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2103Nous parlâmes, in illo illo tempore (voir le 24 février 2011 et le 2 avril 2011) de “chaîne crisique” à propos des débuts du “printemps arabe”. Désormais, ce concept-là, – sinon le printemps lui-même, – retrouve une nouvelle vigueur, une nouvelle dynamique, dans et à partir de la crise syrienne et nullement réduit à la seule crise syrienne.
Il s’agit donc d’une deuxième chaîne crisique, engendrée par la crise syrienne telle qu’elle a été continuellement alimentée depuis près d’un an et demi, par le bloc BAO augmenté avec avantage des amis saoudiens et qataris, et particulièrement depuis novembre 2011 par les USA. Il s’agit véritablement d’un nouveau phénomène, semblable dans son mécanisme déstructurant et dissolvant au premier, mais généré cette fois à partir de la crise syrienne transformée par les interventions extérieures du bloc BAO en une nébuleuse incontrôlable, commençant désormais à répandre ses effets, comme autant de métastases, dans la région.
Michael Collins, de Money Party, nous donne, le 29 juillet 2012, un utile rappel, avec les précisions qui importent, concernant l’accélération décisive de l’implication des USA dans le conflit, avec l’aide substantielle donnée aux divers groupes de rebelles. «Obama administration support for Syrian rebels is based on a United Nations authorized report from November 2011. In that document, Syria is accused of committing “crimes against humanity.” The report’s co-author is a board member at a Washington, D.C. based think tank that just happens to have the former chairman of ExxonMobil, a consultant for the Saudi Binladin Group, and a former CIA executive on its board of directors.»
Le caractère fondamental de la chaîne crisique subsiste et se multiplie dans un facteur difficilement mesurable. Il s’agit de la rapidité de la diffusion de ses effets (de ses métastases), ce qui empêche absolument toute maîtrise du processus, par l’un ou l’autre acteur, pour son bénéfice. Littéralement, comme nous l’observons déjà par ailleurs, les évènements sont eux-mêmes les maîtres de leur propre “déchaînement”, – malgré les assurances et les démonstrations qu’on nous offre sur les machinations, les maîtres plans et les subtiles manœuvres des nombreux Machiavels du bloc BAO.
En Syrie d’abord… On parle désormais d’une façon ouverte d’un processus très rapide de désintégration du pays, ou plutôt de fragmentation, l’aspect diplomatique emporté dans un courant de dissolution accélérée, avec la démission d’Annan et la dernière tentative dérisoire des “amis de la Syrie” de retourner l’ONU à leur avantage (motion adoptée par l’Assemblée générale). Le temps du décompte des avantages pour un camp ou pour l’autre est passé. Le désordre et le chaos sont désormais la règle ; d’une façon très caractéristique, ce désordre et ce chaos touchent d’abord ceux qui les ont principalement développés dans le pays.
DEBKAFiles décrit, le 4 août 2012, la multiplication des groupes de rebelles, qui s’avèrent de plus en plus concurrents sinon antagonistes les uns des autres ; et, parallèlement, la course des puissances extérieurs type-BAO (dans le bloc ou affiliés) pour “courtiser” ces groupes, qui pour y comprendre quelque chose, qui pour s’attirer un groupe ou l’autre, qui pour susciter de nouveaux groupes contre certaines tendances internes de la rébellion qui risque d’affecter sa propre situation, et qui pourraient être renforcées par l’un ou l’autre prétendu “allié”… En avant la zizique ! comme dit le bon sens populaire.
«…Day by day, new militias spring up to fight the Assad regime – five in the last 48 hours. They fall into three main categories: they represent one Syrian ethnic minority or another, Islamists streaming in from across the Middle East, or rebels groups armed and backed by Arab and Muslim intelligence bodies… […]
»Terrified that the separatism sweeping its brothers will infect the Turkish Kurdish minority – and suspecting Washington of surreptitiously supporting it – Turkish intelligence, the MIT, was instructed to establish and arm two Turkmen militias in the Syrian Kurdish region: Brigades of Mehmet the Conqueror and Brigades of Sultan Abdulhamid.
