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1259Après Barclay’s et le “scandale Libor”, que nous avions ratés à peu près, à notre grande honte (voir le 9 juillet 2012, toute honte bue), c’est au tour de HSBC de se trouver sur la sellette, – et nous ne pouvons rater cet épisode piteux de la grande banque de l’ex-Empire britannique (celui sur lequel la Bourse ne se couche jamais). Le spectacle est formidablement édifiant, presque sublime, avec le brave Guardian donnant cette légende à une photo montrant l’un ou l’autre dirigeant de HSBC prêtant serment (ils prêtent, ils ne donnent pas), devant le pompeux et lourdement vertueux Sénat des Etats-Unis… «US senators hear humiliating apologies from executives from HSBC, Europe's biggest bank…»
Effectivement, voir l’assemblée parlementaire la plus corrompue qu’on puisse imaginer dans les délires et phantasmes des esprits les plus débridés, dito le Sénat des Etats-Unis, faire passer sur le grill pour une leçon de morale, la direction actuelle de HSBC, – comment ne pas éclater d’un rire sain et plein d’une joyeuse dérision, comme une détente pour l’esprit et pour sa mécanique courante productrice d’une angoisse existentielle… («… Mieulx e[s]t de ris que de larmes e[s]cripre, Pour ce que rire e[s]t le propre de l’homme», – maître François Rabelais a des phrases d’une profondeur qu’on ne peut mesurer avant les siècles des siècles, pour nous qui en sommes justement à mesurer en quoi précisément le rire nous est propre, à nous hommes du XXIème siècle).
Bref, après Barclay’s, voici HSBC, et la City qui continue à tailler des croupières à Wall Street, semblant par certains aspects avoir dépassé les “cousins américains” dans l’art de la corruption post-postmoderniste. (D’où, sans doute, la colère de l’auguste Sénat.) Le même Guardian du 18 juillet 2012 n’en finit pas de nous rapporter combien ces gens qui jouent à être braves et qui ne sont pas complètement mauvais, les dirigeants de HSBC, sont désolés d’avoir commercé, en tout bien toute horreur, avec les cartels de la drogue, les diables divers (Iran, Syrie [horrrreur !], etc.) ; et puis les terroristes, on y reviendra, dont le fameux al Qaïda qu’on doit connaître plus qu’à son tour. (Là, un petit silence sans conséquence, saluant les efforts de la CIA pour organiser tout ce cirque avec al Qaïda en vedette américaine en une “troisième force” en Syrie, Lavrov dixit.)
«Lawmakers hammered the British-based bank over the scandal, demanding to know how and why its affiliates had exposed it to the proceeds of drug trafficking and terrorist financing in a “pervasively polluted” culture that persisted for years.
»A report compiled for the committee detailed how HSBC's subsidiaries transported billions of dollars of cash in armoured vehicles, cleared suspicious travellers' cheques worth billions, and allowed Mexican drug lords buy to planes with money laundered through Cayman Islands accounts. Other subsidiaries moved money from Iran, Syria and other countries on US sanctions lists, and helped a Saudi bank linked to al-Qaida to shift money to the US.
»David Bagley, HSBC's head of compliance since 2002, and who had worked with the bank for more than 20 years, resigned before the committee. “Despite the best efforts and intentions of many dedicated professionals, HSBC has fallen short of our own expectations and the expectations of our regulators,” he said.
