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5043• D’une façon subreptice, sans exclamations particulières sinon quelque étouffement de rage d’un neocon l’autre, le président Biden a prononcé mardi un formidable discours qui n’est rien d’autre qu’une condamnation détaillée de la “politiqueSystème” que les USA suivent d’une façon affirmée et visible depuis le 11 septembre 2001. • Comme tout dans cette époque, les grands événements se déploient dans le silence, l’indifférence et l’ignorance, – feintes ou pas, c’est selon... Il n’empêche qu’ils [les grands événements] ont lieu, et ce ne sont pas les hommes [Biden, en l’occurrence] qui les machinent, se contentant de les exécuter. • Biden, que nous vouions aux gémonies il y a peu, s’est trouvé poussé dans une extrémité entretenue par un état de santé fragile et l’obsession du retrait d’Afghanistan. • Pressé par la tempête de la communication déchaînée contre lui et le chaos de Kaboul, il en est venu à dénoncer l’ensemble de la politiqueSystème, et le Système par conséquent. • Cela ne fait de lui ni un héros ni une espérance, cela acte un événement essentiel.
2 septembre 2021 – On ne s’étonnera pas outre mesure que les Russes se satisfassent sans s’en dissimuler du contenu du discours de président Biden, mardi, couronnant les deux semaines de basculement de la politique étrangère, belliciste et impérialiste, des Etats-Unis. Il s’agit de rien de moins que d’une condamnation de ce que nous désignons comme la “politiqueSystème” depuis que Harlan K. Ullman, désigné comme le créateur dans les années 1990 de la doctrine dite “choc & effroi” (“Shock & Awe ”), puis devenu critique de sa prétendue application surtout depuis le 11 septembre 2001, décrivit dans un article de mai 2009 ce qu’il désigna comme une “politique de l’idéologie et de l’instinct”.
• Il y a d’abord Lavrov qui se réjouit en termes mesurés et diplomatiques, comme s’il saluait une sagesse nouvelle aux USA et au sein du bloc-BAO, qui permettrait peut-être, sans doute, – presque “sûrement” serait-il tenté de dire, mesure et diplomatie obligent, – l’établissement de nouvelles et fructueuses relations.
« Le chef de la diplomatie russe a applaudi l’acte de reconnaissance du président américain Joe Biden que les efforts de son pays en Afghanistan étaient malavisés et que Washington devait désormais s'abstenir de répéter de telles interventions étrangères à grande échelle.
» Le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré mercredi qu'il semblait y avoir une nouvelle positions dans les capitales occidentales que de telles tentatives de remodeler des nations étrangères à leur propre image par des opérations militaires illimitées étaient vouées à l'échec. »
• Il y a surtout Poutine, qui va plus loin que son ministre, qui choisit un angle plus critique mais surtout plus fondamentalement civilisationnel. On retrouve des idées qu’Alastair Crooke a magistralement exposées dans l’article dont nous parlions avant-hier (PhG dans son ‘Journal-dde.crisis’), et l’on distingue aisément la critique constante que le président russe fait de la culture néolibérale et américaniste-occidentaliste.
« Le président russe Vladimir Poutine a déclaré que la crise en Afghanistan est le fait de Washington, affirmant que les efforts de réforme du pays ont échoué et que la communauté internationale doit maintenant travailler ensemble pour éviter une tragédie.
» Lors d'une rencontre avec des étudiants mercredi, M. Poutine a critiqué ce qu'il a qualifié de mauvaise gestion par les États-Unis de leur présence en Afghanistan, qui s'est terminée brusquement en août lorsque les talibans ont pris la capitale, Kaboul.
» “Le résultat est une tragédie, un effondrement [...] Les troupes américaines étaient présentes dans cette région, et pendant vingt ans elles ont essayé de civiliser les gens, et d'introduire leurs propres normes et standards de vie au sens large... y compris dans l'organisation politique de la société”, a-t-il poursuivi. “Le résultat est nul, pour ne pas dire qu’il est négatif”. »
• On ajoutera à ces manifestations de satisfaction qui pourraient aisément faire de Biden une “marionnette du Kremlin”, comme l’était justement son prédécesseur, des observations d’un autre acteur intéressant, qui prend le point de vue des talibans pour se faire l’avocat de la Tradition, fût-elle cruelle et incompréhensible à nos yeux de modernes-attardés, contre le héraut de la modernité qu’est le néolibéralisme. Ainsi Tucker Carlson est-il épinglé et dénoncé par le New York Times, évidemment sur un ton critique sinon persifleur. (Il faut aussi signaler que ces extraits ont été mis en évidence dans un article de ‘WhatDoesItMeans’ [WDIM] qui relève justement que « la tempête du mois d’août ne cesse de s’amplifier ».)