»In Aleppo, the FSA has been displaced at the head of the campaign against government troops by a militia established by the Muslim Brotherhood and a rival set up by radical affiliates of al Qaeda, which is a hodgepodge of jihadists from Libya, the Gaza Strip, and Egyptian Sinai. Saudi and Qatari intelligence services are competing for the favors of these militias by supplying them with arms.
»American intelligence analysts keeping watch on Syria warned Saturday, Aug. 4, that if the proliferation of fighting militias taking part in the conflict goes on, Syria will soon have more than a hundred mini-armies, some of them Christian and Druze. In no time they will be fighting each other. American and European military sources explain their reluctance to provide the Syrian rebel movement with heavy anti-tank and anti-air weapons capable of tipping the scales of the fighting in Aleppo by their uncertainty about whose hands they will end up in.»
Le Daily Telegraph confirme (le 4 août 2012) cette tendance en s’intéressant au développement d’un nouvel animal dans le zoo de la rébellion : l’apparition des milices spécifiquement des Frères Musulmans. Elles se veulent farouchement indépendantes, séparées, sinon hostiles aux grands “commandements” des rebelles que l’on vit parader dans les diverses fiestas des “potes de la Syrie”.
«The Muslim Brotherhood has established its own militia inside Syria as the country's rebels fracture between radical Islamists and their rivals, commanders and gun-runners have told The Daily Telegraph. Calling itself the “Armed Men of the Muslim Brotherhood”, the militia has a presence in Damascus as well as opposition hot spots like Homs and Idlib. One of their organisers, who called himself Abu Hamza, said that he started the movement along with a member of the Syrian National Council (SNC), the opposition alliance. “We saw there were civilians with weapons inside, so we decided to co-operate with them and put them under one umbrella,” he said.
»Hossam Abu Habel, whose late father was in Syria's Muslim Brotherhood in the 1950s, said that he raised $40-50,000 (£25,000-£32,000) a month to supply Islamist militias in Homs province with weapons and other aid. The militias he funded were not affiliated to the Free Syrian Army (FSA), the main rebel movement, added Mr Abu Habel. “Our mission is to build a civil country but with an Islamic base,” he said. “We are trying to raise awareness for Islam and for jihad…” […]
»The divisions are affecting operations on the ground: competing militias co-operate when necessary but otherwise disavow each other. “I would take it as an insult if you described me as FSA,” said Abu Bakri, a front line commander of an Islamist militia in Aleppo calling itself the Abu Emara Battalion.»
Autour et en marge de la crise syrienne, avec un pied dedans un pied dehors, les uns et les autres s’activent dans des initiatives aux facettes infinies où le “double jeu” est la moindre des choses. A côté de ces réalités, les emportements idéologiques des tribunes des diseurs de la narrative du bloc BAO ont certainement quelque chose de suranné et de pathétique qui ne peut échapper à l’observateur attentif… Il faut vraiment que les pays de bloc BAO croient à leur narrative humanitaristes et affective, – ce qui est notre absolue conviction, – pour ne pas voir ce qu’ils provoquent vraiment en fait de bouleversement, et dans quel sens, dans cette dynamique tourbillonnante.
DEBKAFiles nous instruit par conséquent de quelques étranges situations, dans son analyse du 3 août 2012, lorsqu’il en vient au constat que les pays du Golfe n’ont pas atteint leur objectif d’affaiblir l’Iran en attaquant son allié syrien… «Riyadh, Doha and Abu Dhabi tried to achieve that objective indirectly by massively backing the Syrian revolt against Tehran’s best friend Bashar Assad in the hope that his fall would stop the Iranians in their tracks. They never came close: Assad is still fighting tenaciously and his army is in intact after 17 months…
»Instead of capitulating to the odds against the Syrian ruler, Tehran increased its military stake in Assad’s battles. DEBKAfile’s military sources say that without Iran’s lavish and timely air and ground supply corridors, the Syrian army would have long since run out of arms for defending the Assad regime against revolt. The Gulf governments are therefore forced to accept that their plans to weaken Iran by toppling Assad have backfired in more ways than one…
»Turkey and Iraq, each for its own reasons, are letting Iranian arms pass through their territories to Damascus, a move which is counter-productive to Gulf interests on the Middle East keyboard. Ankara, in particular, hosts rebel command centers and training camps with one hand, while, with the other, lets arms shipments through to Assad’s army for destroying those same rebels the moment the cross into Syria.»
