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6570• Épisode si instructif sur la situation de la direction US, et particulièrement dans ce cas de la direction militaire des forces armées US. • L’habituel livre (à peu près tous les trois-quatre ans) de Bob Woodward sur les situations peu inconnues et inconnues des présidences successives apporte son lot d’informations controversées et pour cette fois extraordinairement révélatrices. • Il s’agit de la “politique étrangère et de sécurité” menée secrètement par le général Milley, président du Comité des chefs d’état-major, entre octobre 2020 et janvier 2021 pour court-circuiter la chaîne de commandement et les pouvoirs du président (Trump) sur l’arsenal nucléaire stratégique US. • Milley a ainsi correspondu amicalement avec son vis-à-vis chinois, le général Li, lui promettant de l’avertir en cas de projet d’attaque nucléaire de la Chine. • On navigue entre trahison, coup d’État et folie délirante de la politique washingtonienne. • En même temps que l’on apprend toutes ces étranges manœuvres, d’autres généraux sonnent l’alarme devant le renforcement du potentiel nucléaire chinois. • Belle cohérence.
16 septembre 2021 – Des révélations importantes publiées dans le nouveau livre (‘Peril’) de Bob Woodward (avec un comparse, Costa), spécialiste des parutions “bien informées” et quasiment historien officieux des présidences successives. Elles mettent, – en tout cas temporairement car les nouvelles des bavures innombrables à Washington passent aussi vite que de nouvelles sont révélées, – dans le plus grand embarras l’establishment militaire US, et notamment le général Mark Milley, Président du Comité des chefs d'état-major interarmées, ainsi qu’accessoirement (!) la Speaker de la Chambre des Représentants Nancy Pelosi qui a suivi l’affaire exposée en l’approuvant, sinon en initiant certains de ses aspects. Ces révélations portent notamment sur des communications secrètes de Milley que certains équivalent à une volonté et une attitude de haute trahison, en octobre 2020 et en janvier 2021, notamment avec un général chinois de très haut rang (le général Li Zuocheng). Lors de ces communications, selon Woodward-Costa, Milley aurait promis aux Chinois qu'il les informerait de toute attaque possible et d’autres informations de cette sorte en provenance des États-Unis.
D’autre part, dans les mêmes circonstances (surtout dans la séquence autour de l’“attaque” du Capitole du 6 janvier et durant les derniers jours de la présidence Trump), il est affirmé que Milley travaillait avec Pelosi, tous deux essayant de subvertir le système constitutionnel afin de réduire à néant la capacité de Donald Trump à agir en tant que commandant en chef. On comprend dans quelles circonstances de paranoïa se sont déroulées ces diverses interventions, quand on a à l’esprit que les événements du 6 janvier ont été considérés comme une tentative de coup d’État orchestré par Trump, jugement absolument incroyable et effectivement proche d’une dimension pathologique lorsqu’on considère la forme de la manifestation.
(Depuis, et malgré l’insistance des diverses autorités accusatrices, le FBI a fait une enquête et n’a trouvé aucun indice permettant de conclure sérieusement à une opération de l’envergure et de l’importance dénoncées.)
On donne ici un rapide résumé adapté des précisions données par le livre Woodward-Costa, telles qu’elles ont été rapportées par RT.com (RT-USA), dont il faut répéter qu’il s’agit de la source la plus crédible dans les réseaux de grande diffusion aux USA. Certains des détails sont évidemment pris aux extraits du livre qui ont été publiés par le Washington Post.
(Woodward qui travaille au Post depuis le début des années 1970 [c’est lui a révélé et développé le scandale du Watergate avec son confrère Bernstein] est devenu une institution de ce quotidien et mène une carrière propre à mesure qu’il publie régulièrement ses livres sur les activités présidentielles, le plus souvent à partir de sources de haut niveau, nombreuses et participant à cette étrange histoire “parallèle” des USA, nécessairement plus intéressante que la narrative-simulacre que l’on nous livre dans la communication des gouvernements successifs. Woodward est vraiment l’officiel “historien officieux” des USA, et il travaille parfois contre les lignes biaisées que soutient le Post. Il s’agit d’un jeu auquel se prête volontiers le quotidien, qui aime bien avoir plusieurs fers au feu dans les affrontements, y compris fratricides, de Washington D.C. On note tout de même que, dans les précisions données ci-dessous, Woodward-Costa justifient contre toute crédibilité légale objective, l’action complètement d’insubordination et de viol de son statut du général Milley.)
