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972Dans cette époque sublime par le paradoxe opérationnel et le désordre, ces deux derniers jours et ce qui va suivre dans la foulée, après l’élection du président et Frère Musulman (FM) Morsi, en Egypte, doivent constituer un morceau de choix. Avec une simple sélection de nouvelles venues de sites dont on connaît les tendance, au moment où le président Poutine commence une tournée au Moyen-Orient par une brève rencontre avec le Premier ministre israélien Bibi Netanyahou, on aura un aperçu du nombre et de la complexité des nouvelles échappées trompeuses ou à double et triple significations qui s’ajoutent au labyrinthe déjà en place.
…L’on se dit alors : “Cela doit cacher quelque chose” (en fait de manœuvres vicieuses, de complots, etc.) ; le problème est qu’on aboutit très vite à la nécessité d’une multitude de “quelques choses” totalement contradictoires entre elles pour arriver à installer une explication générale, qui prendrait sinon la forme d’un cercle carré ou d’un triangle à quatre côtés. Nous sommes dans une politique qui n’est pas euclidienne, mais qui n’est pas non-euclidienne non plus… Elle flotte, elle flotte, elle flotte, – mais à quelle vitesse, paradoxalement, comme si elle inventait la “politique du flottement hyper-accéléré”, – paradoxe postmoderniste caractéristique de la Chute, – badaboum, badaboum, badaboum…
Enfin, passons à un florilège très bref de réactions avec l’élection du président-Frère Morsi, et avec quelques évènements autour.
Pour le site WSWS.org, site du trotskisme orthodoxe, avec un travail sérieux et des analyses serrées, et, bien entendu, une ligne trotskiste impeccablement tracée qui correspond à une vision révolutionnaire et anticapitaliste, Morsi est un vendu (comme les Frères Musulmans [FM] en général, certes) qui s’inscrit dans un vaste jeu des forces capitalistes et révolutionnaires. Tout cela est en marche depuis les fourberies de Staline et ses diverses “alliances objectives”, – avec les fascistes, avec les capitalistes et ainsi de suite, – tous contre Trotski, cela va de soi. Pour WSWS.org, les élections ont été trafiquées, et le résultat aligné sur l’accord passé entre le SCAF (le conseil des militaires) et le Président-Frère, avec des engagements de Morsi et des restrictions de ses pouvoirs. L’ingérence et la complicité des USA et du reste du bloc BAO sont manifestes…
«This travesty of democracy, the outcome of a deal between rival factions of the ruling elite that excluded the sentiments and interests of the broad masses of Egyptians, was immediately hailed by Washington and other imperialist powers as a watershed in the “democratic transition” supposedly being carried out under the jackboot of the SCAF generals.»
Le texte ne nous laisse pas le moindre doute à propos de la voie où nous nous précipitons désormais… «The pro-capitalist and pro-imperialist politics of the Muslim Brotherhood were laid out in a friendly interview with the head of the organization, multimillionaire businessman Khairat Al Shater, published Saturday by the Wall Street Journal. Making clear that he favored free-market economic reforms, Shater said, “Our economic vision is close to a modified capitalism.” He went on to declare that the priority of the Muslim Brotherhood was a close “strategic partnership” with the US.»
Le site arabist.net est intéressant à suivre comme une des expressions des milieux d’opposition “libéraux” égyptiens, c’est-à-dire franchement hostile au SCAF et aux militaires, et plutôt incertain vis-à-vis des FM d’une façon générale, par méfiance des tendances islamistes. Pourtant l’accueil fait à l’élection de Morsi est plutôt favorable, dans tous les cas sur le principe, parce que cette élection signifie un recul au moins symbolique du pouvoir des militaires. Un texte d’un contributeur extérieur au site (le 25 juin 2012) était extrêmement laudatif sur l’organisation des FM et sur l’effet de cela sur le climat “démocratique” en Egypte.
«My initial skepticism regarding the Morsi presidency has faded in light of his announced victory. […] The most striking thing about these elections, and probably one of its most important lasting effects, is the accuracy of the independent tallies conducted by the Muslim Brotherhood and its political faction the Freedom and Justice Party. […] If the Muslim Brotherhood continues to use its vast organizing network to conduct the equivalent of reliable exit polling…at Egypt’s 16,000 voting stations during every major election, then Egyptian political culture will gradually begin to shift away from the infamous rigging of the Mubarak.»
