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118317 février 2014 – Depuis quelques temps, il apparaît qu’un changement stratégique est en train d’imprégner la “communauté de sécurité nationale” israélienne. Nous commencions à esquisser cette observation le 10 novembre 2013, en plaçant ce phénomène dans un cadre général qui faisait l’essentiel de ces Notes d’analyse, qui concernait la région du Moyen-Orient. Nous y sommes revenus beaucoup plus précisément le 27 janvier 2014, à partir d’une nouvelle de DEBKAFiles, notre article se référant lui-même à un texte du 11 janvier 2014 sur la transformation d’“Al Qaïda, marque déposée” en une dynamique paradoxale de “désordre structuré” et de “désordre immobile” où les références dites “sérieuses” (idéologie, fondamentalisme religieux) le cèdent de plus en plus à des valeurs confuses de désordre et de banditisme. Nous avions déjà observé les premiers signes de ce changement dans un texte qui signalait un rapprochement d’Israël avec la Russie sur cette question de la lutte contre le “terrorisme” (guillemets nécessaires), – le 27 décembre 2013.
De notre article du 27 janvier 2014 : «Il s’agit d’un texte, présenté comme venant d’un officier du renseignement israélien parlant à “des correspondants étrangers”, pour annoncer la possibilité, voire la probabilité d’une transformation fondamentale de la stratégie israélienne. En cause, bien entendu, l’évolution de la situation au Moyen-Orient vers une sorte de “désordre structuré”, bien symbolisé par la prolifération des divers “Al Qaïda”... [...] L’idée est bien que cette stratégie implique le passage d’actions diverses d’interférences dans les conflits en cours autour d’Israël (actions qui, d’ailleurs, contribuèrent au développement du désordre et des “al Qaïda” divers...), à une action stratégique structurée où Israël serait partie prenante. Il s’agit de la réalisation de ce qu’est devenue, en tant qu’importance stratégique et désordre effectif, la situation dans le cœur central du Moyen-Orient. Divers signes ont montré ce qui pourrait être cette évolution stratégique d'Israël, notamment un certain rapprochement avec la Russie, notamment au niveau d’une coopération entre les services de renseignement et les structures policières face à ces situations. Tout cela entraîne des perspectives de changements profonds, effectifs ou potentiels, au niveau des forces militaires israéliennes et au niveau de la politique israélienne de sécurité.»
Depuis, cette idée fondamentale d’un grand “strategic shift” a été largement reprise et analysée par divers commentateurs. Les mêmes sources sont citées, venues des forces armées et des services de sécurité israéliens. On peut se référer à des textes tels que «Al-Qaeda now frontline threat to Israel» de Bruce Riedel, sur Al-Monitor, du 31 janvier 2014, «Israeli security chiefs modify assessment on Syrian war» de Ben Caspit, également sur Al-Monitor le 11 février 2014, «Syria's disintegration alarms Israel – Bashar al-Assad looks like the least bad option as fears mount of growing strength of jihadi groups» de Ian Black, dans le Guardian du 14 février 2014.
Avant de nous lancer dans l’exploration de cette évolution israélienne, il nous paraît intéressant sinon nécessaire d’en fixer précisément le contexte. Il s’agit d’un processus de transformation du “terrorisme”... Nous parlons de ce “terrorisme” chargé de guillemets, qu’il soit étiqueté “islamiste” ou “djihadiste”, qu’il soit regroupé en termes de communication sous le sigle “al Qaïda”, qu’on pourrait considérer comme une “marque” aussi fameuse dans “l’industrie du terrorisme” que Hermès dans l’industrie du luxe (voir justement le 11 janvier 2014 sur “Al Qaïda, marqué déposée”) ; entité insaisissable, à l’existence incertaine en tant que telle, assaisonnée à toutes les recettes imaginables, dont de si nombreuses faussaires et de convenance pour des politiques variées, etc.
