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87117 septembre 2013 – Nous présentons dans cette analyse une évaluation de la situation syrienne après l’épisode paroxystique de l’attaque chimique du 21 août et l’accord USA-URSS sur l’armement chimique syrien du 14 septembre. Nous considérons qu’une phase entière s’est réalisée entre ces deux dates, du 21 août au 14 septembre, et que nous sommes entrés dans la seconde phase de l’épisode paroxystique.
Les principaux événements de la première phase restent acquis, qui sont essentiellement au nombre de deux : 1) un affaiblissement dramatique de la position du président Obama, encore plus que de la position des USA (elle-même amoindrie, certes). Cela implique d’une façon générale une aggravation de la crise du pouvoir washingtonien, et une imprédictibilité accrue de l’évolution de ce pouvoir, en même temps que de la situation interne de la direction politique washingtonienne dans son sens le plus large (présidence, Congrès, influence du public, etc.). Cette incertitude se répercute sur la politique extérieure US, et sur la politique syrienne des USA.
2) L’évolution de la Russie, avec l’accord du 14 septembre, faisant de ce pays un acteur à part entière de la crise, au moins à l’égal des USA, et reconnu comme tel. Ce qui est effectivement un succès diplomatique important pour la Russie implique par conséquent une obligation pour elle de figurer désormais d’une façon affirmée sinon engagée comme l’un des deux acteurs majeurs de la crise. Si l’on peut juger, avec bien des arguments, que la Russie a effectivement tenu in fine ce rôle avant la séquence du 21 août-14 septembre, pendant plus d’un an, on doit admettre que cette position devenue quasiment “institutionnalisée” implique des obligations nouvelles pour la Russie, notamment dans le sens de l’engagement actif et visible dans la crise.
Un troisième facteur, de type méthodologique, doit être mentionné pour la compréhension de la situation. Tous les événements de la phase 21 août-14 septembre se sont déroulés essentiellement dans le champ de la communication, y compris l’accord sur l’armement chimique, qui est l’objet d’interprétations divergentes qui sont du domaine de la communication. (On y mettra même l’attaque chimique elle-même : bien qu’opérationnelle per se, avec l’attaque, les victimes, etc., cet événement a surtout évolué dans le champ de la communication. Il n’est pas fixé à son aspect opérationnel et prend tout son poids avec la contestation toujours très vive sur les auteurs, les intentions derrière cette attaque, etc. C’est de ce point de vue de la communication essentiellement qu’il pèse sur la situation.)
Le premier constat est que la situation, avec l’accord USA-Russie, n’est en aucune façon “fixée”, structurellement transformée, d’une façon où l’on pourrait penser qu’il s’agit d’un nouveau socle stable sur lequel peut se développer la nouvelle phase. La plupart des facteurs constitutifs de la situation reste fluctuants, à la merci d’un avatar de communication, et donc la situation reste complètement instable. C’est justement ce fait que la séquence 21 août-14 septembre se soit déroulée essentiellement dans le champ de la communication qui justifie et renforce ce jugement de fragilité et, partant, d’imprévisibilité.
On comprend bien que la Russie espère fortement, au contraire, que la situation puisse être justement “‘fixée”, structurellement transformée”, parce que c’est là le fondement, le socle principiel de la politique russe. Un article significatif de Fédor Loukianov le 11 septembre 2013, sur Al-Monitor, définit bien le but de la politique russe à cet égard, dans ce cas dans sa transposition opérationnelle avec le “modèle syrien”, – ou la Syrie post-14 septembre comme “contre-modèle libyen”, et comme résultante d’une diplomatie de coopération développée pour lutter contre le désordre.
«Over a year ago, on July 16, 2012, Foreign Minister Lavrov made an important statement that provides the key to understanding Russia’s position on Syria: “The model for how the international community responds to civil wars in the future will largely depend on the way the Syrian crisis is resolved.” Syria was called upon not to let the “international community” entrench the Libyan example as the model for future conflicts. From the perspective of Russian strategists, the Libyan model consists of this: In an internecine conflict, outside forces choose the “right” side and, by intervening, help it come to power. In Syria, as we can see, this approach has screeched to a halt. But this new initiative may become the prototype of a new cooperative model.»