Le comportement complexe de la Turquie notamment, tel qu’il nous est signalé plus haut, signale par ailleurs des difficultés grandissantes pour ce pays engagé dans une partie elle-même traîtresse et avec de multiples effets pervers. Erdogan ne s’est pas couvert de gloire en allant proposer à Poutine, lors de sa visite à Moscou, de transférer les bases du réseau antimissiles OTAN de Turquie au Qatar en échange d’un changement de politique russe en Syrie, – ce qui a été accueilli avec un certain effarement et un refus allant de soi. Les acrobaties concernant l’énorme problème kurde compliquent encore le propos, avec des affrontements très violents entre l’armée turque et des Kurdes venus de Syrie, cela consécutivement à la crise syrienne. D’une façon générale, le parti au pouvoir, l’AKP d’Erdogan, qui a amené une révolution en Turquie en rompant certains liens d’allégeance avec les USA, se retrouve aujourd’hui en position d’accusé à cet égard, de la part d’une partie importante du monde politique turc, – et cela à cause de la Syrie.
On a déjà vu l’opposition se signaler chez les observateurs judicieux (voir le 30 avril 29012). Ilya Kharlamov, de Moscow Times, examine (le 2 août 2012) la situation turque à la lumière de la crise syrienne et ne craint pas de faire l’hypothèse de l’entrée de la Turquie dans “une période de déstabilisation” et une “crise géopolitique”…
«However, al-Assad’s enemies among the Turkish political elite are probably in for an unpleasant surprise. The Turkish society could give a cool reception to the country’s leadership’s plans concerning Damascus. The first warning came from the Workers’ Party of Turkey which demanded deporting the US General Consul in the city of Adana from the country for ‘masterminding and leading the activities of Syrian terrorists’ who oppose al-Assad’s forces. One of the leaders of the party, Hasan Basri Ozbey has also urged the government to close the US Incirlik air force base in Adana and the camps of Syrian refugees where, he maintains, Americans train thousands of terrorists. These protests have been voiced at a difficult moment for Turkey, political scientist Stanislav Tarasov says.
»“Several days ago, the ruling tandem of the president and prime minister disintegrated. Notwithstanding his initial plans, the prime minister has declared that he would run for the presidency. This means a split in the country. Turkey is facing a serious political and maybe even a geopolitical crisis. Hence, the demand of deporting the consul from Adana and taking a tougher attitude toward the US policy in the region, as well as realising that Turkey has become an instrument in a very serious geopolitical struggle The situation is complicated and it is clear that the country has entered the period of destabilization.” “We cannot rule out that the opinion of one of the main Turkish opposition parties which has taken a firm stand of non-interference in Syria’s internal affairs will get a positive response from the majority of Turkish people and will become another serious headache for the country’s current leadership.”»
