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7696• Dans le chaos de la campagne pour les élections présidentielles en France, un sujet inhabituel est apparu : l’attitude la France vis-à-vis de l’OTAN. • Depuis Sarko, la France ronronne au creux de l’OTAN, soumise aux USA et surtout à une bureaucratie formant une sorte d’égrégore diabolique. • L’affaire des sous-marins (AUKUS) autant que la déroute afghane ont réactivé la question, soulignée puissamment par la crise américaniste. • Nous envisageons ici l’option d’une démarche française de rupture de l’OTAN : soit un retrait du commandement intégré (comme de Gaulle en 1966), soit un retrait complet. • Nous examinons les avantages et inconvénients des deux formules, qui doivent se combiner avec un rapprochement français de la Russie, et optons pour la première. • La France doit sortir d’une intégration militaire qui la prive de son indépendance et lui donne de faux avantages faussaires, mais rester dans l’Alliance. • Son rôle devrait être alors de tout faire pour miner l’Alliance de l’intérieur car cette organisation est un fléau insupportable : “Delenda Est OTANia”, aurait dit le vieux Caton, qui se méfiait horriblement de cette Organisation.
Il y a un sujet qui, dans le cadre de la dynamique pré-présidentielles, fait son petit bonhomme de chemin ; et, à notre sens, il pourrait, à mesure, prendre de plus en plus d’importance dans la campagne à la lumière de diverses “affaires” qui ont aiguisé la chose... Énumérons-en quelques-unes, certaines de circonstance, d’autres sur une plus longue durée :
• le dégagisme foireux d’Afghanistan ;
• l’affaire des “sous-marins de l’AUKUS”, accentuée par les pitreries et contradictions du G20, Biden-Macron, et Morrison d’Australie de son côté, plus des mensonges divers, conduisant certains parlementaires excédés (Coquerel, de la France Insoumise) à réclamer à nouveau une sortie du commandement intégré ou même de l’OTAN ;
• l’agressivité antirusse forcée par les USA et certains pays d’Europe de l’Est (les Baltes et la Pologne) ;
• les zigzags “de dingue” des USA de Joe Biden.
Il s’agit, comme on l’a deviné, du sujet “la France et l’OTAN” et il est peut-être bien du type “toutes les options sont sur la table”. Trois possibilités à cet égard :
• la France restant dans l’OTAN (ce qui ne va plus sans dire à notre sens, à l’aune des présidentielles) ;
• la France un pied en-dehors de l’OTAN (hors du commandement intégré mais restant membre de l’OTAN) ;
• la France complètement en-dehors de l’OTAN.
A notre connaissance (limitée, certes), au moins trois candidats déclarés et putatif aux présidentielles françaises de 2022 soulèvent le problème explicitement dans leur programme, avec des options hostiles à l’OTAN, d’une sortie partielle ou complète : Le Pen, Mélenchon, Zemmour. On l’a vu, ou plutôt entendu, Zemmour a précisé sa position dans son discours de Rouen du 23 octobre (des 18’00”-20’00” de la vidéo). Pour notre part et par le biais de PhG, nous avons considéré qu’il s’agissait d’une prise de position importante, suggérant implicitement notre accord sur cette option, – et désormais, explicitement :
« Il est donc question, de la part de Z, de ceci qui suffit amplement à notre bouleversement :
» • Une politique de sécurité selon le principe affirmé et affiché de l’indépendance nationale, assortie d’une immense méfiance pour les divers projets européens de coopération, notamment avec l’Allemagne de laquelle il importe de prendre ses distances ;
» • La sortie du commandement intégré de l’OTAN qui nous ferait revenir à la situation de 1966-1996 ;
» • l’établissement de solides relations avec la Russie s’accompagnant d’une certaine défiance de ce qu’il y a de trop serré et de trop dépendant dans les rélations avec les USA jusqu’aux pires aventures (référence à la décision française de 2003 de refuser de suivre les USA en Irak). »
C’est à partir de cette prise de position que nous voudrions développer notre analyse. Ce qui nous a poussé à le faire est une intervention de Xavier Moreau, du site d’analyse stratégique ‘StratPol.com’, clairement de tendance dissidente selon notre appréciation antiSystème (favorable à des liens avec la Russie, défavorable au courant transatlantique, etc.).
