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209127 août 2015 – les évènements actuels à partir de la situation économique et financière de la Chine constituent, cela depuis au moins deux mois, une crise en soi, qu’on est désormais tenté de rapprocher de la crise de 2008 même si les circonstances sont différentes. Par chance ou fatalité chronologique c’est selon, cet enchaînement nous fixe un délai de sept années, qui s’accorde fort bien à des évènements précédents du même type, également séparés de sept années. Par chance supplémentaire et hautement symbolique sinon révélatrice c’est selon, la chose nous conduit à une citation de la Bible. La démarche de ces “cycle de sept ans” dispose donc d’une assise solide pour occuper une place de choix du point de vue de la communication, psychologiquement ou opérationnellement c’est selon.
Par exemple, Jean-Jacques Netter, parmi d’autres, nous expliquait le 25 août 2015 dans Politico.com, ce composant chronologico-symbolique, sinon eschatologique, du “cycle des sept ans” :
«Nous sommes sept ans après la faillite de Lehman Brothers de 2008, qui suivait l’effondrement des valeurs internet en 2001, la chute des pays d’Amérique Latine (Argentine, Mexique) en 1994 et le krach boursier de 1987. Tous les sept ans, une crise financière majeure se produit avec une grande régularité. La Bible (Genèse 41.1) avait déjà identifié ce phénomène en le décrivant comme “une période de vaches grasses suivie par une période de vaches maigres”...»
Cette accointance avec le Ciel, fatale ou accidentelle c’est selon, justifie d’autant que nous placions la crise de 2015, – puisque, c’est dit, il y a bien une crise de cette sorte financière et économique pour enchaîner, – dans une logique comparative avec 2008. Cela est d’autant plus impératif que l’on est aussi bien fondé de voir entre les deux crises une telle parenté qu’en en ferait deux épisodes de la même crise. C’est absolument notre cas comme nous l’avons écrit, avec la bénédiction de WSWS.org qui nous a poussés dans ce sens le 25 août 2015 :
« Dans sa verve trotskiste, “WSWS.org” [....] nous montre non seulement la filiation entre les deux crises, celle de l’automne 2008 et celle qui s’amorce pour l’automne 2015, – cycle des sept années respecté (septembre 2001, septembre 2008, quasi-septembre 2015), – mais finalement la simple évidence qu’il s’agit de la même crise qui n’a jamais cessé, certainement depuis 2008, et psychologiquement (voir plus loin), certainement depuis 2001...».
Or, la date de 2008 est pour nous essentielle dans la séquence commencée le 11 septembre 2001 (et alors, l’évènement du “cycle des 7 ans” serait plutôt pour nous la “crise 9/11”, notamment dans ses dimensions économiques comme conséquences) ; par conséquent, la simple considération intellectuelle nous invite à faire au moins comparaison, sinon raison des deux... Nous voilà donc justifiés de considérer les deux crises, ou plutôt les deux épisodes crisiques de la même crise de 2008 et de 2015, de les comparer, de comparer les conditions qui les accompagnent, d’en tirer les enseignements qui importent, etc. La similitude et la parenté étant établies, ainsi que le rythme quasi-eschatologique, c’est donc dans leurs différences, — qui sont importantes, marquantes et significatives, – que nous trouverons notre miel.
Depuis que nous avons pu apprécier, très vite, les conditions générales de la crise de 2008, nous avons toujours considéré qu'elle avait joué un rôle de stratégie psychologique et de tactique de communication de premier plan. Cela nous apparut assez vite, pour la simple raison de notre façon de voir, qui ne s'attache guère à la chose économico-financière ... Nous n’avons pas considéré la crise (9/15) de septembre 2008 à partir de ses prémisses observables et perceptibles de plus en plus fortement depuis août 2007 mais plutôt comme une rupture, à partir de l’observation générale de toute la globalité crisique du monde que nous constations depuis 2005-2006 et l’évolution de l’affaire irakienne (l’échec US en Irak, marqué par l’échec électoral des républicains aux élections mid-term de novembre 2006 et la démission du secrétaire à la défense Rumsfeld).