L’éditeur du site, Issandr El Amrani, donnait une première analyse de la victoire de Morsi, le 24 juin 2012. Il s’agissait en général d’une appréciation favorable sur le fait que cette victoire représente en soi, selon l’auteur, une victoire de la démocratie par rapport au pouvoir des militaires. Néanmoins, El Amrani énonçait les diverses limitations et incertitudes sur l’exercice de ce pouvoir “démocratique”, indiquant par là son soutien indirect à Morsi et aux FM, toujours contre les militaires, mais aussi les difficultés à attendre de cette “alliance” forcée entre islamistes et modérés à la lumière d’un résultat serré de l’élection présidentielle, illustrant la situation d'un pays coupé en deux.
«But what of a Morsi victory? At the symbolic level, it is important: Morsi is the first democratically elected Islamist president of the Arab world, and also Egypt's first civilian president. His victory signals the defeat, for now, of the felool and the patronage networks of the Mubarak regime. In more practical terms, things are more hazy: it is still unclear what powers he will have, whether he will be operating under SCAF's June 17 Suplemental Constitutional Declaration or whether he will force SCAF to cancel it, he will be working with an elected parliament or SCAF-as-parliament according to the June 14 Supreme Constitutional Court verdict, whether…wether…wether…
«…But alongside with this comes worrying possibilities: an uneasy military-Islamist alliance, perpetually unstable, with the generals undermining the civilians and the Islamists resorting to populist antics in their impotence. It's a different time and a different set of circumstances, but late 1980s Sudan is not exactly an inspiring example of Islamist-military coexistence.»
L’autre grand centre d’intérêt à observer avec attention concerne les réactions israéliennes. Dans la presse, on trouve en général des réactions allant de l’inquiétude à l’expression pure et simple du constat d’une situation catastrophique. (Voir un rapide constat de la chose, le 25 juin 2012 sur PressTV.com.) Ben Caspit, dans Ma’ariv, le 24 juin 2012, reproduit la perception générale en tentant de pondérer les inquiétudes à ce propos en raison des difficultés intérieures égyptiennes, mais en résumant tout de même cette appréciation sous le titre de «Nightmare scenario» :
«It was this moment that generations of IDF Intelligence Branch and Mossad directors have always been afraid of. The worst nightmare scenario possible is coming true before our eyes, the script that was entertained in the most secret war games that were played by the IDF and the Israeli security establishment for an entire generation. The moment of Egypt’s fall. And not just its fall, but its fall into the hands of the Muslim Brotherhood…»
L’analyste politique Alex Fishman (le 25 juin, dans Yedioth Ahronoth) est beaucoup plus précis sur les incertitudes et sur leurs conséquences potentiellement catastrophiques… Il soulève un point particulier, qui est l’intention des islamistes de nommer leur propre ministre du renseignement, avec le risque de voir les archives (décrites comme explosives) du renseignement égyptien tomber ainsi dans des mains extrêmement incertaines.
«An Islamist intelligence minister, a reexamination of the peace accords, a collapse of the economic agreements and lack of security coordination: After Mursi’s rise to power—everything is open and the future is unclear. Israel should be prepared for every eventuality. It is possible that the day is near when various anchors will collapse in the delicate relationship behind the scenes with the Egyptians.
»The directors of Western intelligence organizations were horrified by the fact that the Muslim Brotherhood recently raised the name of Essam el-Erian as their candidate to hold the intelligence portfolio in the Egyptian cabinet. The thought of sensitive files falling into the hands of the number two person in the Muslim Brotherhood is alarming to the CIA director, the MI6 director, and perhaps the Mossad director as well. These are not just files—it is a Pandora’s box that holds a great deal of intimate and embarrassing information. The WikiLeaks documents are child’s play compared to the atom bomb hiding in the offices of Egyptian intelligence...»
En même temps que le Frère Musulman Morsi devenait le président Morsi, le président russe Poutine rencontrait, pendant une heure et demi, à tel Aviv, le Premier ministre Netanyahou. Le site DEBKAFiles, dont on connaît les tendances et les accointances, célébrait cette rencontre en constatant que les deux hommes allaient trouver au moins un terrain d’entente, qui est leur inquiétude commune face à l’expansion du pouvoir islamique, notamment la grande expansion du parti FM et apparentés qui transcende les frontière.