Nous n’avons jamais cru à la pureté du terme “terrorisme” pour al Qaïda et tout ce qui l’accompagne depuis 9/11, avec en plus la lumière de type très clair-obscur des origines de la chose, commençant par les manipulations Brzezinski-CIA-Arabie dès la fin des années 1970 (pour Brzezinski, voir le 31 juillet 2005). (Cette conviction explique que nous n’avons guère traité du “terrorisme” en tant que phénomène fondamental, digne d’être l’objet d’une étude spécifique.) Donc, nous n’avons jamais cru à la pureté de la thèse sur le terrorisme considéré comme une force religieuse et politique pure, opérationnalisant une offensive globalisée majeure qu’on définirait par quelques termes en général sexy, accouchés du système de la communication, et sexy parce qu’accouchés du système de la communication – termes et expressions telles que “choc des civilisations”, “djihad”, “islamo-fascisme”, établissement d’un mythique “califat” musulman, etc. De même et inversement, nous n’avons jamais cru à la pureté de la thèse contraire, – le “terrorisme” exclusivement comme montage, manipulation, avec presque exclusivement false flags et complots, etc., dans des buts politiques spécifiques, quels que soient les monteurs et les manipulateurs.
Nous pensons que la vérité de cette situation se trouve entre les deux, qu’aucun aspect ne l’emporte même si chacun a produit des “évènements”, – mais peut-être devrions-nous employer le passé pour ces affirmations. En effet, nous pensons que ces deux éléments sont en cours de réduction (de dissolution) accélérée au profit d’une nouvelle (troisième) situation qui s’établit, qui est une situation présentant elle-même un caractère de dissolution pour se définir, et produisant des facteurs fondamentaux de dissolution. (Il s’agit de la situation de désordre d’un monde devenu “antipolaire” que nous avons décrit dans deux textes déjà référencés ci-dessus, le 10 novembre 2013 et le 11 janvier 2014.)
C’est à la fin de l’année 2013 que diverses analyses, observations, commentaires, etc., ont développé cette thèse, qui est en fait une observation évidente, de la transformation du “terrorisme” en une “force informe” de désordre, – ou bien s’agit-il de la mise en évidence de la vraie nature du “terrorisme”... Nous regroupons ici plusieurs faits, analyses, interprétations, commentaires de cette période fournissant l’élément opérationnel de notre réflexion théorique.
• Dans la nouvelle/Bloc-Notes du 11 décembre 2013, nous mettions l’accent sur une déclaration de Pierre Lellouche, faite au Grand Journal de Canal Plus à propos de l’intervention française en Centrafrique ...
«Il est intéressant d’entendre Lellouche se référer, à propos de l’affaire centrafricaine, à la nécessité du rétablissement de la stabilité pour la sécurité générale à cause des effets de cette affaire sur la situation de l’immense ‘bande sahélienne’ allant de l’Océan Atlantique à la Corne de l’Afrique, qui s’est créée dans sa nuisance actuelle à partir de l’affaire libyenne et donc de l’intervention française, et qui constitue selon ses propres mots un “réservoir de crise de déstabilisation, constitué de réseaux criminels, de drogue, d’enlèvements, et aussi de réseaux salafistes fondamentalistes” ; il est intéressant, disons-nous, de voir mentionner prioritairement l’existence des ‘réseaux criminels’ (le crime organisé sur place), c’est-à-dire le pur désordre et l’illégalité totale et sans but idéologique, alors même que toutes ces entreprises du bloc BAO ont été lancées dans leur esprit affiché du point de vue de la communication, selon le faux-nez humanitaire et droitdel’hommiste transformé pour la cause en stratégie générale contre ‘la menace terroriste et idéologique’ évidemment universelle.»
• Dans une autre nouvelle, le 11 décembre 2013, nous attirions l’attention sur ce qui pourrait bien être un rapprochement entre la Russie et Israël (déjà mentionné ci-dessus), éventuellement jusqu’à une coopération entre les militaires et les services de renseignement des deux pays, pour lutter contre al Qaïda, ou, dans tous les cas, ce qu’on pourrait désigner comme le “concept al Qaïda”. Cette tendance aurait notamment été illustrée par la visite du ministre des affaires étrangères Lieberman à Moscou, pour une rencontre avec Lavrov, le 9 décembre 2013.
