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19943 juin 2014 – Le 70ème anniversaire du débarquement du 6 juin 1944 aura un aspect grandiose puisque la narrative officielle est qu’il s’agit de saluer dignement l’événement qui sauva le monde en faisant basculer la guerre. (Pour information à ce sujet, notamment sur le rôle respectif des alliés dans le sort de la Deuxième Guerre mondiale, voir le 9 mai 2014.) Puisqu’il le fallait bien et puisqu’effectivement la Russie, sous le vocable d’URSS, joua tout de même un rôle dans ce conflit (elle fit la décision en 1943, un an avant le D-Day de Normandie), la France a maintenu, avec la magnanimité qu’on lui connaît, son invitation au président de la Russie de participer à cette commémoration, avec dix-sept autres chefs d’État et de gouvernement... Magnanimité française, label-Hollande, puisque la Russie et Poutine ont le rôle scandaleux qu’on sait dans la crise ukrainienne, – mais enfin, puisqu’il s’agit de fêter l’acte fondateur de l’“occidentalisation” du monde à laquelle la Russie finira bien par céder un jour, espère-t-on dans les milieux experts de la psychologie exceptionnaliste du bloc BAO, – bref, “invitation maintenue” (titre d’une dépêche de Novosti le 6 mai 2014 : «Poutine toujours invité aux cérémonies du Débarquement 1944») et acceptée (Novosti, le 8 mai 2014).
... Mais il se trouve que cette occurrence délicate où se mêlent narrative historique et narrative en cours débouche soudain sur une remarquable partie de billard à nombreuses bandes. Poutine-le-pestiféré, qu’on imagine placé dans un coin et ignoré du monde civilisé durant les cérémonies du 6 juin, devient brusquement Poutine-le-sollicité. C’est l’inimitable Sarko qui a fait basculer la perception de la chose, dans une saga qu’il a déclenchée, où se mêlent diverses politiques intérieures et l’habituelle politique extérieure liant les uns et les autres. Brusquement, on découvre que nombre d’entre ces dirigeants-Système voudraient bien pouvoir au moins serrer la main de Poutine en exclusivité et en tête-à-tête, pour les besoins de leurs causes diverses, qui est uniquement de communication.
Le coup de Sarko est annoncé dès le 31 mai 2014 par L’Express : «François Hollande recevra son homologue russe, Vladimir Poutine, le 5 juin, avant de l'accueillir de nouveau, le lendemain, en compagnie d'autres dirigeants internationaux (dont le président ukrainien), pour les commémorations du Débarquement en Normandie... [...] Mais, avant lui, c'est Nicolas Sarkozy que le président russe va rencontrer...» Cela est fait le 2 juin 2014 (ici, selon RTL, relayant l’AFP), et cela tombe d’autant mieux que Sarko accompagne sa femme Carla Bruni qui donne quelques concerts en Russie, – et qu’il laisse pour une demi-journée, le temps d’un déjeuner à Sotchi :
«“Je l'ai rencontré, on a même déjeuné ensemble”, a-t-il déclaré ce lundi 2 juin à l'Agence France-Presse à l'issue du concert, sans préciser le lieu de cette rencontre. Interrogé sur la teneur de ses entretiens avec Vladimir Poutine, Nicolas Sarkozy – éclaboussé en France par l'affaire Bygmalion – n'a pas répondu.» Imperturbable, Novosti confirme (le 2 juin 2014), en précisant que la chose s’est passée à Sotchi («Le président russe Vladimir Poutine a eu lundi une rencontre informelle avec l'ancien président français Nicolas Sarkozy à Sotchi, sur le littoral russe de la mer Noire, a annoncé le porte-parole du président russe Dmitri Pechkov. “La rencontre s'est tenue à Sotchi. C'était un entretien informel”, a indiqué M.Pechkov sans fournir d'autres détails»).
