Notes sur des complots et du désordre

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Notes sur des complots et du désordre

29 mai 2013 – Ce que nous voulons présenter est la situation d’un courant qui n’est pas nouveau mais qui ne cesse d’enfler malgré les tentatives qui sont faites pour l’ignorer, le condamner, le réduire, le détourner, le ridiculiser. On pourrait même parler d’un tournant dans l’évolution de l’écho et de l’effet déstabilisant de ce courant. Notre but n’est certainement pas ici de déterminer la véracité du contenu de ce courant mais d’observer les effets qu’il entraîne.

Initialement, le courant dont nous parlons est celui du “complotisme” (ou encore “conspirationnisme”, – mot qui vient d’entrer dans le nouveau Robert). On y ajoutera la situation de ce qu’on nomme “presse alternative”, par laquelle notamment transite l’essentiel du complotisme. (Bien entendu, la presse alternative ne peut en aucun cas être réduite au complotisme, contrairement à la présentation-Système qui en est souvent faite.) Dans tous les cas, il doit être bien compris que notre approche du complotisme est à comprendre dans des limites parfaitement définies ; nous les avons déjà précisées dans notre F&C du 26 avril 2013, que nous citons ci-après  :

«Précisons aussitôt notre position, qui ne varie pas puisqu’elle s’appuie sur le principe opérationnel essentiel de notre action qui est de juger tactiquement des événements, des circonstances et des acteurs qui y sont impliqués selon le seul principe de l’antiSystème : tout ce qui est antiSystème est bon, mais dans la seule mesure de ce caractère antiSystème et pour le temps que dure ce caractère antiSystème. (Cette dernière restriction n’en est pas vraiment une du point de vue intellectuel ; le phénomène qui est le plus fondamentalement antiSystème est le Principe, c’est-à-dire la force structurante par excellence ; ce privilège que nous accordons et réservons au “caractère antiSystème” n’est donc pas une restriction mais la reconnaissance d’une avancée, plus ou moins profonde et plus ou moins durable, absolument vertueuse.) Ce qui nous attache dans le cas considéré ici n’est ni le sort du “complotisme” (sérieux, pas sérieux ? Utile, inutile ? Innocent, dangereux ? Etc.), ni quelque théorie ou l’autre, d’un “complot” ou pas, etc. Ce qui nous intéresse c’est le statut que les événements ont imposé, concernant une activité absolument mise à l’index, et qu’il devient acceptable de considérer ; une activité qui, quoi qu’on pense d’elle (et notre attitude sur le fond vis-à-vis du “complotisme” est, on le sait, notablement réservée selon notre principe d’inconnaissance), a, d’une façon générale souvent indirecte d’ailleurs, un effet antiSystème indéniable, et donc activité vertueuse pour ce fait et dans cette mesure précisément. (Lorsque nous disons “d’une façon générale souvent indirecte”, nous voulons dire que c’est moins telle ou telle théorie du complot, dans sa signification opérationnelle autant que conceptuelle, qui est pour nous réellement antiSystème, que le très fort mépris implicite, même pas exprimé mais comme allant de soi, ce qui est beaucoup plus cruel et dangereux, que cette activité du développement de la théorie du complot dénote vis-à-vis des narrative du Système.)»

Faits, narrative et désordre

On exposera quelques exemples récents, et certains cas qui font penser que le tournant évoqué plus haut est en train de s’opérer, – non pas vers la vérité détaillée, impossible à former et définitivement perdue, – mais vers une situation où l’efficacité et la vertu de ces différents événements se mesurent au désordre qu’ils créent. Effectivement, nous parlons d’“efficacité” et de “vertu” parce que ce désordre est nécessairement antiSystème... Bienvenu au désordre. (Le désordre évoqué ici n’est pas l’événement brutal et bruyant qui vient à l’esprit. Nous parlons du désordre de la communication, éventuellement des psychologies, par rapport et contre les narrative que veut imposer le Système.)

Nous mentionnons ou faisons allusion à divers faits dont la “véracité” est nécessairement plus ou moins contestable dans certains de leurs aspects, jusque parfois proche de l’absurdité. Mais cette situation n’est pas plus affirmée que la plupart des informations aujourd’hui, y compris et surtout celles qui sont d’origine officielle, transitant par un système de la communication hors de contrôle et systématiquement inventées, distordues, grossièrement ou inconsciemment mensongères, effectivement jusqu’à l’absurde elles-mêmes dans certains cas. Pour nous, l’essentiel est que tous ces faits sont exemplaires de cette situation de désordre qui ne cesse de s’étendre, et d’ailleurs eux-mêmes comme éléments créateurs de désordre.