«... avec notamment la précision que les conversations ont porté notamment sur la situation en Syrie, mais aussi en Afrique du Nord. Cela établit clairement une connexion pour conclure que le sujet est bien l’activité terroriste de ce qu’on nomme al Qaïda, – si le terme “terrorisme” est désormais suffisant pour la description de l'activité... Cette idée doit être gardé à l'esprit pour tenter de comprendre l'évolution de la situation générale. [...]
»Il semble que ces contacts entre Israéliens et Russes et les hypothèses évoquées par DEBKAFiles alimentent l’hypothèse d’un contexte nouveau, moins dans le sens géopolitique classique de modification et d’évolution des alliance, que dans un contexte beaucoup plus large de l’évolution d’une situation générale, notamment de ce qu’on nomme “terrorisme”, avec évidemment l’évolution du label al Qaïda, les situations et les politiques des États impliqués pouvant évoluer, elles, selon des orientations inattendues à mesure que le “terrorisme” évolue vers le désordre pur. Dans ce contexte, il semblerait que des conflits tels que celui de Syrie tendraient à perdre les caractères idéologiques et ethnico-religieux extrêmement pressants qui les ont caractérisés, pour eux aussi évoluer vers des situation plus caractérisées par ce qui se rapproche du “désordre” pur.»
• Dans le Washington Times du 8 décembre 2013, le spécialiste des matières du contre-terrorisme Guy Taylor développait un très long article sur le monde changeant du “terrorisme”, son évolution actuelle, notamment dans le sens d’une décentralisation... Bien que ce texte soit d’abord d’orientation politique, et destiné à alimenter l’attaque contre Obama (le Washington Times est clairement d’orientation républicaine), il donner des indications intéressantes sur le sujet du terrorisme.
«While some have outright accused President Obama of pushing a “false narrative” to protect his reputation as the man who got Osama bin Laden, others focus on fears that a new breed of decentralized al Qaeda-style groups may control more safe haven territories in the Middle East and North Africa than the original did in Afghanistan prior to 9/11. Growing evidence, meanwhile, that Syria's civil war has emerged as what some officials now describe as a “magnet” for al Qaeda-linked fighters from as far away as Russia, Western Europe and the United States, seems only to be fueling an increasingly heated debate in Washington about just how successful the Obama administration has been at fighting terrorism.
»Rep. Michael T. McCaul, Texas Republican and chairman of the House Homeland Security Committee, became the latest to sound alarms about the state of al Qaeda on Sunday, when he told CNN that the terrorist network's overall ideology is “spreading like a spider web, like a wildfire through Northern Africa and the Middle East” and that the threat to the U.S. “has become greater, not lesser” in recent years. Mr. McCaul went on to accuse Mr. Obama of having attempted to paint a rosier picture than the reality of America's successes against al Qaeda – particularly during speeches the president made while campaigning for re-election last year. [...]
» [...Rep. Mike Rogers, Michigan Republican and chairman of the House Intelligence Committee ] said a surge in the number of al Qaeda affiliates worldwide has exposed the inaccuracy of Mr. Obama's claims last year that the terrorist network was decimated and on the run. “Al Qaeda as we knew it before is metastasizing to something different,” Mr. Rogers said, adding that while the group may no longer be focused on executing an attack like 9/11, its newly decentralized nature is likely to make it more difficult for U.S. authorities to counter whatever plots may be in the making...»
C’est dans ce contexte général qu’il faut envisager et tenter d’expliquer le grande “revirement stratégique” qui aurait lieu actuellement en Israël. Un événement non négligeable vient d’ailleurs pour confirmer ce changement en cours et le colorer d’un certain désordre qui préfigure l’analyse à laquelle nous sommes conduit. Il s’agit de la déroute de l’AIPAC de ces dernières semaines, qui s’est faite dans le désordre le plus complet (voir notamment le 17 janvier 2014, le 31 janvier 2014, le 8 février 2014).
