Notes sur la flotte, Sébastopol et la Syrie, et l’enjeu suprême

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Notes sur la flotte, Sébastopol et la Syrie, et l’enjeu suprême

La question du renforcement en armements et de la présence ou pas de forces étrangères “officielles” en Syrie, notamment des grandes puissances (essentiellement la Russie et le bloc BAO) prend une importance grandissante dans la crise syrienne. Cette question doit être toujours envisagée sur deux plans : celui de la communication (qui correspond au système de la communication) et celui des affaires militaires elles-mêmes (qui correspond au système du technologisme).

Bien entendu, il est aussi nécessaire de la placer dans un contexte plus large, qui est, du point de vue opérationnel, celui de la rencontre entre Poutine et Obama à Mexico, en marge du G20. La question de la Syrie a supplanté toutes les autres, en raison de son urgence et de sa priorité. Ainsi y a-t-il, dans le “contexte plus large” que nous signalons, l’aspect conceptuel qui traduit l’aspect opérationnel du sommet Poutine-Obama. Il apparaît que cette crise syrienne présente de plus en plus les caractéristiques du détonateur qui pourrait conduire au déchaînement général de la “crise haute”.

Tensions entre State et Pentagone

On peut dire que l’affaire des hélicoptères d’attaque russes a été le premier cas spécifique, clairement documenté et développé sur la question d’envoi d’armements, envoi “officiel” ou à ciel ouvert portant sur des armements majeurs, au contraire d’innombrables opérations covert (dissimulées) de cette sorte (des deux côtés).

On a vu le détail de cette affaire (le 15 juin 2012), où la partie américaniste a été victime de ses affrontements inter-départementaux et de l’hystérie politique du département d’État. Les tentatives pour tenter de réparer les dégâts, du fait de l’inimitable New York Times, tel que rapportées par Tony Cartalucci (Land Destroyer, le 17 juin 2012), ont fait plus de mal que de bien à la cause américaniste en inventant une opération coordonnée de propagande (ce qui n’est pas le meilleur argument), qui est une version contredite par le rôle hostile du Pentagone. Le “ senior defense department official” cité semblerait venir à l’aide de Clinton, éventuellement, mais c’est pour l’enfoncer un peu plus dans son entreprise de propagande avortée. On ne s’aime guère, en ce moment, entre le Pentagone et State.

«…In New York Times' “Copters in Syria May Not Be New, U.S. Officials Say,” a senior defense department official admitted when US Secretary of State Hillary Clinton made her fraudulent claim regarding Russian weapon shipments, she “put a little spin on it to put the Russians in a difficult position.” The New York Times continued by stating, “Mrs. Clinton’s claim about the helicopters, administration officials said, is part of a calculated effort to raise the pressure on Russia to abandon President Bashar al-Assad, its main ally in the Middle East,” indicative of the campaign of propaganda and lies orchestrated by the US State Department, the British Foreign Office, and Western and Gulf State news outlets around the world to demonize both the Syrian government and its extensive allies around the world, contrary to the facts on the ground.»

Les Russes arrivent !

Une autre affaire est apparue et s’est développée depuis le 15 juin, qui est celle du déplacement de certaines unités de la flotte russe de la Mer Noire, de Sébastopol (enclave russe et base navale en Ukraine) vers le port/la base russe de Tartus, en Syrie.

Il y a eu d’abord un rapport de NBC.News, le 15 juin 2012, citant des “officiels militaires US”, c’est-à-dire des sources officieuses du Pentagone, – cette fois, Clinton n’est pas concernée. Il s’agissait de l’annonce que la Russie avait d’ores et déjà envoyé un navire vers la base de Tartus, transportant des troupes de l’infanterie de marine qui seraient chargées de la défense du périmètre de la base.

«Russia is sending armed troops to Syria amid escalating violence there, United States military officials told NBC News Friday, in a move certain to frustrate Western efforts to put pressure on the regime of President Bashir Assad.»

Le 16 juin 2012, dans un rapport mettant en évidence que “l’intervention militaire US en Syrie n’était plus une question de ‘si’ mais de ‘quand’”, DEBKAFiles reprenait une information déjà publiée le 15 juin (dans son domaine payant). A partir du rapport NBC, DEBKAFiles annonçait que le navire transportant des troupes d’infanterie de marine aborderait le port de Tartus “dans les heures qui viennent”.