Il ne fait aucun doute que la crise syrienne a accéléré le développement du “climat de guerre” en Iran, au-delà de la dialectique et de l’incessante offensive de communication (l’attaque-surprise de l’Iran annoncée depuis 2005), et même en plus des sanctions et des mesures économiques prises contre ce pays. Vendredi dernier, le chef du Conseil des Gardiens de la Révolution, ayatollah Janati, a solennellement proclamé que l’Iran “est en guerre” (voir AFP, le 4 août 2012)…
«Iran is being hit by a “war” on its economy, according to officials facing tightened US sanctions and renewed Israeli threats of imminent military action over Tehran's nuclear activities. “This is war,” Ayatollah Ahmad Janati, the hardline chief of Iran's influential Guardians Council, said as he led Friday prayers in Tehran. Iran needs to mobilise “the nation, government, officials and armed forces” to tackle its “special and serious economic problems” which went beyond the global economic malaise, he said. “We should prepare and break this wave (of economic pressure). We should not surrender,” he said…»
D’une certaine façon, la crise syrienne et la forte implication de l’Iran dans cette crise ont joué et jouent un rôle important dans la mobilisation rendue nécessaire par les sanctions économiques. Une analyse des services de renseignement allemands qui ont des liens avec les milieux d’affaires (allemands), eux-mêmes gardant des contacts avec l’Iran, estiment que les “poussées” des sanctions et de la crise de Syrie combinées ont constitué une incitation à la mobilisation, et à la préparation à la guerre de l’Iran, qui a fait gagner à ce pays au moins une année en termes de développements technologiques et d’implantation opérationnelle.
Du coup, la puissance de l’Iran est extraordinairement grossie, essentiellement par des groupes d’extrême droite US proches des neocons, et qui restent très influents, – et s’apprêtent à l’être bien plus, à nouveau, si Romney est élu. (Voir notamment les “bruits” de communication autour des préparatifs de l’Iran à des capacités EMP [ElectronicMagnetic Pulse], ou “Electronic Armageddon”, notamment diffusés par l’organisation frontiste néoconservatrice The United West [voir le 3 août 2012]. Certains groupes, au Pentagone, suivent cette ligne d’analyse.) Si cette démarche tend à faire de l’Iran un adversaire qu’il faut à tout prix éliminer (voir l’obsession Netanyahou), elle tend également à faire entrer dans la pensée rationnelle l’idée que cet adversaire très dangereux doit être appréhendé avec prudence dans les crises en cours, en même temps qu’il ne lui est pas daigné l’“autorisation” d’intervenir.
Un autre bouleversement engendré par la crise syrienne est la formation de cet axe “Damas-Bagdad-Téhéran”, qu’on avait signalé le 26 juillet 2012, dont M K Bhadrakumar nous confirme (le 4 août 2012) la formation. Il s’y ajoute le facteur essentiel d’une grande et très naturelle proximité de la Russie, particulièrement frappante et novatrice dans le cas de l’Irak. On apprend ainsi que les Irakiens sont en négociation pour acheter de l’armement russe dans le domaine de la défense sol-air, où l'on sait qu'excelle la Russie.
«A fantastic turn to the geopolitics of the Middle East is surfacing with the visit by the Iraqi Defence Minister leading a high-level military delegation, including the chief of the country’s air force, to Russia. The disclosure came in a remark in Baghdad — deliberate or unintentional — by an Iraqi legislator to Reuters. The Reuters reported that the Iraqi delegation is negotiating the purchase of Russian “early warning systems, radars and some other civil defence apparatuses.”