Dans son analyse du 25 juin 2012, qui est une présentation de la rencontre plus qu’une analyse de celle-ci, et donc qui reflète les préoccupations israéliennes dans les milieux de la direction politique et de sécurité, Poutine est présenté sous un jour favorable, comme l’homme qui sait dire son fait à Obama (contrairement à Netanyahou, “ligoté” par son alliance avec Washington), – Obama étant, dans la vision de DEBKAFiles retranscrivant celle(s) de Poutine et de Netanyahou, l’homme-Diable qui est derrière cette montée irrésistible des FM…
«The Muslim Brotherhood’s rise to power in Egypt – and soon, possibly, in Syria – will have pushed to the sidelines such obvious topics as Iran and gas when Monday, June 25, Russian President Vladimir Putin on a short visit to Israel meets Prime Minister Binyamin Netanyahu. On this subject at least, the Russian and Israeli leaders will find common ground: Both are concerned, to put it mildly, by the chain of Muslim Brotherhood governments rolling out along Middle East shores – Libya, last year; Egypt, yesterday; and Syria, tomorrow. In their view, this process is a menace to regional stability which rivals even that of a nuclear-armed Iran.
»Putin counts US President Barack Obama’s sponsorship of Muslim Brotherhood power as a strategic threat to Russian national security because of it could be the match which lights the flame of radical Islam in the Caucasus and among the Russian Muslim populations of the Volga River valleys.
»As for Netanyahu, his calm-sounding congratulations for the new, democratically-elected Egyptian president, disguise trepidation. After one domino fell in Cairo, he fears another will fall in Damascus leaving Jordan vulnerable to having its king pushed over by the kingdom’s powerful Muslim Brotherhood. Israel would then be under siege from three Islamist-ruled neighbors – “moderate” in Obama’s eyes, alarmingly “extremist and expansionist” in the view of Putin and Netanyahu…»
Enfin, Poutine a donc bien rencontré Netanyahou. Ils ont bien dû parler de ce nouveau danger commun mais, également, nous rapporte (encore) DEBKAFiles, Poutine a cloué Netanyahou d’un “vous vous trompez sur l’Iran” absolument impératif. Il faut mesurer le ton de cette analyse du même DEBKAFiles, – nous commençons à les connaître et à mesurer l’évolution de la pensée plus sur le ton des révélations que sur leur contenu. Dans le texte cité, la fureur de l’anathème lancé contre ceux qui mettent en doute la volonté des Iraniens de faire une bombe pour “rayer Israël de la carte” a fait place à un rapport dense, intéressé, précis, où vous entendez ce commentaire en arrière-plan (le “ton” en question) : “Il n’y a pas à dire, ces Russes sont des gens sérieux” (in fine : “…comparés à ces grotesques Américains, qui gobent tout ce qu’on leur offre”).
Le texte est du 25 juin 2012, après la rencontre bien sûr, et il nous annonce que Poutine est venu dire à Netanyahou : “Ecoutez, les Iraniens, nous, nous connaissons, nos services sont imbattables là-dessus, j’en sais quelque chose…” (“Respect”, commenterait in fine DEBKAFiles.) “…Eh bien, je peux vous dire qu’ils ne construiront jamais la bombe, il n’en ont pas l’intention, et je vous dis cela en même temps que je vous répète qu’une bombe iranienne est aussi peu souhaitable pour nous que pour vous.”
«The high point of Russian President Vladimir Putin’s noteworthy 90-minute talk with Prime Minister Binyamin Netanyahu in Jerusalem Monday, June 25, was Putin’s firm assertion that Iran will not get a nuclear bomb. This is disclosed exclusively by DEBKAfile’s Jerusalem and Moscow sources.
»He also dismissed reports that the third round in Moscow of six-power talks with Iran (June 18-19) led nowhere, stressing they were serious and substantial. The next round taking place in Istanbul on July for technical discussions is, according to the Russian president, of prime importance. For the first time, he explained, the nuclear negotiations with Iran will get down to the core issues and would therefore of greater significance than the “Ashton-Jalili” sessions. […]
»In conclusion, he stressed to Netanyahu that it was unnecessary for Israel to use military force against Iran’s nuclear program. Israel knows exactly how much Russia has done to prevent Iran building a nuclear weapon,” he said. “A nuclear weapon in Iranian hands would be contrary to Russian interests, and so it will not get one,” he stressed.»