« “Tucker Carlson, la voix nationaliste la plus importante en Amérique, a semblé sympathiser avec la ‘politique de genre’ des Afghans soutenant les talibans. “Ils ne détestent pas leur propre masculinité”, a-t-il déclaré peu après la chute de Kaboul... “Ils ne pensent pas que c’est toxique... Ils aiment le patriarcat. Ils ne pensent pas que c’est toxique... Ils aiment le patriarcat. Certaines de leurs femmes l’aiment aussi... Alors maintenant, ils réinstallent toutes ces coutumes... Alors peut-être est-il possible que nous ayons échoué en Afghanistan parce que l'ensemble du programme néolibéral est grotesque” »
• La surprise de la cerise sur la gâteau, mais sans réelle surprise après tout car nous n’en sommes plus à une surprise près, c’est le soutien implicite apportée à l’étrange pseudo-alliance USA-Taliban (ou Biden-taliban ?) par la députée du Michigan Rashidah Iblid, musulmane et membre du ‘Squad’ à la Chambre, dans un tweet où elle rappelle les années 1980, selon une référence qui lui amène une longue suite de critiques moqueuses puisque les talibans n’existaient pas alors... Mais ils se trouvaient tous là, futurs al-Qaïda, Daech-K, taliban & Cie, sous l’étiquette du “moudjahidine”, “combattant de la liberté” antisoviétique largement subventionnés par la CIA sous la houlette inspiratrice de Brzezinski-1979.
Pour poursuivre notre galerie des proximités improbables et pourtant indubitables puisque prises sur le fait, on dira qu’il y a donc un fil rouge bien étrange reliant Biden, Poutine-Lavrov, Tucker Carlson volens-nolens contre l’univers des LGTBQ, Rashidah Iblid, “féministe racisée” qui ne condamne pas trop le taliban courant.
C’est un fil rouge “étrange”, répétons-le, qui est plein de nœuds de désordres divers, d’opinions irréductiblement ennemies se retrouvant sur la même ligne et ainsi de suite. Il est difficile, non il est impossible de tirer un jugement général de la situation après avoir constaté ces divers avis, et enregistré bien entendu, sur la ligne adverse, des rassemblements tout aussi improbables mettant ensemble des républicains et des démocrates, une partie de plus en plus majoritaire de la presseSystème, le chœur des “experts” bellicistes débitant les mêmes anathèmes que du temps de GW Bush élevé à la stature d’un Marc-Aurèle ; et tous gens de haute morale, qui se seraient damnés il y a dix mois ou un an si leur sort avait pu garantir la victoire de Joe Biden, aujourd’hui en viennent à le maudire.
Hors de ce chaos absolument indescriptible, il reste le discours de Biden de mardi. Si l’on veut un exemple de l’impression qu’il laisse, on dirait que Justin Raimondo, qui fut si parfaitement antiguerre jusqu’au dernier jour de sa vie, aurait pu en faire un de ses textes et l’inscrire dans sa rubrique de Antiwar.com.
Le discours est l’occasion d’un long article détaillé, aussi méchant contre Biden que les trotskistes peuvent l’être maintenant qu’ils n’ont plus la casserole-Trump attachée à leurs basques. Bill Van Auken, de WSWS.org, analyse à belles dents, citant abondamment cet acte d’accusation et de décès tout ensemble de la politiqueSystème, tout en vouant aux gémonies celui-là même qui accomplit cet exploit.
Quoi qu’il en soit, et quoiqu’on puisse dire ou penser de cette façon de penser du trotskisme pur et dur, reste qu’il est remarquablement détaillé dans le jugement, – du point de vue trotskiste, pour être le plus efficace possible contre Biden et ses acolytes, divisés comme des vautours se disputant une proie qui n’aurait plus que la peau et les os, – de notre point de vue, pour mieux apprécier et mesurer avec quelle hargne et quel fureur d’accusateur le président Biden dénonce cette politiqueSystème.