« Selon ‘Peril’, un livre de Bob Woodward et Robert Costa dont la publication est prévue la semaine prochaine [et dont des extraits ont été publiés], Milley a contacté son homologue chinois, le général Li Zuocheng de l'Armée populaire de libération, à deux reprises, d'abord le 30 octobre 2020, quatre jours avant l'élection présidentielle américaine, puis le 8 janvier 2021, deux jours après l'émeute du Capitole.
» Le premier appel de Milley était dû à sa conviction que Trump était sur le point d'attaquer la Chine, ont écrit Woodward et Costa. “Général Li, je veux vous assurer que le gouvernement américain est stable et que tout va bien se passer”, [rapportent Woodward-Costa de cette conversation], a confié au général Li. “Nous n'allons pas attaquer ou mener des opérations cinétiques contre vous”.
» Milley serait allé jusqu’à promettre à Li un avertissement préalable, sur la base des relations personnelles qu'ils ont établies au cours des cinq dernières années. “Si nous devions attaquer, je vous appellerais à l'avance. Ce ne serait pas une surprise.”
» Le deuxième appel était dû aux craintes de Li concernant les événements du 6 janvier, affirment Woodward et Costa. Milley l'a rassuré : “Nous sommes stables à 100 %. Tout va bien. Mais la démocratie peut être bâclée parfois”.
» Milley n'a pas relayé la conversation à Trump ; il s'est plutôt entretenu avec la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi (D-Californie), convenant avec elle que le président était “fou”, et ordonnant à la CIA de “tout surveiller de manière agressive” et à la NSA de “continuer à scanner” tout signe de troubles intérieurs, selon le livre.
» Il a également appelé l'amiral en charge du commandement américain pour l'Indo-Pacifique (USINDOPACOM) et lui a suggéré de reporter les exercices militaires prévus afin d'éviter que la Chine ne réagisse. L’USINDOPACOM a obtempéré, selon le compte rendu du Washington Post.
» Costa et Woodward reconnaissent que Milley “supervisait la mobilisation de l'état de sécurité nationale de l'Amérique à l'insu du peuple américain ou du reste du monde”, mais ils affirment qu'il le faisait “pour s'assurer qu'il n'y ait pas de rupture historique dans l'ordre international, pas de guerre accidentelle avec la Chine ou d'autres pays, et pas d'utilisation d'armes nucléaires”. »
Dès la publication des premiers extraits du livre de Woodward-Costa, “l’équipe de blanchement” du Pentagone est intervenue comme d’habitude dans la plus grande urgence bureaucratique pour arrondir les angles vifs de ces révélations, sous la forme de deux tweets de la “sténographe du Pentagone” Jennifer Miller démentant toutes les mauvaises interprétations des informations par ailleurs vraies concernant Milley. Effectivement et ce faisant, au contraire, les deux courts et vertueux messages confirment les révélations de Woodward, particulièrement la garantie donnée par Milley aux Chinois. (Selon Miller : “que les USA n’avaient pas l’intention de lancer une attaque-surprise contre la Chine” ; mais selon Woodward, comme on le voit plus loin, des garanties encore plus extraordinaires : « À un moment donné, Milley aurait promis aux Chinois qu’il les informerait de toute attaque possible des États-Unis. »)
Voici les deux tweet de Miller :
Celui-ci d’abord : « Responsables du Pentagone : Le général Milley n'a pas essayé de s’insérer dans la chaîne de commandement concernant le lancement d'armes nucléaires, mais il s’est assuré que chacun savait quel était son rôle et ce qu’il ne pouvait pas faire. Ils ont revu les procédures légales de lancement après l'appel téléphonique de Pelosi. »
Puis celui-ci : « On m'a dit que le général Milley a eu deux appels de routine avec son homologue chinois et plus d'une douzaine d'appels avec les alliés de l'OTAN après le 6 janvier pour les rassurer sur le fait que les États-Unis ne prévoyaient pas d'attaque surprise, afin d'éviter tout malentendu. »
Le site ‘RedState.com’ a donné le commentaire suivant de cette affaire, extrêmement critique et accusateur, et d’une violence qui témoigne de la rancœur et de l’hostilité existant entre les deux camps politiques qui s’affrontent.
