Notes sur la Super-Crise du bloc-BAO

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Notes sur la Super-Crise du bloc-BAO

24 novembre 2019 – Madame la ministre Parly avait donc eu ce mot sarcastique, en mars dernier à Washington : « La clause de solidarité de l'Otan s'appelle Article 5, pas l’article F-35. » Cela nous rappelle le mot de  Michel Jobert, il y a 45 ans à Washington, – « Bonjour les traîtres », – que nous rappelions déjà à propos du F-35, alors encore-JSF, – comme quoi il existe une certaine continuité française dans la solitude otanienne, malgré la décadence des choses... 

« La chronique dit en effet que c’est la phrase (“Bonjour, les traîtres”) que prononça Michel Jobert, alors ministre français des Affaires Étrangères, en entrant dans la salle, quelque part en 1974 mais sûrement à Washington, où se trouvaient rassemblés les délégués des pays européens – de l'OTAN, semble-t-il, ou approchant, – en plus de nos parrains nord-américains, après que ces délégués européens aient pris selon leur habitude une position d’alignement sur les intérêts américains. La chronique dit également que Henry Kissinger, qui aimait bien Jobert, approuva en connaisseur cynique et en souriant ce trait qui résumait bien les choses. »

Le mot de madame Parly comme celui de monsieur Jobert, mais aujourd’hui en présence de Pompeo dont le poids important ne fait absolument pas le poids face à un Kissinger,  l’un et l’autre valent pour la récente (20 novembre) réunion des ministres des affaires étrangères des pays de l’OTAN. Mais décidément, 2019 n’est pas 1974, malgré l’apparente similitude des avatars (le Watergatepour Nixon, le Russiagate-Ukraingate pour Trump) ; la puissance, super- ou hyper-, n’est plus ce qu’elle était, et les “traîtres” achètent du F-35 en croyant qu’il s’agit d’avions de combat qui volent réellement et qui fait “pan pan” avec succès sur les méchants (les Russes, you know). Bref, tout le monde rêve...

De la lâcheté à la servilité

... Mais tout cela n’était que pour établir qu’une seule chose subsiste dans l’OTAN, qui résiste à toutes les tempêtes, qui est un état de l’esprit, ou du non-esprit : l’extraordinaire lâcheté enrobée d’un conformisme aussi épais qu’une double portion de crème chantilly, de la plupart de des membres vis-à-vis des USA ; juste préciser une petite nouveauté avec un afflux de sang frais dans la servilité apporté par certains partenaires nouveaux-venus d’Europe de l’Est. Mais tout cela a infiniment moins d’importance en 2019 qu’en 1974 : certes, la servilité-2019 y est infiniment plus grande, mais c’est une servilité de la part de caractères infiniment zombifiés, diaphanes à forte d’insubstance, ceci et cela (la servilité et les caractères) comme jamais il n’y eut à ce point sur le sujet (la zombification), ni dans les simbres profondeurs du Mordorni dans les blockbustersd’Hollywood. La décadence des crapules récipiendaire de ces largesses si dérisoires venues des cloportes a suivi la même pente d’effritement, de Kissinger à Pompeo.

... Et puis, bien sûr, il y a le cas français. Que la France parvienne à se distinguer dans le même sens qu’elle fit toujours, malgré la médiocrité de son personnel, le conformisme proaméricaniste de ses élites, l’incohérence et la déroute de sa politique, la constance de ses agitations et de ses contradictions intérieures, relève d’une sorte de miracle dont on ne peut douter qu’il renvoie à la métahistoire. Enfin, fait rarissime, les faits sont là : à la réunion des ministres de mercredi, à nouveau la France est apparue comme une singularité scandaleuse et relaps dans le concert aveuglément otanien-proaméricaniste qu’on a décrit. Il n’en faut pas plus pour parler de crise, et même d’une Super-Crise, signe de la faiblesse rongée de termites de l’édifice derrière ses apparences brillantes et si voyantes.

Effectivement, écrit WSWS.orgdans un article très documentésur la question de la situation dans l’OTAN, l’“affaire Macron” a dominé les échanges entre ministres qui ont été empreints de grandes tensions. 