Le “ton”, le fameux “ton”… Toute l’analyse de DEBKAFiles, telle qu’elle est écrite, sans la moindre réticence de ton (justement), avec une manifeste considération pour les affirmations du président russe. La péroraison devient évidente, comme s’il s’agissait de quelque chose que la direction israélienne, qui ne peut plus supporter, littéralement, cet insupportable Obama, espérait entendre depuis des mois et des mois, et plus encore… Cela se résume à cela, comme un message subliminal de Poutine : “Laissez donc tomber l’alliance US, ces gens sont grotesques, complètement incohérents, imprévisibles, fouteurs de désordre et irresponsables, l’éléphant drogué-Système dans le magasin de porcelaine…” Et cela, complété par le message, presque plus subliminal celui-là : “Au lieu de perdre votre temps et de risquer gros avec les yankees, intéressez-vous à nous, qui sommes des gens sérieux…” (Et un rappel sur la montée des islamistes-FM, favorisée par le bloc BAO, n’est-ce pas, partout, en Libye, en Syrie, en Egypte.)
Poutine, selon DEBKAFiles, parle de l’Iran, mais c’est en vérité de toutes les affaires dont il entretient Netanyahou dans ce cas. «Putin corrected the general impression that Russia has confined itself to the role of passive bystander in the bargaining with Iran: Quite the reverse, he said: Moscow has been proactively working for accord behind the scenes and its “input” to the process “is considerable.” Although the word “intelligence” was not mentioned, it was clearly intimated by the Russian visitor when he said, “We [Russians] know more about what is going on with regard to Iran’s (nuclear) capabilities than the Americans.”
»It was Putin’s way to scoff at Israel for investing so much time and strategic assets in endless wrangling over how to handle the Iranian threat with American security, military and intelligence chiefs, when the Netanyahu government would be better served by sparing a fraction of that time for talking to Moscow.»
Alors, renversement d’alliance ? Pas si vite. Nous évoluons dans un monde où les évènements les plus considérables se révèlent comme des humeurs inconséquentes et où ce qui est apprécié comme une rumeur inconséquente est parfois gros d’un événement considérable ; un monde où la raison est une “idiote utile”, où une “explication générale” s’entiche bien souvent de “la forme d’un cercle carré ou d’un triangle à quatre côtés”, où l’information sur les évènements les plus importants a souvent la fermeté de structure du parcours d’une plume (d'un volatile) emportée dans une tempête apocalyptique. (Si vous voulez avoir un autre refrain, lisez par exemple ce que BBC.News du 26 juin 2012 nous dit de la rencontre Poutine-Netanyahou et comparez avec ce qu’en dit DEBKAFiles.) Plutôt que de parler d’un renversement d’alliance, disons que ce sur quoi nous spéculons accélère encore plus vivement cette étrange “politique du flottement hyper-accéléré”,
Si l’on en revient à l’élection du président-Frère, qui est tout de même le grand événement du jour et, semble-t-il, un évènement assuré, il est nécessaire de s’attacher à quelque autre réaction de plus, pour faire le tour de la pensée générale de la chose en y ajoutant l’une qui soit typique du bloc BAO. Si nous consultons nos habituelles sources européennes, qui valent largement les brassées de communiqués et les commentaires off de tel ou tel Commissaire, de tel ou tel ministre, nous apprenons que c’est le “triomphe de la démocratie” qui y fut et qui y est célébré.
Aucune autre réflexion n’est envisagée hors de ce “triomphe” qui se fera nécessairement selon les normes américanistes-occidentalistes. Toutes les réflexions et analyses des bureaucraties de cet ensemble européen, – puisque c’est le cas choisi, – remontant vers les hiérarchies sont appuyés sur ce thème qui constitue la pensée auto-formatée accordée au Système. Les conséquences politiques, les perspectives, les rapports entre les FM et le SCAF, l’état économique et social terrifiant du pays, les angoisses et les antagonismes extérieurs éveillés par cet événement, le mouvement général où il s'inscrit, tout cela n’a pas sa place dans ce constat du “triomphe démocratique”. La raison est, dans ce processus, toute entière acquise à l’affectivité qui gouverne l’ensemble, pour mieux s’aligner sur les impulsions du Système. D’une façon générale, rien d’autre n’est à espérer de cet étrange conglomérat de puissance sans énergie et de pouvoir sans volonté.
