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772116 septembre 2019 – Les dimensions de l’attaque de samedi contre les installations pétrolières de l’Arabie sont considérables. La production de pétrole de ce gros et gras royaume si choyé par les dirigeants du bloc-BAO est diminuée de moitié, ce qui représente 5% de la production de pétrole mondiale. L’attaque a affolé les marchés comme jamais depuis plusieurs décennies, mais surtout, pour nous dans tous les cas, elle ouvre une phase nouvelle dans la situation de la sécurité au Moyen-Orient. Désormais, et quoi qu’en disent et menacent d’en faire, – à défaut de faire, – les omniprésents américanistes et leur usine à gaz pentagonesque, la sécurité de l’Arabie et l’existence du régime sont en jeu, en même temps que certains équilibres économiques mondiaux ; et cette fois, il ne sera pas question d’une Amérique venant au secours de Ryad avec la maîtrise démontrée en 1990-1991 et après avoir suscité le conflit (comme en 1990-1991 également), car que ce soit les Houthis soutenus par l’Iran (très probable) ou l’Iran par un autre biais (beaucoup moins probable), l’équilibre des forces en présence n’est pas loin d’avoir basculé complètement au désavantage des américano-saoudiens, au contraire de 1990-1991.
En fait, ce qu’a prouvé l’attaque de samedi, et encore plus si elle vient des Houthis comme c’est probable, c’est qu’un conflit avec l’Iran, y compris comme riposte US à l’attaque de samedi, plongera toute la région dans la guerre et fera comme première victime assurée l’Arabie et son régime des Saoud. L’attaque de samedi, malgré le soutien hypersophistiqué mais complètement bidon des USA (où étaient les Patriot samedi ? En congé de week-end ?) a démontré l’extraordinaire fragilité de l’Arabie. S’il y a guerre au Moyen-Orient à cause des folies américaniste et israélienne, l’Arabie en sera la victime assurée, en plus de diverses bases et forces US dans la région.
Le commentaire de WSWS.org donne une très petite mesure du sentiment dominant chez les Saoudiens et chez les militaires US : « L'Arabie saoudite dispose d'un énorme budget militaire, – l'année dernière, elle s'est classée au troisième rang mondial pour les dépenses d'équipement militaire, avec un montant estimé à 67,6 milliards de dollars. La capacité des rebelles Houthi à pénétrer les défenses saoudiennes et à frapper les infrastructures pétrolières cruciales a fait craindre de nouvelles attaques. »
…Dans tous les cas, nous voilà de retour dans une phase de panique mondiale concernant le prix du pétrole. Vieux classique de la Grande Crise, avec (sans compter celui de Suez de 1956 qui est un peu hors-séquence) un premier épisode en 1973-1974, suivi par nombre d’autres (1979, etc.) et des montagnes et rapports et de livres d’analyse sur les spéculations concernant le sort de l’économie du monde par rapport au pétrole.
Exemple exotique de l’épisode depuis samedi, avec son défilé de pourcentages, de prix du baril et ainsi de suite :
« Les prix de l’or noir ont augmenté en moyenne de 12 à 13% à l’ouverture des marchés lundi 16 septembre. Le baril de Brent de la mer du Nord était monté en séance de 19%, un record depuis presque 30 ans.
» Les cours de l’or noir s'envolent en moyenne de 12 à 13% lundi 16 septembre après un week-end marqué par des attaques de drones contre des installations pétrolières saoudiennes et revendiquées par les rebelles yéménites Houthis. Celles-ci ont temporairement réduit de moitié la production de pétrole du royaume.
» La hausse du Brent de mer du Nord a atteint en séance un niveau sans précédent depuis la guerre du Golfe en 1991. Il prend notamment 10,08% à 66,29 dollars le baril après avoir gagné jusqu'à 19,5%, du jamais vu depuis le 14 janvier 1991, à 71,95 dollars, indique Reuters.
» Le West Texas Intermediate (WTI), brut léger américain, est en hausse de 8,97% à 59,77 dollars après avoir pris jusqu'à 15,5%, sa plus forte hausse journalière depuis le 22 juin 1998.
» L'Arabie saoudite est le plus gros exportateur mondial de pétrole et les attaques contre deux installations stratégiques de la compagnie Aramco ont réduit la production de 5,7 millions de barils par jour, soit près de la moitié de la production saoudienne, ou l'équivalent de 5% de la consommation quotidienne mondiale.