C’est un rude coup pour Hollande et un coup de maître pour Sarko, observent les spécialistes de la com’ (dito, la communication), laquelle est en la matière la référence évidente, – si évidente qu’on finirait par la confondre avec la bonne morale-Système. Hollande est à peu près à autour de 15% d’opinions aimables des Français, et pas moins de 3% des mêmes Français souhaiteraient le voir réélu en 2017. Situation difficile... Ainsi, l’habile Hollande, écartant son indignation ukrainienne courante, compte-t-il sur sa rencontre du 5 juin (avec Poutine) pour renaître comme grand “re-structurateur” de la politique du monde. (Dans le texte de L’Express cité plus haut : «Hollande recevra son homologue russe, Vladimir Poutine, le 5 juin... [...] Une grosse séquence diplomatique, dont le chef de l'Etat français veut profiter pour jouer un rôle de médiateur dans la crise en Ukraine.»)
Las, l’intervention de Sarkozy, dont on connaît les bonnes relations avec Poutine, coupe une partie de l’herbe sous les pieds du président-poire. On ne sait ce dont ils ont parlé, Poutine-Sarko, mais l’on sait bien qu’on ne peut imaginer qu’ils n’en aient pas parlé ; Sarko nous dira donc un jour qu’il a demandé à son ami Vladimir de se montrer “sympa” avec le président français “en exercice”, tout en disant qu’il comprend fort bien, lui, les arguments de la partie russe dans la crise ukrainienne. Sarkozy ne rêve que d’une chose : revenir sur la scène où il a sa place puisqu’on a trouvé plus pitoyable que lui, et pour cela trouver un angle d’attaque inédit qui aurait en plus la vertu de l’aider à se tenir éloigné, – autant que faire se peut, – des multiples éclats balancés par l’explosion de l’affaire Bygmalion. Il est raisonnable de supputer que l’agile Sarko devrait être tenté par une position beaucoup plus nuancée que le standard-BAO sur la crise ukrainienne, position beaucoup moins furieusement antirusse, etc. Cela donne de l’originalité, cela rejoint par pure opportunité le bon sens politique et répond à une sympathie assez répandue de l’opinion française à l’égard de la Russie, et de Poutine malgré tout.
Il s’agit d’une rencontre notable entre une politique intérieure (en France) et la politique extérieure. Avec son intervention dont on suppose aisément le sens, Sarkozy met en évidence la contradiction actuelle de la politique française, – entre sa traditionnelle tendance à rechercher une proximité de la Russie, et la fureur antirusse qui s’est développée ces derniers mois selon la tendance surpuissante de la politique-Système. Aujourd’hui, Hollande, à la dérive comme on le voit, devrait juger qu’il trouverait certains avantages à concrétiser cette idée du “rôle de médiateur”. Cela pourrait lui redonner un certain lustre, presque une posture présidentielle dans ces temps de disette.
D’autre part, une telle orientation permet d’envisager, si l’on est optimiste, une amélioration des rapports généraux avec la Russie, et de rendre par conséquent plus aisé d’aborder tel ou tel dossier très brûlant. En fait de dossier brûlant, l’on pense aussitôt au contrat du porte-hélicoptère Mistral (2 unités + 2 unités), qui doit commencer à être exécuté en octobre avec la livraison à la Russie de la première unité. Hollande sait qu’il entre dans des eaux dangereuses, avec une probable campagne antifrançaise dont on devine par avance la puissance hystérique, notamment venue des USA pour toutes les bonnes causes du monde. Une poignée de parlementaires US ont déjà envoyé une lettre à l’OTAN suggérant que cette digne organisation rachète les Mistral destinés à la Russie ; curieuse initiative qui semble décider pour la France, qui développe une formule totalement irréalisable, qui témoigne effectivement de l’hystérie latente à Washington dont nous goûterons la saveur lorsqu’on passera aux choses sérieuses en octobre.
Pour autant, la contradiction et les convulsions du jugement politique ne sont pas l’apanage des Français. Il faut, à cet égard, revenir à la commémoration du D-Day de 1944 qui reste le pivot de notre réflexion (?), pour apprendre par exemple que les Britanniques et les Russes ont négocié victorieusement une rencontre Cameron-Poutine en marge des cérémonies. Quoi qu’en disent les Britanniques, et même s’ils n’en disent rien, c’est bien Cameron qui a lancé l’idée de cette rencontre, pour ne pas laisser aux Français (rencontre Hollande-Poutine le 5 juin) l’initiative diplomatique en Europe. Tout cela se passe le lendemain du sommet du G7 à Bruxelles, – c’est-à-dire du G8 sans la Russie, qui en a été exclue pour cause de Crimée, – si bien qu’on se demande s’il n’aurait pas été plus aisé de conserver le format G8 pour faciliter les rencontres avec Poutine.