Sur une vidéo du 30 octobre 2021 (passage autour de 15’50”), appréciant le programme de Zemmour, Moreau critique avec une certaine virulence l’option du retrait du commandement intégré, – de cette façon qui présente effectivement la critique complète de cette mesure ici considérée comme une “demi-mesure” paralysante et complètement contre-productive :
« Cela dit, la plus grande déception a été ... le fait que la seule chose qu’ait proposé Eric Zemmour vis-à-vis de l’OTAN est de sortir du commandement intégré ; donc c’est parfaitement stupide. Je ne sais même pas, dans le cas où il serait au second tout contre Emmanuel Macron, comment il pourrait justifier ça dans un débat. Si on reste dans l’OTAN, on reste dans le commandement intégré, il faut savoir ce qu’on fait.
» En revanche, il faut en sortir, et le problème ce n’est pas le commandement intégré c’est l’Article 5 d’entrée en guerre automatique avec les moyens appropriés de la France si, par exemple, tout d’un coup, il y a un affrontement sur la frontière entre les pays baltes et la Russie ou, pourquoi pas désormais, une tension autour de la Chine... Qu’est-ce qui se passe si les Chinois veulent reprendre Taïwan, ce qui est parfaitement légitime, c’est leur Alsace-Lorraine à eux... Qu’est ce que la France fera si les États-Unis décident d’utiliser les armes contre la Chine, comme ils l’ont promis... Donc, visiblement, en ce qui concerne l’OTAN ... le candidat potentiel Zemmour ne fera pas la révolution, ou plutôt la contre-révolution... »
Nous voudrions montrer pourquoi nous sommes en désaccord avec ce jugement selon lequel une sortie du commandement intégré seulement serait une décision “stupide”. Nous ne réfèrerons pas au président de Gaulle qui prit effectivement cette décision en 1964-1966, bien qu’il l’ai fait précisément pour regagner son indépendance de décision et d’action (ce qui ne l’empêcha pas de signer des accords de coopération avec le commandement intégré de l’OTAN en 1969, mais comme partie indépendante parlant sur le même pied et en raison de la présence de forces soviétiques massives en RDA principalement [le GFSA, ou Groupe des Forces Armées Soviétiques en Allemagne]).
Nous voulons éventuellement réfuter l’argument de l’Article 5, comme moyen automatique d’engager la France dans un conflit qui lui est étranger. Ce n’est pas une tâche difficile. Cet argument a de tous temps été réfuté, ne serait-ce que par le caractère extraordinairement ambigu de l’article en question qui prévoit que chaque pays décide lui-même de venir en aide à un autre pays de l’OTAN victime d’une agression par les moyens qu’il veut (« “y compris la force”, est-il tout de même précisé audacieusement !), – « prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force ».
Nous avions abordé cette question de l’Article 5 du Traité de l’Atlantique Nord de 1948 à l’été 2008, en marge de la courte guerre de Géorgie (invasion de la Géorgie par la Russie suite à une attaque géorgienne), notamment les 20 août 2008 et 10 septembre 2008... Extrait du premier texte :
« Premier adage: quand on roule des mécaniques, il faut être prêt à donner des coups. L’OTAN roule des mécaniques mais n’est prête à rien du tout. Celui qui citait l’U.S. Air Force avec l’assurance de l’expert qui connaît la région, (“Comme le disait hier un expert ayant une longue expérience de la région : ‘L’idée que l’U.S. Air Force aurait été en route [pour intervenir en Géorgie] aurait dissuadé même Vladimir Poutine’.”), – celui-là ferait bien de se souvenir que, depuis trois ans, les USA menacent d’employer la force contre l’Iran, qu’ils ne s’y résolvent pas, qu’ils sont freinés des quatre fers notamment par leurs militaires, – bref, qu’ils ne font rien du tout à cet égard. Nous ne sommes plus au temps du Kosovo et Poutine n’est pas Milosevic.