»The bank has been under investigation for nearly a decade, and faces a massive fine from the US justice department for lapses in its safeguards. Senators Carl Levin and Tom Coburn, who conducted the hearing, said the permanent subcommittee of investigations had examined 1.4m documents as part of its review and thanked the bank for its co-operation…»
Le dossier HSBC est tellement considérable, dans ses activités diverses et exceptionnellement variées, qu’il semblerait même éclipser celui de Barclays’s qui nous avait amené le “scandale Libor”… Ainsi Nils Pratley en juge-t-il, dans le même Guardian, du même 18 juillet 2012… «HSBC money-laundering scandal almost puts Barclays in shade…»
L’énorme cerise sur le gâteau, – pour ceux qui croient encore à l’efficacité de ces ornements face aux freins que leur oppose le Système, – concerne les connexions directes et indirectes avec le terrorisme, dont nous savons qu’il est un des multiples masques du Diable depuis le 11 septembre 2001… Dans tous les cas, officiellement et effectivement masque du Diable pour le Sénat des Etats-Unis, qui a bien été obligé d’acter et de détailler les multiples liens de HSBC alimentant à grands flots de $milliards la banque saoudienne favorite de gestion des biens et de financement du terrorisme. Cela conduit Russia Today (ce 18 juillet 2012) à interroger Ali Rizk, expert du Moyen-Orient, sur les conséquences des trouvailles de la sous-commission du Sénat concernant HSBC, ses liens avec la banque Al-Rahji qui s’est faite une honorable spécialité de faire fructifier et circuler l’argent des terroristes islamistes, concernant l’Arabie Saoudite par conséquent, tout cela sur fond d’une crise syrienne où al Qaïda devient une “troisième force” avec le soutien amical et affectueux de la CIA…
Comme quoi, rien de ce qui est humain, et le bordel avec, n’est indifférent à nos banquiers, – et nous voilà transportés aux confins de la crise syrienne et en pleine fantasmagorie saoudienne. Toutes les ramifications du Système sont solidaires et aimantes les unes des autres. Rien de ce qui se passe de catastrophique du fait du Système, – c’est-à-dire à peu près tout, – qui ne soit lié à tout le reste…
Voici donc, en a-parte et en entremet, l’interview de Ali Rizk, pour nous montrer combien HSBC, l’Arabie, la Syrie, tout cela est de la même famille.
RT : «The report names Al-Rajhi Bank, Saudi Arabia’s and the Muslim world largest bank, as a sponsor of terrorism. What does that mean?»
Ali Rizk : «I think it really stems down to the fact that Saudi Arabia is the main exporter of what could be called radical Islam, the kind of Islam that has tarnished the essence of the real Islam of moderation.»
RT : «What sort of terrorist groups are we talking about here?»
Ali Rizk : «We’re talking about Wahhabi extremists, those people who are now causing violence in Syria, those people who were sent to Chechnya, groups in Uzbekistan. Some elements of the royal family also have also contributed to al-Qaeda. Bandar bin Sultan, the former Saudi ambassador to Washington, for example, met with Osama bin Laden time and again. So we’re talking about all the Sunni extremists groups. The Saudi role in financing al-Qaeda and extremist activity in Iraq is very well known. More importantly, I think that this report further sheds light on the alliance between the Saudi royal family and some Western countries. This will put more pressure on the Western governments to try and change their policy. Now, of course, Saudi Arabia is considered to be an ally. Many people are speculating that maybe the Western governments might reconsider.»
RT : «Why would they be doing that?»
Ali Rizk : «First of all, because we have the uprisings currently happening, which put more pressure on the US and British governments. Until now, Saudi Arabia hasn’t taken any steps towards political reform. The other reason is that Saudi Arabia is the main source of this extremism that would lead to popular vigilance in countries such as the US and Britain. In all these countries, I think people will become more and more aware of what Saudi Arabia really represents, and hence the US might be pushed into a corner. By the way, Hillary Clinton recently said that they are fighting Wahhabism, so I think we are seeing a slow divergence between the West on the one hand and Saudi Arabia on the other. It hasn’t reached a very critical point as of yet, but I believe this report and more similar developments would put more pressure on the US and other Western governments.»
RT : «Do you expect any reaction from Riyadh on the report’s findings?»
Ali Rizk : «I don’t think that we will see any apology. Saudi Arabia, I think, is behaving in an irrational way now. Saudi Arabia is terrified of what happened in Iraq; the Shia there with Prime Minister Nouri al-Maliki. In Lebanon, you have Hezbollah and increasing Iranian influence. And for that reason, Saudi Arabia is so enthusiastic to topple Bashar al-Assad because they consider him an asset for the Shia axis. I think what we are seeing in Damascus today is a Saudi Arabian response to an increasing Iranian role.»
Et tout cela de nous conduire, d’une à peine façon inattendue, à Joseph Stiglitz, le Prix Nobel d’économie, fameux conseiller des présidents Clinton et Obama, toujours en semi-rébellion permanente contre le Système… Disons que la rébellion, tout en restant “semi-”, prend des aspects plus radicaux par simple évolution relative et antagoniste, à mesure que les turpitudes du Système s’accumulent. Cette fois, après l’affaire du “scandale Libor”, Stiglitz n’y va pas par quatre chemins et recommande rien de moins que la prison pour les banquiers !