Nous passions alors, en 2005-2006, d’une crise spécifique et encore identifiable à quelques acteurs, ou à un seul (la folie de l’hybris américaniste assumé dans l’aventure irakienne, sans encore le ridicule des échecs répétés et aussitôt identifiés), à l’élargissement de cette crise à bien d’autres domaines. On pouvait alors commencer à parler de la Grande Crise d’effondrement du Système, couronnée par les premiers actes d’opérationnalisation de la crise de l’environnement. Le rapport Stern d’octobre 2006 au Royaume-Uni marqua pour nous l’élargissement que nous jugions décisif de la crise transformée en Grande Crise et en Crise de l’eschatologisation du monde. Il ne faisait aucun doute, toujours selon notre façon de voir, que la crise générale de l’environnement mettait en cause tout le Système et son activité de dévastation du monde ; cela rencontrait quelques analyses, encore extrêmement rares, notamment celle de l’excellent Anatol Lieven dans un aricle dans l’International Herald Tribune du 28 décembre 2006 cité dans notre texte du 29 décembre référencé.
C’est toute la dynamique d’un jugement (de notre jugement) d’une psychologie crisique, percevant la crise et acceptant la réalité de la Grande Crise, qui fut brisée net par la crise financière de 2008. Nous l’avons depuis lors rappelé à plus d’une reprise parce que nous jugeons qu’il s’agit d’une inflexion essentielle de l’évolution crisique dans la séquence ouverte le 11 septembre 2001. Cette inflexion, également nommée par nous “déflection/deception”, peut aisément être interprétée comme une défense du Système qui se voyait menacé d’une mise en cause générale dans la tendance générale née en 2005-2006 et lancée à l’automne 2006 d’élargissement eschatologique de la crise. Nous donnons ici deux extraits de textes récents à cet égard, précisant comment, dans la logique de la crise de 2008 (9/15), les relations à l’intérieur des pays occidentaux se transmutèrent en “bloc BAO” opérationnalisant la “politique-Système”.
• Le 1er juillet 2014 :
«La crise de septembre 2008 vint renverser les préoccupations générales, en les faisant passer des domaines extérieurs divers (la catastrophe irakienne, les menaces d’attaque contre l’Iran, le démarrage [de la perception active] de la crise de l’environnement dans le système de la communication à partir de l’automne 2006, etc.) au domaine très technique, très sectoriel mais aussi directement (en principe) connecté sur la vie courante de la finance puis de l’économie. Nous avons nous-mêmes perçu cette crise comme un deuxième tournant de l’époque commencée avec 9/11, avec l’instauration d’une nouvelle “narrative” (sauvegarde et “renaissance” vertueuse de l’hyper-capitalisme spéculatif et postmoderniste) qui s’est avérée bien entendu complètement faussaire et a entraîné une rapine financière sans précédent et une accentuation catastrophique de la crise économique et sociale structurelle. Des aventures extérieures nouvelles, à l’occasion du “printemps arabe” (démarrant en décembre 2009), ont transformé l’équipée unilatérale des USA en équipée intégrée du monde occidental, – ce que nous avons appelé à partir de cet épisode le bloc américaniste-occidentaliste, ou “bloc BAO”, développant une “politique-Système“ plus ou moins acceptée par tous ses membres (voir les ‘Glossaire.dde’ des 10 décembre 2012 [bloc BAO] et 17 novembre 2012 [politique-Système] respectivement).»
• Le 8 février 2014 :
«Par rapport à notre impératif de “penser l’apocalypse”, la crise 9/15 est une crise de déflection-‘deception’. Nous employons les deux mots d’une façon réaliste et symbolique à la fois, avec le premier (déflection) indiquant une ‘modification de trajectoire’, qui est l’effet direct de 9/15, et le second, le mot ‘deception’ en anglais, faux-ami par excellence, qui signifie ‘tromperie’, qui est l’effet indirect de 9/15, et qui pourrait être aussi bien vécu comme une déception (en français).