» L’OTAN qui roule des mécaniques n’est même pas obligée à faire tout ce qu’il faut à l’égard d’un de ses membres. Cette même affirmation de l’expert évoquant l’intervention automatique de l’USAF si la Géorgie était membre de l’OTAN, puisque son argument entend faire la promotion de cette adhésion de la Géorgie, implique, au nom du fameux Article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, que l’intervention de l’OTAN ne ferait pas un pli si la Géorgie était membre de l’OTAN. Là aussi, il s’agit de ‘wishful thinking’ et non d’une certitude. L’évocation formelle des obligations d’intervention des autres pays de l’OTAN en cas d’attaque de l’un d’entre eux est un bon sujet de discours mais un cas juridique ambiguë. On oublie souvent que l’Article 5 du traité n’est pas du tout contraignant sur la forme et les moyens de l’intervention des autres (contrairement, par exemple, aux obligations équivalentes du traité de Bruxelles de l’UEO) mais qu’il laisse le choix aux pays membres de la forme de leur réaction.
» La partie essentielle de l’Article 5 du traité, qu’il faut lire en son entier, avec l’ambiguïté supplémentaire que cet article parle seulement de “la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord”, – ce qui n’inclut pas précisément le Caucase (le souligné en gras est bien sûr la conséquence de notre impertinente intervention [NDLR]) :
» “Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord”. »
Le fait est que l’Article 5 est une sorte de serpent de mer, d’épouvantail qu’on sort régulièrement pour caractériser l’OTAN comme une forteresse qui vous enferme dans l’inéluctabilité de la guerre. De Gaulle a montré ce qu’il en était, et ses successeurs, jusqu’à Chirac qui a regagné le commandement intégré sur un marché de dupes (il espérait obtenir en échange le commandement Sud [Méditerranée]), s’en sont parfaitement accommodés et la France y a toujours pesé d’un poids considérable tout en affirmant son indépendance.
Les divers conflits auxquels l’OTAN a participé n’ont jamais été le fait de l’article 5 ni d’une attaque contre l’un ou l’autre de ses membres mais le fait de l’emprise que les USA exercent sur les pays impliqués (souvent au côté de non-membres de l’OTAN, comme l’Australie). La seule fois où l’Article 5 fut sollicité, ce fut pour essuyer un refus du pays attaqué : le 27 septembre 2001, le n°2 du Pentagone Paul Wolfowitz vint dire au Conseil de l’Atlantique Nord que les USA refusaient de se réclamer de l’Article 5 après l’attaque du 11 septembre.
Bref, nous aurions donc tendance à être rassuré : partir en guerre au nom de l’OTAN pour une attaque de la Russie contre un des pays baltes ? Il faudrait d’abord que Poutine y songe après avoir longuement réfléchi à qui fait partie de l’Europe et qui n’en fait pas partie puisque le Traité ne couvre que ceci : « en Europe ou en Amérique du Nord »... Quant à Taïwan ! Non, ce n’est pas vraiment sérieux... Si ces joyeuses hypothèses entraînaient un conflit, et certains à y participer sans raison directe, ce ne serait pas au nom du cadre formel du traité mais du fait de la faiblesse ou de la lâcheté devcant certaines pressions qu’on imagine aisément.
Pour autant, on peut argumenter que la participation au commandement intégré est un multiplicateur des capacités, et donc pour la France un argument pour rester dans ce commandement intégré. Là encore, notre désaccord est complet car ce dont les forces armées françaises bénéficient dans le commandement intégré qui est complètement phagocyté par les USA, notamment dans le domaine des processus, c’est sans doute des moyens remarquables mais également et a contrario une exceptionnelle lourdeur et une remarquable lenteur à faire progresser ces processus.
Deux conflits sont exemplaires à cet égard par leur engagement massif, par leur mouvement constant, donc la nécessité d’agir vite et de s’adapter à des situations changeantes : le Kosovo dans une certaine mesure et la Libye principalement.