Outre les arguments structurels développés pour expliquer les fautes de manœuvre de l’AIPAC (Jim Lobe : «[I]t also suffers from an indecisive and uncertain leadership typical of large organizations that have grown overconfident in their power when suddenly confronted with a major setback»), il y a l’argument politique conjoncturel qu’expose Gordon Duff, dans PressTV.ir le 13 février 2014. Il s’agit de l’absence d’Israël comme inspirateur des actions à entreprendre, cela reflétant le trouble qui touche actuellement la direction politique et stratégique israélienne...
«Over the last few days, moves in the United States by the Israel Lobby AIPAC and its “militia,” the ADL or Anti-Defamation League, have proven disastrous for Israel. AIPAC’s vendetta against the Obama administration, we are now told, wasn’t backed by Tel Aviv. Without direction from Israel, there is a leadership vacuum in Washington.»
Un autre aspect de ce trouble général se trouve dans la réussite inattendue de la campagne de boycott contre Israël au regard de la position et de la politique de ce pays dans les territoires occupés. Face à cette initiative très diversifiée, Israël semble à la fois impuissant et “terrifié” . (Barghouti dans le New York Times du 1er février 2014 : «These days, Israel seems as terrified by the “exponential” growth of the Palestinian-led Boycott, Divestment and Sanctions (or B.D.S.) movement as it is by Iran’s rising clout in the region.»)
Tout se passe comme si toute la capacité d’influence d’Israël était en train de se dissoudre, sans pourtant qu’aucun événement stratégique déterminant ne soit intervenu. La “crise iranienne” est certes entrée dans ce que certains jugeraient être une phase terminale, mais il s’agit surtout, du point de vue israélien, d’une phase de désordre où l’on ne sait plus quelle orientation prendre. L’épisode de l’AIPAC en témoigne à suffisance.
La crise syrienne, elle, s’installe dans une sorte de “super-désordre” après avoir connu le désordre d’une simili-guerre civile où l’on pouvait encore envisager (toujours du côté israélien) de suivre une politique, – quoique celle-ci n’ait jamais été très bien définie. Ce que certains jugeaient être le but avantageux poursuivi par Israël, – la division de la Syrie en plusieurs camps avec les camps occupés à s’entre’massacrer, – apparaît aujourd’hui comme une vision catastrophique. Ainsi comprend-on le rapport que fait Ben Caspit, dans son texte du 11 février 2014, de ses entretiens avec des chefs militaires...
«The Syrian revolt is now three years old. Despite a rough infancy, it is maturing right before our eyes, with no intention of leaving anytime soon. Israel’s strategic assessment has changed from a “few weeks” to much longer. At this juncture, Israel Defense Forces top brass believe that the struggle in Syria could last as long as a decade. Wording this cautiously, a very high-ranking Israeli defense official told me: “We’re facing a decade of struggle in the Syrian environs.” Either way, Israel believes that the Syria we had come to know over the past few decades is gone. That Syria — where a balanced and complex coalition of minorities was able to maintain a stable, quiet and seemingly cohesive state — is a thing of the past. What will replace it? This is precisely what the battle, which could last for many years, is all about.
»“It’s like flipping a coin,” a senior IDF official commented. “Either way, the result would be bad. A victory of a Russian-backed radical axis that consists of Iran-Syria-Hezbollah is not a positive thing for Israel. But on the other hand,” he added, “the concentration of all the global jihad madmen in Damascus and the Golan Heights is also a disconcerting development. So as far as we’re concerned, the alternatives are bad either way. And there’s also the possibility that these alternatives would coexist, which means that the current situation could last for many more years. Assad will keep his grip in Damascus and the Alawite strongholds, while jihadist forces will grow stronger and take control of all the other areas.”
»The talk with the senior Israeli official took place before the Jan. 22 Geneva conference on Syria. “There will be more conferences in Geneva,” he predicted. “There will be Geneva II, and maybe also III, IV and V. This crisis is here to stay...»