Voici le texte du 1er septembre 2021, de WSWS.org, – qui s’était pourtant montré assez peu intéressé par la débâcle afghane, et qui soudain, réalise l’aubaine de cette auto-accusation, cette auto-mutilation, – cette autodestruction en un mot...
« L’aveu d’une terrible défaite
« Le lendemain du jour où un avion de transport militaire C-17 a évacué les dernières troupes américaines de Kaboul et au milieu des célébrations dans les rues d’Afghanistan de la fin de l'occupation américaine, le discours de Biden comprend des déclarations jamais entendues auparavant de la Maison Blanche, reconnaissant les coûts dévastateurs d'une guerre terminée par une débâcle humiliante.
La défaite subie par les États-Unis aux mains de l'insurrection talibane expose l'échec non seulement des politiques menées en Afghanistan, mais aussi de l'ensemble de la stratégie qui a guidé les actions de l'impérialisme américain à l'intérieur et à l'extérieur du pays pendant des décennies.
L'objectif politique immédiat du discours de Biden était de défendre son administration contre les critiques féroces concernant sa gestion de l'évacuation chaotique de 17 jours qui a suivi la prise de contrôle du pays par les talibans et l'effondrement précipité du régime fantoche de Kaboul et de ses forces de sécurité formées par les États-Unis. Treize militaires américains ont perdu la vie au cours de cette opération, tandis que 20 autres ont été blessés.
Les attaques proviennent non seulement des républicains mais aussi d'une large couche de responsables démocrates. Les médias, qui se sont intégrés à l'armée américaine et qui soutiennent sans relâche les guerres américaines, ont réagi avec une hostilité particulièrement virulente.
L'éditorial du Washington Post de mardi a décrit l'évacuation de Kaboul comme « un désastre moral, attribuable non pas aux actions du personnel militaire et diplomatique à Kaboul ... mais aux erreurs, stratégiques et tactiques, de M. Biden et de son administration ». Pour faire bonne mesure, le journal a publié une colonne de Michael Gerson, l'ancien conseiller principal et rédacteur de discours de George W. Bush, qui partage la responsabilité politique des guerres criminelles en Afghanistan et en Irak, condamnant « la sortie paniquée, bâclée et humiliante de l'administration Biden d'Afghanistan, qui dépend de la bonté des talibans et est commémorée par des images indélébiles de chaos et de trahison ».
Une telle rhétorique surchauffée reflète les divisions et les récriminations sauvages au sein de l'establishment dirigeant américain et de son appareil militaire et de renseignement à propos de la débâcle en Afghanistan.
Bien que truffé de contradictions, d'évasions et de falsifications historiques, le discours de Biden visait, du moins en partie, à faire appel aux larges sentiments anti-guerre de la population américaine.
Il est « temps d'être à nouveau honnête avec le peuple américain », a-t-il déclaré, reconnaissant tacitement que la classe dirigeante américaine avait systématiquement menti au peuple américain sur les raisons et la conduite des guerres en Afghanistan, en Irak et ailleurs.
Il a déclaré que les États-Unis avaient dépensé « 300 millions de dollars par jour pendant deux décennies » pour la guerre en Afghanistan, ajoutant que « oui, le peuple américain devrait entendre cela. ... Et qu'est-ce que nous avons perdu en conséquence en termes d'opportunités ».
Il a souligné les lourdes pertes en vies humaines et en membres, avec 2 461 soldats américains tués et 20 744 autres blessés.
« Nombre de nos vétérans ont vécu l'enfer », a-t-il dit. « Déploiement après déploiement. Des mois et des années loin de leur famille... des difficultés financières, des divorces, des amputations physiques, des lésions cérébrales traumatiques, le stress post-traumatique. Nous mesurons cette détresse dans les difficultés que beaucoup d'entre eux rencontrent lorsqu'ils rentrent chez eux. ... Le coût de la guerre, ils le porteront avec eux toute leur vie ».
Biden a cité « une statistique choquante et stupéfiante qui devrait faire réfléchir tous ceux qui pensent que la guerre peut être de faible qualité, à faible risque ou à faible coût : 18 anciens combattants, en moyenne, meurent par suicide chaque jour en Amérique, – pas dans un endroit lointain, mais ici même en Amérique ».
Il a également évoqué de manière oblique les coûts sociétaux engendrés par un pays perpétuellement en guerre : « Si vous avez 20 ans aujourd'hui, vous n'avez jamais connu une Amérique en paix ».