• Au Kosovo, une anecdote décrit la forme de la “coopération” des alliés de l’OTAN dans ce conflit. Ce fut, décrite à nous par une source militaire française de haut rang à cette époque, une rencontre des chefs de trois services de renseignement militaire : l’Allemand, le Britannique, le Français. L’Allemand admettait savoir de la situation générale ce qu’à peu près la majorité des pays savaient, c’est-à-dire ce que les USA voulaient bien leur faire savoir, et d’ailleurs sans aucune garantie de confirmation. Le Britannique affirma savoir tout des Américains. Finalement, ce fut le Français qui montra qu’il en savait le plus grâce aux équipements autonomes français, l’Allemand savait comme on a dit, et le Britannique exactement le contraire de ce qu’il disait : il suivait aveuglément les Américains sans rien savoir. Par exemple, les capacités autonomes des Français ainsi que leur expérience propre d’acteur indépendant d’un très bon niveau technologique leur permettaient d’être les seuls à repérer chaque sortie (à partir des USA jusqu’au Kosovo) des bombardiers B-2 très-secrets de l’USAF. A cette époque, les Français, encore très autonomes, jouaient leur propre jeu avec brio et leur “allié” principal avait compris qu’il ne pouvait pas leur dire n’importe quoi.
• La Libye est bien plus révélatrice. Les opérations (stupides par ailleurs, comme la guerre elle-même, – mais c’est une autre histoire) furent engagées par les Français et par les Anglais, et bientôt coordonnées par l’OTAN (les USA restant en retrait). Cela devint donc une opération complètement coordonnée par l’OTAN. Voici ce qu’en dirent des pilotes français qui avaient opéré en Libye, au cours d’un séminaire à Londres, le 23 septembre 2011 :
« Le site ‘AOL-Defense.com’ publie une nouvelle sur cette intervention, le 21 septembre 2011.
» “Les forces aériennes françaises effectuant des missions de frappe en Libye contre les loyalistes de Kadhafi n’utilisent pas les images et les renseignements détaillés fournis par les avions de surveillance américains, selon les déclarations faites aujourd'hui par des pilotes français participant à ces sorties.
» “Depuis le premier jour des frappes aériennes de l'OTAN en Libye, les équipages d'avions de combat français ont eu du mal à identifier de manière positive ‘ce que nous visons et qui nous visons’, a déclaré un pilote français servant en Libye, devant un public d'industriels de la défense et d'aviateurs militaires participant à une conférence à Londres. ‘Le pilote dans son cockpit est entièrement seul’.
»“Lorsqu'on leur a demandé pourquoi les forces aériennes françaises ne profitaient pas de l’imagerie de ciblage avancée avec ou sans pilote, les pilotes ont répondu que la coordination avec les commandants de l'OTAN au centre d’opérations aériennes combinées (CAOC) dans le nord de l'Italie prenait trop de temps. Au lieu de cela, les pilotes ont préféré utiliser leurs propres nacelles de reconnaissance. Les pilotes ont déclaré qu'ils rejetaient les images des drones Predator à des fins de ciblage, car il fallait trop de temps pour que ces images soient approuvées par le CAOC.
»“Les pilotes français ont également déclaré qu'ils préféraient les images provenant de leurs propres nacelles, car elles comportaient l'identification intégrée des zones de frappe. Ils lançaient généralement un avion de reconnaissance, prenaient des photos, identifiaient les cibles et avaient un autre avion d'attaque en route vers la cible dans les cinq heures [...].
» “Tout ceci contraste avec les déclarations du général d'armée aérienne français Stéphane Abrial, commandant le Transform Command de l'OTAN : ‘Nous n’aurions pas pu atteindre le même niveau d’efficacité [en Libye] sans la forte contribution des États-Unis.’ Le général a déclaré que cela s'appliquait particulièrement au ciblage.” »
... Bien entendu, on comprend l’avis divergents du général Abrial, applaudissant à la coopération sous drapeau américain. Les plus acharnés défenseurs d’une réintégration du commandement intégré furent et sont les généraux français qui guignent des places d’une grande importance et d’un grand prestige pour leur carrière. C’est leur façon d’être opérationnel et ‘multiculturel’, en plus diplomatiquement, c’est-à-dire très amis des amis américanistes.
