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137623 juillet 2014 – D’une façon générale, l’affaire du vol MH17 détruit au-dessus de l’Ukraine évolue dans un sens habituel à la constitution d’une crise dans l’ infrastructure crisique qui conceptualise notre rangement de la situation crisique. Ainsi est-il en train de se créer, essentiellement pour le bloc BAO et surtout pour les USA, “une crise dans la crise”, “crise du MH17” dans la crise ukrainienne.
Autrement dit, c’est une nouvelle extension de la crise ukrainienne par le biais de la “crise du MH17”. Cette dernière devrait fixer une orientation nouvelle ou plutôt renouvelée et renforcée, résolument et décisivement antirusse. Mais le processus lui-même déclenche des effets secondaires et réveille une autre crise endémique et chronique, qui est celle du pouvoir washingtonien. On notera à cet égard que l’épisode se confirme comme reproduisant, pour un enjeu beaucoup plus haut et beaucoup plus grave, la crise du chimique syrien d’août-septembre 2013.
Chez les producteurs de la crise, – le bloc BAO et surtout les USA, dans la dimension de la communication en général, – deux lignes se développent, de plus en plus divergentes, et bientôt avec des contradictions qui peuvent devenir gênantes. D’une part, il y a une ligne de communication pure de type publicitaire et relations publiques dans la dimension de “création d’événements”, essentiellement produite par la presse-Système et un “bruit de fond” (ou un “tintamarre de fond”) de rumeurs, d’anathèmes, d’exhortations, d’hystérie générale et de pression terroriste sur ceux qui voudraient une analyse rationnelle. On comprend que ce phénomène constitue, sur le temps court où il se manifeste, une dynamique très puissante.
On va jusqu’aux exhortations à l’intervention directe et armée de l’OTAN en Ukraine, notamment sur les lieux du crime, comme le propose le Telegraaf hollandais, premier journal du pays, de type tabloïd et en général otanien de base, type-populaire au tout, tout-premier degré. (Voir “le Saker-français”, le 22 juillet 2014, reprenant en traduction française un texte de ZeroHege.com du 21 juillet 2014.)
Il s’agit de tout ce qu’on veut dans le genre de l’amassement des techniques les plus grossières et les plus basses de la communication, – publicité belliciste, relations publiques d’agression, appels à l’émotion primaire, au sentimentalisme, aux réflexes les plus conditionnés, tout cela éminemment faussaire, ou plutôt avec un désintérêt total et constitutif de la chose pour la vérité de la situation. Pour prendre une image culinaire qui nous ouvrira l’appétit, on pourrait dire qu’il s’agit d’un “soufflé hystérique”, effectivement gonflé à l’hystérie comme les ballons dirigeables le sont à l’hélium, qui ne tient pas longtemps en lui-même s’il n’est pas relayé par une action plus élaborée, mais qui est dévastateur sur l’instant.
D’autre part, il y a la ligne de la communication autour de la situation du pouvoir à Washington, qui doit déterminer sa position, la version de l’incident et donc tenter de prendre le contrôle de la “crise du MH17” en capitalisant sur le “soufflé hystérique”. C’est là que le bat blesse. Cette ligne, si elle a existé, est de plus en plus brouillée, incertaine, contradictoire, – une ligne brisée en un mot, là où on attend du rectiligne, qui contraste par conséquent grandement avec la première ligne. Dans ce cas, la capitalisation s’invertit et devient dilapidation du capital du “soufflé hystérique”, et l’expression d’une contradiction qu’on pourrait juger “grotesque” (mot employé par le littéraire Kerry pour désigner la situation sur le lieu de l’écrasement de MH17, en Ukraine).
On retrouve d’ailleurs un schéma assez classique de la phase crisique démarré en 2009-2010, schéma qu’on qualifierait de post-postmoderne, quand la formule postmoderniste totalement fondée sur la communication faussaire a commencé à avoir du plomb bans l’aile après la crise de l’automne 2008. Ce schéma montre des crises fabriquées, déclenchées, provoquée, etc., par l’évaluation extrême et radicale d’un événement, essentiellement avec la première ligne de communication pure du “soufflé hystérique”, qui se heurtent à l’obligation d’une confirmation rationnelle et s’effritent dans cette épreuve, tant cette confirmation est difficile, sinon impossible à substantiver.