»The irony couldn’t be deeper. The United States invaded Iraq to bring about a ‘regime change’ and introduce democracy and the empowered government in Baghdad promptly asked the US troops to vacate occupation and now turns to its old cold-war era ally Russia to resuscitate the sinews of military ties. Iraq is today a close friend of Iran. It is supportive of the regime of Bashar Al-Assad in Syria and is helping Damascus in many ways to counter the Western sanctions against Syria. But its ties with Turkey have plummeted and the relations with Saudi Arabia remain frosty… […] Then, there is also the ‘big picture’, namely, the axis that slowly, steadily shaped up between Iran, Iraq and Syria on the bedrock of shared interests. (Lebanon becomes a natural adjunct to the axis.) The geo-strategic implications of such an axis seeking a close relationship with Russia are at once obvious…»
Enfin, pour terminer, pour l’instant, cette revue de cette deuxième “chaîne crisique”, il faut dire un mot de l’Arabie Saoudite. Il faut en effet signaler l’aggravation des évènements en Arabie, avec de récentes manifestations, avec la mort d’un adolescent qui manifestait, mais aussi celle d’un policier du service d’ordre… Point essentiel, ici, qui fait dire à Syed Ali Wasif, président de la Society for International Reforms and Research, à Washington D.C., lors d’une interview à PressTV.com, le 5 août 2012 : «…[Saudi] protesters are sick and tired of marching on the streets, taking to the streets day in and day out. Now they are ready to move ahead with the same force, with a similar force, with a similar kind of equal reaction to the Saudi brutality – that is ‘an eye for an eye.’ If this is exactly the case, then this is a doomsday scenario…»
Il y a un rapport certain entre l’aggravation de la situation en Arabie et la crise syrienne, notamment son aggravation par l’intervention de l’Arabie. Pour les dirigeants de l’Arabie, il y a une course engagée entre la crise syrienne, et leurs rêveries d’en voir surgir un immense front sunnite dont ils seraient les inspirateurs, et la dégradation dramatique de la situation en Arabie. S’il y a triomphe en Syrie, estime ce courant de pensée, la révolte saoudienne en développement (notamment avec des chiites) tomberait dans le découragement et s’éteindrait d’elle-même… Ce calcul d’urgence, appuyé sur une la couardise et la panique terrorisée caractéristiques des psychologies des quelques milliers de princes de la maison Saoud, pousse à des erreurs, – ici un engagement trop prononcé, précipité, mal calibré, là une répression trop dure, maladroite. Les deux crises s’alimentent.
Effectivement, toutes ces crises s’alimentent, liées entre elles comme par une chaîne, se déroulant l’une de l’autre ou l’une avec l’autre, comme l’on dit d’une chaîne. Avec la crise syrienne a commencé une seconde chaîne crisique clairement différenciée de la première, et notablement autonome dans son opérationnalité par rapport à la première. Si la nature, l’esprit de la chose dans le cadre général de la structure crisique du monde restent évidemment similaires, il y a des différences opérationnelles notables, dans l’orientation, la géographie, la hiérarchie et la méthodologie du processus…
• La première chaîne crisique était en ligne droite, d’Ouest en Est. Elle courait comme un incendie, selon un processus de propagation qui allumait des désordres différents, sans nécessaire connexion opérationnelle entre eux, sans maîtrise conjoncturelle. Celle-ci, la seconde, est une nébuleuse, une spirale, un ouragan tournant sur lui-même, un tourbillon, parce que nous sommes arrivés au cœur même de la “crise haute” générale, en développement à partir des diverses crises de la région. Ce parcours géographique de cette deuxième chaîne crisique suggère sa nature et sa signification.
• Au contraire de la première chaîne crisique, celle-ci n’implique pas les populations en tant que telles comme facteurs actifs, sinon des populations déjà organisées en groupes partisans, ou paramilitaires, selon une organisation déjà suscitée, ou renforcée par la première chaîne crisique. Elle s’attaque à des gouvernements ou des autorités, ou des centres de force, déjà éprouvés, ou bien déjà influencés par la première chaîne crisique. C’est-à-dire qu’elle s’exerce sur une situation déjà bouleversée par le premier événement de la chaîne crisique, et approfondit ce bouleversement en intégrant divers éléments d’antagonisme et de désordre préexistant au phénomène des chaînes crisiques.
• Au contraire de la première chaîne crisique, qui avait pris toutes les autorités par surprise dans son déclenchement initial, cette seconde chaîne crisique voit au contraire nombre de ces autorités comme les fomentatrices principales de l’événement. (Et l’on parle certes d’autorités des pays de la région, aussi bien que des autorités de pays ou de groupe de pays en dehors de la région, – notamment le bloc BAO.) De ce point de vue, cette “seconde chaîne crisique” pouvait aussi bien être identifiée, du moins a départ, comme une “anti-chaîne crisique”… Mais le monstre a largement et très rapidement échappé à ses créateurs, selon l’évolution classique de la chose dans la logique d’une inversion, et s’est révélée finalement comme une véritable seconde chaîne crisique, au pouvoir de déstabilisation et de désordre bien plus grand encore que la précédente.