«A contingent of Russian special forces is on its way to Syria to guard the Russian navy’s deep-water port at the Syria’s Mediterranean coastal town of Tartus, Pentagon officials informed US NBC TV Friday, June 15. They are coming by ship. According to DEBKAfile’s sources, the contingent is made up of naval marines and is due to land in Syria in the coming hours.»

L’état-major russe fait de la comunication

Mais auparavant, selon les dates et heures de publication (en fonction du décalage horaire), l’état-major général russe avait fait des déclarations officielles contredisant les informations formelles diffusées par les sources citées ci-dessus, – sans nécessairement en contredire l’esprit : oui, il est bien question de l’envoi de troupes et d’armements, mais la mission n’est nullement entamée... Les précisions étaient données de façon intentionnelle, avec comme premier but de communication de mettre en cause la qualité des informations venues, selon l’état-major russes, des services de renseignement du Pentagone, la DIA. (Tass, le 15 juin 2012.)

«A number of warships of the Russian Black Sea Fleet are prepared to go to Syria, the Russian General Staff told Itar-Tass on Friday. “The Mediterranean Sea is a zone of the Black Sea Fleet responsibility. Hence, warships may go there in the case it is necessary to protect the Russian logistics base in Tartous, Syria,” it said. “Several warships of the Russian Black Sea Fleet, including large landing ships with marines aboard, are fully prepared to go on the voyage,” he said. The Cesar Kunikov large landing ship of the Russian Black Sea Fleet, which is returning from Italian Messina to base, passed the Bosporus Strait on Friday. It will return to Sevastopol on Saturday, the staff said.

»[The Russian General Staff ] strongly denied U.S. media reports claiming that a Black Sea Fleet warship had already headed for Tartous. “All the ships are staying in Sevastopol but the Cesar Kunikov large landing ship. Either the U.S. intelligence service works poorly or they have a poor knowledge of geography,” the source said.»

En complément de ce qui précède, Russia Today publiait, le 17 juin 2012, un article reprenant des éléments de Novosti sur la présence tranquille et apaisée, dans le port de Sébastopol, des unités annoncées par les médias du bloc BAO comme ayant quasiment atteint Tartus…

«The US media cited intelligence sources as saying last Sunday that the landing ship Nikolay Filchenkov was traveling to the Russian naval base in Tartus, Syria. The vessel was said to be carrying arms and a unit of amphibious commando troops, who would be used to secure the Russian base in the troubled country from a possible attack. The vessel, however, is still in Sevastopol, the home of the Russian Black Sea Fleet, as a journalist from the Russian news agency RIA Novosti witnessed. The ship is not even loaded, as apparent by its draft, the report says…»

Les Russes ne se cachent de rien

Le même 17 juin 2012, DEBKAFiles remet ça. Le site israélien évacue rapidement la fausse nouvelle Pentagone-NBC qu’il avait relayée en donnant quelques “informations” de son cru pour montrer la qualité de son réseau (arrivée à Tartus “dans les heures qui viennent”), en mentionnant vaguement cette annonce ; mais l’essentiel de l’information de DEBKAFiles est de relayer les déclarations à Tass de l’état-major général russe, pour pouvoir élaborer une approche nouvelle, selon deux thèmes.

Le premier est le constat que les Russes amènent, ou vont amener, de très nombreux systèmes pour compléter le réseau anti-aérien syrien, avec des armements très avancés. Divers détails sont donnés, tous très impressionnants quant à la qualité et à la puissance des systèmes. DEBKAFiles constate que les Russes ne se cachent pas de leurs intentions d’armer les Syriens, comme l’indiquent les déclarations de l’état-major général. DEBKAFiles cite également celles, en date du 16 juin, de Anatoly P. Isaykine, directeur of Rosoboronexport, l’organisme national de contrôle des exportations, parlant des systèmes que va recevoir la Syrie : «I would like to say these mechanisms are really good means of defense, a reliable defense against attacks from air or sea. This is not a threat, but whoever is planning an attack should think about this…»

DEBKAFiles aurait aussi bien pu citer Lavrov qui, tout au long de la semaine dernière, démentait l’envoi d’hélicoptères d’attaque en précisant que la Russie s’en tenait à l’exécution en cours. Il précisait invariablement que ces contrats portaient sur l’équipement de la défense anti-aérienne syrienne, qui n’a rien à voir avec les combats terrestres contre l’“opposition”, et tout avec la prévention d’une possible intervention étrangère, actuellement non autorisée par l’ONU (alors que les Russes estiment que la vente de ce type spécifique d’armes n’est pas couverte par l’embargo sur les armes de combat des affrontements en cours).