Le même processus avait été constaté pour la Syrie, lors de la crise du chimique du 21 août 2013. (Nous nous y référons directement le 21 juillet 2014. Dans ConsortiumNews du 22 juillet 2014, Ray McGovern, ancien officier de la CIA et membre du groupement indépendant des vétérans des services de renseignement, – Veteran Intelligence Professionals for Sanity [VIPS], – rappelle les conditions de la “crise du chimique” du 21 août 2013 dans la crise syrienne générale ; il tire la conclusion qu’il s’agit bien du même stéréotype de la “crise postmoderne déclenchée à l’extrême mais non maîtrisée”, et devenant post-postmoderne du fait de ce que nous identifierions comme son enlisement à Washington D.C., – où l’on trouve tous les ingrédients de l’échec.)
Sur ce second aspect de “la crise du MH17” à Washington, – la “crise du MH17” tendant à développer un appendice washingtonien qui devient effectivement “la crise washingtonienne du MH17” renvoyant à la crise du pouvoir washingtonien, – de nombreux éléments se font jour. Une première question importante se pose sur le fait de savoir ce que savait/ce que sait réellement le président des Etats-Unis de la “crise du MH17” et du rôle qu’y ont nécessairement joué certaines forces et centres de pouvoir US non contrôlés par lui-même, et très actifs en Ukraine.
Dans la récente crise germano-US de l’arrestation d’agents doubles allemands recrutés par la CIA (voir le 14 juillet 2014), ABC.News avait développé le constat qu’Obama n’était pas au courant de l’activité de la CIA en Allemagne et s’était retrouvé dans une position gênante vis-à-vis de Merkel, au téléphone. La même association VIPS, dont fait partie McGovern, avait été l’informatrice de ABC dans cette occurrence.
«It’s unclear who is responsible for the breakdown in communication about the arrest – Hayden and the CIA won’t say – but two retired senior intelligence officials told ABC News it should not be surprising that most likely the president and his national security advisor all along were not aware of the alleged recruitment of the German agent, as well as that of another recently discovered purported U.S. spy in the German Defense Ministry.»
Le site WSWS.org, qui prend en général soin, avec sa rigueur trotskiste coutumière, de ne pas suivre des voies qui pourraient être qualifiées de “sensationnalistes” et bien dans la manière des patrons de presse du capitalisme honni, n’hésita pas dans ce cas à interpréter cette information comme le symptôme d’un appareil du pouvoir de sécurité nationale hors de contrôle à Washington, avec ses centres divers agissant souvent sinon systématiquement de façon autonome, cela aboutissant à des situations où le pouvoir central et le président soi-même se trouvent souvent les moins informés dans l’appareil washingtonien d’événements importants et souvent fâcheux. Pour nous, que WSWS.org ait développé cette thèse malgré la rigueur doctrinale déjà signalée constituait a contrario un signe que cette sorte d’hypothèse devait être d’autant plus prise au sérieux. Nous nous exécutâmes aussitôt.
Renforçant l’hypothèse, WSWS.org reprend cette logique d’analyse pour le même Obama, pour la “crise washingtonienne de MH17”, le 22 juillet 2014 (On a déjà vu, le 21 juillet 2014, que Robert Parry donne des éléments sérieux sur des positions divergentes, ou des positions tactiques différentes, des services de renseignement sur la question de la responsabilité de la destruction de MH17.) Cela nous donne la situation d’un Obama fort mal informé sur ce qui s’est réellement passé, dans le ciel du Donbass, avec le vol MH17.
«The detailed evidence presented by Russia and Washington's silence strongly suggests that the data Washington in fact has does not support, but rather undermines its own propaganda campaign against Russia, pointing instead to the Kiev regime. This immediately raises the questions of the responsibility of the Western imperialist powers, above all of elements of the American state, in the destruction of MH17. The fascist militias and National Guard units Kiev has deployed in east Ukraine work closely with CIA operatives and mercenaries from the US firm formerly known as Blackwater.
»Significantly, while Obama has repeatedly spoken on the Ukraine crisis in order to cynically denounce Russia, he has himself never formally taken a position on who ordered the shooting down of MH17. On Friday, for example, Obama stated: “I think it’s too early for us to be able to guess what intentions those who might have launched the surface-to-air missile might have had… In terms of identifying specifically what individual or group of individuals, you know, personnel ordered the strike, how it came about—those are things that I think are going to be subject to additional information that we’re going to be gathering.”
»The US president has not made any more specific statement on the issue of who fired the missile since then. If sections of the US state and its allies in Ukraine carried out the attack on MH17, it is not certain that Obama would have been aware of the operation a fact that might explain the president’s equivocal and uncertain statements on the matter, even as he escalates threats against Russia.»