Le portrait dressé dans ce discours est une mise en accusation accablante de l'establishment dirigeant américain et de ses deux partis politiques, qui ont perpétué des guerres qui ont infligé des souffrances indicibles, privé la société de vastes ressources et soumis une génération entière à une violence et une terreur ininterrompues.
Le président américain n'a cependant pas mentionné le coût le plus important de la guerre et de l'occupation américaines : La mort de quelque 170 000 à un quart de million d'Afghans, les centaines de milliers de blessés et le déplacement de millions de personnes.
Biden a été incapable de fournir une explication rationnelle de la guerre en Afghanistan, affirmant qu'elle avait été lancée en réponse aux attaques toujours inexpliquées du 11 septembre 2001 sur New York et Washington D.C., dans lesquelles 15 des 19 pirates de l'air étaient des Saoudiens, et aucun des Afghans.
Il s'est vanté que la guerre américaine avait « décimé » Al-Qaïda en Afghanistan, tout en reconnaissant que « la menace terroriste s'est métastasée dans le monde entier, bien au-delà de l'Afghanistan », citant des éléments liés à Al-Qaïda en Syrie, en Irak, en Somalie, dans la péninsule « à travers l'Afrique et l’Asie ». En effet, en Afghanistan même, les services de renseignement américains estiment que l'État islamique-Khoran (ISIS-K), responsable de l'attentat suicide à l'aéroport de Kaboul, compte quelque 2 000 combattants, contre quelques centaines de membres d'Al-Qaïda en Afghanistan en 2001.
La croissance de ces forces est le produit direct des guerres d'agression américaines en Afghanistan et en Irak, ainsi que de l'utilisation par Washington de milices liées à Al-Qaïda comme troupes terrestres par procuration dans ses guerres de changement de régime en Libye et en Syrie.
Pris dans son ensemble, le discours de Biden est une exposition dévastatrice des guerres américaines basées sur des mensonges et des fabrications qui ont été menées à un coût horrible. À cet égard, l'Afghanistan est indissociable de l'Irak, de la Libye, de la Syrie et d'autres pays.
À quoi tout cela a-t-il servi ? Qu'est-ce qui a justifié le gaspillage de milliers de milliards de dollars et la perte de centaines de milliers de vies ? Et qui doit être tenu responsable de ces crimes au sein du gouvernement, des principaux partis, du haut commandement militaire, des entreprises américaines, des médias et des personnalités universitaires qui ont promu et justifié ces guerres ?
Biden a affirmé dans son discours : « Cette décision concernant l'Afghanistan ne concerne pas seulement l'Afghanistan. Il s'agit de mettre fin à une ère d’opérations militaires majeures visant à “reconstruire” d’autres pays. »
En effet, un désastre de cette ampleur signale la fin d'une époque et l'éclatement de toute une stratégie poursuivie par l'impérialisme américain, fondée sur l'utilisation de la force militaire pour surmonter l'érosion progressive de son hégémonie mondiale.
À partir des années 1980, Washington était déterminé à « tuer le syndrome du Vietnam », c'est-à-dire à inverser les conséquences politiques de la défaite subie par l'impérialisme américain au Vietnam afin de lancer de nouvelles guerres d'agression impérialiste.
Avec la dissolution de l'Union soviétique aux mains de la bureaucratie stalinienne de Moscou, cette politique a pris son envol, anticipée par la première guerre américaine dans le Golfe Persique et suivie par les interventions américaines dans les Balkans. Washington a adopté le concept selon lequel le monde était arrivé à un "moment unipolaire" dans lequel l'impérialisme américain pouvait s'engager dans une poursuite effrénée de la domination mondiale et de la contre-révolution mondiale.
Les événements douteux du 11 septembre 2001, qui n'ont à ce jour jamais été réellement expliqués, ont ensuite été exploités pour justifier les guerres d'agression à l'étranger, la torture et l'érection de l'échafaudage d'un État policier au sein même des États-Unis.
Le retrait humiliant d'Afghanistan signale l'échec non seulement de la politique américaine dans ce seul pays, mais aussi de toute une stratégie, d'une vision du monde et d'un programme de domination mondiale et de réaction intérieure qui perdurent depuis 30 ans.