A ce point, que tirer de précis, de “structuré” disons, de cet étrange défilé d’appréciations et d’analyses qui évoluent dans l’éther de l’incertitude, nous projetant nous-mêmes dans les incertitudes de l’inconnaissance ? D’abord, justement, qu’il faut se défier absolument de leurs certitudes, de cette pensée-slogan qui caractérise les institutions du bloc BAO et l’insupportable presse-Système, et rester retranché dans l’inconnaissance. (La seule situation approchant de la certitude, aujourd’hui, dans le monde de la communication et dans celui de l’information, est que la presse-Système est faussaire, et l'information dont nous sommes officiellement gavés à mesure : soit elle ment par abandon, intérêt ou faiblesse, soit elle raisonne à contresens, soit elle est impuissante à dépasser les apparences, soit elle est incompétente, soit elle est tout cela à la fois, et donc en aucun cas capable de transcender son asservissement au Système. )
Pour nous, il reste quelques points d’interrogation et quelques situations paradoxales qui n’ont pas fini de nous suggérer bien des surprises diverses et possibles à venir. Cela s’appelle de la prospective, pratique fragile et contestable, mais que les esprits ne peuvent s’empêcher de développer. Nous y sacrifions, puisqu’il le faut, mais essentiellement, sinon exclusivement pour faire mesurer l’intensité des hypothèses envisagées, pour structurer et justifier notre conclusion…
L’élection d’un président islamiste en Egypte n’est en soi indicatif de rien, sinon de l’échec du retour au système Moubarak qui demeure la meilleure formule pour l’emprise des USA (du bloc BAO) sur le pays. Mais la situation égyptienne, éclairée par les divers aspects de l’élection, est caractérisée par tous les facteurs possibles de tension.
• Un résultat qui légitime “de justesse” la puissance islamiste sans lui donner les pouvoirs de cette légitimité, qui divise le pays en deux blocs, dans une situation générale dégradée et une capacité de maintien de l’ordre réduite.
• Dans de telles conditions, toutes les difficultés probables, – et il y en a beaucoup, – se régleront par la recherche d’une re-légitimation, qui ne pourrait se faire qu’en s’appuyant sur la rue ou/et en développant une politique très populaire, essentiellement une politique extérieure qui ne demande aucun sacrifice immédiat. La recette vaut, à répartitions inégales, pour le SCAF et pour les FM. Cela signifie une agitation endémique et une radicalisation de la politique qui ne pourra se faire que dans un sens anti-israélien et anti-US.
• Face à cela, les programmes et promesses, notamment vis-à-vis des USA et du bloc BAO, ne valent que le poids du papier sur lequel ils ne sont même pas écrits… Et tout cela se fera sans nécessaire dégradation démocratique qui réveillerait les alarmes du bloc BAO, puisque c’est justement la démocratisation partielle, effective quoi qu’on en dise, qui est cause de cette situation.
On pourrait dire qu’avec l’élection de Morsi s’est créé un “modèle égyptien”, remarquable de cohérences antagonistes et de chausse trappes. Il pourrait devenir, – il a toutes les chances de devenir la véritable voie à suivre pour la dynamique FM et apparentés que soutiennent, avec enthousiasme, ou avec un certain malaise selon les périodes, les USA et le bloc BAO. Le “modèle égyptien” serait, pour les autres, moins un choix que l’empire de la nécessité, face aux pressions diverses, mais avec les résultats probables envisagés pour l’Egypte…
La “démocratisation” tendrait alors à devenir l’outil qui pourrait transformer le Moyen-Orient en un bloc dont la destinée est de devenir hostile au bloc BAO. La dynamique d’unification ne serait religieuse qu’en apparence, et politique en réalité, – ce qui serait également le fruit logique de la “démocratisation”. Dans cette dynamique, les cibles les plus évidentes seraient les monarchies du Golfe, qui deviendraient rapidement un anachronisme insupportable dans le changement général. Les monarchies auraient donc largement contribué, avec leur action en Syrie, à scier la branche pourrie sur laquelle il réside.