»Ce qui s’est passé avec 9/15 est qu’on a retrouvé une crise classique, du déjà-vu pour les esprits des dirigeants et du public, à l’occasion de laquelle les analogies historiques ne manquèrent pas (le spectre de la Grande Dépression). L’important dans cet événement pour notre propos est qu’on pouvait s’éloigner de la recherche de “penser l’apocalypse” et du “tout autre type de rationalité” recommandé par Girard. En quelque sorte, la crise énorme de 9/15 était rassurante, au point qu’un bouffon faisant-sérieux comme Bernanke pouvait annoncer les “jeunes pousses du printemps” (la reprise) dès mars 2009 et développer sa campagne d’intox déflection-‘deception’ durant tout le printemps (voir le 23 mai 2009). Bien entendu, tout cela était pure tromperie, mais la véritable tromperie (‘deception’) était bien de remplacer une crise par l’autre.
»Effectivement, avec 9/15 et immédiatement après, on ne pensa plus guère à la crise climatique et il fut surtout question des chicayas autour de l’événement dit de ‘Climategate’ pour savoir qui était exactement coupable de quoi dans la comptabilité des émissions de CO2 ... On ne pensa plus guère à la Grande Crise de la destruction du monde en tant que phénomène eschatologique fondamental, comme on l’avait fait de l’automne 2006 jusqu’à 9/15 (2008), mais en termes parcellaires et opérationnels, à l’occasion d’accidents ou de catastrophes climatiques, d’anomalies géophysiques, etc. Mais il s’agit ici d’un point de vue relatif à ce qui avait précédé, et une démarche de liquidation de la démarche impliquant de “penser l’apocalypse”. Cette ‘stratégie’ naturelle de dissimulation du Système (‘dissimulation’, autre mot pour ‘deception’, proche de ‘tromperie’ mais avec une nuance d’élaboration en plus) portait une dimension bien plus grave pour le Système; parfait retour de flamme, “tel est pris qui croyait prendre”, inversion vertueuse prestement réalisée. [...]
»... De notre point de vue, on pourrait très logiquement interpréter la crise 9/15 de 2008 comme une sorte de “complot” déflection-‘deception’ du Système contre lui-même. Il est alors entendu que nous considérons le Système comme une entité, voire une égrégore, dont l’activité répond à une psychologie intégrée et à une logique globale interne, et à niveau d’intelligence allant de la surpuissance extatique à l’autodestruction d’une stupidité avérée. En effet, la dynamique que nous baptisions “penser l’apocalypse” durant les années fin 2006-début 2008 avait été lancée par le Système lui-même (rapport Stern); c’est donc contre lui-même que la crise financière 9/15 est activée et se développe si on considère cette crise effectivement comme de type déflection-‘deception’, destinée à détourner notre attention de la Grande Crise de destruction du monde per se. 9/15 concentre toute l’attention, toute la capacité d’alarme et de débat, toute la potentialité de réflexion autour de la problématique de la crise sectorielle de la finance enchaînant sur l’économico-sociale. C’est un domaine fécond, à la fois pour l’analyse critique, à la fois pour l’intérêt du public et des contestataires antiSystème, à la fois pour l’exercice du pouvoir, qui se trouve en plus ‘confortablement’ installée sur de nombreuses références historiques, à la fois rassurantes et rationalisantes pour l’esprit. Ainsi disparut la dynamique du “penser l’apocalypse”, ainsi la Grande Crise de destruction du monde devint-elle, selon le mot d’Engelhardt, une ‘anti-nouvelle’, ou, mieux encore, une ‘non-information’.»