Cette débâcle, qui s'entrecroise avec une escalade de la lutte des classes aux États-Unis et dans le monde sous l'impact de l'inégalité sociale croissante et des politiques homicides et axées sur le profit des classes dirigeantes du monde en réponse à la pandémie de COVID-19, a des implications profondément révolutionnaires.
Le danger de la guerre n'a pas diminué pour autant. En effet, Biden a utilisé son discours pour insister sur la capacité de l'impérialisme américain à poursuivre ses attaques meurtrières « au-delà de l'horizon » contre l'Afghanistan ou tout autre pays du monde, tout en déplaçant sa puissance militaire vers des confrontations bien plus dangereuses avec la Chine et la Russie, deux puissances dotées de l'arme nucléaire.
La question décisive est l'armement du mouvement émergent de la classe ouvrière avec une perspective socialiste et internationaliste pour mettre fin à la guerre et au système capitaliste qui en est la source. »
... Et, dans ce texte, le dernier paragraphe tombe comme un cheveu sur une soupe épaisse, nourrissante, surprenante par sa densité, sa saveur, sa puissante consistance ; comme si l’auteur trotskiste, emporté par sa hargne et sa fureur, soudain s’apercevait qu’il n’a pas dit un mot jusqu’ici, – minimum syndical, quoi qu’il en soit, – de la “perspective socialiste et internationaliste pour mettre fin à la guerre et au système capitaliste”. Le discours de Biden est tellement stupéfiant, là où il est dit et par qui il est dit, qu’on en oublie sa stupéfaction en même temps que les mots d’ordre convenus pour ne plus songer qu’à croquer l’évidence.
Ainsi est-il passé inaperçu, ce discours, et peut-être même nous-mêmes n’en aurions rien vu s’il n’y avait la vigilance trotskiste emportée par la stupéfaction non-dite, – surtout non-dite et complètement ignorée. Car nulle part d’une façon convaincante ni travaillée la vigilance trotskiste ne s’interroge sur la raison d’un tel discours : pourquoi Biden a-t-il dit ce qu’il a dit ? Faire cette remarque et d’ailleurs de la façon la plus large possible, bien entendu, c’est laisser entendre haut et fort que nous allons nous atteler à cette question.
Il doit être entendu que nous restons sur notre analyse psychologique du président telle que nous l’avons décrite à plusieurs reprises, par rapport à la fonction qu’il occupe, l’état de santé où il se trouve, les manipulations dont il est l’objet consentant jusqu’aux cas extrêmes où, par entêtement disons pathologique, – ses faiblesses devenant sa force, – il refuse brusquement l’intention de ces manipulations en rompant avec un fondement de la foi-américaniste (“nation indispensable”, interventionniste parce que gardienne de l’ordre américaniste du monde). Cela reste pour nous la raison d’être de notre enquête, puisque cause naturelle, biologique et spirituelle à la fois, chaque jour évidente, bien plus que les innombrables complots et ‘dirty-tricks’ du DeepState une fois de plus pris à contrepied, les thèses de manœuvres, de Grand Jeu, toutes ces billevesées que l’on déverse depuis vingt ans et à peine plus pour tenter d’expliquer les énormes mouvements métahistoriques qui nous emportent
Pour rappel, concernant le vieux Joe, dit-‘Ol’White Joe’ :
« ...Pour les raisons vues ci-dessus et essentiellement son état mental et cognitif, Biden sera donc un très-court président (lui-même se désigne alors comme “un président de transition”, sans autre précision de date, de délai, de circonstances) qui ne durera pas longtemps, quelques mois au plus ; on envisageait, parfois alimenté par des remarques de la ‘Speaker’ Pelosi, qu’il partirait au bout de trois-quatre mois, au printemps 2021.