Le 7 juillet, The Independent interviewait Joseph Stiglitz, avec en introduction un texte du spécialiste financier du journal, Ben Chu. (Voir ce lien du 7 juillet2012.) Dans son texte, Chu fait grand cas de l’idée centrale de Stiglitz pour tenter de redresser le système financier, – en bref : “Foutez les banquiers en prison !”
«The Barclays Libor scandal may have shocked the British public, but Joseph Stiglitz saw it coming decades ago. And he's convinced that jailing bankers is the best way to curb market abuses… […] Yet Stiglitz's interest in the abuses of banks extends beyond the academic. He argues that breaking the economic and political power that has been amassed by the financial sector in recent decades, especially in the US and the UK, is essential if we are to build a more just and prosperous society. The first step, he says, is sending some bankers to jail. “That ought to change. That means legislation. Banks and others have engaged in rent seeking, creating inequality, ripping off other people, and none of them have gone to jail.”»
Dans son interview, qui aborde nombre de problèmes liés à la crise financière, Stiglitz aborde également, bien entendu, celui de la condamnation personnelle et l’incarcération des banquiers comme solution à la crise, par l’exemplarité de la chose et par la souffrance psychologique et physique imposée aux personnes concernées agissant comme dissuasion pour les autres. On observera que Stiglitz admet sans réticence que les législations courantes sont souvent bien mal adaptées pour de telles mesures ; elles datent du temps où l'on s'imaginait que les banquiers n'étaient pas encore des banksters.
A l’entendre développer longuement ses arguments, on a l’impression de se trouver dans la situation des autorités fédérales face à des gangs trop voyants et trop puissants, signes avant-coureurs de la Cosa Nostra, tel celui de Capone à Chicago à la fin des années 1920. Il a fallu en effet du temps et des artifices nombreux et laborieux pour arriver à coincer Capone sur une simple question de fiscalité alors que l’homme avait les mains couvertes du sang de ses victimes et tenait sous sa coupe corruptrice une ville de la taille de Chicago… Pour autant, il nous semblerait qu’il fut plus facile de coincer Capone que d’arrêter les banquiers-banksters, – ne serait-ce que parce que la volonté politique ne semble plus guère exister là où elle existait encore un peu, – dans la psychologie des directions politiques.
Chu : «If the Government was to say previous bonuses should be clawed back – is that a something you'd advocate? It would be difficult legally...»
Stiglitz : «We have a legal system that may not force full accountability. That says clearly these guys have gotten away with it. That ought to change. That means legislation. We should recognise that we've seen so many events were the banks and others have engaged in rent seeking, creating inequality, ripping off other people, and none of them have gone to jail. None of them have been prosecuted individually. Banks are people. The irony is that most of these cases, if you look at what happened, the bank pays a fine. Who pays the fine? It's the shareholders. But the shareholders have usually been ripped off as well by the managers. So the managers sit there exploiting not only borrowers but also the shareholders. In the case of the UK, I gather the fines go to the FSA [Financial Services Authority], reducing the need for the tax that they impose on the banks. So the banks pay the fine and other banks benefit. It's redistribution among the banks. They're all guilty of these things. You pay this time, I'll pay this time. It costs them zero. So we have a system of very weak accountability and no individual accountability. And clearly that's the way they wanted it, but that's not a system of justice. That's another theme of my book. Not only have we paid the price in terms of economic performance, but in terms of our democracy and in our system of justice. How to fix that? In New York we have a very broad law called the Martin Act, which basically says if you commit things that are equivalent to fraud, you're liable. We're not going to spell out every possible thing you could, because there are an infinite number. Even if you did not have a law against manipulation of the market, you should have had legislation that was broad enough to say "this is market manipulation, if you do this you're guilty.” If you don't have legislation like that, there's something wrong. This [the Martin Act] was a state law, in only one state. No one was prosecuted over robo-signing [a scandal of automatic foreclosures by US banks]. You don't have a robo-signing system without someone above designing it.»
Dans une autre partie de l’interview, la question de la situation européenne, et notamment de la politique d’austérité qui y est suivie, est abordée. Stiglitz dit son étonnement, notamment, de la politique allemande à cet égard, qui exerce une influence puissante en Europe. (En France, dans les élites aux commandes, le trait principal pour clouer la France au pilori est passée du “modèle britannique” au “modèle allemand”, aujourd’hui référence paradisiaque, pôle de toutes les attentions et argument principal pour mettre en cause toutes les idées françaises, – ou, disons, ce qu’il en reste.)