« Le point central à l’ordre du jour était l’état de l’alliance, après que le président français Emmanuel Macron ait accordé un entretien à The Economist au début du mois. Il a déclaré que l’OTAN était en “mort cérébrale”. Il a également appelé à des relations européennes plus étroites avec la Russie et à une politique militaire plus indépendante de l’Amérique. Il a critiqué la politique américaine à l’égard de la Russie comme une “hystérie gouvernementale, politique et historique”.
» Cette déclaration remet en question [le contenu et l’orientation]du sommet des chefs d’État de l’OTAN des 3 et 4 décembre à Londres et les grandes manœuvres de l’opération “Defender 2020” prévue l’année prochaine. Outre les manœuvres navales en mer de Chine méridionale, cet exercice comprend les plus grands exercices terrestres de l’OTAN en Europe depuis un quart de siècle. 37.000 hommes sont prévus, dont 20.000 soldats américains transportés depuis l’autre côté de l’Atlantique jusqu'en Europe. Il simule une mobilisation coordonnée et totale pour la guerre avec la Russie. »

Tangue méchamment la barcasse franco-allemande

Le principal effet de cette scandaleuse transgression de la vertu otanienne, effet d’ailleurs très fortement renforcé dans ce sens par les pressions de l’OTAN directement ordonnées par les USA, est une aggravation extrêmement prononcée des relations entre la France et l’Allemagne. On imagine les conséquences que cela aura au niveau européen, où la nouvelle présidente von der Leyen (ancienne ministre allemande de la défense) est décrite par des sources comme “farouchement pro-allemande” et décidée à transformer la commission européenne en machine de guerre allemande, donc anti-française dans ce contexte. Les relations entre la Commission et l’Élysée vont être intéressantes à suivre.

Tout cela intervient donc à un moment franco-allemand charnière, pour le rendre d’un angle encore plus aigu et coupant, à ce moment de remous en aggravation entre France et Allemagne, à ce moment où le pouvoir conformiste-otanien allemand chancelle (avec le prochain départ d’une Merkel totalement affaiblie et qui perd sa première place de la popularité en Allemagne, au profit de Sahra Wagenknecht, de Der Linke), à ce moment enfin où la situation économique allemande, jusque-là atout principal de l’Allemagne pour réclamer le leadership européen, ne cesse de s’aggraver. Les Français sont alors tentés, bien entendu, de déplacer cette question du leadership européen sur le terrain de la défense (OTAN et UE) où ils restent les maîtres parce qu’ils sont la seule puissance nucléaire (UK n’est plus dans le jeu, et c’est d’ailleurs une fausse puissance nucléaire, puisque totalement contrôlée dans ce domaine par les USA).

Quelques séquences de la réunion de mercredi montrent cet antagonisme France-Allemagne, attisée d’une façon grossière par le Secrétaire Général, agissant totalement sous contrôle US. (Voir la réaction de Stoltenberg à deux propositions de même type des Allemands et des Français, portant sur des groupes de travail, – qui sera contrôlé par les USA dans le cas allemand, au contraire du cas français).

« A son arrivée [mercredi] à Bruxelles, le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, a souligné que Berlin considère toujours l’OTAN comme critique, malgré les tensions croissantes entre les États-Unis et l’Allemagne et les tarifs de guerre commerciale. Mettant en garde contre les “tendances dissidentes au sein de l’OTAN”, il a déclaré que l’alliance avec l’Amérique est “l’assurance-vie de l’Europe et nous voulons qu’elle le reste”. Maas a proposé de former un groupe d’“experts” pour superviser les changements à l’OTAN. Il a déclaré : “Ce qui est important, c’est que le bras politique de l’OTAN soit renforcé.”
» Le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, n’a fait aucune déclaration publique, bien qu’il ait déjà fait des propositions similaires pour un “groupe de sages” en vue de réformer l’OTAN. Stoltenberg passa cependant sous silence la proposition de Le Drian et approuva Maas : “Je pense que la proposition allemande est valable”.
» Les responsables de l’OTAN ont souligné les rivalités croissantes entre Berlin et Paris. Un diplomate de haut rang l’a dit à Reuters : “Il s’agit de savoir qui devrait être le chef naturel de l’Europe, Paris ou Berlin, ou peut-être les deux ensemble, et où l’OTAN se dirige.”
» La seule stratégie que les puissances de l’OTAN ont trouvée pour faire face à l’escalade de la guerre commerciale et des tensions diplomatiques est cependant l’escalade militaire. Après le sommet, l’OTAN a annoncé deux nouvelles initiatives : espionner la Chine et former un commandement spatial de l’OTAN, peu après que Washington eut lancé son propre commandement spatial militaire en août.
» Faisant allusion au budget militaire de 175 milliards de dollars de la Chine et à l’ajout, au cours des cinq dernières années, de 80 navires à sa marine — plus de navires que l’ensemble de la marine britannique — l’OTAN a annoncé qu’elle commencerait officiellement la surveillance militaire de la Chine. “Quand il y a un renforcement militaire, il faut voir contre quoi il faut se défendre”, a déclaré l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OTAN, Kay Bailey Hutchison. »

