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655Une fois de plus, la situation de la Grèce semble empirer jusqu’au point de rupture. Cela écrit, on sait qu’il s’agit moins de la situation de la Grèce elle-même, qui est déjà rompue au-delà de toute description, en un vieux pays brisé, pulvérisé, transformé en lambeaux, foulé et souillé, – berceau de notre civilisation devenue la honte et l’infamie de notre contre-civilisation, par l’action honteuse et infâme de notre contre-civilisation…
Il s’agit, pour le cas de notre réflexion, de la situation de la Grèce par rapport à l’euro, par rapport à l’Europe, – par rapport au Système ; il s’agit de la situation de l’euro, de l’Europe ; il s’agit de la situation du Système, et de nous par rapport au Système ; on peut donc avancer que nous ne sommes pas loin d’être “tous des Grecs opprimés”. Nos “directions politiques” qui sont les esclaves du Système, hurlent au loup. Ces pauvres gens à la psychologie terrorisée ont donc leurs rodomontades comme des caricatures de leur maître, qui est le Système. Marionnettes d’une mécanique autodestructrice de la Matière, ils n’osent même pas avoir la moustache de leur Hitler.
…En la matière, le mol Barroso, glabre comme n’importe quel autre clone du Système, est bien plus notre Hitler postmoderne que n’importe quel “fasciste” d’extrême droite né de leur crise-Système. C’est-à-dire qu’il a plutôt la stature d’un Ben Ali. Quant à la Grèce, elle est la représentation de notre avenir immédiat : observons le spectacle.
Devant les échecs successifs de la Grèce à former un gouvernement, alors que l’ultime tentative (“gouvernement d’union nationale”) avant de nouvelles élections qui renforceront encore les résultats obtenus par la précédente semble bien mal engagée, la direction européenne a montré toute la profondeur de sa pensée et la fermeté de son caractère. Ce fut l’intervention de Juan Manuel Barroso, décidément porte-parole de cette direction, et rassuré par Berlin pour ce cas. (Mais de plus en plus moyennement, au vu de la catastrophique défaite de Merkel dans le Land de la Rhénanie du Nord-Westphalie, hier.) Sa rhétorique est désormais celle de l’ultimatum.
La psychologie terrorisée adresse un message de terrorisation à ses homologues grecs, – quoique l’on puisse se demander : homologues en quoi ? On y trouve toute l’intransigeance nécessaire, selon l’attitude conforme à l’action du Système : la Grèce, mauvaise travailleuse, glandeuse et corrompue, doit se soumettre ou se démettre. (Russia Today, le 12 mai 2012.)
«President of the European Commission José Manuel Barroso told Italy’s SkyTG24 TV channel that since Greece is unable to fulfill its financial obligations towards the EU, it should leave the eurozone. Barroso compared the single currency to a club, the rules of which are binding for members.
»The President of the European Commission said however highly he respects Greek democracy, he cannot neglect the needs of the other 16 eurozone member states. He stressed that if Athens cannot respect agreements reached, he sees no reason why the EU should not part company with Greece. […] Barroso’s harsh rhetoric could be regarded as a response to attempts by Greek politicians to reconsider the austerity program imposed on Greece by the EU.»
On notera que Juan Manuel Barroso, l'homme du club, «highly respects Greek democracy», selon ses propres termes. C’était un “message personnel” à l’adresse de Platon.
La situation de la Grèce est effectivement semblable au discours de terrorisation des dirigeants extérieurs-intérieurs qui entendent lui imposer son destin. Le Daily Telegraph a recueilli les confidences effrayées et furieuses de Mr. Theodoros Pangalos, vice-Premier ministre de l’actuelle équipe de “gestion” de la chose. (Le 12 mai 2012.)
«“The majority of the people voted for a very strange mental construction,” he said. “We want to be in the EU and the euro, but we don't want to pay anything for the past.” […] Mr Pangalos warned: “There is a school of thought that says the Germans are bluffing. They need Greece and will never throw us out of the eurozone. But what will happen, which is almost certain, is they will not give us the money to pay our debts.” “We will be in wild bankruptcy, out-of-control bankruptcy. The state will not be able to pay salaries and pensions. This is not recognised by the citizens. We have got until June before we run out of money.“ “We have been spending the future for half a century. What [the anti-bailout forces] are really asking from the EU is not just to pay our bills, but also to pay for the deficit which we are still creating.”» […]
«Mr Pangalos compared Syriza's charismatic leader, Alexis Tsipras, to Venezuela's Hugo Chavez. “Are the Germans going to pay for a guy that wants to imitate Chavez?” he said. “Except that Chavez has oil, and an army.”»