« En ce qui concerne les faits exposés, Milley a deux choix. Il peut soit prétendre que la citation qui lui est attribuée par le Washington Post (qui citait le nouveau livre de Bob Woodward) est fausse et qu’il ne l’a jamais dite, soit admettre qu’il a dit à un adversaire étranger qu'il était prêt à commettre une trahison. Il n'y a pas de troisième option permettant à Milley et au Pentagone de prétendre que tout cela était routinier, car ce n’est absolument pas le cas.
» Indépendamment des “craintes” que Milley a pu avoir après le 6 janvier, nous avons toujours une Constitution et une armée qui est contrôlée par des dirigeants civils élus. Il n'y a aucune justification possible pour qu’un général occupant la plus haute fonction militaire se permette non seulement à mener sa propre politique étrangère, mais aussi d’offrir aide et réconfort à nos ennemis. C'est, par la définition même du mot, une trahison.
» De plus, personne ne devrait prendre les déclarations d'inquiétude de Milley comme une représentation de la réalité. C'est un homme profondément perturbé et délirant qui est allé jusqu'à comparer le 6 janvier, un événement qui n'a entraîné aucune mort volontaire à l'exception d'un policier qui a tiré sur Ashil Babbitt [une manifestante pro-Trump], à la Révolution d’Octobre en Russie. Milley s'est apparemment vu comme sauvant le pays d'un coup d'État, mais en fin de compte, c'est lui qui a fait plus pour exécuter un coup d'État que quiconque le 6 janvier.
» Rien de tout cela ne correspond à la routine, et il est incroyablement insultant que le Pentagone pense qu’il peut balayer tout cela sous le tapis avec un tel blanchiment [les tweets de Miller].
» Ce que Milley a fait avec la complicité de Pelosi est la plus grande rupture de l'ordre constitutionnel dans l'histoire moderne. Nous avons eu un général qui s’est essentiellement déclaré dictateur militaire, qui a appelé des adversaires étrangers pour leur faire savoir qu’il les soutenait et qu'il était prêt à trahir son propre pays en leur donnant des informations. Et pour quelle raison ? Il n’y a aucune preuve que Donald Trump allait ordonner une attaque contre la Chine. Les actions de Milley ont plutôt été motivées par une sorte de délire de “Complexe de Dieu”.
» Mais même si vous supposez que Trump allait faire quelque chose de dangereux (ce n'était pas le cas, mais supposons-le), l’obligation de Milley serait de refuser l'ordre, de démissionner et d'en informer le Congrès. Ce ne serait pas à lui de passer des appels secrets aux Chinois pour leur faire savoir qu'il va leur fournir des informations.
» C’est le genre de chose que les républicains ne peuvent pas laisser passer. Il doit y avoir des répercussions ici ou nous cessons d'être une nation fonctionnelle. Si cela signifie que le DOJ dirigé par les républicains doit agir en 2025, qu'il en soit ainsi. »
Cette publication censée révéler une bien étrange vérité et clarifier la confuse situation des dernières semaines de la transition Trump-Biden, n’éclaire rien ni ne rassure personne tant elle introduit de données variables et soumises aux perceptions et aux manœuvres des uns et des autres. Ainsi de la réaction de Trump.
L’ancien président a été interviewé par Sean Spicer du réseau TV NewsMax, repris par FoxNews, et si sa réaction est furieuse à propos des faits tels qu’ils sont rapportés s’ils sont vrais, elle l’est d’abord et surtout par une mise en doute des “des faits tels qu’ils sont rapportés”. C’est une réaction logique par rapport à la personnalité et à la psychologie de Trump : il a bien de la peine à admettre que, lui étant président, les généraux & toutes leurs compagnies aient songé à le trahir d’une aussi vilaine façon, c’est-à-dire en s’appuyant sur la conviction qu’il était lui-même en état de démence et d’irresponsabilité. Du coup, il reporte essentiellement sa colère sur Woodward-Costa, et éventuellement sur Milley en l’accusant d’avoir fabriqué une FakeNews où lui-même, Trump, passe pour un simplet déboussolé.