L’intégration OTAN est une catastrophe. La France y perd sa singularité et ses capacités spécifique et entrent dans un système lourd (de plus en plus) et donc inefficaces (de plus en plus). On l’a encore expérimenté lors de l’évacuation de Kaboul, prise en mains par les forces US, et dès lors organisée en un remarquable bordel. L’OTAN et les USA, s’ils disposent de huit-dix mois de préparation, peuvent effectivement livrer bataille et anéantir l’armée irakienne, pour se trouver Grosjean comme devant dans le plus épouvantable embourbement possible. En fin de compte, comme en Irak, ils parviennent à s’en sortir misérablement, après avoir consulté les grands spécialistes français de la contre-guérilla dans leurs livres écrits dans les années 1960 à partir des expériences indochinoise et algérienne. (*)
Toutes ces questions et ces défauts existent depuis la création de l’OTAN, et ils n’ont fait que s’accentuer. Au moins, dans les années1960, on savait qu’il y avait des problèmes de coopération et de coordination et on tentait de les résoudre. Aujourd’hui, on croit qu’ils sont résolus simplement en niant leur existence ; cela se fait aisément puisque les USA ont tout pris en mains et ont mis en place d’une façon qu’on pourrait dire ‘totalitaire’ en imposant, – d’ailleurs sans la moindre opposition de quiconque, – leurs catastrophiques incompétences en manière guerrière et leur lourdeur logistique impitoyable, tout cela de plus en plus affirmée à mesure que la modernité gagne les armées, en les wokenisant et en les numérisant-digitalisant jusqu’à les transformer en des univers virtuels. (Même chemin que Facebook devenant « ‘Meta’, “ailleurs” en grec mais en fait et dans ce cas venu du mot ‘metaverse’, lequel mot vient à son tour de “la littérature de science-fiction cyberpunk” »).
Ainsi peut-on conclure :
• Que l’intégration structurelle dans les forces intégrées de l’OTAN présente plus d’inconvénients que d’avantages si le pays concerné, comme la France, possède suffisamment de ressources pour conduire les opérations qui lui importent, qui sont de son intérêt ; quitte par ailleurs à réaliser des arrangements ad hoc avec tout ou partie de l’OTAN, compris les USA, pour telle ou telle circonstance selon les intérêts réciproques. (Si les capacités françaises ont été fortement réduites depuis 1966 ou depuis 1996, elles l’ont été tout autant sinon plus dans le chef des USA et de l’OTAN.)
• Que la position d’un pays (de la France) au sein de l’ensemble politique n’impose aucune contrainte grave (Article 5) si ce pays peut et sait résister aux pressions du ‘Groupthinking’ selon une politique propre et souveraine qu’il a l’intention de suivre.
En d’autres termes, la situation de la France vis-à-vis de l’OTAN de 1966-1996 a toujours son intérêt, son sens et son efficacité. Plus encore, notre propos serait ici de montrer que cette situation a aujourd’hui plus d’intérêt, plus de sens et plus d’efficacité.
Il suffit d’une rapide analyse pour comprendre que, non seulement l’OTAN n’a plus l’intérêt fondamental qu’elle avait jusqu’en 1989-1991 (effondrement de l’URSS), mais qu’en plus elle est devenue une nuisance complètement manipulée par le Système : c’est-à-dire par les USA pour partie, mais surtout par ses intérêts bureaucratiques qui constituent son aspect le plus fondamentalement important pour le Système dans le sens d’une globalisation. D’un point de vue géopolitique, mais aussi culturel et civilisationnel, elle est une nuisance notamment et principalement en interdisant tout contact fécond avec la Russie essentiellement. D’un point de vue ontologique, l’OTAN est devenue une égrégore animée d’une volonté de néantisation, un peu à la manière de la bureaucratie du Pentagone telle que la décrivait Rumsfeld le 10 septembre 2001, mais en plus mortifère puisque, malgré les apparences de sa soumission aux USA qui n’est que matérialiste et psychologique depuis que les USA sont entrés en décadence d’effondrement, déliée en profondeur de toute attache structurée et donc toute entière animée par un désir de néantisation.
Les Russes l’ont compris depuis longtemps. Dimitri Rogozine, qui fut l’ambassadeur russe à l’OTAN le plus marquant et le plus psychologue le disait dès 2009. Son jugement s’est encore aggravé et, si l’on relit ses quelques remarques de 2015, on retrouve en beaucoup plus symbolique et ésotériques les observations de Rumsfeld sur le Pentagone : “pris individuellement, les fonctionnaires de l’OTAN sont des gens normaux, mais collectivement...”, – et là, il cite “le diable”...