Tous les lieux communs et les ingrédients de la tragédie installée par le Système sont présents dans le discours. L’essentiel est d’aller aux conséquences de l’action du Système, qui sont le fait des victimes du Système réagissant avec leurs faiblesses et leurs inconséquences, pour accuser ces victimes d’être les coupables de la cause supérieure de leurs réactions et des maux qui en résultent. Dans de telles circonstances, l’art du sophisme devient tragique et véritablement insupportable.
Mais que peut faire et dire Mr. Theodoros Pangalos sinon développer la seule rhétorique qui reste accessible à sa pensée, qui est celle du sophiste ? C’est une autre façon de saluer Platon.
Les gens du mouvement Occupy, aux USA, – mouvement qui entame sa seconde saison de contestation avec alacrité, – disent qu’on se trouve dans une situation où la “Troisième Guerre Mondiale” est déclenchée. C’est la “Guerre Mondiale” des spéculateurs contre le reste ; “les spéculateurs”, avec l’aide habituelle des Barroso & compagnie, c’est le faux nez du Système pour la séquence, et cette “Guerre Mondiale” est celle du Système.
C’est en ces termes guerriers que parle Allessandro Politi, de la société-conseil Claudio Bettiol & Partners, interviewé par Russia Today, le 12 mai 2012. Parlant des pays de l’UE croulant sous leurs dettes infâmes et, pour l’instant, inclinés à se détacher du sort de la Grèce pour croire ainsi se sauver du gouffre, Politi dit qu’ils ne comprennent pas que c’est une guerre (la “Troisième dernière”) et qu’en se divisant ils vont à la défaite : «Well, if they march divided, and the speculators attack in a coordinated way, this is inevitable…»
«…It is very clear that this financial assault [by speculators] is like an artichoke, first you start with the weaker states, and then you go to the heart – the heart is France, Germany and the other AAA [rated countries]. And all these countries have already been threatened with a downgrade – or like France, have already been downgraded to A…»
Alors, que faire ? interroge RT… S’il est stupide de laisser la Grèce toute seule dans son malheur, et catastrophique de se replier, chacun sur son propre cas, en espérant que l’ouragan s’arrêtera à ses propres frontières malgré les accords de Schengen, alors, que faire ? Réponse de Politi :
«The first thing is to collectively negotiate the debt. Each country has been left alone to its own devices. This is not a good idea when you face a full-fledged financial assault; this isn’t just a crisis. And secondly, there must be a debt auditing. We are lumping together different types of debts, and we don’t know what are the serious and really guaranteed and transparent debts, and what are shadow financing operations for which I don’t know why we should pay collectively as Europeans…»
On sent bien que la réponse, si elle est techniquement et tactiquement à considérer, est nécessairement partielle. Elle laisse entière le problème principal, qui est celui, sempiternel, du Système, – ou, disons, de la Cause Première. Ainsi faut-il s’attacher plutôt à deux autres considérations générales que nous livre Politi, qui ont la vertu de décrire l'ampleur du carnage. Elles fixent effectivement les principales conditions de cette situation.
La première considération est celle de la situation réelle des nations impliquées. Il s’agit d’une situation quasiment insurrectionnelle… Politi a au moins un argument qui touche au cœur de la tragédie, qui se résume dans le mot dignité. «Greece has already hit the bottom, and very soon other countries will do the same. Because it’s not just working class, it’s really middle-middle class that will be squeezed without any pity for the sake of these financial interests. And this is something which goes against the grain of democracy and against the grain of dignity and freedom. So I think that the situation, at least in some countries, is really ready for something very similar to an armed revolution.»
La seconde considération concerne les dirigeants-Système, les “marionnettes d’une mécanique autodestructrice de la Matière” qui n’osent certainement pas les moustaches à la Hitler. Rien d’étonnant, par conséquent, que Politi les aligne plutôt sur le calibre d’un Ben Ali ; et cela est fort juste et bien vu ; dictateur-potiche, Ben Ali, exécutant des ordres du marché (dito, du Système), aussi peu Tunisien que possible et aussi “globalisé” qu’il convient, enfermé dans le monde doré du Système sans se douter qu’il ne faisait qu’y attendre l’émeute. L’analyse est bonne à prendre.