Le cas de la mort des deux agents du FBI

Par exemple... Exemple anodin, certes, et peut-être caricature du “complotiste” énervé, – ou bien peut-être pas, après tout, peut-être pas du tout ? Il s’agit de la mort de deux agents du FBI, Christopher Lorek et Stephen Shaw, à la suite d’un incident au cours d’un entraînement en opération héliportée, le 17 mai.

Les conditions de l’incident pourraient aussi bien apparaître comme celles d’un événement courant de cette sorte, comme elles pourraient aussi bien apparaître comme suspectes. Lorek et Shaw sont tombés de l’hélicoptère où ils se trouvaient, “à cause du mauvais temps” selon le FBI officiel. Les deux hommes faisaient partie du Critical Incident Response Group chargé des opérations spéciales. Ils avaient participé à cette opération à Boston où Ibrahim Todashev, ami du suspect de l’attaque de Boston, a été tué par un agent du FBI. Circonstances classiques ou bien circonstances suspectes : l’ensemble trace un tableau qui comporte bien des zones d’ombre, dont la plupart sont dues aux agissements notoirement illégaux du Système (du FBI, en l’occurrence).

Interrogé sur PressTV.ir le 27 mai 2013, Gordon Duff, de Veterans Today, n’y va donc pas par quatre chemins, – et pourquoi s’en priver, effectivement ? «You could always take it as one of an endless group of coincidences. We have so many [of them], when you look at the Boston investigation that these two individuals were involved in, everything had the stamp of CIA and FBI on it, from the first steps... [...] What we have in the US is that we don’t report, we don’t have the least free press here. There are powerful dissident elements within our military, intelligence services and government that are under the control of... I’ll call them organized crime on a worldwide basis. If you refer to hundreds of billions of dollars worth of narcotics and trillions of dollars worth of financial crimes, it is simply organized crime, it is the understatement of all time.»

Duff ne dit pas que des absurdités et, de l’autre côté, le FBI, comme le reste du même genre, nous ont tellement habitués à la langue de bois, à la dissimulation, à l’arbitraire même. En un sens, on dirait, à propos des affirmations de Duff et sans avancer qu’elles sont vraies ou fausses, que le FBI n’a, lui, que le soupçon qu’il mérite. Encore plus, la thèse d’agents infiltrés d’organisations criminelles ou autres dans le FBI est loin, très loin d’être risible. Cette situation est endémique, par exemple, dans les services (US) de surveillance des frontières, avec la corruption venue des cartels mexicains de la drogue, qui manient les $milliards.

Les manigances innombrables du Système

Ce point (le comportement du Système) est fondamental. Nous nous trouvons, d’une part, devant un tel amoncellement d’activités illégales, de montages, de l’usage scandaleux dans le détournement de l’appareil de la justice, de manœuvres et de proclamations d’un durcissement sécuritaire de toutes les façons pour ce qui répond au système du technologisme, correspondant direct de l’idéal de puissance, ; d’autre part, devant un tel amoncellement de narrative, de dénis de l’évidence des activités illégales du Système, du silence comme seules réponses aux myriades de questions embarrassantes, – devant tout cela dont l’écho puissant nous parvient malgré l’autocensure des employés-Système (de la presse-Système), les comportements changent. Le Système, dans sa folie surpuissance-autodestruction, semble suivre une sorte de doctrine opérationnelle de comportement qu’on pourrait baptiser d’“illégalisme” : ce défenseur acharné du Droit ne cesse pas d’agir de façon de plus en plus illégale, et de couvrir cela du plâtras chaotique des narrative de plus en plus grossières.