Ainsi suffit-il de se rappeler ce que fut la saison de l’automne 2008 jusqu’à la fin du printemps 2009 où le bouffon placé à la tête de la Fed, dit “hélicoptère-Ben” (Bernanke) pour sa prodigalité à balancer comme à partir d’un hélico des tonnes de $milliards fraîchement imprimés aux banques diverses et aux abois, nous annonça les “jeunes pousses du printemps” porteuses du message : “la crise est finie” ! Dans l’entretemps, l’activité avait été extraordinaire, de sommets, entretiens croisés ou restreints, G8, G20, UE, entretiens bilatéraux avec le couple Sarko-Merkel et le couple Sarko-Gordon Brown, des communications constantes avec le côté US, soit les restes de l’administration GW, soit les premiers contacts de l’administration Obama, et bien entendu avec les Russes et les Chinois, jusqu’au couronnement des deux sommets successifs (avril 2009) du G20 et de l’OTAN. Même en plein processus des présidentielles (Obama versus McCain), le président GW Bush avait organisé une rencontre avec les deux candidats sur la crise, il avait envoyé à deux reprises et d’urgence le secrétaire au Trésor Paulson à Pékin pour qu’on causât gros sous.
Il n’y en avait plus que pour la crise financière. Le reste tombait dans l’oubli, l’Irak, l’Afghanistan ; les projets d’attaque de l’Iran, dont nous avions en général une version hebdomadaire, semblaient désormais de l’histoire ancienne. La crise géorgienne d’août 2008 (attaque de Saakachvili contre l’Ossétie du Sud, riposte-éclair de la Russie [Medvedev-Poutine] et invasion ultra-rapide de la Géorgie entraînant une peur panique d’une crise majeure en Europe) était oubliée et les rencontres Sarko-Medvedev (alors président) se multipliaient au cours de l’automne de la crise 9/15. Il n’était certainement pas question de russophobie, au contraire la Russie était partie prenante du grand concert international rassemblé pour lutter contre la crise financière et le nouveau président Obama préparait déjà son reset du printemps 2009, d’une accélération décisive de l’amitié russo-américaniste. En même temps, ce même président-“Yes I can” et frais émoulu peaufinait son discours type-“Je vous ai compris” destiné, à partir du Caire en juin 2009, au monde musulman dans son ensemble. Dans l’entretemps, Obama avait même été jusqu’à serrer la main à Chavez lors d’une réunion interaméricaine (en avril 2009), et à échanger des plaisanterie avec le leader antiaméricaniste du Venezuela. Il ne restait plus qu’à décréter la fin de la crise financière, ce qui fut fait prestement en avril 2009. Pour ne pas déroger à la saine tradition de la clique, Netanyahou “profita” même de l’inattention générale pour lancer une ce ses attaques-massacres (Plomb fondu, décembre 2008-janvier 2009) contre les Palestiniens.
Répétons cette remarque, de ce 23 mai 2009, avec la description de la puissante manœuvre du Système qui devait superbement étouffer dans l’œuf, et la crise financière, et les autres crises que la précédente avait réduites à une inexistence de communication...
«Tous les ingrédients d’une action sérieuse contre la crise sont réunis, puisqu’il est avéré désormais que l’incantation est à cet égard l’arme la plus sûre. Il est possible que le G20 “senior” du 2 avril, un jour après le 1er avril, annonce dans son communiqué final que l’accord unanime a été fait sur la décision péremptoire et irrévocable de la fin de la récession, fixée officiellement au 24 décembre 2009 à minuit moins une, histoire de montrer en passant aux islamistes de quel bois se chauffent l’Occident de Wall Street et sa “main invisible”. Ainsi soit-il.»
Ainsi, tout aurait pu et du être bouclé à la fin de l’année 2009, en décembre, crise majeure devenue unique résolue grâce à l’imprimerie nationale de la Fed destinée à arroser les banques de papier frais, et à l’activité rhétorique des fantassins du Système. Las, ce même décembre 2009, le 19 exactement, un pauvre chômeur tunisien s’immolait par le feu et déclenchait le “printemps arabe” avec les conséquences qu’on sait, qui n’ont plus cessé jusqu’à aujourd’hui, créant un “tourbillon crisique” dont l’Ukraine et la Grèce sont devenus les plus beaux fleurons, prouvant bien que la déstabilisation du “printemps arabe” n’impliquait aucune limitation, ni dans l’espace ni dans le temps.
Parallèlement, l’action régénératrice des banques vertueusement agressées par la crise et heureusement récompensées par “hélicoptère-Ben” et sa bande a relancé le flux de la crise 9/15 qui ne fit que connaître un petit répit de communication avant de prendre son véritable rythme de déstructuration de l’économie du monde. Les vacances étaient finies tout autant que la crise ne l'avait jamais été..