«[U]nfortunately there is a political class and also an entrepreneur class which has been educated by more than 30 years of deregulation, which thinks just that numbers count, and not people. So they see the facts, but they really don’t take seriously the message. We are starting in Italy to have a number of suicides which are very similar to the ones that we had in Tunisia, and what does our official statistics office say? Well, the number is in line with the past years. I’m sure the same thing was said to Ben Ali by his own statisticians. But that is not the point. It is not about the numbers, it is about politics and political perception. It’s not just spinning the news.»
Pour terminer le tableau, on (Politi) dira quelques mots des derniers pions à n’avoir pas été nommés, pourtant les plus proches du Système, les favoris, les meilleurs exécutants de la catastrophe-Système, les plus responsables et les plus prompts à gémir “ce n’est pas moi c’est l’autre”.
«…Look just at the United Kingdom. They have introduced austerity measures, but they still have a reputable economy despite knowing very well that the debt is very high. Look at the United States, who are saying ‘well, we don’t want to be touched by EU problems,’ when this world crisis was originated by scandals in the United States.»
Par bonheur, – oui, il est question de bonheur dans la juste répartition de l’indignité du malheur, – l’on sait que ceux-là, s’ils s’entendent à rester dans leur tour d’ivoire pour cette partie-là de leur catastrophe, y sont installés sur un volcan qui gronde, rongés eux-mêmes par leurs propres termites venues de loin. Eux, par bonheur, ils ont leur rendez-vous de décembre.
«Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés/ On n'en voyait point d'occupés… / A chercher le soutien d'une mourante vie»… Disons plutôt, à propos des serviteurs du Système en tant que tels, et le jugement comme une image et comme un symbole parce que nous ne sommes pas méchants, au fond, et ne leur voulons pas de mal à proprement parler : “Ils ne mouraient pas tous, – pas encore” ; par conséquent, on en reparlera.
On ajoutera un appendice avant de risquer quelques réflexions, en revenant sur un mot, dans une phrase, – une curieuse parole du Vice-Premier ministre, Mr. Theodoros Pangalos (voir plus haut, l’interview au Telegraph) ; comparant Tsipras, le “Gorba grec” (de Gorbatchev), à Chavez, et précisant que c’est très joli de vouloir être un Chavez grec, “[e]xcept that Chavez has oil, and an army”». La remarque implique que, contrairement à Chavez, Tsipras devenu Premier ministre n’aurait ni l’un ni l’autre, n’est-ce pas ? Pour le pétrole, on comprend, mais pour l’armée ? Que veut dire Mr. Theodoros Pangalos ?
D’abord, veut-il dire quelque chose et n’a-t-il dit cela que par hasard ? Curieux hasard, d’autant que l’association d’idée n’est pas évidente : lorsqu’on parle de Chavez, les idées d’activisme politique, de radicalisme, de populisme, de pétrole certes, viennent à l’esprit ; mais l’idée de son armée, beaucoup moins, parce que l’armée vénézuélienne, si elle existe, et si Chavez en est issu, n’a pas joué un grand rôle dans l’aventure Chavez ni figuré dans la controverse qui l’entoure. (Sauf, pour certaines unités, dans la tentative de coup d’État de 2002 contre Chavez, ce qui ouvre d’autres horizons.)
Si, par contre, il veut dire quelque chose, Mr. Theodoros Pangalos, veut-il dire que l’armée grecque aurait un rôle particulier (on en avait déjà parlé, il y a un an, quelques rumeurs…), et qu’elle ne soutiendrait pas le “Chavez grec” (Tsipras) s’il vient au pouvoir ? Qu’elle aurait, au contraire, une mission du type “colonels grecs” de 1967, veillant à empêcher un pouvoir un peu trop radical de type “Gorba le grec” (Tsipras) de s’installer ? Hypothèse, hypothèse, et peut-être l’idée en est-elle venue à certains.
Ce serait si complètement se tromper d’époque, et pourtant bien dans la manière de certaines politiques de force… Une telle mascarade aurait enfin pour effet d’accélérer ce que Politi décrit, c’est-à-dire une insurrection armée, et de précipiter l’Europe dans une crise cette fois absolument politique. Cela dit sans autre précision, on doit observer combien nous sommes dans des “temps troubles” puisque, au contraire de Chavez, l’hypothèse est aussitôt à l’esprit. L’Europe est-elle plongée dans des “temps troubles” ?