Ainsi voit-on des comportements nouveaux, qui finissent par constituer des protections inattendues contre les attaques lancées contre le complotisme en tant qu’expression d’une partie de la presse alternative. C’est le cas lorsque Wilkerson, ancien chef de cabinet du secrétaire d’État Powell, parle de falseflag (expression plus technique, donc finalement plus acceptable que “complot”, et qui finit par donner du crédit à la démarche) pour caractériser l’affaire de l’emploi du chimique en Syrie (voir le 14 mai 2013); lorsqu’un ancien ministre de Reagan, Paul Craig Roberts, se fait “censurer” d’une façon grossière et inefficace par un journaliste-Système paniqué parce qu’on découvre qu’il ne croit pas à la version officielle de 9/11 (voir le 6 mai 2013). On comprend alors que les choses évoluent et que le diabolique “complotisme” n’est plus réductible ni soluble dans le silence et l’anathème qui n’a même pas besoin d’être substantivé tant le réflexe-Système l’institue comme évident.

Le cas du “complot” contre Sibel Edmonds

Comme on l’a dit, ces constats d’accusation contre le Système ne sont pas paroles en l’air ni de simple rhétorique, et un exemple précis confirme l’observation. L’article de Nafeez Mosaddeq Ahmed en est le témoignage du jour (voir ce 28 mai 2013), à partir de l’interview de Sibel Edmonds, qui travailla pour le FBI à partir de septembre 2001 et qui en fut chassée ignominieusement pour s’être ouverte à ses supérieure de pratiques US qu’elles jugeait illégales, faussaires, cruelles, et pour tout dire “complotistes”. Depuis, Edmonds fait l’objet de diverses actions, tentatives d’obstruction et de harcèlement du gouvernement, et du FBI principalement. Duff a-t-il tellement tort de réagir à la mort de Lorek et de Shaw selon la rengaine que “le pire est toujours probable” (encore plus que “possible”) ?

Face au développement du “complotisme”, il y a donc le développement des comportements troubles, des abus de pouvoir, des dissimulations, des tromperies, des attitudes facilitant, sollicitant même le soupçon de complotisme. Si nous disons “développement”, c’est en utilisant le sens dynamique du terme. Le fait remarquable, depuis l’arrivée d’Obama qu’on aurait pu croire décisive pour interrompre une tendance qu’on identifiait tant à GW Bush, c’est que cette tendance n’a fait que s’accentuer. Aujourd’hui, on peut avancer que tous les organes gouvernementaux prêtent le flanc aux soupçons de pratiques illégales, arbitraires, et avec tout ce qui va avec.

Le développement continuel, poursuivi et accéléré, du “complotisme” n’est pas une circonstance anecdotique qu’on peut ramener aux seuls complotistes, en y ajoutant les habituels allusions à leur équilibre mental. Tout est d’ailleurs réversible, même sur ce dernier point, car l’allusion à l’“équilibre mental” peut aussi bien concerner, et avec bien des arguments sinon bien plus que dans le cas des complotistes, le personnel-Système jusqu’aux plus hautes personnalités (voir, par exemple, le 6 février 2012, le 11 juin 2012, etc.). Ce constat complique terriblement le problème que posent le complotisme & consorts aux employés du Système, surtout ceux de la communication.

Rachel Maddow versus Alex Jones

C’est donc à ce point qu’apparaissent des orientations nouvelles, et peut-être le tournant dont nous parlions plus haut. Un grand événement, selon Jeffrey Phelps, de Examiner.com le 26 mai 2013, est la prise à partie par la très fameuse Rachel Maddow, de la chaîne de TV libérale pro-Obama MSNBC, de Alex Jones, de ses théories complotistes et de ses divers sites et émissions radio dont Infowars.com est le principal vecteur. Phelps commence son texte par plusieurs observations générales, qui concerne l’évolution de l’attitude de l’establishment-Système par rapport, non seulement au “complotisme” mais par rapport, de façon plus générale, à la “presse alternative” (en gros, les “dissidents” de l’internet, – dont nous sommes nous-mêmes, après tout).

• La situation avant (avant quelque part autour de 2006-2008), est décrite de cette façon : «It used to be so easy for the national media to pretend government conspiracies, in large part, didn’t exist. Even when the vast amount of high-level conspiracies, that have occurred throughout the years, played out in front of news audiences in the US, on a routine bases, skilled teleprompter programmers and those who read the teleprompters in front of the public, like Rachel Maddow, or her (alleged opposite) counterpart Bill O’Reilly and their predecessors, were somehow able to fool the masses into believing they were all generally anomalies that almost never occurred, or didn’t occur at all.»