Cette éventuelle situation du président, frappante si elle n’est sans doute pas inédite, selon une hypothèse qui ne cesse de s’imposer et que nous privilégions depuis longtemps (crise du pouvoir washingtonien, dissolution et dislocation du pouvoir en centres sectoriels ou d’intérêt de plus en plus autonomes sinon concurrents), constitue un élément important qui, lui aussi, n’était sans doute pas absent de la crise du chimique syrien du 21 août 2013. Le pouvoir washingtonien ne cesse de renforcer son caractère erratique, et le superbe président Obama semble être particulièrement à la barre pour en subir de plus en plus violemment les conséquences pour son pouvoir. Bref, c’est à se demander si Obama sait exactement de quoi l’on parle...
Or, pendant ce temps, les services concernés, les plus impliqués et les plus soumis à d’éventuelles critiques, commencent à prendre leurs dispositions. C’est le cas des services de renseignement, ou disons la “communauté du renseignement” (Intelligence Community, ou IC). Ainsi l’IC a-t-elle délégué auprès d’Associated Press et de quelques autres journalistes de la presse-Système (Los Angeles Times, Washington Post) quelques-uns de ses spécialistes “officieux” pour livrer au public son évaluation de la situation. Il était temps, essentiellement à cause du fait que les Russes ont sorti une impressionnante batterie d’informations qui, on s’en doute, ne vont pas dans le sens des intérêts washingtoniens. (C’est l’armée russe qui est directement intervenue à partir de nombreuses données techniques dont elle dispose, ayant suivi et contrôlé de près toutes les phases de la destruction du MH17. On retrouve ce dossier sur divers sites des réseaux, tandis que la presse-Système a évidemment traité la chose comme on manie une carcasse puante datant de l’ex-URSS, en la conformant à ses normes selon quelques phrases d’un sarcasme bien parisien. Parmi les articles publiés qui reprennent le dossier, on conseillera notamment celui de ZeroHedge.com, le 21 juillet 2014.)
Donc, Associated Press rend compte de sa rencontre avec des US officials de l’IC, le 22 juillet 2014. Le titre est alléchant : «US: Russia ‘created the conditions’ for shoot-down.» La substance, si l’on peut employer ce terme, l’est nettement moins et se perd dans le vague, dans l’approximation, dans le “peut-être bien que” et le “sans doute que”... Le début du texte d’AP, qui résume les confidences de l’IC, nous donne une idée de ce caractère éthérée de l’évaluation (souligné en gras de notre [for]fait).
«Senior U.S. intelligence officials said Tuesday that Russia was responsible for “creating the conditions” that led to the shooting down of Malaysia Airlines Flight 17, but they offered no evidence of direct Russian government involvement. The intelligence officials were cautious in their assessment, noting that while the Russians have been arming separatists in eastern Ukraine, the U.S. had no direct evidence that the missile used to shoot down the passenger jet came from Russia...»
L’interprétation que donne Russia Today (le 22 juillet 2014) de cette évaluation de l’IC, met l’accent sur ses très grandes faiblesses. C’est bien ce qui doit nous intéresser puisque ces faiblesses, qui supplantent largement le reste et forment l’essentiel de l’évaluation, constituent le moteur actuel de l’évolution de la crise vers l’embourbement washingtonien.
«One official said that, regarding as to who precisely fired the missile, “we don't know a name, we don't know a rank and we're not even 100 percent sure of a nationality.” The official added that “there is not going to be a Perry Mason moment here,” referring to any likely absence of definitive conclusions. Officials noted that their inquiry relied partly on social media postings, citing specifically video of a missile launcher purported to be a Buk system battery crossing into Russian territory, and appearing to be missing a missile. Following questions, intel officials admitted they had not verified the video’s origin or content.
»The Tuesday briefing seemed to be a sharp departure from comments made by US President Barack Obama a day prior, who stated that the Malaysia Airlines aircraft had been “shot down over territory controlled by Russian-backed separatists” that had been both armed with anti-aircraft weapons and trained by Russia. [...]
»Despite earlier claims that the media would be presented with unclassified evidence from intelligence sources, unnamed Obama administration officials mostly reiterated earlier claims based on social media posts and unverified audio and video recordings published by Ukrainian government.»
Cette timidité de l’IC ne peut être accidentelle, bien entendu. Il y a une démarche délibérée et elle nous rappelle celle de Syrie, telle que la rapporte McGovern dans l’article déjà cité... «The last time a major war loomed on the near horizon, Secretary of State John Kerry played fast and loose with the facts. In a speech on Aug. 30, 2013, he solemnly claimed, no fewer than 35 times, “we know” that the Syrian government of Bashar al-Assad was responsible for chemical attacks outside Damascus on Aug. 21. Just a few days later it became abundantly clear that Kerry did not know. There was instead a great deal of uncertainty within the U.S. intelligence community. And, to their credit, my former colleagues in CIA and in the Defense Intelligence Agency stood their ground by refusing to say “we know.”