Avec ces tensions terribles, ces situations insolubles, cette impuissance à sortir du cercle maléfique, comment croire que la situation jusqu’ici considérée par les seules économistes ne deviendra pas politique, avec toutes les conséquences ? Est-il inimaginable, désormais, d’envisager qu’un jour, pas nécessairement si lointain, un président français quelconque, conduit vers une capitulation devant les pressions et l’intransigeance allemandes relayées par Bruxelles pour l’austérité radicale tandis que la population française est au bord de l’insurrection, est-il inimaginable qu’un président français quelconque rappelle à la chancelière que la France est une puissance nucléaire et que l’Allemagne ne l’est pas ? (Mais cette image, à considérer comme une image et un symbole, sans intention prévisionniste. Les Européens sont entre eux gens civilisés, paraît-il, et, surtout, nul ne sait ce qu’il restera, très rapidement, de la politique d’austérité de la chancelière et de l’autoritarisme européen qui va avec, au vu de sa fortune électorale.)
Poursuivant cette analyse, nous observerons que toute la dialectique autour de la dette, de l’austérité et de la politique anti-austérité, ne fait que poursuivre une réflexion enfermée dans une forme circulaire, une réflexion fermée. On en revient toujours à se heurter à la carapace du Système, représentée par la structure européenne et les directions qui lui sont acquises ; et à la même situation d’être finalement livrés pieds et poings liés à l’assaut des spéculateurs, déclencheurs de la “Troisième Guerre mondiale”.
Cela nous amène à l’observation qu’il faut nécessairement changer le terrain de l’affrontement, puisque le terrain actuel, choisi par le Système, le terrain de l’Europe communautaire à tendance évidemment supranationale, – ce terrain-là est celui de notre mort. Il faut rompre, rompre tactiquement (nouveau terrain de la guerre), rompre stratégiquement (nouvelles orientations de la guerre), rompre conceptuellement (nouvelle définition de la guerre, de l’économisme au politique). Cela nous ramène à une autre réflexion, suggérée dans notre texte du 12 mai 2012, concernant le nouveau président français.
«Il existe, dans tous ces pays plus ou moins soumis à un système oppressif venu de l’extérieur, du Nord et du bloc BAO, et du Système lui-même, une recherche de contacts à l’intérieur du bloc pour trouver des alliances de levier possibles. La même chose existe pour la France, si Hollande veut aller dans une voie contraire à la politique d’austérité du Système ; lui aussi a besoin d’“alliances de levier” lui permettant de peser sur ses partenaires restés alignés sur les consignes du Système… […]
»…Qui ne suivra pas ces exhortations sera emporté et balayé ; par conséquent, si Hollande veut exister comme président et tenir quelques-uns de ses engagements, il pourrait bien être conduit à devoir prendre des décisions importantes. C’est la thèse d’Emmanuel Todd, certes, reprise de la première présidence Roosevelt, mais avec la précision essentielle que l'hypothèse d'action, pour être décisive, ne peut être exercée principalement ni cantonnée à l’économie, ni à la France, ni à l’Europe, mais qu’au contraire elle doit absolument être sortie de ce contexte. C’est vers les relations extérieures, vers des crises comme l’iranienne, vers un continent comme l’Amérique latine, vers des groupes de pays comme le BRICS ou l’Organisation de Coopération de Shanghai (avec la Chine et la Russie, et la possible adhésion de l’Inde et du Pakistan), que doit avoir lieu l’orientation “révolutionnaire”, – pour qu’elle le soit vraiment, “révolutionnaire” (et la situation en France et en Europe suivant alors cette pente) ; c’est-à-dire pour qu’elle soit une rupture du cadre ancien et une évolution vers une position antiSystème, ce qui est le vrai sens de “révolutionnaire” aujourd'hui.»
La Grèce, pour prendre évidemment ce cas, peut aussi bien se tourner vers d’autres perspectives, vers la Russie, vers la Chine, même si elle reste nation d’Europe. Dans ces conditions d’extrême bouleversement qui nous affectent tous, ces pays pourraient juger cette sorte de rapprochement, non seulement utile mais nécessaire.