En un sens, on pourrait penser que les USA, dans tous les cas Obama-Kerry, surtout après la première phase où le président se trouva piégé par sa promesse d’intervenir (la “ligne rouge”), recherchent la même chose que les Russes. C’est ce que les Russes espèrent souvent et pensent parfois. L’enthousiasme de Lavrov avec Kerry à Genève, comme à chaque fois qu’il le retrouve, le fait penser. Par contraste, le “menteur !” lancé par Poutine à l’adresse d’un Kerry plaidant pour la guerre fait aussi croire que la conviction des Russes qu’ils trouveront finalement un allié pour coopérer au rétablissement et au maintien de l’ordre internationale est tout de même bien fragile.
Ce dernier point est celui qu’il faut retenir. Quelles que soient les intentions et les nécessités politiques qui habitent éventuellement l’esprit d’Obama (cela reste à voir), ce qui domine la scène washingtonienne, c’est, justement, ... la scène washingtonienne. Un théâtre sans fin, où le paroxysme du discours tient lieu d’argument, où la communication exacerbée règne, où, désormais, les bruits d’une révolte en bonne et due forme grondent. Nous l’avons déjà beaucoup écrit et ne cesserons pas de la répéter lorsque nous abordons ce problème : l’essentiel dans la phase 21 août-14 septembre de l’épisode syrien, c’est bien ce qui s’est passé à Washington.
Nous ne cessons également de répéter que la plupart des commentateurs ne prennent pas assez garde à la situation washingtonienne, lorsqu’ils jugent de la politique syrienne des USA. Ils n’en réalisent pas l’importance, l’influence absolument impérative sur le comportement du président. Ils sont d’autant plus handicapés à cet égard que cette crise washingtonienne n’est pas simplement celle de la mauvaise humeur, celle de l’affrontement exécutif-législatif simplement pour des prérogatives. Les bruits de rébellion, qui sont plus que des bruits, obligent à voir plus loin.
Nous n’avons cessé, là aussi, d’attirer l’attention sur cet aspect au moins à finalité constructive de cette “rébellion” (sans préjuger une seule seconde que cette finalité sera accomplie, même si la rébellion triomphe). Nous en rappelions les éléments dès le 2 septembre 2013, après qu’Obama ait ouvert le jeu en s’adressant au Congrès.
«Parlant du “système parlementaire”, étiqueté “démocratique”, de l’anglosaxonisme et particulièrement washingtonien, qui permet au Système en général d’avoir ses fondements bien assurés, nous écrivions : Mais ce phénomène est vicié, “gauchi”, aujourd’hui, à l’image du destin du Système transformant sa dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction. Il y a désormais des révoltes, des rebellions, des explosions imprévisibles, en un mot le virus d’irrésistibles poussées antiSystème qui troublent gravement, et à notre sens irrémédiablement, la bonne marche de la chose. C’est évidemment aux USA que se manifeste structurellement ce phénomène depuis sans aucun doute juillet-août 2011 et le débat sur la dette publique (voir le 3 août 2011) qui a complètement changé la marche du Système dans ce pays, précédé de quelques coups de semonce prémonitoires mais alors sans conséquence (le vote de la Chambre des Représentants du 29 septembre 2008 [voir le 30 septembre 2008], refusant le plan Paulson pour sauver les banques). On a encore vu une manifestation de cette perte de contrôle le 24 juillet (voir le 26 juillet 2013), sur la question de la NSA. Au Royaume-Uni, le vote sur l’engagement en Syrie (voir le 29 août 2013 et le 30 août 2013) nous indique que la branche anglaise du “système de la démocratie anglosaxoniste” est touchée du même mal, et qu’elle l’est gravement. [...]
»Bref, nul ne peut dire ce que sera l’attitude du Congrès. On sait bien que plus d’un parlementaire, désormais, attend que se confirme et se renforce la coalition qui s’est affirmée le 24 juillet 2013. On comprend alors que l’enjeu dépasse l’affaire syrienne et concerne une restructuration fondamentale en cours de la répartition des forces du pouvoir américaniste. On a vu que l’affaire syrienne, dans le cadre de la question générale d’une politique de sécurité nationale à prétention hégémonique globale et à bout de souffle tout uniment, devient un bon argument de politique intérieure, sinon de perspective électorale. (Voir un Rand Paul, qui ne demanderait pas mieux d’enfourcher la cause néo-isolationniste de l’anti-interventionniste.)...»
