabilité grandissante, le développement d’une corruption déjà très fortement implantée, dans une structure politique extrêmement fragile avec un pouvoir faible et lui-même dépendant de forces extérieures elles-mêmes productrices de désordre. Elles ont vu le développement proéminent de divers groupes armés et/ou autonomes (les ‘Ukronazis’, principaux porte-flingue de la vertueuse civilisation occidentale). Il apparaît ainsi très difficile de freiner le développement de cette tendance-‘Mad Max’, dans tous les cas dans la partie non-russophone du pays (DPR et LPR).
Dans ces conditions, la Russie devrait se replier, politiquement, militairement et géographiquement, sur ses impératifs fondamentaux et se tourner vers l’essentiel de sa posture de bataille qui se fait selon des références métahistoriques. L’annonce que Poutine a demandé au ministre de la défense Shoigou de mettre les forces stratégiques (nucléaires) russes en position d’“alerte spéciale” pourrait être une indication dans ce sens.
On retrouve alors une situation de très haute importance et d’urgence fondamentale, qui n’a certes jamais cessé même si elle a pu paraître passer au second plan avec la “mission spéciale” en Ukraine. On considérera alors deux appréciations.
D’abord celle de l’Indien M.K. Bhadrakumar, qui réalise ce sens de l’urgence après avoir espéré qu’une négociation avec Zelenski puisse aboutir (alors que, pourtant, – mais est-ce le cas ?! – on annonce de nouveau une rencontre pour des négociations à Gomel, en Biélorussie, mais après un premier rendez-vous manqué il y a deux jours, – perspectives pas loin du type ‘Mad Max’, non ?) :
« La défaite de la Russie ne peut que conduire à son démembrement comme la Yougoslavie, et à l’hégémonie américaine qui s’ensuit. Par conséquent, la Russie mettra tout en œuvre dans cette lutte. Elle n’hésitera même pas à utiliser sa capacité thermonucléaire pour se défendre, si le besoin s'en fait sentir. »
Ce même sens tragique d’un combat suprême existait déjà en 2014, après le coup d’État de Kiev de février 2014 organisée par la CIA et le département d’État. Nous notions le 3 mars 2014, – et ainsi, il y a huit ans les termes du défi existaient-ils déjà :
« Aujourd'hui encore, la Russie est le principal obstacle sur le chemin de la domination mondiale par l'élite mondiale. Leonid Chebarchine, ancien chef du service de renseignement extérieur soviétique, a noté un jour [après la chute de l’URSS] que “l’Occident ne veut qu'une chose de la Russie : que la Russie n'existe plus”. L’Occident veut que la Russie cesse de faire partie de la géopolitique, il ne peut accepter son existence psychologiquement et historiquement... »
…En fait de prospective, qui est un art où nous n’excellons pas, nous devrions parler plutôt d’une sorte d’esquisse métahistorique voulue par les événements eux-mêmes, en proposant sa traduction opérationnelle pour les jours et semaines à venir. Nous ne disons pas que les acteurs divers veulent cela ou agissent sciemment dans ce sens, mais plutôt qu’il s’agit de la tendance métahistorique qui devrait prédominer et ordonner les événements. Tout se ferait sous l’ombrelle (!!) de la menace nucléaire, arme catastrophique et métahistorique sortie du progrès (?) scientifique humain, puisque désormais la plupart des acteurs qui comptent ont commencé à réaliser que c’est à ce niveau que se situe l’enjeu.
Il y aurait plusieurs phases dans cette esquisse, qui étendraient la crise opérationnelle à la dimension européenne, prenant acte du côté russe de la complète rupture avec le monde du bloc-BAO qui est en train de s’opérer du fait de la pluie de sanctions, d’expulsions, d’interdictions, d’anathèmes de la Russie dans tous les domaines, entérinant quelque chose comme la rupture d’un monde. De fait, la Russie est en train d’entrer dans la zone dite du “de toutes les façons, on ne peut pas me faire pire”.
• En premier lieu, et sous la pression du phénomène ‘Mad Max’, les forces russes devraient se regrouper sur la ligne des deux républiques autoproclamées mais désormais reconnues (DPR-LPR), avec l’acquis des zones côtières qui lui sont traditionnellement accolées. Elles y établiraient une zone de non-contact, ‘buffer zone’ ou ‘No MadMaxland’, battue par une artillerie importante décourageant toute incursion. Ils laisseraient le reste de l’Ukraine à ses soubresauts, ce qui est d’une importance relative pour la stabilité générale du fait qu’il ne s’agit ici que d’une étape dans un processus dynamique très rapide.