Bien entendu, toute cette agitation prospective reste liée aux points d’interrogation de taille des crises en plein développement, dont la Syrie n’est pas le moindre. Mais là aussi, des compromis sont possibles, qui nécessitent l’entrée dans le jeu de puissances régionales qui en ont été exclues ou s’en sont temporairement exclues, – et l’Iran est la principale puissance concernée à cet égard. La proposition iranienne de “bons offices” entre la Syrie et la Turquie suite à l’incident du F-4 est le type de situation inattendue vers laquelle on peut évoluer. Là encore, la nécessité imposerait de suivre des voies politiques et non religieuses, sous-entendant de se réaliser sur l’opposition à la pression hégémonique des USA (du bloc BAO) sur la région.
Qu’elles soit précisément véridiques, ou en partie, etc., les analyses présentées par DEBKAFiles représentent sans aucun doute la quintessence du problème qui se pose à Israël. Comme nombre de chefs militaires ou des services de sécurité israéliens l’ont déjà envisagé, la question iranienne est très rapidement en train d’être remplacée dans l’ordre des priorités israéliennes par la question de l’ascension islamiste “démocratique” (FM et apparentés). Beaucoup repose, pour l’effet possible sur la position israélienne, sur la capacité d’évoluer de l’actuelle équipe au pouvoir ; sans doute la visite de Poutine a contribué à lui faire prendre conscience du problème, – jusqu’à quel point, et à quelle vitesse ? Questions posées...
Peu ou prou, la démarche des Russes consiste à dire, ou devrait rapidement consister à dire : le vrai problème est bien dans cette émergence “démocratique” des islamistes, bien plus que dans le terrorisme que le phénomène peut générer. Et la seule solution est politique, et consiste à s’ouvrir à ce nouveau pouvoir, pour, sinon s’en faire un allié, dans tous les cas éviter de s’en faire un ennemi ; et la seule issue, dans ce cas, est de trouver une “plate-forme commune” à tous, et il n’y en a qu’une : l’opposition à l’hégémonie du bloc BAO. Cela est d’autant plus concevable que le “modèle BAO” est en cours très rapide d’effondrement.
Pour les Russes, qui ont des fers au feu un peu partout et un pouvoir cohérent avec une doctrine qui va avec, la partie est jouable. (Les Russes espéreraient ainsi désamorcer des troubles possibles dans leurs pays musulmans.) Pour les Israéliens, c’est une énorme montagne qui se dresse devant eux, un choix existentiel, alors que leur système de direction politique est complètement ankylosé dans des orientations extrémistes et avec une psychologie souffrant de cette pression de l’affectivité que l’on connaît bien.
Nous terminons en revenant à notre propos de départ, pour relativiser finalement et fortement tout ce que nous avons dit précédemment : “Nous évoluons dans un monde où les évènements les plus considérables se réduisent à des humeurs inconséquentes et où ce qui est apprécié comme une rumeur inconséquente est parfois gros d’un événement considérable ; un monde où la raison est une ‘idiote utile’...”, etc., etc. Mais nous atteignons ainsi, justement, le fondement de notre propos…
Qu’elles se réalisent ou non, toutes ces conceptions bouleversées qu’on a énoncées jouent un rôle considérable dans le développement des réflexions. Elles sont aujourd’hui dans nombre d’esprits (sauf dans les certitudes au front de taureau du bloc BAO) et servent d’aliments relevés à la prospective et à la supputation. Elles constituent un formidable accélérateur et un formidable agitateur de la déstabilisation et de l’influence des psychologies et, derrière, des perceptions.
Sans préjuger quoi que ce soit des évolutions plus ou moins radicales dans les évènements et dans les situations, qui deviennent alors très secondaires, il apparaît très probable qu’on soit aujourd’hui dans un cycle de bouleversement, révolutionnaire lui, des psychologies. On imagine dans quel sens et de quelle façon, avec le matériel prospectif évoqué plus haut.
On mesure avec quelle force de telles tensions peuvent interférer, non seulement sur les diverses crises en cours, mais sur les facteurs de tension les plus hauts, jusqu’à la possibilité de modification, de transformation ou d’accélération de la“crise haute“, ou crise de notre civilisation. L’élection égyptienne vient à point pour nous rappeler que, même au milieu des évènements bouillonnants de la région, le facteur psychologique et la perception qui vont avec jouent un rôle fondamental et peuvent être l’élément central et décisif d’une modification complète du sens d’une crise, fût-ce notre crise centrale et haute, jusqu’à son basculement complet.