Ces perspectives constituent une hypothèque colossale, puisque, soudain, le désordre washingtonien s’ouvre sur une possibilité d’une réforme radicale de la politique extérieure des USA, dans un mouvement qui a déjà trouvé son leader naturel, – le sénateur Rand Paul, dont la popularité, profitant du travail de fond de son père, ne cesse d’augmenter. Il s’agit là d’une menace fondamentale pour le Système et le système de l’américanisme, et si les choses se précisent au rythme où elles l’ont fait en juillet (vote sur la NSA) et en août (opposition à l’attaque syrienne), on s’installera à Washington dans une atmosphère de guerre civile s'ajoutant au chaos, au cœur du Système. Il est tout simplement impensable et déraisonnable de ne pas tenir compte de ce fait comme le premier facteur, et le facteur écrasant, de la détermination de la politique extérieure des USA ...
Mais dans quel sens, ce facteur, pour ce qui concerne cette politique extérieure ? Justement, rien n’est assuré, sinon une situation chaotique d’orientations changeantes au gré des tensions et des poussées des forces en présence, jusqu’à des risques de phases éruptives de cette crise washingtonienne impliquant des actions extrêmes mais imprévisibles à l’extérieur. Malgré tout le bien qu’on peut penser de la politique des Russes, on ne voit rien, là-dedans, qui les assure d’un partenaire stable dans leur projet de coopération pour rétablir et renforcer l’ordre international. Il est normal qu’ils recherchent un tel partenaire mais il serait logique qu’ils n’entretiennent pas trop d’illusions à cet égard.
... Au reste, enchaînerions-nous, la machine à saboter est déjà en marche. Avec une girouette comme Kerry, qui change de discours comme de latitude, la rencontre tripartite Kerry-Hague-Fabius à Paris hier a engendré l’inévitable durcissement. Une fois de plus, l’objet de la discorde et du désordre, c’est la résolution de l’ONU qui doit sanctifier l’accord Russie-USA. L’on retombe inévitablement dans la sempiternelle tentative du bloc BAO d’introduire une résolution entérinant, “légalisant” la possibilité du recours à la force, avec l’espoir de forcer les Russes à monter à bord. (Voir le Guardian du 16 septembre 2013.) Face à cela, les Russes tiennent ferme et refuseront sans aucun doute une telle dérive (voir Russia Today, le 17 septembre 2013). Cette situation de tension devrait conduire à de nouvelles tentatives par le biais de montages, d’actions déstabilisantes, de pressions, etc., notamment lorsque que commencera le travail de recherche et de neutralisation des armements chimiques.
D’autre part, la diffusion publique du rapport des experts de l’ONU sur le site de l’attaque chimique relance la polémique sur les responsabilités, que le rapport ne désigne pas mais que chacun interprète à sa façon. Il s’agit du terrain d’attaque favori du bloc BAO, et les trois pays concernés s’en donnent à cœur joie (Guardian, le 16 septembre 2013). Les Russes ripostent en sens contraire, mettant en évidence que le rapport ne désigne en rien les utilisateurs des gaz, comme c’était d’ailleurs l’une des spécifications de la mission de l’ONU (Russia Today, le 17 septembre 2013).
Cette évolution, une fois qu’on la constate, est évidente. Nous irions même jusqu’à dire qu’elle n’a nul besoin d’être préméditée, dans le chef de l’un ou l’autre, ou de plusieurs à la fois. Elle est devenue quasi naturelle, comme une sorte de réflexe pavlovien, du côté des pays du bloc BAO pour lesquels la culpabilité d’Assad est le seul fait fondateur, objectif, quasiment qui précède les crimes eux-mêmes, dans toute cette affaire.
De ce point de vue de l’intoxication psychologique, comme l’on parle non d’une politique étrangère mais d’un virus ou d’une fièvre, le cas français est sans aucun doute le plus exemplaire. Il s’est développé à partir d’une équipe de direction totalement “européanisée”, donc totalement ignorante des affaires des relations internationales puisque qu’avec l’idée de transférer ces problèmes à une entité européenne, – mais celle-ci se révélant elle-même totalement incapable de les traiter ; qui plus est, avec cette équipe dans cette situation de complète ignorance et de complète impotence intellectuelles, avec une attention toute entière centrée sur les problèmes intérieurs, – mais non pas sur les problèmes sociaux qui sont devenus insolubles avec la doctrine hyper-libérale, mais sur les problèmes sociétaux qui en forment une compensation. (Voir le 30 avril 2013.)
A cette lumière, la position française devient compréhensible dans son absurdité nihiliste. La “politique extérieure” a été développée essentiellement, sinon exclusivement dans son inspiration, à partir de cette approche intérieure basée sur le fait sociétal, lequel a des ramifications internationales évidentes à tous les échelons puisqu’il constitue un des instruments favoris du Système dans son entreprise de dissolution des structures. (Lorsqu’il se déplace en Russie, comme il l’a fait lors du G20, le président Obama semble mettre quasiment sur un pied de parité un entretien avec le président de Russie et un entretien avec des groupes gay qui se veulent de type “dissident” en Russie et ont des contacts suivis avec le bloc BAO.)