» Ce ne fut donc pas le cas, malgré un départ où il apparut que Biden était complètement manipulé, signant aveuglément une cascade de décrets présidentiels dans les premiers jours de sa présidence. Très vite, deux faits s’imposèrent, qui ont contrarié les perspectives esquissées plus haut :
• L’extraordinaire médiocrité et incompétence paresseuse de la vice-président Harris, qui ralentirent bien entendu toute pression pour le départ de Biden puisque c’est elle qui lui succéderait (cet aspect est plus que jamais présent) ;
• L’entêtement de Biden (caractéristique d’une vieillard acariâtre, diminué ayant des troubles cognitifs mais disposant d’un très grand pouvoir théorique). Sur certains dossiers, dans certains cas, il est intervenu d’une façon marquante et autoritaire, – et bien sûr le cas afghan est en pointe.» C’est là qu’on enregistre une première surprise. En général, Biden était tenu pour un opportuniste, centriste sans convictions, suivant la ligne de la fameuse politiqueSystème, lui-même assez notoirement corrompu (Ukraine, Chine), etc. Désormais, on commence à le découvrir sur sa carrière passée : raciste invétéré et harceleur sexuel pendant sa carrière sénatoriale (mais là, il s’est rangé des voitures puisque tributaire du wokenisme, – aussi bien dictature antiraciste ou “racisme antiracisme” que féministe, contre lequel il ne s’oppose absolument pas, bien au contraire : son côté absolument opportuniste). Par contre, un côté moins connu de lui sinon par les connaisseurs du sérail ; anti-interventionniste (pour le coup, anti-politiqueSystème ! Un comble), qui va bien plus loin que son opposition à toute aide au Sud-Vietnam en 1975. D’où ce jugement à propos de la politique de Biden en Afghanistan, le 25 août sur FoxNews, d’un connaisseur des arcanes politiques de Washington D.C., l’ancien ‘Speaker’ de la Chambre Newt Gingrich :
» “Eh bien, Joe Biden c’est Joe Biden... Je le connais depuis 1972, il a toujours été un adversaire de l’interventionnisme. Il est favorable à une Amérique faible, qui transige toujours avec l’ennemi. Le cas est clair : il a capitulé devant les talibans !” »
Notre perception est qu’il y a donc au départ cette conviction anti-interventionniste de Biden qui persiste, même si elle ne s’est jamais incarnée en une politique, – qui, soudain, justement, sautant d’une façon paradoxale dans l’héritage de Trump (son traité avec les talibans), a sauté dans la conviction du retrait absolument nécessaire et sans plus attendre. D’où ses ordres des mois de mai-juillet, aboutissant à l’ordre de retrait immédiat malgré le scepticisme à peine dissimulé des généraux, leur espoir de manipuler le président à la dernière minute en manifestant tout simplement qu’aucun plan de retrait immédiat n’était prêt, le mettant devant le fait accompli dxe ne rien pouvoir accomplir.
Tactiquement, du point de vue de la communication, avec un service de communication parfaitement huilé à l’usage du mensonge-n’importe quoi, Biden a d’abord développé la thèse de la magnifique manœuvre de retrait. Il s’y est tenu, mais de plus en plus marginalement à mesure que s’imposait le ridicule de cette thèse contre l’épouvantable (pour un cerveau reptilien de neocon) vérité-de-situation du retrait à partir du chaos de l’aéroport deKaboul. Ainsi, selon la “logique du fou”, en est-il venu à développer le thème qui parle à son cœur de la nécessité du retrait, avec comme argument tactique le contraire de sa thèse du “magnifique retrait” : l’argument selon lequel, “un tel retrait ne se fait jamais sans casse, alors aujourd’hui ou demain...”, – autre vérité-de-situation.
Nous parlons de “logique du fou” alors qu’il s’agirait dans le monde juste et normal de “logique de la sagesse”, du fait de l’environnement paranoïaque qu’a installé la politiqueSystème à Washington D.C. sur la nécessité ontologique d’elle-même. Comme dit Kagan, cité par Crooke : « Car, suggère [Kagan], une Amérique qui se retire de l'hégémonie mondiale ne posséderait plus la cohésion solidaire des groupes et communautés qui la forment, pour préserver l'Amérique en tant qu’“idée”, chez elle, – pas plus qu’en Afghanistan. »
Mais Biden est un vrai fou parmi les paranoïaques qui croient encore avoir conscience d’eux-mêmes, et il poursuit sa “logique de fou” en faisant ce discours de mardi, où il décortique en la dénonçant absolument d’une façon inconsciente, comme ferait un vrai antiguerre-antiSystème, un Raimondo si l’on veut encore, tous les vices, tous les travers, toutes les monstruosités qu’engendre la politiqueSystème. Il faut absolument accepter que dans le monde-simulacre de “D.C.-l’hyperfolle”, tous les partis fonctionnent aux mensonges et aux narrative, et il se trouve que celui qui pousse le plus loin cette logique c’est Biden, et qu’ainsi il réussit sa révolution (selon Hannah Arendt) en bouclant l’élipse et se retrouvant au point de départ fondamental de la vérité-de-situation. Pour se sortir du guêpier où il se trouve sans rien céder (entêtement de sa pré-démence sénile), il en revient à la vérité-de-situation colossale de l’exposé, nu et cru, de toute la maléficité de la politiqueSystème. Sa “logique de fou” retrouve ainsi une logique ancestrale de certaines croyances animistes, ici celle des “margai” :
« Les ‘margai’, [...] sorte de génies expressément associés à la brousse inculte et à la montagne stérile, et dont l’intervention expliquent les malheurs des hommes... [...] Les margai sont doublement ambigus. Sur le plan naturel d’une part, puisque leur maléficité n’est pas automatique : elles peuvent aussi bien laisser cours aux forces favorables que les contrarier, et le pire, là aussi, n’est pas toujours sûr... »
Comment réagi(ssen)t la politiqueSystème, alias DeepState, alias establishment, alias etc. ? Par l’habituelle réaction face aux situations compliquées, celle où “The Fool on the Hill” ayant dit par complète inadvertance la vérité-de-situation; qui, par son ampleur, dit à cet instant la vérité du monde. La politiqueSystème réagit donc par une honteuse déroute.