Effectivement, pourquoi ce qui était vu hier comme un avantage pour Israël, – “la division de la Syrie en plusieurs camps avec les camps occupés à s’entre’massacrer”, – est-il apprécié aujourd’hui comme une perspective catastrophique pour Israël, par l’establishment de sécurité nationale israélien lui-même ? La réponse se trouve, à notre sens dans une autre vision que celle qu’on entretient en général depuis deux ou trois décennies pour juger de la position et du comportement d’Israël. En un mot, il faut passer de la vision apocalyptique à la vision du désordre.
Ce qui est en train de mourir aujourd’hui, avec comme signes de ce trépas la perte de l’influence israélienne, la vulnérabilité au boycott, l’AIPAC laissé à ses propres errements de mastodonte de la corruption sans orientation, c’est la “vision apocalyptique” rassemblée autour d’Israël, celle que suivirent bon an mal an les dirigeants civils israéliens et que Netanyahou porta au degré le plus haut de la paranoïa. Cette vision apocalyptique, exacerbée par l’attaque 9/11 utilisée dans le système de la communication comme l’on sait, s’appuyait sur un symbolisme à consonance religieuse sinon pseudo-métaphysique, avec les références connues de l’Holocauste, des dénonciations de projets divers et innombrables d’anéantissement d’Israël. Cette perception a bien entendu culminé avec l’Iran et la présidence d’Ahmadinejad, et l’utilisation qu’en ont fait les divers relais d’influence israéliens. C’est la transformation naturelle de la crise syrienne, la façon dont la vérité de la situation syrienne a fini par pulvériser les narrative manichéennes et apocalyptiques du bloc BAO, qui a entamé puis dissout rapidement cette perception.
Ce qu’a substantivé et opérationnalisé la crise syrienne, c’est la notion de plus en plus dominante de désordre, en même temps que la notion de “terrorisme” elle-même évoluait, comme on l’a vu plus haut, en une situation trouble et incertaine où se mêlent les extrémismes les plus virulents aux activistes des trafics divers, aux professionnels du crime organisé et ainsi de suite. Bien entendu, l’évolution de ce que l’on a nommé la “crise iranienne” a joué son rôle, mais plutôt comme complément, en servant à mieux mettre encore en évidence combien la thèse apocalyptique “autour d’Israël” s’efface de plus en plus rapidement derrière la thèse du désordre. Dans ce contexte, Netanyahou et sa paranoïa, avec ses anathèmes et ses croquis sommaires sur la bombe iranienne spécialement destinée à anéantir Israël, apparaissent de plus en plus dépassés et caricaturaux. Dans le cadre de cette évolution, bien entendu, les divers événements et constats qu’on a relevés plus haut ont tous leur logique et leur place pour renforcer plus encore le constat qu’on en fait.
Mais nous ne voulons ni ne pouvons nous en tenir là, parce qu’il s’agit d’Israël, et qu’Israël, qu’on le veuille ou non, qu’on s’en félicite ou qu’on s’en désole, c’est bien plus qu’Israël. Nous voulons parler ici d’Israël comme appendice extrême, enclave stratégique du bloc BAO et, en un sens, “annexe du Pentagone” (voir le 17 juillet 2006 ). Nous voulons parler d’Israël comme avancée extrême de la “politique de l’idéologie et de l’instinct”, transmutée en politique-Système et opérationnalisée par Israël sous la forme pathologique et obsessionnelle qu’on a connue, notamment et essentiellement avec Netanyahou.
De ce point de vue, la transformation actuelle de la posture stratégique d’Israël présage une modification ontologique de la situation politique de ce pays, avec la nouvelle pression du désordre, qu’il se nomme terrorisme ou “terrorisme” entre guillemets, qu’il vienne de Syrie ou d’ailleurs, voire de voies inattendues comme celles qui font qu’Israël et la Russie se rapprochent et collaborent au niveau de la sécurité. Elle présage également un surgissement des déséquilibres internes israéliens qui, pour certains chefs israéliens de la communauté de sécurité nationale, est le premier et le vrai problème existentiel d’Israël. (Voir par exemple les avis de divers chefs de services tels que le Mossad, le Shin Beth, voire des forces armées, le 4 novembre 2011, le 28 avril 2012, le 23 mars 2013...) On comprend bien qu’en cela, Israël ne diffère pas des pays du bloc BAO, dont il fait partie, aussi bien que d’autres puissances telles que la Russie, la Chine, le Brésil, etc., – puisque tous, absolument tous et nous tous, nous sommes confrontés à la même crise générale d’effondrement du Système.