The Independent rapporte, le 2 juin 2014, la version officielle et britannique de la présentation de cette rencontre. (On a pris grand soin de l’équilibrer avec une rencontre entre Cameron et le “roi du chocolat” et président ukrainien Porochenko, également invité à la célébration, sans doute pour le rôle fondamental de ses entreprises commerciales dans la libération du continent. Certes, notre époque adore le symbolisme, surtout lorsqu’il s’agit d’expliquer une politique incompréhensible, mais la présence de Porochenko à cette commémoration du 6 juin reste tout de même une attraction notable de l’imagination postmoderniste.)
«The Cameron-Putin talks will take place the day after G7 leaders gather in Brussels for a summit at which the turmoil in Ukraine will be high on the agenda. [...] Mr Cameron’s official spokesman said: “It is an important opportunity to set out the importance of a dialogue between the Russian government and the new Ukrainian government following the presidential elections.” He dismissed suggestions the talks were an attempt to “make peace” with the Kremlin and said Britain remained deeply opposed to the annexation of Crimea.
»Mr Cameron is also due to meet Mr Poroshenko at the week’s gathering of world leaders in Normandy.»
Mais, direz-vous, et Obama pendant ce temps ? Est-il possible que l’“homme le plus puissant du monde” à la tête de la “nation indispensable” ne figure pas dans ce brillant jeu de billard autour de Vladimir Poutine ? Sans aucun doute, BHO broie du noir, sans rire et sans ironie déplacé. Les conseillers américanistes du président sont assez peu satisfaits de la tournure prise par les événements, ces rencontres et ces tête-à-tête de-ci de-là. Mais il avait été dit par avance que l’on s’en tiendrait au minimum minimorum...
«Les présidents américain et russe, Barack Obama et Vladimir Poutine, auraient des contacts informels en France le 6 juin, lors des commémorations du 70e anniversaire du débarquement des troupes alliées en Normandie, a supposé vendredi un porte-parole de la Maison Blanche.
»“Nous ne nous attendons toutefois à aucune rencontre formelle”, a déclaré devant les journalistes à Washington le représentant de l'administration américaine. Et d'ajouter que MM. Poutine et Obama participeraient à un déjeuner commun et à une rencontre des dirigeants de pays invités à la cérémonie. “Ils pourront par conséquent communiquer, mais aucune rencontre formelle n'est prévue”, a précisé le responsable.»
Encore n’a-t-on pas parlé de l’étrange gymkhana qui va se dérouler à Paris, jeudi... En effet, il a fallu caser deux rencontres successives de notre président-poire, successivement avec ses homologues US et russe, – dans cet ordre d’importance et de sentiment, on le devine et on l’espère... Cela donnera une intéressante perspective de l’avant-soirée et de la soirée du président Hollande, après-demain, avec deux dîners successifs. C’est ce que détaille avec gourmandise une dépêche d’AP, le 2 juin 2014, tout en ajoutant les précisions convenues et prudentissimes concernant la rencontre Hollande-Poutine.
«French and Russian diplomats in Paris said that Hollande will host two consecutive dinners Thursday. Obama comes first; then two hours later it's Putin's turn, they said, speaking on condition of anonymity to be able to discuss the plans before they are publicly formalized. “As host of many different countries, he's having a range of separate meetings,” Obama's foreign policy adviser Ben Rhodes said of Hollande Friday. “But there will not be a trilateral dinner that evening between the three of them. It's just a one-on-one.”
»One of the meals might take place outside the presidential palace, a French diplomatic official said. That would reduce the likelihood that Obama and Putin might run into each other. A Russian diplomatic official said the schedule is being carefully measured to ensure that each visiting president gets sufficient time with the French leader.
»France, with substantial trade, banking and energy ties to Russia, has been more cautious on sanctions than the U.S. or some European countries. Hollande defended his decision to keep Putin on the invitation list for the D-Day ceremonies. Despite differences over Ukraine, Hollande said last month, “I will never forget that the Russian people gave millions of lives” in World War II fighting against the Nazis.
»A French diplomatic official on Monday played down talk that Hollande was trying to play peacemaker and bring Obama and Putin together. The official insisted that France remains committed to keeping up pressure on the Kremlin to help calm violence in Ukraine.»