• En effet, selon cette prospective, l’opération générale de sécurisation des forces stratégiques ne s’arrêterait pas là...
• La stabilisation opérationnelle étant temporairement acquise sur une ligne DPR-LPR, les Russes devraient poursuivre leur tâche proclamée d’ôter toute menace unilatérale directe du type ‘first strike’ (envisagée contre la Russie depuis longtemps) contre leurs forces nucléaires en détruisant les deux bases US, sur le frontière polonaise et sur la frontière roumaine. Il s’agit, comme on l’a vu, de lanceurs Mk41 pouvant tirer aussi bien des missiles offensifs sol-sol à tête nucléaire que des missiles antimissiles. Ces attaques ‘chirurgicales’, du type qu’affectionnent les Israéliens, devraient être précédées d’un avertissement dans un délai de l’ordre d’une heure pour permettre au personnel US de quitter les bases (comme les Iraniens avaient fait contre des bases US en Irak début 2020, en représailles de l’assassinat du général Soleimani).
• Ces diverses démarches seraient accompagnées d’un renforcement très important de l’enclave de Kaliningrad qui deviendrait ainsi une avancée “ennemie” dans le dispositif de l’OTAN.
Encore une fois, cette sorte de spéculation prend en compte ce qui est en train de devenir une réalité, qui est la rupture complète du bloc-BAO avec la Russie. Il reste d’ailleurs à mettre au point des mesures de riposte de la Russie contre le bloc, au niveau de possibles ruptures de l’exportation des énergies, de la possible interdiction de l’espace aérien aux compagnies du bloc-BAO (qui impliquerait d’énormes dépenses supplémentaires pour ces compagnies, au niveau des escales, de la consommation de kérosène, du temps de vol, etc., avec la mise en danger financière de certaines de ces compagnies), – et d’autres...
Bien entendu, une telle prospective soulèverait le problème de la riposte des pays du bloc-BAO, qui n’aurait plus que le champ guerrier pour cela puisque toutes les sanctions, interdictions, expulsions et anathèmes ont été épuisées. C’est alors que se poserait la question de la guerre, et d’une guerre avec probabilité de montée au nucléaire. C’est alors que nous aurions, transcrit dans la réalité opérationnelle, la question du “transfert de la charge du choix” que nous avons déjà évoquée, comme un point absolument central de la situation stratégique, psychologique et métahistorique.
(... A moins que d’ici là, – autre spéculation suggérée par la mise en “alerte spéciale” aujourd’hui des forces stratégiques nucléaires russes, – les Russes mettent en pratique la ‘Madman Theory’ concoctée par Richard Nixon dans les années 1969-1973 et que Sergei Lavrov glisse à l’oreille commune de ses “collègues” Blinken et Le Drian qu’à trop insulter et humilier la Russie on risque de faire sortir le flegmatique Poutine de ses gonds jusqu’à sembler le faire songer à l’emploi de l’arme suprême...)
... C’est alors enfin, au terme de ces spéculations diverses qui ne sont que ce qu’elles sont, que nous en viendrions, sous la force du “choc psychologique” ainsi enregistré, à aborder la question du Système, de son existence, de sa poursuite, de son effondrement, – car c’est bien lui, n’est-ce pas, qui nous a lancés dans cette folle aventure ! Cela est d’autant plus envisageable que l’économie et le système financier devraient commencer à subir sévèrement le contrecoup de ces événements (notamment par le biais de la probable expulsion de la Russie du système SWIFT). C’est alors que les subcrises auraient subi leurs mues diverses et se trouveraient rassemblées dans l’épisode ultime de la Grande Crise.
C’est alors que nous pourrions croire que ce présent étrange, mystérieux, catastrophique dans des sens inédits, nous serait fait, et que cette idée énoncée en tête trouverait son accomplissement :
« Nous avons conscience de vivre une sorte d’événement gigantesque, quasiment suprahumain, peut-être bien d’une importance comparable à celle de la naissance de Jésus-Christ ou de la chute de Rome, – rien que cela ! »
Forum — Charger les commentaires