La solitude de Macron

Le résultat de l’exercice, notamment au travers de la réunion des ministres de l’OTAN et des divers commentaires qui ont été dits et publiés à cette occasion, et qui mesurent la sensibilité considérable des réactions des autres pays de l’OTAN, ne conduisent qu’à un seul constat : l’isolement complet de la France. Encore une fois, ce sont surtout les Allemands qui se manifestent, montrant un déchaînement assez peu ordinaire de la puissance d’influence des réseaux et courants atlantistes dans ce pays, malgré la façon dont l’Allemagne est traitée par les USA. Il n’y a guère de précédents d’une réaction d’une telle violence contre la France en Allemagne sur un sujet aussi sensible, y compris du temps de De Gaulle lorsqu’il apparut que le rapprochement franco-allemand voulu par le président français avait pour but implicite un certain éloignement, et pour certains un éloignement certain, de l’alliance avec les USA.

Là encore, WSWS.org développe le sujet en le dramatisant un peu, comme à son habitude, puisqu’allant jusqu’à évoquer les deux conflits mondiaux du XXème siècle où l’antagonisme France-Allemagne joua un rôle essentiel, et laissant entendre par une tournure de phrase qu’un conflit de cette sorte pourrait à nouveau naître en Europe. Cette perspective est vraiment très vite dite et écrite, ne serait-ce que parce que si l’hypothèse va au bout de la logique elle le fait sans tenir le moindre compte du facteur nucléaire déjà signalé. 

Quoi qu’il en soit, en termes de communication cette évolution signale un possible changement considérable du rapport des forces au travers de l’évolution des psychologies si, dans des circonstances confuses où la “force des choses” surpasse complètement une action humaine réduite à l’accessoire, les diverses puissances européennes venaient à être mesurées en termes de puissance militaires et non plus en termes de puissances économiques. L’Allemagne serait conduite à devoir en rabattre, et vite fait.

 « Malgré la guerre commerciale croissante de l’Europe et les conflits stratégiques avec l’Amérique, les propositions de Macron n’ont pas obtenu un soutien plus large. Pour le moment, les puissances européennes de l’OTAN soutiennent une escalade dirigée par les États-Unis contre la Russie et la Chine. “Paris est isolé”, conclut le quotidien Ouest France en citant un diplomate d’un “pays proche de la position de la France” qui disait: “Macron n’a trouvé aucun écho au sein de l’Otan pour ses virulentes critiques.”
» Le journal cite également Ulrich Speck, un responsable du groupe de réflexion du German Marshall Fund, qui a déclaré: “Macron a contraint l’Allemagne à se positionner et pour Berlin, l’OTAN reste l’avenir pour la défense de l’Europe[…] La plupart des États de l’Est de l’Europe veulent garder les États-Unis dans le jeu pour tenir la Russie à distance et montrent peu d’intérêt”... [...]
» Le Neue Zurcher Zeitung a écrit que l’entretien de Macron avec The Economist “a profondément bouleversé Berlin. La réponse est revenue rapidement : l’OTAN n’est pas en état de mort cérébrale, mais la pierre angulaire de la défense européenne. […] Quelque chose est maintenant au grand jour qui était connu depuis longtemps, mais qui semblait être sans conséquence : La France et l’Allemagne ont des idées très différentes sur l’avenir stratégique de l’Europe.» Macron, a-t-il ajouté, “veut essayer de se mettre lui-même et de mettre la France à la place de l’Amérique en tant que première puissance.” Mais la direction qu’il propose n’est pas plus multilatérale et inclusive que celui que les États-Unis ont offert par le passé.»
» Au milieu des campagnes menées par les États-Unis contre la Russie et la Chine, la résurgence d’un conflit stratégique entre l’Allemagne et la France est un signe dangereux. Le conflit entre les deux grandes puissances traditionnelles de l’UE à deux reprises au XXe siècle a dégénéré en guerre mondiale en Europe. Les pays européens ne modèrent pas leurs politiques ni ne ralentissent l’élan vers la guerre... »