• La situation maintenant est notablement différente... «One of the best examples of just how desperate the establishment media has become, in attempting to discredit the rising alternative media, is not only the constant use of the term conspiracy “theory” to describe the alternative media’s views, regardless of the accuracy of those views, but just how often alternative views have been forced into the national spotlight as a result. Within that paradigm, there is perhaps no better example than MSNBC’s “The Rachel Maddow Show.”»

La légitimation du complotisme

Jeffrey Phelps décrit donc comment, selon lui, Alex Jones, son Infowars.com et ses complots sans nombre sont parvenus à la célébrité d’occuper le plus clair de son temps de Rachel Maddow, tout au long de quelques-uns de ses récents shows MSNBC. Ce sont essentiellement l’affaire de Boston, l’apparition d’un journaliste d’Infowars.com à une conférence de presse, l’activité sans relâche du site sur cette affaire, qui ont installé cette célébrité qui alerte Maddow. L’énorme succès d’audience du site a confirmé tout cela... (Voir le 26 avril 2013, ceci de Steve Watson, avec ces chiffres stupéfiants : «Is it possible that Tamerlan Tsarnaev read stories on Infowars? Yes. Infowars receives millions of visitors per day. At the height of the bombing news coverage, the website was receiving over 100,000 individual visitors per minute and at one point over seven million people were on Infowars.com. Combined with the millions that tune in to Jones’ daily radio show, Infowars completely dwarves many mainstream media news outlets on a global scale...»)

... En d’autres mots : comment voudriez-vous ignorer cela ? L’accusation méprisante de “complotistes” répétée jusqu’à plus soif depuis 9/11 sans la moindre élaboration ni justification ne suffit plus, comme le démontre parfaitement ce qui se passe, – réaction en sens inverse de celle qu’attendaient les inquisiteurs-Système répétant l’anathème et passant à autre chose. Alors, il faut en parler, il faut s’en expliquer, pour ridiculiser, pour discréditer, – et en parler et s’en expliquer, justement, c’est en faire la publicité au sens traditionnel du mot ; c’est quasiment accorder à la chose sa légitimité dans le sein du système de la communication...

«But it was after the Boston Marathon bombing when things really started to heat up for Maddow’s producers. Once one of Alex’s reporters made national headlines, after blowing up multiple post-bombing press conferences, with questions officials were hoping never got asked on national TV, such as whether or not the bombing was “a staged, false flag operation to trick the American people into giving up even more of their liberties” than they already have, Alex’s InfoWars.com web traffic spiked to all-time highs… As did the internet search query “false flag,” prompting another Maddow rant that is still used as a heroic liberal talking point on the internet, despite the question’s actual validity.

»All that may pale in comparison however to this week’s Maddow rant, after Alex’s take on the possibility Monday’s Oklahoma tornado, tearing apart a large portion of Moore, OK and killing at least 24 people, may have also been the work of a rogue government operation, timed to distract attention away from the growing scandals rocking the Obama administration and threatening his public reputation. A distraction even the mainstream press admitted welcoming.

»The problem here, at least for Maddow, her teleprompter programmers and ultimately her viewers, is how they twisted and distorted what Alex actually said, in order for the statements made on her show to sound legitimate and attempt to do the most possible damage to Alex’s growing reputation, while doing everything they can to avoid the issue at hand.

»Rather than digging into why Alex would make such accusations, or if this type of weather manipulation was even possible, in the same way “Maddow” dug into the War on Terror lies told by the Neocons (as if she actually made the documentary herself), Maddow’s show instead engaged in the kind of child-like personal character attacks, typically seen on shows like hers, when the national news industry embarks on a mission to distract viewers’ attention from why these well-researched assertions, referred to as conspiracy “theories,” are being made in the first place... [...]

»But therein lies the irony of the circumstances. As they continue treating their audience like a bunch of morons, while being forced to cover the alternative media and the issues they would much rather ignore, she and others like her continue alienating and disenfranchising their viewers, as evidenced in the comments sections of the articles that once housed almost nothing but praise for her own brand of hubris...»

Showbiz, corporate power et Illuminati

Un autre exemple de la pénétration du complotisme dans la communication du Système, pour le tourner en dérision, certes, mais selon la logique présentée ci-dessus qu’en parler revient à en faire la publicité, concerne un des domaines de l’univers-Système le plus prestigieux : l’argument humanitaire servi par le show business et le corporate power réunis. Il s’agit d’une publicité concernant une opération lancée par l’acteur Matt Damon, pour renforcer la fourniture d’eau potable dans les régions déshéritées du Tiers-Monde.