• Bien entendu, cette seconde chaîne crisique garde de fortes connexions avec la première, dont elle est nécessairement issue, et renvoie de fortes ondes de choc vers les situations engendrées par la première. Ainsi, parallèlement à la crise syrienne et à cause d’elle qui mobilise toute son attention sur sa frontière avec la Syrie (en plus de la constante polémique de l’attaque de l’Iran), Israël n’a pas pu traiter comme il l’aurait du la situation de détérioration sur sa frontière du Sinaï avec l’Égypte. L’incident grave d’hier, (5 août 2012) qui a fait une quinzaine de morts (16 semble-t-il) parmi les garde-frontières égyptiens, accentue la tension dans une zone de plus en plus hors de contrôle. D’une façon générale, cette incontrôlabilité est alimentée par les remous syriens, notamment avec la prolifération des groupes terroristes ou para-terroristes (crime organisé), avec comme effet politique indirect d’accroître la tension entre l’Égypte et Israël, et de rendre de plus en plus incertaine la poursuite du statu quo et la validité du Traité de paix de 1979.
La première chaîne crisique était une chaîne de crises de déstabilisation d’une situation gelée dans des situations contraintes. La seconde enchaîne sur l’installation d’un courant général de désordre qui implique tous les acteurs, y compris nombre de ceux qui semblent apparaître comme des instigateurs ou des “complices” de ce second courant de crises. L’élément de la rapidité marque ce second événement, comme le premier, et encore plus que le premier, en amenant la rapidité jusqu’à la simultanéité. Des instigateurs-“complices” sont en même temps frappés par le désordre qu’ils ont voulu manipuler ou susciter (cas de la Turquie, de l’Arabie).
Ces mêmes manœuvres qui peuvent être considérées comme instigatrices pour tenter de rattraper certains effets de la première chaîne crisique se traduisent presque simultanément là aussi (rapidité jusqu’à la simultanéité) par des effets aggravants de celle-ci. Les pays du bloc BAO, qui tentaient avec la crise syrienne de reprendre en main le processus de la première chaîne crisique, voire de l’exploiter à leur avantage, se retrouvent avec des situations où ils se trouvent impliqués dans des enchaînements spécifiques qui les emprisonnent. La perte de contrôle de nombre d’éléments rebelles syriens, notamment la résurrection de la nébuleuse al Qaïda & compagnie, ou bien la simultanéité de l’offensive anti-syrienne de l’Arabie et la détérioration de la situation intérieure saoudienne en sont des signes.
La deuxième chaîne crisique, à partir de la crise syrienne et par la crise syrienne (contre la Syrie d’Assad) principalement, était une tentative de susciter un “désordre créateur” pour les intérêts de certains, un désordre qui redonne la main à ces acteurs dépassés par la première chaîne crisique. L’effet net est que le désordre reste le désordre, et qu’il est même une sorte de “super-désordre”, ce qui constituerait une des innovations ultimes de notre contre-civilisation. Les incendiaires déguisées en pompiers vociférants, eux, sont pris dans l’incendie qu’ils ont rallumé ou qu’ils ont aggravé.
Cette analyse confirme évidemment que les évènements, au travers des crises multiples s’ordonnant selon des formes de plus en plus concentrées et à un rythme de plus en plus rapide, ont complètement pris le pas sur toutes les tentatives de subversion hégémonique, de subversion de communication, ou tentatives d’instaurer de nouveaux arrangements favorables aux forces déstructurantes principalement recherchés par le bloc BAO. La deuxième chaîne crisique l’a emporté sur ceux qui l’ont suscitée. Désormais, plus personne ne sait où elle s’arrêtera, si même elle s’arrêtera, et très rapidement elle nous apparaîtra comme la continuation de plus en plus intégrée dans la situation et les effets de la première chaîne crisique. La deuxième chaîne crisique a rejoint la première dans un acte d’une puissance considérable de consolidation de la crise haute.
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