Du côté de l’Ukraine

Mais franchissons un océan si chargé d’ambiguïtés et d’hypocrisie... Pendant que se déroulait ce drame autour de l’OTAN, des relations franco-allemandes, de la position tutélaire et si bienfaisante des USA par rapport à l’Europe, et enfin du nouveau véritable ennemi de l’OTAN qu’est la Chine désormais comme nous l’a annoncé madame l’ambassadrice des États-Unis, des échos parvenaient des auditions qui ont lieu actuellement, à “D.C.-la-folle”, autour de l’attaque des démocrates pour destituer le président Trump. Nous resterons avec WSWS.orgqui a le mieux dégagé le sens stratégique qui soutient en arrière-plan cette attaque, du point de vue de l’appareil de sécurité nationale des USA qui est largement engagé au côté des démocrates dans cette affaire. Ce sens stratégique a un nom, qui est d’ailleurs celui du pays autour duquel tourne toute l’accusation des démocrates lancée contre Trump : l’Ukraine.

Pour WSWS.org, c’est le véritable enjeu de la crise de la destitution, et il s’agit alors de considérer l’Ukraine, et donc la Russie, – et pas la Chine, dont on converse à l’OTAN, – qui se retrouve au centre des préoccupations. Nous émettrons sans hésiter des doutes importants sur la thèse selon laquelle cet appareil de sécurité nationale manipule l’attaque des démocrates pour (re)placer l’Ukraine au centre de la crise stratégique, comme semble le faire WSWS.orgavec son goût bien connu pour les manipulations de cette sorte. Plus simplement, selon notre appréciation, la démence et la haine antiTrump des démocrates et des gauchistes du progressisme-sociétal est sans aucun doute, et de loin, le principal moteur de cette poussée furieuse à laquelle on assiste. Simplement, l’appareil de la sécurité nationale, qui a nombre de relais, à la fois chez Trump pour l’espionner, et chez les démocrates pour les orienter et les exciter, a mis la question ukrainienne sur le tapis en donnant un argument précis de tentative de mise en accusation avec la conversation entre Trump et le président ukrainien Zelenski du 25 juillet. 

Du coup et par le biais des auditions qui concernaient essentiellement des fonctionnaires de la sécurité nationale, l’aspect stratégique de l’Ukraine qui s’est libérée de la tutelle russe par une “Révolution de la Dignité” (nouveau nom donné au  coup d’Etat fomenté par la CIA & consorts le 21 février 2014) est revenu au premier plan, d’autant plus que l’opération permet d’incriminer plus encore le président Trump (re)devenu “a Russian asset”. Les démocrates ont emprunté cette voie sans hésiter, puisqu’ils empruntent aveuglement tout ce qui convient à leur haine du président, et à leurs psychologies excitées jusqu’à la démence.

De ce point de vue, WSWS.org a raison, mais cet aspect de la crise n’est que circonstanciel et nullement fondamental. Il n’empêche et pour l’instant présent qui fait autorité, la question stratégique de l’Ukraine et l’hostilité contre la Russie sont revenus en première ligne, avec des travestissements absolument incroyables : le “coup” de février 2014 présenté comme “Révolution de la Dignité” et le rôle des USA armant les marionnettes-bouffe de Kiev comparés aux Français venant en 1778-1779 au secours des insurgents proclamant l’indépendance des futurs USA contre les Anglais, – ce qui plairait bien aux Français atlantistes après tout...

(Il y a deux articles notamment de WSWS.org qui  documentent cette  appréciation générale sur l’installation de l’Ukraine et de l’hostilité antirusse au cœur du débat sur la destitution.)