La publicité met en scène une actrice, Olivia Wilde, l’inoxydable Bono, passé du groupe U-2 à Davos et installé dans la confortable hyper-promotion des causes humanitaires, et le très avantageux Richard Branson, fondateur et président du Virgin Group. Faisant la promotion de l’entreprise, la “bonne cause” de Matt Damon, les trois intervenants la comparent en guise de plaisanterie, pour en ridiculiser l’objet, à la fameuse conspiration globaliste des Illuminati qui est un thème majeur des complotistes. Le site Vigilant Citizen s’offusque du procédé. Il commente le 24 mai 2013 :

«In February, Matt Damon launched a campaign to raise awareness about the lack of clean water in third world countries. While this is an important and noble cause, an ad promoting it featuring Bono, Richard Branson and Olivia Wilde pretty much focuses on something else: Ridiculing Illuminati-related conspiracies. Why? Nobody really knows. This video about clean water ends with billionaire Richard Branson yelling: “Illuminati assemble!”. What’s the relation? Dunno. Is this supposed to be funny? Well, I didn’t laugh. My right eye is slightly twitching, though...»

Drôle, pas drôle, – qu’importe... Ce qui nous importe est que le complotisme devient effectivement un élément de la communication-Système. Certes, il s’agit évidemment, pour le Système, de ridiculiser cette tendance, mais on sait bien qu’à notre époque le ridicule ne tue plus : les prétentions humanitaires effectivement globalisantes du showbiz et du corporate power en sont à l’inverse la preuve la plus évidente. Au contraire, pour notre propos : si cette publicité a été vue par les concepteurs publicitaires comme un “très bon concept”, dont ils ne doutent pas de l’efficacité, il est aussi vrai qu’elle porte une charge provocatrice, une “charge publicitaire” si l’on veut, qui fait entrer le complotisme dans une sorte de “débat autorisé”, – comme dans le cas Maddow-Jones. Le Système concède la même reculade dans un autre domaine.

La rupture de Boston

A ce point, nous revenons à notre texte de commentaire (du 26 avril 2013) déjà cité plus haut, que nous avions publié après l’attaque de Boston, concernant justement l’incursion du “complotisme” dans l’information générale et le système de la communication se manifestant d’une façon visible et trop massive pour être ignorée ; cela, notamment dans le chef d’Alex Jones et de son Infowars.com. Nous estimions que cette incursion s’était faite à cause d’une faiblesse du Système, de son impuissance à offrir une narrative acceptable pour cette affaire de Boston, – essentiellement, à notre sens, à cause d’une part de l’inorganisation paradoxale née du pullulement d’organisations-Système concurrentes (agences, services de surveillance, de renseignement, de police, etc.) ; à cause d’autre part et surtout de cette réaction massive imposée par la puissance disponible du Système, que nous avions interprétée comme une phase du type du “déchaînement de la Matière”, où la “Matière“ impose sa loi. Justement, cette poussée réactive si brutale (Boston complètement bouclé pendant 2-3 jours par 9.000 troupiers allant des flics à la Garde Nationale) nécessitait une narrative à mesure, et le Système n’avait pas su la trouver...

«On comprend [...] combien le Système a du mal à rassembler les données nécessaires, dans le cadre du système de la communication, à la reprise en main, ou la simple prise en main du récit de l’attentat, pour en faire une narrative acceptable. Il semblerait même que l’opportunité de cette narrative soit passée et que la situation de son inexistence soit acquise. Du coup, effectivement, se confirme et se renforce l’absence de rejet décisif, acté et répercuté par le système de la communication, des récits alternatifs sous la forme de la production diverse du complotisme, qui devient alors une source d’autant plus efficace dans l’attaque des positions officielles, une source complètement antiSystème.