La politique extérieure française, qui supporte péniblement ce label, est toute entière déterminée par une totale idéologisation de type sociétal. Ses arguments ne sont pas essentiellement, mais exclusivement moraux, dans le sens de l’inversion qu’implique cette “idéologisation de type sociétal”. Si l’on veut, la politique syrienne du gouvernement français est directement inspirée, pour la forme de la perception psychologique et l’état d’esprit, ainsi que la forme du jugement qui la détermine, par la démarche en faveur du “mariage gay”. (Cela sans porter de jugement sur l’un ou l’autre cas, ce qui serait bien inutile : on décrit ici un processus mental qu’on jurerait de type pathologique.)
Littéralement, on conclut donc que la politique extérieure française n’existe plus et que l’expression (“politique extérieure”) est devenue obscène puisque rien n’est “extérieur”, y compris dans le monde entier, au devoir moral de type sociétal des dirigeants. Cette “politique” a choisi sa référence morale, qui est évidente dans le contexte parisien et du “parti des salonards”, et elle trace sa route sans lésiner sur les moyens car “une fin morale justifie tous les moyens possibles et imaginables”, y compris la manipulation, la négation de l’évidence, la répétition obsédante de type sloganique de l’ordre de la magie, l’incantation en col de cravate (sans cravate), etc. Le paradoxe est que, dans le cas syrien, on trouve également dans ces “moyens” ceux d’une affirmation constante dans le chef d’une posture qui relève du comportement gaulliste, mais dans la position de l’inversion la plus complète.
Il nous semble que rien ne peut arrêter d’une façon politique normale une telle dynamique, d’autant plus puissante qu’elle porte l’aveuglement de l’affectivité et réfute comme sacrilège toute confrontation avec les faits. Par contre, bien entendu, une telle dynamique, si complètement invertie, si complètement subvertie par elle-même, est susceptible de susciter des accidents graves, ou de réagir d’une façon autodestructrice si elle rencontre des accidents graves.
Bien entendu, une “politique” française, surtout de cet acabit, est impuissante à inspirer et à opérationnaliser elle-même une politique générale qui entraînerait les autres. Mais elle agit comme un aiguillon constant pour une politique générale déjà en cours, tentant d’exercer systématiquement un travail de sabotage de toute possibilité de stabilisation. En face d’elle, on veut dire au sein de l’ensemble BAO, la politique US est dans un tel état de faiblesse, avec des individus à des postes importants (Susan Rice, Samantha Powers) favorables à cette logique, qu’elle est extrêmement vulnérable à ces pressions.
On voit donc que la situation est, selon notre appréciation, très loin d’être stabilisée, ni même d’être réellement contrôlée ... Ainsi commence-t-on cette deuxième phase de la séquence en cours de la crise syrienne. L’élément nouveau, par rapport à toutes les phases qui ont précédé, est que l’option de l’intervention militaire est directement “sur la table”, bien en évidence comme sur un plateau, semblant à la portée du moindre mouvement habile ou opportuniste. Les conditions sont donc celles d’une crise qui est définitivement sortie du cadre syrien, qui touche les pays du bloc BAO autant que la Syrie. Un nouveau paroxysme porterait instantanément la crise au plus haut niveau, avec des risques d’affrontement considérable, y compris avec la Russie.
En même temps, on sait que les conditions du développement de la situation sur le terrain, en Syrie, sont celles d’un chaos grandissant, notamment avec les divisions entre les forces rebelles, voire des affrontements désormais directs. (tVoir ce 17 septembre 2013.) La réalisation des opérations de recherche et de neutralisation des armements chimiques dans ces conditions présentera des risques considérables d’incidents, voire de provocations, dans les circonstances même de l’opération. Il s’agit de conditions qui sont particulièrement susceptibles d’être utilisées pour les actions visant à compromettre et à saboter l’opération de désarmement chimique, voire, plus encore, à tenter de faire apparaître des interférences des parties concernées de façon à susciter une nouvelle aggravation de la situation, de nouvelles tentatives d’ultimatum, d’intervention, etc.