» Aramco n'a pas fourni de calendrier de retour à la normale, se contentant de déclarer dimanche qu'elle ferait dans environ 48 heures un nouvel état des lieux.» Une source au fait de la situation a déclaré à Reuters qu'un retour à la normale de la production de pétrole saoudienne devrait prendre “des semaines plutôt que des jours”. »
L’Arabie et ses inaltérables amis que sont les USA, avec un Trump complètement immergé dans ses engagements pro-saoudiens (parallèlement aux engagements pro-israéliens, tout cela sous le conseil éclairé du gendre Jared Kushner), crawlent désespérément pour rassurer tout le monde dans le monde super-sensible de la corde raide économique. Tout va tellement bien dans le Système que la moindre étincelle est perçue comme un irrésistible départ de feu, comme d’une forêt amazonienne, dans un environnement dévasté et si ouvert à cette sorte de destruction, comme l’est notre environnement véritable qui ne cesse de se détruire lui-même du fait de nos entreprises.
« L'Arabie saoudite, de concert avec les États-Unis et ses alliés, a cherché à rassurer les marchés nerveux sur le fait que toute chute de la production pétrolière sera temporaire et n'affectera pas l'approvisionnement. Riyad a déclaré qu'elle serait en mesure de fournir du pétrole à partir de ses réserves et de mettre en service une production supplémentaire. Trump a signalé qu'en cas de besoin, il pourrait mettre du pétrole à disposition à partir de la réserve de pétrole stratégique américaine.
» L'Agence internationale de l'énergie, basée à Paris, représente les principaux pays consommateurs d'énergie et coordonnerait toute libération de réserves. La dernière fois qu'elle a procédé à une libération d'urgence au milieu de l'intervention militaire menée par les États-Unis en Libye en 2011, elle a fourni une capacité de production de 1,7 million de barils par jour.
» Plusieurs analystes ont noté que les réparations du centre de traitement du brut d'Abqaiq, qui prépare près de 70 % du pétrole saoudien pour l'exportation, pourraient être plus difficiles que ce qui est officiellement suggéré. Robert McNally, ancien conseiller énergétique de la Maison-Blanche sous le président américain George W. Bush, a déclaré au New York Times que l'équipement spécialisé serait difficile à remplacer. "Une attaque réussie contre Abqaiq est la pire chose à laquelle les planificateurs de la sécurité énergétique pensent ", dit-il.
» Les attaques de drones du week-end dernier alimentent également les inquiétudes croissantes au sujet de l'économie internationale. Le Financial Times, basé à Londres, a commenté : “Une forte hausse des prix du pétrole intervient également à un moment délicat pour l'économie mondiale. Les craintes d'un ralentissement se font de plus en plus pressantes et il est peu probable que l'augmentation des coûts de l'énergie y contribue.”
» Ces craintes ne feront qu’être aggravées par la rhétorique belligérante de Washington qui menace de frapper l'Iran et qui pourrait rapidement dégénérer en un conflit beaucoup plus vaste. » (WSWS.org)
Dans la mesure de l’ignominie où nous avons depuis deux décennies une riche expérience, la guerre contre le Yémen tient une place particulière, à part, quelque chose comme l’archétype de l’ignoble. Le bloc-BAO, USA-UK en tête, avec la France en fidèle flanc-garde, y joue un rôle particulièrement remarquable et remarqué d’un sommet inégalé de l’hypocrisie accouchée par l’hybris d’une hégémonie en train de s’effondrer. L’attaque contre les installations pétrolières samedi n’a guère été placée sous cet éclairage, les plaintes et geignements des commentateurs couvrant essentiellement les dangers ainsi imposés à l’équilibre économique du monde via le prix du pétrole et ne se préoccupant aucunement du cas humanitaire de la guerre du Yémen.
« La guerre barbare menée par l'Arabie saoudite contre le Yémen, avec l'aide de l'armée américaine, n'a pratiquement pas été prise en compte dans la couverture médiatique des frappes de drone, écrit WSWS.org ce 16 septembre 2019. Depuis 2015, les frappes aériennes menées par les Saoudiens contre des villes et des villages dans les zones contrôlées par Houthi ont tué des dizaines de milliers de civils, laissant 80 pour cent de la population au bord de la famine et nécessitant une aide alimentaire et plusieurs millions de personnes sur le point de mourir.
» Des avions de guerre saoudiens, armés de bombes américaines et britanniques et munis d'informations de ciblage fournies par des officiers américains basés en Arabie saoudite, ont mené des attaques répétées contre des cibles civiles, notamment des écoles, des hôpitaux, des zones résidentielles, des mosquées et des marchés. Jusqu'à la fin de l'année dernière, les États-Unis ont également assuré le ravitaillement en vol de l'attaque saoudienne.