Chu : «…The ECB and the EC have been almost as hard line as the IMF was in South Asia. That must be depressing for you to see Europe going that kind of ideological route...»
Stiglitz : «Not a total surprise because Europe's view are very strongly affected by Germany’s. Germany's views have often been very orthodox neo-liberal. […] You would have thought that 2008 would have destroyed the neo-liberal school, this view that markets always work. And yet, what is striking about the German view today, about Merkel, is she keeps saying you do the right thing and reward you. As if markets are these rational ... Secondly, she doesn't understand that to the extent that markets are rational, if you have austerity, the economy goes down, budgets don't improve, so they don't reward you. They don't look at this as a morality play, they want to get their money back. We saw in the East Asia crisis [of the 1990s] that austerity was not rewarded. Exchange rates went down, no evidence of any effective bailout. So for me there's some nostalgia here. Over and over in east Asia the US Treasury and the IMF would do something, it would have no effect, they would be surprised, they would do it again, it would have no effect, they would be surprised. We come back to Europe and we see exactly the same scenario. They have a given model, they try a little bit, it doesn't work, they try a little bit more, it doesn't work ...»
C’est un passage intéressant et, peut-être, pour nous, le plus intéressant. Finalement, il éclaire tout le reste, que ce soit les filouteries sans fin des banksters ou les propositions sans espoir d’aboutir (à notre estime) de Stiglitz pour les boucler et qu’on n’en parle plus. L’essentiel dans cette réponse ne concerne nullement les considérations techniques (telle ou telle orientation économique, l’un pour l’austérité, l’autre pour une exhortation à la croissance, les différentes positions par rapport à la dette, etc.) ; l’essentiel est l’aspect psychologique mis en évidence par cette complète subordination à l’idéologie régnante, – et alors, Merkel est loin d’être seule, car ils sont tous concernés, – et le jugement de Stiglitz, qui n’est pas faux, demande à être amendé dans ce sens… «You would have thought that 2008 would have destroyed the neo-liberal school, this view that markets always work. And yet, what is striking about the German view today, about Merkel, is she keeps saying you do the right thing and reward you…»
Cette croyance de Merkel dans l’idéologie néo-libérale, c’est-à-dire dans le Système, malgré l’effondrement de 2008, aboutit selon notre logique à constater qu’il s’agit d’une croyance partagée par tous (toutes les directions politiques du bloc BAO), qu’elle n’est nullement paradoxale par rapport à la chute de l’automne 2008, mais qu’au contraire c’est à cause de cette chute que ces psychologies terrorisées y croient, – comment dire ? – plus que jamais, c’est cela.
Là-dessus, nous enchaînons sur un extrait de notre numéro du 10 juin 2012 de dde.crisis (disponible en pdf sur ce site). Il concerne effectivement cette question fondamentalement psychologique.
«Contrairement à l’interprétation métahistorique qu’on peut tracer des évènements depuis 9/11, avec la terrible rupture de 2008 incurvant brutalement le destin du Système, avec sa dynamique de surpuissance gardant toute sa force mais se transformant en dynamique d’autodestruction, les psychologies des directions politiques et des serviteurs du Système ont suivi une courbe qu’on dirait presque contraire du point de vue du sens. La psychologie terrorisée qui s’affirmait déjà avec une extrême violence depuis 9/11 s’est encore renforcée avec les évènements de 2008 et l’entrée dans la phase finale de la crise terminale du Système, ou “crise haute”…
»Ainsi, loin d’être interprétée comme une sanction catastrophique, un “avertissement” fondamental de la fausseté de la politique suivie, la crise de 2008 fut en vérité perçue par ces psychologies terrorisées comme la confirmation de la justesse de cette politique, – on dirait presque : comme le triomphe de cette politique... Cela n’est d’ailleurs pas seulement un paradoxe pathologique, mais également, et surtout, une appréciation finalement logique. Ce qui parle au travers des psychologies terrorisées de cette catégorie de sapiens entièrement soumise au Système, c’est le Système lui-même ; comme le Système est passé d’une dynamique de surpuissance à une dynamique d’autodestruction, il est complètement logique que le catastrophique effondrement de 2008 soit en vérité perçu, à peine inconsciemment, comme un triomphe puisqu’il s’agirait effectivement d’un triomphe sur la voie de l’autodestruction.