« “Donc, tout d’abord, si c’est réellement vrai, ce qui est difficile à croire, ce fait qu’il aurait appelé la Chine et fait ces choses et qu'il était prêt à les conseiller à propos d’une attaque ou à les informer à l’avance d'une attaque, c'est une trahison”, a déclaré Trump à Sean Spicer dans le segment “Spicer & Co”.
» “J’ai reçu tellement d'appels aujourd'hui disant que c’est de la trahison, ça c’est une chose”, a poursuivi Trump. Reconnaissant qu’il a été dur avec la Chine en ce qui concerne le commerce et le COVID-19, il a poursuivi en décrivant l'idée qu’il aurait voulu attaquer unilatéralement la Chine comme “totalement ridicule”.
» Dans une déclaration publiée peu après son interview sur Newsmax, Trump a demandé à Milley de démissionner, émettant une théorie selon laquelle Milley a fabriqué lui-même cette histoire et l'a ‘fuitée’ Woodward et Costa, qu'il a décrit comme des journalistes “qui écrivent de la fiction, pas des faits”.
» “Pour mémoire, je n'ai jamais pensé à attaquer la Chine, – et la Chine le sait bien. Les gens qui ont fabriqué cette histoire sont malades et déments, et ceux qui l'impriment sont tout aussi mauvais. En fait, je suis le seul président depuis des décennies qui n'a pas entraîné les États-Unis dans une guerre, – un fait bien connu qui est rarement rapporté”, a ajouté Trump. »
Milley a émis ou fait émettre c'est selon, quelques démentis égarés sur ces diverses affirmations, assortis de quasi-félicitations de Biden et agrémenté d’autres explications vaseuses. Cette pseudo-noyade de poisson ne règle rien, sinon la volonté de Milley de garder son poste et son statut de guerrier-bureaucrate, et ainsi lui permettant de trouver une bonne place honnêtement rémunérée dans tel ou tel conseil d’administration de tel ou tel fabricant d’armements. Strictement aucun intérêt, n’entamant en absolument rien les effets des écrits de Woodward-Costa...
Par conséquent, cet épisode extraordinaire n’est évidemment pas fini et nous ne sommes d’ailleurs pas près d’en connaître, ni le fin mot, ni la vérité de simulacre. Il va évidemment participer au renforcement de la passion de feu qui déchire “D.C.-l’hyperfolle”,
tant il constitue un moyen de pression sur le pouvoir en place (démocrates, Biden, wokenistes et le reste) et sur ce qu’il proclame être la validité et la légitimité de sa position ;
tant il constitue un renforcement de la frustration du camp des vaincus temporaires (républicains, Trump, conservateurs et populistes), de plus en plus convaincus d’avoir été trompés, trahis, manipulés, etc.
Surtout, et pour ce qui nous intéresse, il constitue un épisode important illustrant l’étrange développement de la position de l’armée US dans l’actuelle et extraordinaire situation. Cela est d’autant plus le cas qu’en même temps que nous est rapporté le comportement si original de Milley, on nous invite à noter l’intervention de plusieurs sources militaires dénonçant avec une extrême insistance ce qui est décrit comme la “puissance montante” dangereuse et menaçante, essentiellement dans le domaine nucléaire stratégique, de la Chine.
Là aussi, toutes ces interventions se font sous le commandement du même général Milley qui, il y a huit mois, – selon Woodward-Costa dont il faut bien envisager qu’ils donnent des informations importantes et assez proches de la réalité, – parlait sans doute amicalement avec des généraux chinois pour les avertir d’une possible attaque, pour promettre de leur passer un coup de fil si l’attaque allait avoir lieu, etc...
(Curieux spectacle, sans doute, si Trump n’a pas raison et si la conversation a eu lieu, de promettre d’avertir les Chinois qu’une attaque nucléaire va avoir lieu, – comme si cet avertissement avait quelque efficacité que ce soit, sinon de déclencher une riposte chinoise contre les USA. Cette remarque n’est faite que pour rendre compte du “climat” qui règne dans les cercles dirigeants de Washington D.C. avec ces hypothèses d’attaque nucléaire comme s’il s’agissait d’une chronique courante, et de ce que doivent en penser les Chinois, – se rapprochant du coup de plus en plus du jugement russe sur les USA, d’un climat de complète démence.)