Tout cela permettant d’enchaîner sur une sorte de nouvelle miraculeuse, – car qui aurait pu penser à une telle occurrence sous le règne du président-poire ... Il semble en effet, selon rien moins que Business Week de ce 2 juin 2014, que nous allions vers une période de tension entre les USA et la France. C’est à ce point que nous revenons à la méchante affaire des Mistral destinés à la Russie, en même temps qu’à divers autres sujets de mésentente (Paribas, GE-Alstom, etc.), qui représentent du pain béni pour les divers neocons-R2P de Washington D.C., appuyés par leurs clones du parti des salons à Paris. Cela pourrait aller jusqu’à mettre le président-poire en mauvaise posture, – une fois de plus, certes, – sur ce sujet de la politique extérieure, parce que ce même président-poire devrait s’attacher à résister aux pressions de nombre de centres d’influence qui l’ont soutenu jusqu’ici, dans des occurrences (le contrat des Mistral) dont on comprend qu’elles interfèrent directement sur la situation économique et sociale du pays. (Pour suivre cet exemple essentiel, – on sait bien que la non-exécution par la France du contrat Mistral serait une catastrophe, et pour le trésor français, et pour les chantiers qui fabriquent le navire, à l’heure où le chômage poursuit sa courbe ascendante, etc.)
«France is selling weapons to Russia in defiance of American efforts to isolate President Vladimir Putin. The U.S. is preparing to slap France’s largest bank with a fine that could top $10 billion. French government ministers have sought to derail General Electric Co.’s bid for France’s top energy-equipment maker. As Barack Obama and Francois Hollande prepare to meet on a Normandy beach this week to mark the 70th anniversary of D-Day, the relationship between the countries is getting chillier. “We are transitioning to an era where the bilateral relationship with the Americans, and the broader EU, is looking more difficult for the French,” said Mujtaba Rahman, the head of the Europe practice at political consultancy Eurasia Group...
»While France and the U.S. are still working together on a range of issues, they’re drifting apart in some key areas as Hollande grapples with a stagnant economy and the rise of the anti-EU National Front, which advocates ending the transatlantic alliance. France, Europe’s second-largest economy, will be critical to progress on a proposed EU-U.S. trade deal. “The French government has so many problems on its hands, and we can’t blame them on the U.S.,” said Philippe Moreau Defarges, a researcher at the French Institute of International Relations in Paris.»
Laissons les commentaires cités ici, qui sont d’un conformisme recyclé très courant lorsqu’il s’agit des relations franco-américanistes, et observons que même dans cet état d’inversion presque complète où on la voit la France ne parvient pas à figurer comme l’allié parfait qu’elle voudrait être pour les USA. A cet égard, l’incursion de Sarko, pressé d’échanger un dîner avec Poutine contre des rumeurs venues de Bygmalion, pourrait amener à d’intéressantes situations, en exerçant involontairement une pression “sur la gauche” (façon de parler) de Hollande, en le conduisant à chercher d’autant plus une sorte de raccommodement avec Poutine pour ne pas laisser ce champ libre à son adversaire politique. (A noter d’ailleurs que Sarko peut trouver dans les débris de l’UMP quelques alliés de poids dans cette poussée, notamment en la personne de Fillon qui reste partisan d’une entente avec la Russie.)
Du côté US, aucun arrangement ne semble possible, parce que cette puissante “superpuissance“ est totalement prisonnière de sa communication, de ses relations publiques, de ses narrative et des publicistes qui les rédigent. Obama ne peut songer une seconde à se débarrasser de l’emprise de ses divers extrémistes-Système, sans autre raison que l’acquiescement à un conformisme de fer établi depuis la fin de la Guerre froide. Le président des USA est prisonnier de ses représentations de communication, et il ne songe pas une seconde à cette idée qu’un prisonnier peut envisager de s’évader de la prison où il s’est enfermé lui-même pour réaliser l’un ou l’autre projet intéressant. Il y aurait donc quelques possibilités qu’Obama suive la piste habituelle de la communication dans ce genre de circonstances et, constatant qu’il ne peut lui-même avoir l’audace d’envisager un arrangement avec Poutine et la Russie, il se retournerait contre la France, pourtant devenue si vierge de toute audace souveraine, pour en faire le bouc-émissaire de ses propres occasions perdues.