« Tout le débat sur l'appel téléphonique de Trump-Zelensky est une diversion de la question centrale de l'enquête. Ce qui a propulsé la destitution au centre de la scène politique américaine, c'est la réaction furieuse de l'appareil du renseignement militaire aux actions de Trump dans deux domaines clés de la politique étrangère, l'Ukraine et la Syrie.
» En menaçant de retirer l’aide militaire américaine à l'Ukraine, en remettant en question la position américaine sur la Crimée et en suggérant qu'il pourrait inviter Poutine au sommet du G7 aux États-Unis l'année prochaine et accepter une invitation de Poutine à Moscou pour le 75e anniversaire de la Victoire en Europe, Trump semble menacer l’une des opérations les plus cruciales de l'impérialisme américain depuis deux décennies: la création en Ukraine d’un régime fantoche américain, la seconde composante la plus importante de l’ex-URSS. L'Ukraine est largement considérée comme un État de première ligne dans toute guerre future entre l'OTAN et la Russie. [...]
» Le diplomate George Kent a invoqué le même thème dans son témoignage mercredi dernier :
» “La révolution populaire de la dignité en Ukraine en 2014 a forcé une direction pro-russe corrompue à fuir à Moscou. Après cela, la Russie a envahi l'Ukraine, occupant sept pour cent de son territoire, à peu près l'équivalent de la taille du Texas pour les États-Unis....
» “Depuis lors, plus de 13 000 Ukrainiens sont morts sur le sol ukrainien en défendant leur intégrité territoriale et leur souveraineté contre l'agression russe. Le soutien américain dans la guerre d'indépendance de facto de l'Ukraine a été crucial à cet égard.”
» Par la suite, Kent a comparé le rôle des États-Unis dans la guerre civile ukrainienne à celui de l'Espagne et de la France dans la guerre d'indépendance américaine. Dans ce conflit, l'Espagne et la France étaient officiellement en guerre avec la Grande-Bretagne, y compris en 1778 et 1779.
» Si l'analogie de Kent est vraie, alors les États-Unis sont dans une guerre non déclarée avec la Russie. [...]
» Mais lors des audiences du Congrès cette semaine, les représentants du gouvernement ont déclaré que toute remise en question de cette aide est pratiquement une trahison. Dans son témoignage de jeudi, Fiona Hill, ancienne membre du Conseil national de sécurité, a accusé quiconque s'interrogeait sur le fait que “l’Ukraine est un partenaire précieux” des États-Unis de promouvoir les “intérêts russes”.
» “Quand nous sommes consumés par la rancœur partisane, nous ne pouvons pas combattre ces forces extérieures”, a-t-elle dit, menaçant “le président, ou quiconque d'autre, [qui]entrave ou subvertit la sécurité nationale des États-Unis”.
» En 2017, Hill avait écrit sur son blog de la Brookings Institution que  Trump était un “bolchevique”... »

Conséquence de ces agitations washingtoniennes : si l’OTAN continue à s’ébrouer dans la sinophobie comme elle l’a fait mercredi dernier, elle devrait aussi prendre garde, la balourde, au retour de bâton venu de “D.C.-la-folle” et (ré)instituant l’Ukraine comme champ de bataille d’une sorte de nouvelle Amérique modèle 1778-1779, et par conséquent la Russie comme danger immédiat. Comme quoi, entre les louvoiements de l’OTAN et les soubresauts de “D.C.-la-folle”, rien n’est jamais fixé.

Quoi qu’il en soit, si la querelle de la crise de la destitution aggravée des présidentielles USA-2020 où la mode sera évidemment ukrainienne et antirusse, une possible aggravation, une soudaine relance de la crise ukrainienne serait possible, ne serait-ce que pour court-circuiter les plans de Macron de régler la question ukrainienne selon, le “format-Normandie” (sans les USA). Dès cet instant, l’OTAN serait obligée de virer un peu pour retrouver son ennemi favori, et les problèmes internes de l’alliance, avec la France jouant à la dissidence, en deviendrait brusquement plus pressants et brûlants. C’est alors qu’on reparlerait de l’abandon du traité FNI et du stationnement de missiles de théâtre à capacités nucléaires, selon un engrenage que la France dénonce évidemment ; c’est alors qu’il faudrait, pour la France, se rapprocher de plus en plus d’un choix et d’une cdécision.