Situation confuse à Vladivostock

On pourrait alors considérer que le texte de Russia Today, le 18 juin 2012, confirme bien l’envoi de navires vers Tartus, mais nullement ceux que croyaient avoir repérés les SR occidentaux. Cela pourrait signifier qu’une fois menée à bien l’opération de communication (tenter de mettre en évidence la fausseté des informations du bloc BAO), l’opération militaire de renforcement, autre volet de l’affaire, est ou serait lancée. Pourtant, on remarque, dans l’extrait cité ci-dessous, encore quelques réserves qui semblent en contradiction avec l’information principale…

«It is being reported that large Russian amphibious naval ships are steaming toward the Syrian port of Tartus, where Russian civilians and naval infrastructure are under threat from ongoing civil disorder. "The crews of the Nikolay Filchenkov, Ceasar Kunikov and SB-15 tugboat – together with the marine units they carry – are capable of protecting security of Russian citizens and evacuating a part of the property of the logistics base," a source at the Russian Navy General Staff told Interfax-AVN on Monday.

»But according to an officer stationed with the Black Sea Fleet, the Nikolay Filchenkov and Ceasar Kunikov are still sitting in dock in Sevastopol. Moreover, the crew is said to be on “regular service duty” and are under no emergency orders. He pointed out, however, that Russian naval ships must be prepared to dispatch anywhere in the world in 12 hours notice.»

En passant par le G20

Revenons à l’analyse de DEBKAFiles du 17 juin 2012, dont nous disions qu’elle développait deux thèmes à partir des informations reprises, et plus ou moins réparées après les mésinformations de l’analyse précédente. Avec le deuxième thème, nous nous transportons au Mexique, au G20.

…Le second thème fixe comme point diplomatique central la rencontre Poutine-Obama en marge du G20, où les deux puissances pourraient tenter de s’entendre sur la Syrie, ou constater leur désaccord, ce qui conduirait à une extension du conflit. (L’analyse est écrit avant la rencontre.) A cette lumière, estime DEBKAFiles, les livraisons d’armes russes à la Syrie constitueraient une garantie pour la Russie en cas d’échec. Nous avons une interprétation différente, qui est double (avec l’un des volets se formant à mesure que se déroule l’opération), qui peut éventuellement être complémentaire : d’une part, la haute visibilité choisie par les Russes pour leurs livraisons à la Syrie agirait comme une mise en garde adressée au bloc BAO en général, sur le très grand sérieux avec lequel la Russie entend assurer la défense de la Syrie face à une intervention étrangère. D’autre part, toute cette opération, avec la confusion qui la caractérise, peut aussi et même d’abord ressembler à une opération de communication d’un type nouveau.

D’une façon générale, l’observation politique de DEBKAFiles rejoint la logique de notre texte du 4 juin 2012, dans lequel nous envisagions que les Russes pourraient changer nettement de politique, en décidant d’abandonner le rôle de “faiseur de paix” qui leur a rapporté jusqu’ici plus de plaies et de bosses que de lauriers. Là aussi, nous fixions la rencontre de Mexico comme un des évènements décisifs.

«Il y a certainement encore des points d’interrogation, et l’un des principaux est la véritable position d’Obama, qui continue à être une énigme parce que son habileté politicienne, sa distance des choses, son art exceptionnel de manipulation des forces politiques à Washington et, surtout, des forces antagonistes au sein de son administration, ont dissimulé sa véritable pensée, – si, d’ailleurs, il a une autre pensée que celle de sa réélection. Poutine et les Russes ont gardé un certain penchant pour Obama, et peut-être espèrent-ils encore quelque indication importante de sa part sur les crises en débat. Pour cette raison, la rencontre Poutine-Obama en marge du G20, dans deux semaines au Mexique, après le refus de Poutine d’une rencontre au G8, sera d’une grande importance à cet égard.»