Maintenant, écartons ces quelques années dont on a esquissé le parcours pour en venir au vif chronologique du sujet. La phase actuelle de la crise, – puisqu’en réalité, nous ne parlons que d’une seule crise au moins du cru 2008-2015, – se signale de façon visible depuis juin dernier. (Voir le 10 juillet 2015.) Depuis plus d’une décade, chaque jour apporte son lot de nouvelles montrant l’aggravation accélérée de la situation. Ainsi pouvons-nous faire nôtre cette remarque de Jacques Attali le 18 août, – même s’il n’est pas précisément notre tasse de thé mais il n’a pas toujours tort pour la cause :
«Le monde s’approche d’une grande catastrophe économique. Et personne n’en parle.»
Effectivement, là est le phénomène qui sépare radicalement 2015 de 2008, qui l’oppose, qui constitue son double antagoniste irrésistible. La crise-2015 semble ne pas exister alors que tout le monde, parmi ceux qui en parlent tout de même, admet évidemment qu’il ne s’agit en aucun cas d’une simple “crise chinoise” mais d’une crise nécessairement mondiale. Rien, absolument rien qui ressemble de près ou de loin au climat qui prévalut lors de la crise de 2008... Toutes les crises en cours se poursuivent avec autant d’écho de communication, – la crise d’Ukraine, la crise aux multiples variantes du Moyen-Orient, la crise européenne également avec ses diverses ramifications, la crise du pouvoir aux USA, la Grande Crise de la Migration, – et l’on dirait même que les crises économiques et financières des uns et des autres, qui se poursuivent, sont traitées, commentées, etc., comme si elles n’avaient aucun rapport avec le grand courant venu de Chine. Les concertations, les échanges, les rencontres d’urgence entre dirigeants dits-“mondiaux” sur le sujet sont extrêmement rares, sinon inexistants. Alors que tout le monde ne parle que de globalisation, alors que les très rares commentaires de fond sur la “crise chinoise” sont ouverts avec le lieu commun de la globalisation et de la Chine dominante (“lorsque la Chine éternue, tout le monde s’enrhume”), eh bien personne ne s’occupe de l’origine de son rhume et tout se passe comme si tous ces adeptes inconditionnels de la globalisation se comportaient comme si la globalisation n’existait pas.
Ce phénomène qui contraste si fortement avec 2008 mérite particulièrement qu’on s’y attache, car c’est bien la principale remarque qui s’impose à notre jugement.
Une singulière différence par rapport à 2008, c’est la puissance du système de la communication. Dieu sait si ce système était déjà omniprésent, producteur d’innombrables interventions, créateurs de nombreux acteurs aussitôt acteur majeur de la vie politique générale, porteur d’une énorme influence sur la perception et sur la psychologie qui est chargée de cette tâche de la perception. Il nous semble pourtant, – nous en parlons souvent, certes, – que durant ces sept années le système de la communication a pris une expansion encore bien plus formidable que tout ce que nous pouvions imaginer, – et, d’ailleurs, dans les deux sens, au service du Système et dans le sens de l’antiSystème (aspect Janus du système de la communication). Des phénomènes comme le déterminisme-narrativiste, qui est certainement l’un des cas les plus remarquable d’une extension totalitaire du système de la communication, mesurent cette extraordinaire circonstance.
Bien entendu, cet évènement interfère massivement sur la perception et la description qui en résulte de l’étape-2015 de la crise décrite, par rapport à l’étape-2008. D’une certaine façon, il est si puissant qu’il permet quasiment de choisir, c’est-à-dire de se poser (consciemment ou pas) la question “Mais y a-t-il une crise ?” et d’y apporter sa réponse. Pour une partie écrasante de la presse-Système, pour nombre de directions-Système, il n’y a pas vraiment de crise. Pour nous, puisque nous aussi nous avons le choix, il y a effectivement une crise et nous observons avec un intérêt à la fois documentaire et sarcastique les serviteurs du système se débattre dans leur mission de déni. Aux dernières nouvelles, l’arme principale du Système (de la presse-Système notamment) face à l’ampleur du phénomène se nomme simplement : le silence. (*) Cette tactique tendrait à montrer une impuissance pathétique qui est l’indice d’une situation désespérée.