« Pris individuellement, [les bureaucrates et fonctionnaires affectés à l’OTAN] sont des gens normaux, mais quand ils sont considérés collectivement ils sont l’incarnation du diable. [L’OTAN] est une relique de la Guerre froide. Ce qu’ils font à l’encontre de la Russie, ses allié, ses partenaires, cela va vraiment trop loin. Ils construisent ouvertement non pas vraiment des capacités militaires qu’une rhétorique militariste [agressive]. Il n’y a en fait rien du tout derrière tout cela, à part l’intérêt égoïste de justifier leur propre existence. L’OTAN n’a aucune utilité en tant qu’organisation. L’OTAN aurait dû être dissoute depuis longtemps, le président russe l’a déjà dit.
» Les dernières vingt et quelques années sont devenues une menace pour l’existence de l’OTAN parce que, après la dissolution de l’URSS au début des années 1990, l’Alliance Atlantique a perdu toute justification pour son existence. Quand de nouvelles difficultés apparaissent dans les relations internationales, ils sont ouvertement très satisfaits, ils sont heureux de montrer que quelqu’un a besoin d’eux. En principe, cette organisation n’a été créée que pour les conflits, les guerres, pour constamment aggraver la situation... »
Aujourd’hui, Lavrov fait régulièrement le constat (ici, le 1er novembre) de ses rencontres de “négociation” avec l’OTAN (récemment, une délégation conduite par le Secrétaire Général Soltenberg s’est rendue à Moscou). Il se trouve devant le vide, le rien, devant la Bête sans attention ni agitation, qui joue au ‘Scrabble’ pour mieux rester dans la bienpensance, qui n’est intéressée par rien qui ressemblât même de loin à un acte d’échange diplomatique :
« Je ne qualifierais pas les relations entre la Russie et l'OTAN de catastrophiques, car pour que quelque chose [de l’ordre de l’échange] soit catastrophique, il faut au moins qu’il y ait ce ‘quelque chose’... [...] Quand il y avait encore des réunions entre le Conseil et nos représentants, ils voulaient seulement nous apprendre à vivre... »
Si l’on veut bien prendre un regard général sur la situation, on dira qu’un retrait de la France n’a de sens que si c’est pour travailler à la destruction de l’alliance qui est effectivement cette entité maléfique, cette égrégore diabolique que l’on a signalée, qui vit de sa propre vie pour détruire toute vie qui ne soit pas la sienne. Dès lors, la France a intérêt à quitter l’organisation intégrée pour n’en plus dépendre techniquement et militairement, mais à rester dans le Traité comme pays-membre pour conserver son statut politique et pouvoir travailler de l’intérieur à son affaiblissement, à son grippage, à son sabotage, à sa destruction (“Delenda Est OTANia”) si l’on veut faire œuvre de salubrité universaliste (puisque les Français aiment tant ce mot).
Considérons ces quelques faits :
• Si la France quitte le commandement intégré comme elle fit en 1964-66, elle tend à retrouver la réputation qu’elle eut à l’époque gaulliste. Les réputations se refont vite dans ce monde de zombies et de couards. Le geste sera au point de vue de la communication d’un énorme effet (on dirait que c’est comme “si elle quittait l’OTAN”). Elle sera maudite par les USA en apparence, mais les USA se garderont de rompre complètement avec elle parce qu’ils connaissent sa puissance militaire (au moins potentielle), à moins qu’ils ne soient désintégrés d’ici là.
• La France acquerra, au moins du point de vue de la puissance psychologique de la communication, une indépendance souveraine et, derrière les anathèmes, retrouvera une influence qu’elle avait perdue auprès des très nombreux pays qui s’alignent sur les USA tout en jugeant les USA de plus en plus insupportables. Elle deviendra, au sein de l’OTAN, une alternative aux USA dans le but commun de la destruction de la chose. Les zombies suivistes, parce qu’ils sont d’une couardise extrême et passent d’une trouille à l’autre, passeront de la trouille de ne plus être protégés (doux simulacre !!!) par les USA à la trouille d’être dévorés tout cru par l’égrégore-OTAN, – sans rien y comprendre, car les couards n’ont pas comprendre pour passer d’une trouille l’autre.