Mais cessons à ce point de conjecturer, pour observer la situation générale et la vérité de cette situation. Il faut voir qu’il s’agit de la commémoration d’un événement historique et nullement d’une initiative diplomatique de l’un ou de l’autre, et que c’est à cette occasion qu’on envisage certains aménagements diplomatiques. On a besoin d’occasions nullement diplomatiques pour envisager des initiatives diplomatiques d’ailleurs sans audace excessive. Il faut voir également que ces aménagements diplomatiques à l’occasion d’un événement qui ne l’est pas, sont éventuellement favorisés par des concurrences et des querelles politiques internes du plus bas niveau, et par des positions de dégradation pathétique de popularité et de légitimité des uns et des autres, dans leurs propres pays. Là aussi, aucun argument diplomatique, aucune vision, aucune stratégie diplomatiques, mais l’occasion qui se présente, avec des effets qu’on espère favorables sur des fortunes politiques individuelles.
La séquence actuelle nous montre le vide extraordinaire de toute conceptualisation de la situation politique, l’absence complète de jugement substantiellement politique et donc de substance, bref la non-existence de la politique dans ce maelstrom de postures, de réceptions et de cérémonies. Il n’y a rien qui doive nous étonner selon la logique de la situation, mais cette si complète absence de raison de s’étonner devant un tel désert politique reste en soi, considérée de haut, un grand motif d’étonnement. L’on est conduit au constat que le monde civilisé que prétend représenter le bloc BAO s’est à la fois habitué et adapté à son propre vide avec une exceptionnelle rapidité, et en cela (la rapidité) réside le motif de l’étonnement.
L’effet intéressant de cette situation, – un bien pour un mal, certes, – c’est la confirmation sans cesse grandissante de la non moins extraordinaire faiblesse des “politiques” suivies, justement à cause de leur absence complète de substance qui en fait des artefacts mous privés de la moindre colonne vertébrale. On découvre évidemment que c’est le cas pour la crise ukrainienne et, au-delà, pour la politique qu’on voudrait adopter vis-à-vis de la Russie. La croisade furieuse et tonitruante du bloc BAO, appuyée sur des himalayas de narrative et de falsifications, scandant à la fois la puissance de l’unité collective de la civilisation (par conséquence contraire l’“isolement“ coupable de la Russie) et la valeur morale intangible de la cause, peut se trouver en danger d’effritement et de dissolution avec une aussi grande rapidité que le reste. Cela n’est nullement pour suggérer qu’il faille s’attendre à des virages importants de politique, car l’enfermement dans le Système reste complet, mais plutôt qu’il faut s’attendre à l’accentuation des divisions internes, à la radicalisation toujours en augmentation des plus extrémistes, – ceux qui ont peu de choses à risquer et qui sont loin du champ de l’affrontement, c’est-à-dire les USA, – contre la tentation de l’accommodement des autres. Cela n’enlève rien non plus à la dangerosité intrinsèque de la crise ukrainienne, comme de toute la situation générale qui en découle, parce que cette dangerosité dépend essentiellement d’événements dont les directions politiques ne sont plus maîtresses, comme le suggère d’ailleurs la faiblesse et l’absence complète de substance de leurs “politiques”. Il s’agit de la pente du processus de la “discorde chez l’ennemi”, processus classique à l’intérieur du Système après une de ces poussées de surpuissance dont il est coutumier, par conséquent d’une fragilisation supplémentaire du bloc BAO, et enfin d’une nouvelle extension du désordre, – aussi bien “désordre chez l’ennemi” (dans le Système) que désordre de la situation générale.
Ainsi n’y en a-t-il qu’un seul, parmi ces acteurs de la tragi-comédie réunis à la commémoration du 6 juin, que l’on n’entend guère, qui ne suscite guère de commentaires. En fait d’audition et de commentaires, il semblerait que l’on puisse dire que la seule chose que l’on entendrait chez Poutine, c’est un sourire sans bruit, sans un mot. Il suffit de laisser filer après avoir tenu, se dit-il ; cela n’assure nullement une victoire quasi-impossible dans le grand désordre du monde mais cela confirme bien l’identité de la source du désordre.
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