Cela est mis en évidence par la conférence de presse des deux têtes pensantes inclusives (un Noir-un Blanc) et bien entendu wokenistes, du Pentagone : le ministre Austin et le président des CEM, le général Milley. Les deux ont parfaitement entendu les messages de colère et de désespoir venus des rangs des forces qu’ils commandent, jusqu’à des révoltes ouvertes des uns ou des autres à propos des événements de ces 20 derniers jours au Pentagone ; mieux, ils les partagent d’une certaine façon, mais que voulez-vous...
Ainsi, l’un et l’autre obéiront (aux ordres du “Fou sur la Colline”), en vrais professionnels. Ils conseillent aux uns et aux autres de faire de même, et à certains de se faire soigner (prise en charge psychologique) si le fardeau est trop lourd. Aucune vision critique (de leur point de vue) sur ce qui s’est passé, les responsables suprêmes se mettent au garde-à-vous dans le rang de ceux qui subissent, avec peine et colère, l’intrusion de “Fou sur la Colline”. Du même coup, ils acceptent son discours, sa condamnation de la politiqueSystème, le discours de l’antiSystème, tout en restant “toujours fiers” de ce qu’ils ont fait depuis vingt ans... On se contorsionne comme on peut.
« Face à la colère de certains soldats américains en service actif, de familles de soldats tombés au combat et d'anciens combattants concernant la fin de la guerre en Afghanistan, les responsables du Pentagone ont appelé au respect et promis leur soutien, tout en affirmant qu'ils souffraient eux aussi.
» Le secrétaire à la défense, Lloyd Austin, et le chef d'état-major interarmées, le général Mark Milley, se sont entretenus avec des journalistes au Pentagone mercredi, reprenant la ligne officielle selon laquelle le pont aérien de Kaboul était un succès et que la guerre en Afghanistan était officiellement terminée.
» “Je serai toujours fier du rôle que nous avons joué dans cette guerre”, a déclaré Austin, qui a commandé des troupes en Afghanistan et en Irak avant de prendre sa retraite en 2016 et de rejoindre le conseil d'administration du fabricant de missiles Raytheon. “Mais, nous ne devrions pas nous attendre à ce que les vétérans de la guerre afghane soient d'accord plus que tout autre groupe d'Américains. J'ai entendu des opinions fortes de plusieurs côtés ces derniers jours. C'est vital. C'est la démocratie. C'est l'Amérique”.
» Répondant à un journaliste qui l'interrogeait sur ses propres sentiments, Austin a déclaré que “les gens réagissent différemment” et il a exhorté ceux qui auraient besoin d’un soutien psychologique de demander de l'aide. “Nous devons respecter les opinions de chacun et nous soutenir mutuellement”.
» Milley a déclaré que sa propre “douleur et sa colère proviennent de la même chose que les familles en deuil” et les soldats blessés, alors qu'il a perdu 242 soldats sous son commandement, "“au cours de patrouilles opérationnelles, sous le coup des attaques et des roquettes de RPG, et tout le reste.
» “La guerre est dure. Elle est vicieuse. Elle est brutale. Elle ne pardonne pas. Oui, nous avons tous de la douleur et de la colère. Quand nous voyons ce qui s'est passé au cours des 20 dernières années et des 20 derniers jours, cela crée de la douleur et de la colère.