En même temps encore, cette nouvelle phase débute également avec le facteur énorme, considérable, peut-être le plus important finalement, d’une crise washingtonienne d’ores et déjà au niveau de l’affrontement des pouvoirs, c’est-à-dire d’ores et déjà à un niveau de maturité remarquable, prête pour une extension rapide en cas de tension, dans certaines circonstances. C’est là un facteur d’une importance bien entendu considérable, qui modifie, qui bouleverse complètement la perspective dans l’occurrence d’une nouvelle phase éruptive, à l’occasion de la finalisation de l’accord, ou du commencement du processus de l’accord, selon les circonstances.
Les grandes lignes de cette nouvelle phase de la crise syrienne se résument dans une situation qui, alors qu’elle est basée sur un plateau de stabilisation (l’accord Russie-USA), s’avérera sans guère de doute comme une course à la déstabilisation de la part de nombre d’acteurs. (Il y a foule, – outre ceux qu’on a nommés, l’Arabie et la Turquie restent des forces déstabilisantes très actives.) Dans le contexte actuel de foisonnement de pressions et d’interventions, il nous paraît vraiment très difficile d’envisager une issue d’apaisement et d’établissement d’une situation évoluant vers la paix.
D’autre part, l’enjeu dépasse très largement la Syrie, et très largement la région elle-même. Il touche désormais directement certains centres extérieurs extrêmement importants, et au-dessus de tout le centre washingtonien. La logique que nous avions développée dans notre F&C du 4 septembre 2013 nous semble plus que jamais valable, et même plus valable encore qu’il y a une décade dans la mesure où le facteur principal de la crise washingtonienne (affaiblissement du POTUS, établissement d’une opposition) s’est bien fixé.
«[...N]ous nous trouvons, avec l’actuel épisode paroxystique de la crise syrienne, dans un cas contradictoire, – un peu comme une sorte de contradiction entre tactique et stratégie, comme si la tactique risquait de conduire au contraire du but stratégique recherché. Ce que nous avons décrit plus haut fait aisément comprendre que nous tenons le Système et la politique qu’il produit comme des phénomènes absolument destructeurs, dont on ne peut que souhaiter la destruction avant d’envisager quoi que ce soit, quelque réforme que ce soit. (Une “réforme” du Système avec le Système existant toujours ne pourrait être qu’un piège, la puissance du Système absorbant cette réforme, éventuellement à son avantage, ce qui en retournerait l’usage contre ses initiateurs sincèrement antiSystème à l’origine.) Pourtant, nous-mêmes (y compris nous-mêmes à dedefensa.org) n’échappons pas à ce réflexe, à partir de notre critique constante du Système, de souhaiter l’échec de ses initiatives, et de travailler dans ce sens. Mais l’on comprend bien que nous sommes dans le domaine tactique, puisque le Système n’est pas détruit et que nous ne sommes en rien assurés d’obtenir un résultat globalement positif, – et que c’est même le contraire qui est probable. Ainsi, lorsqu’on critique l’action actuelle du Système dans l’affaire syrienne, en faveur de la guerre, et si l’on voit cette action confrontée à un échec, peut-on dire que ce succès tactique est également stratégique ? Cela n’est nullement assuré, puisque le Système reste en place. Au contraire, si on le voit progresser dans sa dynamique de surpuissance (vers la guerre), on peut avancer l’argument décisif tenant à notre analyse générale que cette dynamique de surpuissance va se transformer par sa propre action en dynamique d’autodestruction.
»Selon cette logique, on pourrait avancer comme argument le développement de l’extrême de cette logique elle-même, qui serait de dire que l’entrée en guerre voulue par le Système serait une issue souhaitable dans la mesure où la situation aurait toutes les chances de verser dans un chaos qui, très rapidement, grâce aux capacités largement démontrées du Système de son incapacité de produire et de développer quoi que ce soit dans un sens structurant et contrôlable, passerait de l’illusion du “chaos contrôlable” au “chaos incontrôlable” qui est la nature même, et nature irrésistible, du chaos. Le Système, engagé dans le chaos, se trouverait alors engagé dans sa phase d’autodestruction... [...] Cette hypothèse n’est pas unique dans son aspect “opérationnel”. Elle peut être pondérée par la chronologie de l’effet-blowback, impliquant que le “chaos” engendré par une guerre aurait très probablement et très rapidement des effets de désordre profond dans les pays du bloc BAO, qui reviendraient finalement à ce que le chaos s’installe également au sein même des directions politiques-Système et au sein du cœur de l’appareil du Système bien autant, et peut-être plus rapidement que sur le théâtre d’opération considéré.»