• La France aura les mains libres pour établir des contacts privilégiés avec la Russie, éventuellement jusqu’à une coopération technologique sinon militaire, et constituera ainsi une alternative concurrente, sinon rebelle vis-à-vis des USA, au sein même de l’OTAN. (Nous espérons que cela n’effraiera pas trop l’excellent Alain Finkielkraut qui, sur ce sujet, n’a pas la moindre conscience des choses.) Elle sera le ver bien visible, bien dévoreur, bien glouton, dans la pomme pourrie qu’il faut anéantir.
• La France, pour résumer bref, sera bien plus à l’aise pour sa tâche principale qui est sans la moindre doute, – sinon elle ne sert à rien, – de “travailler de l’intérieur à l’affaiblissement, au grippage, au sabotage, à la destruction” de cette organisation absolument identifiée comme nuisible parce que diabolique. Elle ne sera pas l’ennemi isolé qu’elle serait si elle quittait l’OTAN, mais elle deviendra une nuisance intérieure d’une organisation qui lui est si nuisible.
• Bien évidemment, les conséquences sur l’UE seraient terribles tant cette autre usine à gaz est organiquement et ontologiquement liée à l’OTAN. Il s’agirait d’un choc absolument déstructurant et l’on comprend à la lecture de ce qui précède que nous considérons une telle possibilité avec un intérêt certain puisqu’il s’agit en fait de détruire le carcan cancéreux des organisations supranationales qui emprisonnent les nations dans un totalitarisme néantisateur. L’UE n’est qu’un double de l’OTAN avec une autre étiquette tout aussi diabolique.
Évidemment, nous ne cachons pas une seconde que toute cette belle rhétorique est un exercice de style radical, de la déstructuration des structures du Système. Elle tient du miracle du type Jeanne d’Arc remise au goût du jour, pour bouter hors du Royaume de France (pardon, de la République) et hors du monde la modernité tardive qui est l’Anglais de nos-temps-devenus-fous. Elle repose effectivement sur ce miracle : que des circonstances extraordinaires (mais la Grande Crise a un énorme potentiel à cet égard) poussent la France, équipée d’un “Vincent, Paul ou quelqu’un d’autre” à sa tête, à sortir de son infâme mollesse soumise et paralysée pour prendre une décision essentielle vis-à-vis de l’OTAN. Cette décision, vues les circonstances, serait infiniment plus importante que celle de 1964-1966, – le Général lui-même, du haut des cieux, nous a dit qu’il est bien d’accord avec cette analyse.
C’est une sorte de scénario-rêvé, une sorte de « Faisons un rêve » de Sacha, adapté à la situation fondamentale de la Grande Crise, et aussi un accélérateur de cette Grande Crise jusqu’à son point d’implosion. Mais s’il faut faire un rêve en guise d’exercice d’une prévisibilité jugée impossible aujourd’hui et devenant peut-être possible demain, autant qu’il soit dans la bonne direction. Car enfin l’on notera ceci, pour se donner quelque ardeur : à moins d’une dictature stalinienne ou hitlérienne (pas de jaloux) à ciel ouvert, il est devenu quasiment impossible, au vu des événements et des pressions terribles et colères à mesure qu’ils suscitent dans les peuples, de faire ce rêve dans la direction inverse, vers le cauchemar d’un renfoncement consenti et apaisé des structures du Système. On sait bien que le Système est producteur de chaos pour détriuire les structures qui lui déplaisent, mais une fois qu'il a mis en place ses propres structures (OTAN, UE...), le chaos, qui ne cesse pas bien au contraire, devient affreusement contre-productif pour lui.
(*) Ce n’est pas pour rien que Petraeus, le général qui parvint à extraire l’US Army du bourbier irakien en 2007, avait fait son écolage de parachutiste, passant par le canal d’une demande aux autorités françaises de son père, général US affecté à l’OTAN, au début des années 1960 dans le régiment commandé par le colonel Bigeard, comme il le révèle dans le documentaire ‘Indicatif Bruno’ sur Bigeard. En 2013, Petraeus n’a pas de mots assez admiratifs pour décrire le sens de la contre-guérilla du colonel Bigeard et des régiments paras français dans les années 1950-1960.
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