» “Mais je suis un soldat professionnel. Je vais contenir ma douleur et ma colère et continuer à exécuter ma mission”, a-t-il ajouté. »
Il ne faudrait pas croire une seconde, pas une seule seconde, que cela doit nous conduire à applaudir Biden et à voir en lui l’explosion d’une soudaine sagesse qui ferait de lui une sorte d’“homme providentiel”. Ce qu’il y a de providentiel en lui, c’est sa folie, – nous nous entendons bien sur ce terme : il n’est pas “à lier”, mais il est authentiquement dérangé, et poussé à l’extrême de son état pathologique pour avoir osé regarder le monstre dans les yeux et l’avoir dénoncé comme il l’a fait. Il faut être fou, c’est-à-dire devenir un “sage”, pour oser dire leurs quatre et quatre-mille vérités à tous les paranoïaques de la politiqueSystème.
Rien n’est assuré, aucune révision politique n’est en cours, puisqu’il ne s’agit que d’un énorme élément de désordre supplémentaire qui s’est abattu sur “D.C.-l’hyperfolle“. Mais de contradictions en contradictions, de contrepieds en contrepieds, Biden s’est retrouvé, selon une appréciation subjectivement objective (!) en cet instant de son discours, comme l’archétype de l’antiSystème. Cela ne promet rien ni ne découvre rien de notre avenir, car vraiment, nul ne peut rien en prédire. (Qui aurait ou prédire que nous écririons tout cela de Biden il y a deux ou trois mois ? Certainement pas nous.)
Car il ne faut pas s’en dissimuler : tous ces événements imprévisibles, toutes ces évolutions inattendues, mettent autant en difficultés l’antiSystème que le serviteur du Système, – quant à la prévision s’entend.
« Biden doit rester en place » dit le titre d’un éditorial de ‘SouthFront.org’, un site très sérieux et d’une impeccable ligne antiSystème. Le titre dit qu’il faut “protéger” Biden parce qu’il est la garantie (pour l’instant dirions-nous, pour les 2-3 semaines à venir) qu’il n’y aura pas de guerre d’agression des USA. Il estime, ce qui est assez probable, qu’il y a désormais un courant furieux et puissant dans l’establishment visant à destituer Biden pour le remplacer par Harris, désignée alors comme pétroleuse en chef qui relancera la politiqueSystème :
« Ainsi, Biden joue désormais un rôle de dissuasion certain pour la prochaine série d'agressions de la part des États-Unis. Sa tâche consiste à “garder le bouton rouge” pendant les six prochains mois ou un an, jusqu'à ce que les élites de Washington se calment. Si Harris arrive au pouvoir sans avoir été choisi par les Américains, la probabilité d'un conflit mondial l'année prochaine augmentera considérablement. »
Certes, nous ne sommes pas une seconde d’accord avec cette prévision que l’arrivée d’Harris permettrait une relance de la politiqueSystème. L’on sait ce que nous pensons d’Harris à cet égard, on l’a vu plus haut. Nous faisons simplement deux réflexions à propos de cette conclusion, qui sera notre conclusion :
• Avant la chute de Trump, au moment de l’élection, il s’agissait de garder Trump contre Biden, parce que Trump jouait “un rôle de dissuasion certain...”. Aujourd’hui et à cet égard, nous avons en Biden un super-Trump ! Simple constat qu’il faut savoir faire, en bon antiSystème réaliste.
• Après cet épisode Biden et tout ce qui a précédé, il est absolument impératif, plus que jamais, – impératif de ne rien prévoir, de ne faire aucune prévision, aucune évaluation, aucune confiance à l’un ou l’autre qui se montre en cet instant brusquement antiSystème “à l’insu de son plein gré”... Il s’agit de simplement “dire ‘Non’” au Système, après avoir identifié où le Système se trouve dans la mêlée (« [L]a force comme capacité à simplement dire : “Non”. Pas à s’énerver, pas à crier et à gesticuler dans tous les sens, juste dire : “Non”. »). Cela est fait par l’intermédiaire de Biden tant que Biden est utile dans ce sens, – et Dieu sait s’il l’est dans ce moment-là, – quitte à s’en séparer aussitôt, dès que sa folie lui fera suivre une autre direction.
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