Ce “silence” si particulier et si inquiétant par rapport à la représentation permanente de la surpuissante qu’exige le Système de ses affidés, l’est encore plus pour l’état du Système. Il est de fait que le Système ne parvient plus à instiller assez de terrorisation, assez de sa surpuissance totalitaire dans les psychologies de ses serviteurs, pour les contraindre à le servir avec zèle, à-propos et efficacité. Le Système ne parvient plus à imposer sa volonté, non pas parce qu’il y a révolte, – un BHL ne se révolte pas, il se maquille pour le prochain talk-show, – mais parce qu’il ne dispose plus d’assez de surpuissance disponible pour cela, parce que sa surpuissance est de plus en plus dévorée par l’autodestruction qu’elle engendre elle-même.
Ainsi de ce spectacle étrange face à cette crise (phase-2015 de la crise dont 2008 est la phase précédente) où l’on semble absent, l’esprit ailleurs, plutôt passionné par des micro-problèmes, par une micro-gestion des conséquences indirectes et lointaines de la crise ; éventuellement se chamaille-t-on pour déterminer la responsabilité de l’actuelle phase crisique. (Voir RT, le 26 août 2015.) Il s’agit d’une démission accélérée et particulièrement impressionnante au regard du laps de temps de la comparaison avec 2008, des pouvoirs opérationnalisant le Système, c’est-à-dire une démission du pouvoir en général.(Et tous les pouvoirs certes : le pouvoir politique bien sûr, mais aussi le pouvoir économique et le mirifique corporate power, totalement inexistants et réduits à leur comptabilité en $milliards et à leurs petits fours de Davos et du Bilderberg, le pouvoir de la communication-Système réduit à la tactique du silence et ainsi de suite.) C’est une démonstration de la rapidité du processus de déstructuration et de dissolution du Système lui-même, selon l’idée exposée notamment dans les Glossaire.dde du 8 juillet 2013 et du12 janvier 2014 :
«[...L]e Système, pour mener depuis deux siècles son entreprise, a été obligé lui-même de se structurer en “machiner à déstructurer” ; en d’autres termes, il est devenu paradoxalement une entité structurée. Son besoin, son dynamisme surpuissant exponentiel de déstructuration se poursuivant, le Système qui ne rencontre plus rien à déstructurer, finit alors par s’attaquer à lui-même puisqu’il reste la seule chose à déstructurer. Il entre alors dans cette logique de basculement et d’inversion surpuissance-autodestruction puisque sa surpuissance s’emploie désormais à se détruire lui-même.»
Ce constat rencontre toutes les observations qu’on a pu faire depuis quelques années, particulièrement depuis 2010, sur le déclin catastrophique du pouvoir, sur son effondrement par corruption psychologique et vénale, par affrontements fratricides et stériles, par paralysie devant les processus qu’il a lui-même créés (déterminisme-narrativiste), par épuisement total de la psychologie entraînant l’impuissance totale du jugement. Le silence témoigne de la stérilité, de l’impuissance psychologique, de la stagnation générale de la communication qui nous offre comme l’on tend un miroir une image de la situation générale. La déstructuration-dissolution agit là aussi pour opérationnaliser l’effondrement (celui du Système).
Nous empruntons, comme une des illustrations de l’évolution que nous constatons du point de vue du Système où la dynamique de l’autodestruction engendrée par la dynamique de la surpuissance est en train de grignoter de plus en plus, c’est-à-dite de dévorer, la dynamique de la surpuissance dont elle est issue, un passage d’une interview de l’astronome qui s’est tourné vers la thermodynamique François Roddier, sur Rue89 le 24 mars 2015. Il introduit, à partir d'autres références et domaines, les mêmes perspectives d'anéantissement par une sorte d'émollience généralisée relevant de la dissolution. (Voir notamment, une référence au travail de Roddier, dans notre texte du 11 novembre 2012 sur “l’entropisation de l’écrevisse”.)