»Ainsi voit-on sans cesse, depuis 2008, une affirmation de plus en plus dure, de plus en plus intransigeante de tout un ensemble dynamique de mesures de coercition, de contraintes, une affirmation sans frein d’une vision sécuritaire et policière du monde… […] Cela n’est pas vécu comme une politique “défensive”, une politique répressive classique, mais au contraire, comme une politique offensive, “créatrice” en un sens, – on dirait presque vertueuse. Les psychologies terrorisées renforcent le tissu terroriste qui les confirme à leurs propres yeux.»
Ainsi, notre approche est-elle différente, choisissant la voie de l’intégration de toutes les crises dans le chef de la psychologie de crise qui affecte les directions politiques du bloc BAO. Il nous semble que nous sommes justifiés de cette approche par les faits eux-mêmes, qui déroulent sous nos yeux, justement, cette intégration des diverses crises du Système. HSBC et les banksters, c’est aussi la narco-crise mexicaine, les crises de l’Iran et de Syrie, la crise du terrorisme et celle de l’Arabie saoudite, les manoeuvres sans fin autour d’al Qaïda et, par conséquent, les connexions directes avec la crise syrienne, etc.
Lui-même, Stiglitz, bien qu’il veuille rester sur un terrain strictement économique, réalise en fait un pas vers cette intégration des crises. L'économiste, en effet, ne nous parle plus d'économie... Proposer avec tant de sérieux et d’insistance la démarche de rendre les banksters personnellement responsables des conséquences de leur comportement, c’est “criminaliser” une fonction jusqu’ici considérée comme tabou parce que ressortant du seul domaine financier, hors de toute considération humaine et sanctifié par l’idéologie qui sacralise ce domaine ; c'est l'extraire de ce domaine sacré pour la faire entrer dans le domaine juridique, celui du forfait, du comportement humain. La “criminalisation” des dirigeants des banques revient à faire sortir la crise financière (économique) du seul domaine financier et à la faire entrer dans des domaines beaucoup plus vastes, et notamment le domaine psychologique qui est, du côté de nos directions et de nos élites, selon notre point de vue, la clef de tout…
Cela règle d’ailleurs le problème qu’on serait tenter de se poser… En “criminalisant” les responsables, on élargit effectivement la crise financière, on l’intègre complètement dans la crise du Système, et dès lors la proposition de Stiglitz n’a aucune chance d’aboutir. Ceux-là même qui devraient agir comme il le conseille (les pouvoirs législatif, exécutif, etc.) ne le feront jamais dans le cadre du Système dont ils dépendent et dont ils sont les créatures. Eux aussi, ils ont la même psychologie que celle des banksters et, à côté des différents comportements insupportables qu’on distingue chez les uns et les autres, règne cette terrorisation de la psychologie qu’on a signalée plus haut, et qui renvoie au Système.
Les banksters n’en sont nullement exempts, derrière leur arrogance, leur irresponsabilité, leur formidable perversité de cupidité et d’avarice, leur inhumanité par défaut. Effectivement, il faut bien la pression terroriste du Système, pour le développement de la dynamique surpuissance-autodestruction, pour permettre à toutes ces psychologies de supporter toutes ces tensions et ces pressions. Il s’agit d’une situation générale, d’une situation-Système qui ne peut se dénouer par des demi-mesures, fussent-elles aussi violentes que la proposition de “criminalisation”.
On ne réforme pas cette chose monstrueuse (le Système). Elle passe ou elle casse ; jusqu’ici, elle est passée, mais en cassant de plus en plus de choses autour d’elle ; c’est un signe.
…C’en est un autre, de signe, qu’un Stiglitz propose effectivement ce qu’il propose. Et il doit continuer à en parler, à taper sur le clou, à parler de prison, de police, de criminels !
Autant nous ne lui donnons aucune chance d’aboutir, autant nous considérons qu’une telle insistance à suggérer de faire envoyer les banksters en prison est le signe indubitable de l’exacerbation montante et irrésistiblement montante de la psychologie antiSystème qui ne cède pas, qui ne s’habitue à rien des pressions et contraintes de la crise, qui supporte de moins en moins cette crise insupportable. Stiglitz est comme un “indigné“ de la Playo Del Sol, et son indignation, au travers des mesures qu’il propose, montre la poursuite de la montée de la tension jusqu’à des domaines du commentaire où des personnalités de son poids de notoriété et d’influence ne prennent plus de gants.
Cela, donc, c’est une nouvelle, et excellente…
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