Comme on l’a noté, la révélation de l’éventuelle intervention de Milley aux “amis chinois” apparaît fort d’autant plus étrange et abracadrabantesque c’est selon, lorsqu’on cite l’intervention de l’adjoint du général Milley, le vice-Président du Comité des chefs d’état-major, le général John E. Hyten., qui précède d’un jour les “révélations” vraies-fausses de Woodward-Costa, et les affirmations lors d’une conférence sur le renseignement du directeur de la DIA (disons la CIA du Pentagone, ou Defense Intelligence Agency), le général Berrier, qui suivent d’un jour le même incident :
« L’augmentation exponentielle des forces nucléaires de la Chine fait partie d'une stratégie de Pékin visant à imiter les forces nucléaires de la Russie, a affirmé mardi le directeur de la Defense Intelligence Agency.
» Le lieutenant-général Scott Berrier, chef de la DIA, a déclaré que les forces militaires chinoises progressent à la fois sur le front conventionnel et sur le front nucléaire, les éléments nucléaires étant parmi les aspects les plus préoccupants.
» “Lorsque nous parlons de menaces existentielles, la triade nucléaire dont disposent les Russes est crédible et efficace, et je pense que les Chinois considèrent cette triade nucléaire comme un objectif qu'ils aimeraient avoir”, a déclaré le général Berrier. »
Ce que dit le général Berrier vient donc renforcer la conférence qu’on signalait plus haut, du général Hyten. Lui aussi, le général Hyten, dénonce un “formidable” renforcement de la puissance chinoise, notamment dans le domaine du nucléaire éventuellement stratégique.
Le rapport de l’intervention de Hyten par RT.com encore est intéressant car on trouve dans ce cas une division en deux, sinon trois, du texte du rapport, faisant la part belle aux avertissements de l’orateur de tout faire pour éviter un conflit impliquant les trois grandes puissances (USA, Russie et Chine), avec une deuxième partie concernant la crainte que les USA ont de ce qu’ils jugent être un surarmement nucléaire agressif de la Chine. On trouve, par exemple dans un long compte-rendu de Air Force Magazine, qui représente le lobby très puissant de l’USAF évidemment avec une tendance à un soutien inconditionnel à la puissance US et à la dénonciation de puissances concurrentes, une orientation complètement différente, mettant un accent maximum sur ce que les militaires US estiment être le danger gravissime que la Chine représente de plus en plus pour les USA.
De la première partie de cet article de RT.com, qui est dans ce cas nettement inspiré de la position fondamentale de la Russie (et certainement suggéré par la direction politique russe comme sont certains articles de RT.com qui joue dans certains cas le rôle de porte-parole officieux du Kremlin, – il ne faut pas s’en cacher à cet égard pour mieux comprendre pour notre cas la politique fondamentale de la Russie), on reprend ceci qui met en évidence le danger d’un affrontement nucléaire et où le général Hyten se montre particulièrement arrangeant pour la Russie :
« Alors que les stocks nucléaires mondiaux augmentent et que les pays améliorent leurs ogives et leurs fusées, il existe un besoin presque sans précédent de désamorcer les tensions et d'éviter l'armistice atomique, a déclaré l'un des plus hauts gradés américains.
» S'exprimant lors d'une réunion organisée par le groupe de réflexion de Washington, la Brookings Institution, le général John E. Hyten, vice-président des chefs d'état-major interarmées des États-Unis, a mis en garde contre les risques d'une spirale de conflits incontrôlés et a exprimé l'espoir que des esprits plus calmes puissent prévaloir. “Nous n'avons jamais combattu l'Union soviétique”, a-t-il déclaré. “En ce qui concerne les grandes puissances, notre objectif est de ne jamais entrer en guerre avec la Chine et la Russie.”
» Selon Hyten, un tel événement “détruirait le monde et l'économie mondiale. Ce sera mauvais pour tout le monde, et nous devons nous assurer que nous ne nous engageons pas dans cette voie.” Cependant, a poursuivi le général, les accords précédents entre Moscou et l'OTAN après la chute de l'URSS ont conclu que “la Russie n'était plus une menace.” Dans le même temps, cependant, il allègue que les Russes “modernisaient l'ensemble de leur arsenal nucléaire." Cela, dit-il, était sans doute dû au fait “qu’ils s’inquiétaient de l’attitude des Etats-Unis”.