Se soumettre ou se démettre

C’est alors qu’en en venant à la solitude de la France, on peut se demander ce qu’elle signifie exactement dans cet univers en folie, avec les gouvernements des pays sensés rouler des mécaniques au nom du bloc-BAO en pleine déliquescence sinon tout simplement absents ; on a vu que c’est le cas de Washington et d’Israël, et aussi de Londres et de Berlin après tout, – et l’on peut dès lors reprendre l’argument central que nous développions à cet égard :

« Le caractère brutal de l’intervention du Système contre Netanyahou met ce dernier en parallèle avec Trump, tandis que deux autres dirigeants de puissants pays du bloc BAO, le Premier ministre britannique et la chancelière allemande se trouvent dans une situation de paralysie-impuissance quasiment similaire. (Laissons les autres de côté pour ne pas trop surcharger le Titanic en train de couler à son rythme.)
» Il y a là comme un travail irrésistible de  termites  alimentées par le Système lui-même, pour saper les structures de son propre pouvoir dans le chef des dirigeants et/ou des directions de quatre des nations parmi les plus importantes pour activer la surpuissance du Système. On se trouve dans le cas d’une quasi-perfection de l’équation surpuissance = autodestruction. Ce n’est même plus un “tourbillon crisique”, c’est au-delà, c’est l’essence même du  “déchaînement de la Matière”  qui se liquéfie en constituant une crise réunissant toutes les crises (“la mère de toutes les crises” reprenant en elle-même, dans son propre ventre devenu infécond, tous ses enfants [toutes les crises] dont elle a accouché). »

Ce que nous voulons dire, c’est que l’“isolement de la France”, aujourd’hui, cela n’a aucun sens. Il faudra bien convenir un jour qu’être isolé d’un asile d’aliénés rassemblant des momies zombifiées obéissant aux déments convulsifs du Pentagone n’est pas une position particulièrement détestable, d’autant que les déments et les zombies continuent entre eux à se chamailler, à s’envoyer à la figure sanctions et tarifs douaniers, à s’imposer les uns les autres des équipements inutiles ou hors de tout contrôle (qui pense au F-35 ne devra rien en dire). Devant ce constat de désordre et d’hystérie, les jugements de bon sens servile dont le transatlantisme s’est nourri pendant trois-quarts de siècle n’ont plus guère de sens.

Finalement, par conséquent, la “question française”, ou “la crise française dans l’OTAN” s’énonce en termes fort simples, c’est-à-dire selon les deux termes de l’alternative-Macron, – énoncée sans haine et sans crainte de Macron, sans aucun préjugé favorable en sa faveur, en n’écartant ni ne repoussant aucune des réserves ou critiques qu’on a pu faire, – simplement en en revenant à la simplicité de la situation que Macron a créée avec ses déclarations, déclenchant les fureurs qu’on a vues, et les ultimatums américanistes qui ne vont pas manquer de s’empiler.

Les deux termes sont les suivants :

• Ou bien Macron n’est pas sérieux, n’a parlé pour rien d’autre que de parler comme le suggèrent nombre de ses critiques qui ont des précédents en tête, et alors il cédera et rentrera dans le rang. Alors, toutes les critiques accumulées contre lui depuis son arrivée au pouvoir acquerront une légitimité considérable, qui lui coûtera peut-être sa réélection.

• Ou bien Macron est sérieux et il n’a plus qu’une chose à faire : se tourner vers la Russie et signer avec elle l’un ou l’autre traité de sécurité mettant en chantier ce que Sarkozy, traversant deux ou trois semaines de lucidité, faillit lancer avec les Russes (c’était alors le président Medvedev)  à l’automne 2008. (Il s’agissait d’un grand “pacte de sécurité pan-européen” auquel les Russes ne cessent de penser de puis le “notre maison commune” de Gorbatchev parlant de l’Europe : « Signe d'ouverture envers le président russe, M. Sarkozy a repris l'idée de “pacte de sécurité” pan-européen, lancée par M. Medvedev en juin à Berlin. ») C’est l’idée très vieille-France, aussi bonne que les vins qui vieillissent, de l’“alliance de revers”, avec possibilité d’ouverture à d’autres, et c’est la seule façon d’assumer le diagnostic de “mort cérébrale” dont le président français à crédité l’OTAN.

Nous en sommes là et rien n’est sûr dans aucun sens, sauf ce constat effectivement miraculeux que la France, par une ou deux déclarations, est encore capable de semer un fort grand désordre dans le poulailler, jusqu’à imposer des dilemmes fondamentaux. En somme, on retourne à Macron le mot de Gambetta : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre. » En quelque sorte, Macron s’est fait l’interprète de la France souveraine avec ses déclarations : maintenant, il lui faut se soumettre à cette “voix souveraine” (faire l’alliance de revers) ou se démettre (rentrer dans le rang de l’OTAN) en usurpant cette “voix souveraine” qui ne le lui pardonnera pas.