»Le Système n’a, dans cette occurrence, rien à opposer à cette pression, à cette marée alternative que charrie d’une façon redondante le “complotisme”. Il n’a plus aucune narrative de légitimité dans le domaine essentiel de l’information, y compris désormais pour ses propres forces, pour les forces qui lui sont alliées et qui sont désormais libres de se retourner contre lui. Ainsi en est-il du système de la communication, qui réagit bien entendu dans le sens du Système lors d’un événement du calibre de Boston, mais qui prend très vite ses distances lorsqu’il ressent la confusion et la panique des directions politiques affiliées au Système, et qui, retrouvant sa fonction désormais habituelle de Janus, peut très bien se prêter au jeu adverse. Ainsi l’article du Guardian qui est au départ de notre réflexion pourrait-il se lire finalement comme un catalogue sympathique de différentes options du type “puisque le chat n’est pas là, les souris dansent”, – la narrative officielle étant tellement inconsistante et contradictoire qu’elle en devient inexistante, et, par conséquent, il n’y a plus de raison d’hésiter pour considérer les options disponibles dans le chef du complotisme.

»On comprend ainsi l’importance symbolique de ce que nous nommons “le triomphe du ‘complotisme’”, – “triomphe” justement symbolique, certes, et “complotisme” recouvrant un concept général dont le contenu n’est pas le sujet ici. On ne considère effectivement que la seule réaction antiSystème qui s’est développée dans ce cadre d’une occurrence fondamentale, puisque les automatismes du Système ont tendu à faire cette bourde grotesque de présenter de facto Boston comme un “9/11 n°2”, et qu’ainsi le Système lui-même dans sa composante “directions politiques” s’est trouvé complètement pris au piège par l’importance de l’enjeu de communication, incapable de présenter une de ses narrative cohérentes, fondatrice d’une légitimité certes faussaire mais qui puisse jouer ce rôle durant l’événement. Le “triomphe du ‘complotisme’” acte donc symboliquement cette occurrence catastrophique pour le Système. Il le fait avec d’autant plus de force bien entendu que la pression dans un sens catastrophique pour le Système lui-même s'est trouvée formidablement sinon décisivement accentuée avec l’épisode du “déchaînement de la Matière” qui a conclu la séquence bostonienne en imposant, par la propre pression autonome de ce phénomène, un déploiement absurde de puissance, sans autre effet que de mettre en évidence cet aspect absurde»

Le complotisme dans le système de la communication

D’une certaine façon, c’est le fruit de cette intrusion du complotisme, et par conséquent et plus largement, et de façon beaucoup plus intéressante, de la presse alternative, que l’affaire de Boston nous révéla, qui est entériné par les événements décrits et les remarques rapportées ci-dessus. L’affaire de Boston a joué un rôle-pivot de détonateur et de révélateur.

L’occurrence est très intéressante parce qu’elle donne sa place au complotisme dans le système de la communication au niveau-Système (même si c’est pour le combattre, pour le ridiculiser), mais aussi à la presse alternative en général où s’inscrit le courant complotiste. Effectivement, la presse alternative offre des courants d’analyse critique et d’information critique à très forte capacité antiSystème, très argumentés, largement supérieurs en substance à l’argumentaire du Système, qui ne doivent rien au complotisme. Cette partie-là de la réaction antiSystème, beaucoup plus difficile à combattre par la ridiculisation et la diabolisation, bénéficie ainsi d’une nouvelle position, donc d’une nouvelle audience, qui renforce la puissance et l’efficacité de son attaque antiSystème.

Le tournant de 2008

Plus haut, nous écrivions, parlant de l’évolution de la situation du “complotisme”, et plus généralement de la presse alternative : “La situation avant (avant quelque part autour de 2006-2008)”, puis “la situation maintenant” (c’est-à-dire depuis 2008). Cette classification répond évidemment à notre rangement de l’évolution depuis 2001, avec un grand tournant de la situation générale en 2008. (Voir notamment dans le Glossaire.dde, l’article consacrée au “bloc BAO” du 10 décembre 2012, qui expose cette conception d’un basculement complet du Système en 2008.)

Effectivement, pour le complotisme et la considération où le Système le tient, nous sommes passés de “l’époque 9/11” à, disons, l’“époque du complotisme universel” où tout acte suspect des directions politiques est, le plus souvent, nécessairement appréciée comme un complot. Jusqu’en 2006-2008 (2008 singulièrement), le complotisme était quasiment rassemblé autour de la mise en cause de la version officielle de l’attaque 9/11 , qui était à la fois la référence absolue des complotiste et le point central sinon exclusif de la diabolisation du complotisme par le Système. Ce rangement a complètement volé en éclats à partir de l’année 2008 et le changement à la fois de régime, d’orientation et de rythme du Système. Nous sommes passés de l’ordre complotiste (complotisme réuni autour de 9/11) au désordre complotiste (complots partout). Cela répond à l’évolution du Système à partir de 2008 et rend compte d’une situation de plus en plus incontrôlable par le Système, qui doit censurer le complotisme dans tous les azimuts alors qu’il réalise lui-même des opérations et des politiques dans tous les azimuts, qui alimentent massivement le complotisme. Les événements décrits dans cette note montrent que le Système est en train de renoncer à tenir le complotisme à distance, qu’il a capitulé en un sens. Désormais, le désordre du Système est directement désigné par le complotisme qui en est l’émanation interprétative hostile (donc antiSystème).