Obama et sa feuille de route-Système

Finalement, comme on l’a vu, cette rencontre Poutine-Obama n’a été “d’une grande importance” que dans la mesure où elle a, en quelque sorte, confirmé une certaine “impotence” d’Obama dans le cadre de son administration, de sa position proche de l’élection présidentielle, prisonnière du Système en général. (Voir le 19 juin 2012.) Comme le résume fort bien Paul Craig Roberts, “Obama fera ce qu’il peut pour suivre Poutine, mais il reste qu’il représente le programme du regime change”… Obama a sa feuille de route, qui lui est donnée par le Système.

C’est pourquoi l’annonce d’un exercice conjoint Russie-Chine-Iran en Syrie même, au cours d’une opération massive terrestre et navale, impliquant 90.000 hommes, 400 avions et 900 chars éclata (le 19 juin) comme, disons, “un coup de tonnerre silencieux”… La presse-Système s’en garda d’abord comme de la peste, ignorant s’il s’agissait de lard et de cochon, d’autant (pour elle, la presse-Système), que la nouvelle venait de l’agence iranienne semi-officielle FARS (le 19 juin 2012). DEBKAFiles suivit aussitôt l’affaire dans une nouvelle exclusive, curieusement datée du 18 juin 2012 au soir, puis le Jerusalem Post le 19 juin 2012, ainsi que la TV saoudienne Al-Arabiya. Divers sites suivirent le nouvelle, pendant que rien d’officiel, – ni confirmation, ni démenti, – ne venaient, dans tous les cas dans les premières 24 heures, des pays concernés.

“Coup de tonnerre silencieux”

En effet, nous parlons de “coup de tonnerre silencieux” parce que nul ne sait d’où vient une telle idée de manœuvre, où elle nous conduit, ce qu’il en est précisément, mais aussi parce qu’une telle évocation, au moment où le sommet Poutine-Obama confirme que la crise va se poursuivre même si le président US semble selon certaines sources de bonne volonté, fait naître dans les esprits la possibilité formidable, même si elle que de communication, d’une présence militaire chinoise au Moyen-Orient. Communication, nouvelle à confirmer ou nouvelle démentie, peu importe, – l’image était là, elle est là, et elle va commencer à se développer, à porter ses fruits spéculatifs.

Tout cela paraissait-il extravagant ? Qui pouvait le dire ? Le département d’Etat qui annonce l’arrivée d’hélicoptères d’attaque Mi-24 Hind vendus neufs à la Syrie, est le jour même contredit par le Pentagone et doit revenir sur sa déclaration ; le Pentagone annonce l’arrivée à Tartus de deux navires russes qui sont encore à quai à Sébastopol… Qui peut encore donner des leçons d’exactitude, de véracité, de crédibilité, dans le chaudron libyen ? Il semble que nous soyons arrivés à un nœud infranchissable, à la démonstration de l’impasse où se trouve le système de la communication en tant que moteur de référence de l’information au service du Système.

Alors, les Chinois en manœuvres en Syrie ? Chi lo sa? Et qui vivra verra… (Et l’on devinait d’ores et déjà que les Chinois ne doivent pas être mécontents que cette nouvelle se répande, quelle que soit sa véracité. Dans tous les cas, elle substantive, au niveau de l’information, une riposte chinoise aux intentions US de mettre en place une nouvelle stratégie de pression militaire contre la Chine, avec l’U.S. Navy croisant dans les mers qui bordent la Chine comme si elle était au large de la Californie.) Hier, en fin d’après-midi, la Syrie démentait la nouvelle (voir Novosti, le 19 juin 2012). L’affaire est-elle close ? Chi lo sa? Une source comme DEBKAFiles continuait (le 19 juin 2012) à tenir la perspective de l’exercice pour sérieuse, observant que la scène d’une confrontation majeure était ainsi mise en place, – dont les terroristes islamistes d’al Qaïda seraient les premiers bénéficiaires.

L’accusé devient le manipulateur

Il nous semble qu’à partir de ce désordre que nous avons décrit sur les mouvements de la flotte, d’armements divers, de manœuvres annoncées et à peine divulguées, est en train de s’ébaucher une nouvelle phase de la guerre de communication, – en Syrie, certes, mais aussi d’une façon générale. Peut-être pourrait-on penser en effet qu’il s’agit d’une nouvelle forme de guerre de communication en train d’être maîtrisée, dans ce cas par les Russes et leurs alliés, – sans, d’ailleurs, qu’il l’ait cherchée précisément.