Rue89 : «Peut-on mesurer et anticiper le moment où une société humaine traverse un point critique ?»
François Roddier : «Quand on manque d’énergie et que toutes les entreprises font faillite, on peut dire qu’on atteint un point critique. C’est pour ça que je fais l’effort de vulgariser ces notions, c’est pour alerter sur le fait qu’on va traverser le point critique, c’est-à-dire l’effondrement de notre civilisation actuelle.»
Rue89 : «Qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer ?»
François Roddier : «Plus rien ne marche, l’économie s’est arrêtée.»
Rue89 : «Elle stagne mais elle n’est pas complètement arrêtée !»
François Roddier : «On essaye de la maintenir en activité, oui. On est dans une sorte d’état de surfusion, comme ce qu’il peut se passer lors du passage de l’état liquide à l’état solide. Vous mettez une bouteille au congélateur pendant 2h30, vous la sortez, elle a l’air encore liquide alors qu’elle est déjà en dessous de zéro degré. Il suffit alors d’un tout petit choc pour qu’elle se transforme en glace. Il y a des vidéos sur YouTube là-dessus. Le passage entre les deux est une transition abrupte, c’est ce qu’il risque de nous arriver.
»Il y a un livre qui s’appelle « Phase transition » où des physiciens s’intéressent aux différentes formes de transitions de phase, ils évoquent le passage de l’eau à l’état solide, puis ils appliquent ça ensuite à la biologie, puis à l’effondrement des sociétés humaines. Ce sont les mêmes processus. Et je le répète, quand on parle de transition abrupte, c’est abrupt.»
Rue89 : «De nombreuses structures et entreprises se créent aujourd’hui avec un modèle qui consiste à minimiser la consommation d’énergie et de ressources. Pour citer les plus gros, quand leur modèle n’est pas détourné, Airbnb augmente le nombre de personnes par logements et Uber le nombre de passagers par voiture. On peut espérer que l’être humain soit capable d’anticiper la rareté qui s’annonce ?»
François Roddier : «Oui tout à fait. On vit une transition de phase actuellement, entre une voie et une autre, les deux sont encore en présence, l’une décline et l’autre arrive. Notre monnaie est adaptée à la voie ancienne. Avant que tout ne s’effondre il faut une seconde monnaie pour encourager la nouvelle phase, celle de l’économie de la fonctionnalité et des énergies nouvelles, et non plus celle où l’argent est détenu par des capitalistes et dans la finance et l’immobilier. J’ai appelé cette monnaie enzyme, elle serait dédiée aux services et à l’immatériel, alors que l’euro resterait réservé aux biens matériels, les biens dont la production nécessitent une dissipation d’énergie.»
En un sens, cette stagnation de l’économie, qui pourrait aisément se concevoir entre diverses interventions poussives désormais de plus en plus rares du Système malgré sa surpuissance, et le commentaire aussi tonitruant qu’on l’entend réduit au silence du système de la communication, trouvent leur application opérationnelle dans cette singulière situation de “réaction” à la crise chinoise/étape-2015 de la crise-2008. D’un côté, l’économie stagnante, de l’autre le silence du commentaire ; d’une façon générale, la tête dans le sable dorée d’une plage de vacances pour milliardaires incertains et touristes égarés, ou bien l’air d’être occupé par quelque chose d’autre ...
Cela nous ramène, dans la logique générale ainsi développée, à ces remarques que nous faisions dans cet article du 19 août 2015 sur “l’effondrement du Système sous un regard perplexe”, mais cette fois, tous comptes faits, avec la perplexité de plus en plus transmutée en un simple constat de l’évidence...