» Des progrès ont été réalisés dans l'amélioration des relations entre les deux pays, a affirmé M. Hyten, mais on est encore loin d'une stabilité totale. »
Le ton est donc complètement différent avec le cas de la Chine, rejoignant la tendance signalée avec l’article de Air Force Magazine. Hyten joue clairement le jeu habituel chez les dirigeants US de la recherche d’une séparation, voire d’une opposition entre la Russie et la Chine. Il oppose de facto, – et selon notre point de vue, sans beaucoup de chance d’y parvenir tant sa démarche est cousue de fil blanc, – la Russie et la Chine, en opposant la “sagesse” russe de rechercher un arrangement avec les USA, et une soi-disant agressivité chinoise qui conduirait à un affrontement, avec l’accusation sous-jacente quez :la Chine chercherait à faire “cavalier seul” dans les rapports des forces nucléaires. Cela correspond au schéma primaire des USA d’opposer les deux puissances alliées, qui démontre plutôt l’aspect infantile des conceptions stratégiques de communication du Pentagone, comme des autres centres de sécurité nationale US, et surtout une profonde méconnaissance de l’état d’esprit des deux pays et de leur méfiance profonde des États-Unis. Cet infantilisme grossier de la direction US est surtout la marque du désordre et de la néantisation de la pensée stratégique US en général, en fonction de l’effondrement de la puissance de ce pays, et du refus de prendre conscience de cet effondrement par pure ré »action d’hybris à propos de l’“exceptionnalisme” de l’américanisme.
« Toutefois, [Hyten] a déclaré que Washington s'inquiète de plus en plus de l'absence de mesures similaires [de celles mises en place avec la Russie] avec la Chine, un pays qui, selon lui, connaît “une modernisation nucléaire sans précédent qui devient maintenant publique... vous voyez apparaître des centaines et des centaines de silos fixes”.
» “Et d'ailleurs, il n'y a aucune limite à ce que la Chine peut mettre dans ces silos [en fait de types et de puissance des missiles]”, a prévenu le haut responsable du Pentagone. "Nous sommes limités avec la Russie à 1 550 têtes nucléaires déployées, donc nous devons décider où nous voulons les mettre, – sous-marins, ICBM... cela met une limite à ce que nous avons. En Chine, il n'y a pas de limite... il faut se demander pourquoi ils se dotent de cette énorme capacité nucléaire.” »
En conclusion, l’article de RT.com revient sur le point essentiel pour la Russie, qui est de mettre en évidence que le danger principal vient des USA, ce qui dénote la volonté de russe (celle du Kremlin dans ce cas, pas de RT.com) de ne partager en aucune façon l’accusation US selon laquelle la Chine devient la puissance agressive à stopper. De ce point de vue, les Russes restent inébranlables : pour eux, la Chine reste un allié prioritaire dans tous les domaines, et ici dans le domaine stratégique nucléaire, face à des USA complètement irresponsables..
« En décembre, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Riabkov, a prévenu que c'était Washington, et non Moscou, qui augmentait le risque d'escalade fatale en stationnant des armes nucléaires sur un sol étranger en Europe.
» Ryabkov a déclaré que le Kremlin “espère que les États-Unis cesseront de 'partager' des armes nucléaires avec leurs alliés et de déployer des armes nucléaires dans des pays qui n'en possèdent pas... Évidemment, cela conduit à la déstabilisation ; en outre, de nouveaux risques apparaissent.” »
Maintenant, on revient à l’évidente comparaison qu’il faut établir entre l’attitude et les actes rocambolesque du général Milley, chef militaire d’une extraordinaire médiocrité intellectuelle et totalement factieux sans le moindre souci de ses obligations constitutionnelles d’une part, et d’autre part la position stratégique des USA alimentée par des fantasmes bellicistes et catastrophistes du Pentagone. Le spectacle est absolument consternant et marque l’effondrement des structures de pensées et des comportement des militaires US et l’éclatement incohérent des initiatives du PMentagone, à l’image de ce qu’il se passe dans tous les domaines du pouvoir US. Il n’y a plus rien qui puisse seulement ralentir l’effondrement US, dans tous les domaines du pouvoir américanistes. Si certains pouvaient entretenir l’illusion que les militaires gardaient la tête froide dans ce désordre général comme ils l’ont montré dans les années de la décennie 2000 (notamment face aux manœuvres des bellicistes US contre l’Iran), il est temps de les démentir pour nous faire revenir au réel : les militaires sont comme les autres, sinon pire...