• Le “royaume” des Saoud présente tous les caractères d’une situation extraordinairement rétrograde et barbare par rapport à nos canons humanistes au nom desquels nous affirmons nos prétention de puissance technologique et de supériorité morale, – tout ce qui fait le suprémacisme anglo-saxons (et nullement “suprémacisme blanc”certes, puisque tant de personnes de couleur et issues en ligne directe de “la diversité” adhèrent avec empressement à ce suprémacisme-là, l’anglo-saxon) ;
• Il est l’archétype de l’extrémisme salafisteet le principal bailleur de fond des terroristes islamistes ;
• Il est couvert de l’argent, non de l’“or noir” comme on l’appelle, mais de quelque chose comme le “sang noir” du Système (“There will be blood”), puisque le pétrole alimente en pourrissant le monde jusqu’à l’entropisationl’une des trois révolutions du “déchaînement de la Matière”.
Couverte d’armements payé à prix d’or et à corruption à mesure à l’industrie US qui ne sait plus fabriquer que des simulacres d’équipements militaires hypersophistiqués, l’Arabie s’est imaginée qu’elle ne ferait qu’une bouché des pouilleux rebelles Houthis, surtout avec l’aide zélée du couple USA-UK et les bons vœux de Netanyahou. Ces deux-trois dernières années, il est apparu que les Houthis, aidés puissamment par les Iraniens qui n’ont plus aucune raison de freiner cette aide face aux “pressions maximales” et aux menaces de guerre de la phalange USA-Arabie-Israël, sont redoutablement sophistiqués et efficaces dans leurs attaques en plein dans le cœur de l’Arabie.
Il s’agit bien d’un événement essentiel, stratégique, autant que symbolique, autant que métahistorique. A sa façon, il achève quelque chose, comme l’orbe d’une révolution, qui avait commencé en 1945.
En février 1945, retour de la conférence Yalta, Roosevelt (FDR), transformé en l’ombre de lui-même, agonisant (il mourut deux mois plus tard), ramené aux USA à bord du croiseur USS Quincy, faisait escale par mouillage en plein Canal de Suez, dans le lac Amer, lieu sanctuarisé contre toute attaque de sous-marin. Il reçut dans sa chaise longue, recouvert d’une couverture, plusieurs visiteurs de marque, dont le roi Ibn Saoud avec lequel il passa un pacte, un accord de parole à parole dit “Pacte du Quincy”. Ce pacte garantissait de la part des USA la sécurité du royaume, lequel assurait en retour l’alimentation en pétrole des USA, source de la surpuissance du Système comme par l’irrigation d’un flot de sang noir, – sorte de pacte maléfique, sort of... Ce fut un des axes de l’après-guerre, de l’hégémonie des USA, du suprémacisme anglo-saxon, de l’alliance entre l’extrémisme militaro-technologique et théologico-démocratique des USA, et le simulacre de tradition et l’extrémisme religieux de l’Arabie, devant, après le règlement de comptes de la Guerre froide, déboucher à partir de 1979 sur le bouillonnement du terrorisme, du désordre et du chaos du monde. Tout le programme du “déchaînement de la Matière” en pleine accélération de surpuissance se trouve là, derrière l’ombre diaphane et déjà dans le royaume des morts de Franklin Delano Roosevelt, sur le USS Quincy et au cœur de l’American Century…Mais cette silhouette de FDR, n’est-ce pas également celle de l’autodestruction ?
L’attaque du 14 septembre 2019 est un terrible symbole. Les USA ont été dans l’incapacité, ni de prévoir, ni de prévenir, ni de repousser une attaque dont les effets sont absolument dévastateurs. Croulant sous son obsolescence, son impuissance, son océan de corruption, ses engagements de déstructuration et de terrorisme, sa fortune frelatée et déjà couverte de dettes, le royaume de Saoud est une proie rêvée pour la machinerie terrible de la métahistoire qui travaille désormais à plein régime pour briser décisivement l’élan terrible du déchaînement de la Matière dont le pétrole est son sang noir comme l’encre. Le plafond de plastique de l’invincible hyperpuissance US a été crevé par quelques bouseux de rencontre et par la grande tradition de l’histoire perse qui signale aux Etats-Unis d’Amérique que l’histoire du monde n’a pas commencé avec eux.
On ignore s’il y aura la guerre, si les USA, se tournant contre l’Iran, mettront leurs menaces entendues mille fois depuis trente ans à exécution. Quelque chose nous en fait douter, car ce quelque chose nous dit que, parmi les premiers étonnés et effrayés, on trouve les officiers du quartier-général de CENTCOM, bardés d’informations, d’analyses, de prévisions, et qui n’ont rien vu venir. Ainsi s’interrogent-ils, incrédules et n’en croyant pas leurs neurones : et s’il était possible que la puissance US fût ridiculisée sinon battue ?
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