«Ainsi se développe la crise, à la fois extrêmement puissante, à la fois extrêmement brouillée dans un immense brouillard de communication, par les mesures même qui sont prises depuis la précédente crise de 2008, laquelle n’apparaît alors que comme la phase précédente de la même crise; ainsi sont créées et entretenues l’apparence de conditions factices de prospérité ou de promesses de prospérité, et de bonne marche de l’économie, et de promesses de plus en plus extravagantes et funambulesques par rapport à la situation qui exprime de plus en plus sa vérité. Le camouflage, l’habillage, la “narrative” sont d’une extraordinaire surpuissance et d’une résilience qui dépasse l’entendement, et activent d’autant la tendance à l’autodestruction par les soubresauts de plus en plus perceptibles de l’accélération de la destruction de l’économie réelle. Dans ce sens et si nous extrapolons ces constats à un paysage général, à l’évolution fondamentale des choses, au sens même de la marche de l’histoire-Système obligée de se hausser aux exigences de la métahistoire, nous retrouvons pleinement l’une des idées centrales de notre conception sur l’effondrement du Système telle que nous la présentons dans le “Glossaire.dde” du 12 janvier 2014:
«“Nous avons exposé jusqu’ici diverses circonstances, considérations, analyses, etc., qui nourrissent notre conviction du phénomène en cours de l’effondrement du Système. Nous parlons aussi bien des positions de principe et théoriques, des perspectives métahistoriques, etc., que des circonstances quotidiennes que nous fournit l’actualité du temps présent, et que nous analysons systématiquement d’un point de vue métahistorique et selon cette idée de l’effondrement du Système.
»“Nous considérons en effet que les événements, observés sur le terme et dans la perspective que nous avons présentée, vont effectivement tous dans le sens de l’hypothèse de l’effondrement du Système, et de l’effondrement comme étant un processus en cours, et cela avec suffisamment de puissance et de vélocité pour rendre cette hypothèse non seulement plausible et digne de considération, mais proche d’être impérative”... [...]
»...Ainsi, nous considérons que les conditions actuelles, à l’inverse de celles qui prévalaient en 2007-2008, quand commençaient à se signaler les prémisses de la crise de l’automne 2008, ne constituent pas des prémisses, mais des étapes supplémentaires d’une crise effectivement déjà engagée et qui se poursuit naturellement en s’aggravant. La crise de 2008 (septembre 2008) n’a jamais été résolue et n’a cessé d’évoluer, sans cesser d’être une crise, jusqu’à aujourd’hui, en attendant la suite dans le même sens. De ce point de vue, on peut donc avancer que la crise est en cours depuis 2007-2008 dans sa phase aigüe, qu’elle s’est prolongée régulièrement depuis en étant camouflée en tant que crise, et n’a cessé de contribuer au processus d’effondrement du Système décrit par l’équation surpuissance-autodestruction qui est elle-même un moyen de camouflage de la crise.»
Que conclure de tout cela ?
Il est bien possible qu’un jour prochain, regardant la télévision en bon élève antiSystème cherchant la faille chez l’adversaire ou disons le prétendu-adversaire, nous voyions avec un étonnement assez moyen monsieur François Hollande, président de la République Française, s’amollir, se défaire, se distordre et s’effriter, bref se dissoudre peu à peu, avec sa voix decrescendo à mesure, et bientôt disparu en tant que personne dotée des droits-de-l’homme, et bientôt réduit à un petit tas ... Un petit tas de quoi, au fait ? De poussières ? Montherlant disait “Va jouer avec cette poussière” ; Malraux, de son côté, “L’homme, ce misérable petit tas de secrets”.
Constatant que “ce misérable petits tas de secrets” ne contient en fait que quelques poussières en tas et sans autre importance, nous entendrions alors un technicien crier : “Coupez, c’est dans la boîte”, et nous saurions que c’est le terme du voyage, et nous pourrions songer alors à changer de civilisation comme d’autres prennent leur correspondance. Derrière nous, il ne restera rien, poussière bien proprette, bien rangée, pliée comme ils disent...
(*) Nous avons cité cette attitude la presse-Système dans un texte qui se situe, dans notre site, dans la catégorie spécifique de notre campagne permanente des donations mensuelles. (Voir le 24 août 2015.) Il s’agit d’une affaire sérieuse, et non pas d’un argument de circonstance pour la campagne de donation. Nous y reviendrons certainement.
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