Comment croire une seconde que le comportement pathologique et démentiel d’un Milley, qu’il a montré pendant plusieurs mois vis-à-vis de Trump, ne se signale pas également dans les évaluations “raisonnables” d’un Hyten, comme dans celles de la DIA. Il s’agit de tentatives bureaucratiques de paraître encore rationnels dans les évaluations, domaine dans lequel les militaires US ont toujours déployé des simulacres de panique à côté de la gloire qu’ils ont toujours cultivée pour chanter les louanges de la puissance US. (Qu’importe si ceci contredit cela.)
Il n’y a aucune raison de croire que ces évaluations, même si elles s’appuient sur ce qui est présenté comme des faits, ne soient pas imbibés de l’espèce de démence qui marque tous les dirigeants US, y compris dans l’évaluation de faits objectifs (les silos chinois en question, destinés à recevoir des ICBM monstrueux selon la vision hollywoodienne-blockbuster des chefs militaires). De toutes les façons, nous serions dans la direction militaire chinoise, que nous pousserions évidemment à un surarmement stratégique nucléaire devant la démence collective qui s’est emparée du pouvoir US, y compris des militaires qui se précipitent dans cette pathologie avec un empressement maniaque... Comment interpréter autrement le comportement du général Milley qui avertit son confrère chinois d’une possible attaque imminente des USA, et les appréciations prétendument rationnelles sur la course à la puissance stratégique de la Chine du général le Hyten qui sont évidemment partagées par le général Milley, par le simple constat qu’il est son supérieur hiérarchique diurect.
Face à cela, où en est le pouvoir US, le pouvoir dit “suprême” du président ? Cette passe d’armes surréaliste au Sénat, entre un sénateur républicain et le Secrétaire d’État Blinken se contentant de quelques sourires et quelques balbutiements de dénégation presque hallucinées devant la même question sur Biden-marionnette qui lui est répétée 3-4 fois, en donne une bonne et sympathique idée :
« Le sénateur républicain James Risch a exigé mardi de savoir qui est chargé de couper le micro de Joe Biden lorsqu'il s'écarte du script, comme cela a été le cas à plusieurs reprises au cours des derniers mois. Lors d'une audition devant la commission sénatoriale des affaires étrangères, M. Risch a demandé au secrétaire d'État Anthony Blinken qui “prend les décisions”.
» — L'une des choses que nous avons besoin de connaître pour aller au fond des choses est de savoir qui est responsable de cela ? Qui a pris les décisions ?”’ a déclaré Risch, faisant référence à la débâcle de Biden en Afghanistan.
» — Euh... ”
» — Biden ne peut même pas parler sans que quelqu’un à la Maison Blanche ne le censure ou ne l’interrompe... C’est une prestation de marionnettiste, si vous voulez, et nous devons savoir qui est en charge et qui prend les décisions...”
» — Euh... ”
» — Il n'y a pas assez de rouge à lèvres dans ce bas-monde pour barbouiller cette cochonnerie, pour qu’elle ait l’air différente de ce qu’elle est en réalité”, a ajouté M. Risch au sujet du gâchis afghan, ajoutant : “Le peuple américain veut savoir qui est responsable de cela ?”
» — Euh... ”
» — Quelqu'un à la Maison Blanche a-t-il l'autorité d'appuyer sur le bouton et de faire taire le président, de couper la parole et le son du président. Qui est cette personne ?” a encore demandé Risch directement à Blinken, qui a nié que cela s'était déjà produit ou qu'une telle personne existât jamais [ — Euh...]. »
Nous voilà rassurés... Lorsqu’on observe que nombre d’Européens, y compris des soi-disant antiSystème et des stratèges analystes de la situation géostratégique, y compris en France nombre de pseudo-gaulliste, se réfèrent encore, dans leurs automatismes d’une pensée réduite à ce piètre pavlovisme à la puissance stratégique US comme à une force stable et démocratique protégeant la situation stratégique du bloc-BAO, on se confie à soi-même des choses assez attristantes et désabusées. Les vertus de la modernité-tardive, démence, aveuglement et bienpensance, sont parfaitement distribuées : comme les vaccins, chacun a ses doses, deux, trois, quatre, mille s’il le faut.