Le complotisme, enfant du désordre du Système

Nous avons essentiellement, sinon exclusivement parlé de la scène américaine. L’activisme complotiste est surtout évident et proliférant dans le système de la communication ; or, il s’agit d’un univers soumis directement à la pression de l’américanisme dont on sait qu’il est constitué pour une partie massive de lui-même de l’activité de communication. Le fait est à la fois ontologique et historique (constitution des USA, massivement grâce à l’emploi de la communication), et il répond à la psychologie naturellement anti-étatiste du citoyen américain. Les mêmes tendances (complotistes) existent pourtant dans les autres pays du bloc BAO, d’une façon moins spectaculaire, mais ce sont bien les USA qui mènent la charge dans l’occurrence que nous décrivons parce que cette charge se fait au niveau de la communication justement.

D’une certaine façon, c’est le développement du Système lui-même qui est directement responsable de ce développement, puis de cette banalisation agressive du complotisme. Ce développement et cette banalisation doivent d’abord être appréciés (voir nos observations de départ, ci-dessus) comme une réaction antiSystème. Or, c’est bien l’activisme de plus en plus chaotique du Système, depuis 2008, qui est ici considéré ; et cet activisme chaotique se marque par une prolifération extraordinaire d’initiatives, d’opérations clandestines ou covert, de narrative et de tromperies dans l’information, tout cela produit d’une façon effectivement chaotique et de moins en moins coordonnée, maîtrisée, si ce l’est encore.

Le Système révèle lui-même son désordre extraordinaire et il révèle par conséquent le pullulement de ses activités clandestines et illégales qui pourraient effectivement être interprétées comme des “complots” en son sein ; c’est de cette façon qu’est suscité le “complotisme” antiSystème, et qu’il gagne droit de cité, parce qu’il correspond à des réalités dont l’interprétation précise reste ouverte, parce qu’il comble un vide qui est celui de la retraite et du désordre du Système. La réserve fondamentale que nous émettons, – fondamentale mais sans beaucoup d’importance opérationnelle dès lors que le “complotisme ” aboutit à être antiSystème, – est que le complotisme interprète d’une façon beaucoup trop rationnelle, beaucoup trop maîtrisée, des activités clandestines et illégales (“complotistes”) du Système qui sont d’abord chaotiques, sans maîtrise centralisée, reflet absolument de son désordre proliférant. C’est faire bien trop d’honneur à la capacité de maîtrise du si médiocre et si bas sapiens-Système.

Si l’on veut, chaque opération clandestine ou initiative faussaire et trompeuse du Système, qui est le plus souvent lancé à partir d’initiatives spécifiques des acteurs impliqués et sans souci de coordination, pourrait être sinon devrait être assez justement interprétée comme un “complot” au sens large du mot ; mais l’ensemble est complètement chaotique, souvent antagoniste et annihilateur de lui-même, sans aucune maîtrise de direction et de coordination. Selon la doctrine du globalisme qui implique la transmutation, on dirait que la globalisation de la multitude de complots parcellaires effectifs du Système ne donne pas un complot général mais se transmue en quelque chose d’autre ; et le résultat de cette transmutation est évidemment l’exposition pathétique du désordre évidemment global qui est devenu l’essence (ou la contre-essence) du Système en processus d’autodestruction. A ces stades élevés et au stade suprême, ceux qui comptent le plus, c’est donc le contraire d’un “complot” puisque c’est le désordre finalement intégré en une situation fondamentale du pullulement des complots-Système finalement autodestructeurs. Encore une fois et pour conclure, peu importe : puisque l’incitation (les activités clandestines pullulantes du Système) existe, le complotisme lui répond et gagne droit de cité ; son existence per se est complètement antiSystème, quelque contestable soit la signification qu’il voudrait se donner.