Il s’agit en fait d’un échelon supplémentaire dans l’évolution vers une situation de dissolution du système des relations internationales, notamment de ces relations internationales basées sur des affrontements extérieurs de type obsessionnel, paranoïaques, à consonance religieuse souvent, et qui en restent en général au niveau de la communication sans passer à l’acte de la guerre elle-même. On peut en effet imaginer le changement que constituerait l’évolution d’un Israël conduit à abandonner sa politique fondée sur une stratégie inspirée de ce que l'historien Ferrero qualifiait d'“idéal de la puissance”, appuyée pour se justifier sur des narrative d’extermination avec en arrière-plan ce que nous avons désigné comme la “métaphysique-simulacre” de l’Holocauste. (Voir le 1er octobre 2012 et le 5 octobre 2012 : «On a vu à plus d’une reprise que l’événement central de cette métaphysique (métaphysique-simulacre en vérité) est l’Holocauste, mais non l’Holocauste dans son horreur historique, tel qu’il fut, mais de façon fort différente, plutôt Holocauste dans sa représentation symbolique et, justement, métaphysique.»)
Si, effectivement, Israël se départit de cette position extrémiste “de type obsessionnel, paranoïaques, à consonance religieuse”, ce sera tout le bloc BAO, déjà lui-même en bien piètre état dans la situation intérieure de nombre de ses membres, qui en subira les conséquences. Il se verrait privé du socle pseudo-métaphysique de l’une de ses principales narrative mobilisatrices (l’antisémitisme, l’Holocauste en tant que métaphysique-simulacre) dont le rôle est de dissimuler la profondeur abyssale de la crise d’effondrement du Système, – profondeur nécessairement abyssale puisque l’effondrement du Système nous conduit nécessairement aux abysses. Le problème, pour le bloc BAO, c’est qu’Israël ne peut longtemps maintenir une posture qui subvertit et trompe sa sécurité nationale, c’est-à-dire que ce pays ne peut maintenir longtemps la fiction d’une posture obsessionnelle type-Netanyahou pour continuer à alimenter les narrative internes des pays du bloc BAO. Les dangers de déstructuration et de dissolution guettent ce pays extrêmement fragile de ce point de vue, – comme le savent si bien les chefs du Mossad et ceux du Shin Beth.
C’est pour cette raison qu’Israël se rapproche de la Russie, parce qu’Israël sait qu’à cet égard, la Russie est beaucoup plus consciente que le bloc BAO, et plus lucide à cet égard, pour ce qui concerne les véritables dangers de déstructuration et de dissolution. De ce point de vue, nous avancerions les deux idées que 1) Netanyahou n’a plus beaucoup d’avenir, à moins qu’un Netanyahou-II ne remplace le Netanyahou-I des anathèmes anti-iraniens et des croquis sommaires de la bombe iranienne (ce qui n’est pas impossible, car le Premier ministre-anathème qu’est Netanyahou-I sait être aussi un politicien tortueux et arrangeant, pour éventuellement se transformer en Netanyahou-II) ; 2) qu’une éventuelle alliance de facto entre Israël et la Russie a plus d’avenir et de cohérence que l’actuelle position d’Israël comme avancée hystérique des obsessions de type “déflection-deception”, comme le fut la crise financière de 2008 par rapport à la crise d’effondrement du Système (voir le 8 février 2014), pour servir de paravent à la crise d’effondrement pour les pays du bloc BAO continuant à vivre dans l’univers magique de leurs narrative. L’enjeu est bien toujours le même : parvenir à regarder en face, au fond des yeux, la crise d’effondrement du Système.
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