Ce qui est remarquable, c’est comment, en l’espace de quelques jours, les Russes sont passés de la position d’accusés indirects dans la crise (pour la perception-Système, fausse mais très puissante, qu’ils étaient du côté d’Assad, immédiatement condamné comme coupable des massacres) à la position de quasi-manipulateurs de la crise, en “jouant” littéralement avec le déplacement ou non de leurs navires. Ils peuvent d’autant mieux le faire qu’en toutes choses (déplacement de navires, armements défensifs sol-air, base de Tartus qu’ils louent légalement, etc.), ils s’estiment être dans les limites de la légalité internationale.

On observera que des cas qu’on pourrait juger comme similaires, mais très sporadiques et très spécifiques, se sont déjà produits. Il y a eu, en 2007, le cas peu connu mais qui aurait dû être fameux du “porte-avions volants” (le USS Enterprise) de l’U.S. Navy envoyé en renfort au large de l’Iran, et que l’U.S. Navy fit volontairement traîner, parfois perdu dans une escale ou l’autre, parce que l’état-major était opposé à une attaque. (Voir les 18 juillet 2007 et 3 août 2007.)

Nouvelle forme de “guerre de communication”

Il s’agit ici d’un cas nouveau de “la guerre de communication”, où le système de la communication manipule à son avantage les productions du système du technologisme (la “quincaillerie”, navires de guerre, armements), pour provoquer confusion et incertitude et influencer les politiques des “partenaires” (comme disent les Russes des pays du bloc BAO) vers le même désordre. C’est une technique quasiment opposée à la “politique de la canonnière”, dont l’U.S. Navy (en temps normal, cette fois) est coutumière avec ses déplacements visibles et très ponctuels de groupes de porte-avions.

Dans ce cas classique, ce sont les productions du système du technologisme qui manipulent le système de la communication et donnent clairement aux directions politiques l’option de la guerre comme une menace pour peser sur l’évolution politique de la crise concernée. Dans le cas actuel, le poids des Russes, mais aussi leurs manœuvres, visent à accentuer le désordre au sein du bloc BAO… Les Russes prennent leur revanche de la phase précédente de la guerre de communication avec les massacres instantanément mis au débit du gouvernement Assad. Du coup, ce qui pourrait être une nouvelle forme de “guerre de communication” tend à supplanter, dans tous les cas pour le temps que dure la phase où elle se manifeste, la réalité matérielle des forces en présence ou des forces en déplacement dont elle se sert pour se manifester.

L’enjeu suprême est désormais présent

…Bien entendu, il reste une question essentielle, qui est celle de savoir si l’on en reste au stade de cette forme de “guerre de communication” ou bien si ce stade de la “guerre de communication” ne fait que préparer la possibilité de passer à un affrontement réel, bien entendu de type militaire où les forces du système du technologisme jouent à nouveau un rôle essentiel. Il est évident que cette question est complètement justifiée dans la situation actuelle de la crise syrienne.

En fait, une telle séquence de cette sorte nouvelle de “la guerre de communication” débouche sur une alternative. Ou bien, elle provoque un coup d’arrêt de la montée de la tension en ayant manifesté, au niveau de la communication, la réalité de l’enjeu qui peut être un affrontement au plus haut niveau, avec une force suffisante pour qu’on recherche un certain apaisement ; ou bien, si cet apaisement n’est pas suscité, elle renforce évidemment la possibilité de l’affrontement, avec la communication qui devient la simple préfiguration de la réalité de cet affrontement, et l’on approche de l’enjeu suprême.

A cet égard, il semble que le climat présent, avec la prédominance de l’affectivité pour guider le jugement, ne soit pas les conditions requises pour le premier terme de l’alternative, qu’il le soit au contraire pour le second. A ce moment, ce passage de “guerre de communication” d’une nouvelle forme aura eu comme effet de lancer une mobilisation des esprits, notamment dans la population d’un pays comme la Russie où apparaissent les premiers sondages (voir ce rapport de PressTV.com, le 19 juin 2012) montrant des sentiments qui suivent la ligne de la politique russe. Il suffirait d’une aggravation soudaine de la crise dans le sens qu’on évoque pour voir s’affirmer en Russie une mobilisation des esprits.

Dans ce cas, la crise syrienne s’ouvre sur toutes les possibilités, y compris les plus graves, répercutant notamment l’écho de l’“avertissement nucléaire” de Medvedev du 18 mai 2012.