Notre idée n’est certainement pas d’offrir un schéma, une “feuille de route”, une stratégie détaillée possible, mais de suggérer un changement dans l’état de l’esprit. Il faut rompre notre propre posture, modifier notre vision du monde, orienter notre psychologie vers cette nouvelle perception, – “notre psychologie”, celle des Grecs, celle des Français, celle des nations européennes et de leurs peuples encagés dans une structure de fer…
Il faut absolument s’extirper du “problème européen” et de ses données imposées, s’en extirper par la force et dans la douleur s’il le faut, – et il le faudra, – car ce problème-là est un piège qui se compare en perversité maléfique à celui du cadre fédéral américaniste pour les populations américaines depuis la fondation des USA (1787-1788) et sa re-fondation “par le fer et par le feu”, et par la vertu du président Lincoln, en 1861-1865. Pour reprendre l’idée très puissante et superbe de Mélenchon, il faut “rompre avec l’Occident”, ou “sortir d’Occident” … Ce que nous exprimions, le 12 avril 2012, à partir de son discours du 30 mars 2012, de cette façon :
«…Nous allons tenter de résumer les axes principaux de ces interventions. A notre sens, il y en a quatre […] la rupture nécessaire de la France avec l’Occident (en fait, à notre sens et si nous comprenons bien, avec l’“Occident anglo-saxon”, ou atlantiste, ou le bloc BAO dans notre jargon, ou le Système si l’on veut faire bref et définitif)…» (Sur Mélenchon, voir notre remarque [*] en note, ci-dessous.)
Cela ne signifie pas nécessairement sortir de l’UE ou de l’euro, etc., d’une façon violente et rupturielle, ou plutôt cela ne signifie pas que cette sorte de rupture doive conduire une politique d’une façon négative, même si cela se produit effectivement. Toutes ces choses viendraient ou viendront nécessairement en leur temps, dans ces temps où le temps accélère vertigineusement ; elles viendront d’une façon ou d’une autre ; elles viendront quand ce changement de vision du monde, d’une posture dans le Système à une posture en-dehors, nécessairement antiSystème, s’installera dans les psychologies et inspirera les orientations politiques. (Et l’UE en subira les conséquences : elle s’adaptera en se conformant ou se dissoudra comme un poison pervers.) L’essentiel est de s’extirper du piège mortel, et il faut savoir qu'il existe, en-dehors de ce cadre qui est une prison, des puissances et des peuples qui n’attendent que cela, – que nous nous extirpions de ce piège mortel.
Ce n’est pas “un printemps européen” qu’il faut, mais une “tempête européenne”. Et pour les Barroso-Ben Ali, comme dit Hollywood, Gone with the wind…
On doit dire, à ce sujet qui dépasse le cadre de notre réflexion, la déception objective et indiscutable de voir un homme tel que Mélenchon, capable de dire un discours de politique extérieure (ou “politique générale de crise”) tel que celui qu’il fit le 30 mars 2012, et confirmé comme un texte de conviction par diverses interventions télévisées, s’abîmer dans le piège ordinaire d’affrontements d’un temps qui n’existe plus et qui ne fut jamais qu’un artifice des idéologies dominantes. (…Et ce piège, aujourd’hui sous la forme du faux nez que le Système applique sur la binette des critiques qui deviendraient dangereux, pour les faire taire, – et ainsi, Mélenchon bâillonné sur l’essentiel pour lui qui est la recherche d’un “front antiSystème”. [nous avons déjà évoqué ce thème dans notre F&C du 21 avril 2012.]) La hargne anti-FN de Mélenchon, opposant une aile antiSystème à l’autre, est un naufrage de l’esprit et un aveuglement de l’intelligence par rapport à ce qu’il nous a dit le 30 mars. Rien, absolument rien ne justifie cette démarche, sinon des faiblesses humaines, du type “humain, trop humain”. (Décidément, la formule est d’usage abondant.) Croire qu'un affrontement personnel avec Marine Le Pen pour les prochaines législatives va résonner comme un “message national et même international”, parce qu’il aura établi pour son compte qu’il faut parler “social” et non “ethnique” dans la compétition électorale, alors que le monde s’ébranle comme il le fait aujourd’hui dans une crise-Système sans précédent, tout cela le fait ressembler en fait de dérision à un politicien accessoire pour “banlieue difficile” (nous allions écrire “un BHL de banlieue difficile”). Est-ce le même homme que celui qui parlait le 30 mars ? Dans tous les cas, il confirme qu’il est, lui, un bel et bon Français à côté de son affirmation d’être un émigré pied-noir de Tanger, dans cette façon d’alterner, dans un même souffle, le meilleur et le pire. Ce jugement-là ne souffre aucune discussion…
Qu’on nous pardonne cette sévérité, mais à partir de ce très brillant discours qu’il fit, Mélenchon nous était comptable d’une certaine hauteur de comportement ; il a failli dans cette occasion ; il n’a pas rempli son contrat. A lui de voir pour la suite.
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