»Indeed, the dog-not-barking moment in the Syria-sarin case was the absence of U.S. intelligence officials sitting behind Kerry when he testified about his supposed knowledge to the U.S. Congress. Unlike the tableau in 2003 when CIA Director George Tenet positioned himself behind Secretary of State Colin Powell to give silent endorsement to Powell’s false allegations about Iraqi WMD to the United Nations Security Council, Kerry had no such support when he made his case against Syria’s government, although the clueless U.S. mainstream news media failed to notice this significant absence.
»We Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS) tried to alert President Barack Obama to this lack of consensus among our former colleagues in a Memorandum for the President on Sept. 6. Determined to avoid a redux of the fraudulent intelligence performance on Iraqi WMD, our former colleagues refused to “fix the intelligence around the policy” – again. The opposition was so strong that not even the malleable CIA Director John Brennan could give Kerry the usual “Intelligence Assessment” he wanted. So the best the Obama administration could cook up was something called a “Government Assessment” bereft of verifiable evidence and shorn of the normal dissents that intelligence analysts file with traditional estimates.»
Bien entendu, McGovern donne une appréciation complète, crise terminée, de la position de l’IC durant cette crise du “chimique syrien” d’août-septembre 2013. Pour le cas du MR17, nous n’en sommes encore qu’aux premiers développements de la crise, mais l’on mesure déjà la prudence des sources venues du renseignement, et encore, dans les cas cités, de sources anonymes officiellement déléguées auprès de grands organes de la presse-Système, – donc officiellement en accord avec le pouvoir politique, – en principe.
On s’arrêtera pourtant à un cas particulier, que nous avons déjà cité, le 21 juillet 2014, qui est celui de Robert Parry citant ses propres sources du renseignement US concernant une batterie de missiles BUK/SA-11 et de ses servants, en Ukraine, dans l’espace du “lieu du crime”. Parry rapportait que ces servants semblaient être, selon ses propres sources de l’IC, en uniforme ukrainien. Il semble que cette information, soudainement jusqu’au détail même de l’uniforme alors que l’entièreté du cas reste si vague, ait fait l’objet de précisions des sources de l’IC auprès des journaux de la presse-Système, avec l’hypothèse proposée que le ou les uniformes ukrainiens serai(en)t celui ou ceux d’un ou de “déserteurs ukrainiens” spécialiste(s) des missiles, et passé(s) chez les résistants du Donbass.
C’est Parry lui-même qui relève la chose, le 22 juillet 2014, sur ConsortiumNews, et qui fait ses commentaires. En notant que n’a pas été relevée l’hypothèse beaucoup plus évidente de militaires ukrainiens en mission et en action dans le cadre de leur service normal, ce qui suppose la culpabilité de Kiev, Parry conclut selon sa propre appréciation logique qu’il s’agit “probablement d’un autre cas où le gouvernement US manipule le renseignement pour le faire correspondre à une interprétation politique, comme il le fit durant les événements qui précédèrent la guerre en Irak”.
«On Tuesday, mainstream journalists, including for the Los Angeles Times and the Washington Post, were given a briefing about the U.S. intelligence information that supposedly points the finger of blame at the rebels and Russia. While much of this circumstantial case was derived from postings on “social media,” the briefings also addressed the key issue of who fired the Buk anti-aircraft missile that is believed to have downed the airliner killing all 298 people onboard.
»After last Thursday’s shoot-down, I was told that U.S. intelligence analysts were examining satellite imagery that showed the crew manning the suspected missile battery wearing what looked like Ukrainian army uniforms, but my source said the analysts were still struggling with whether that essentially destroyed the U.S. government’s case blaming the rebels. The Los Angeles Times article on Tuesday’s briefing seemed to address the same information this way: “U.S. intelligence agencies have so far been unable to determine the nationalities or identities of the crew that launched the missile. U.S. officials said it was possible the SA-11 [anti-aircraft missile] was launched by a defector from the Ukrainian military who was trained to use similar missile systems.”
»That statement about a possible “defector” might explain why some analysts thought they saw soldiers in Ukrainian army uniforms tending to the missile battery in eastern Ukraine. But there is another obvious explanation that the U.S. intelligence community seems unwilling to accept: that the missile may have been launched by someone working for the Ukrainian military...»
Quoi qu’il en soit, cet épisode sur une information précise divulguée sur l’internet met, par contraste, l’accent sur l’“extrêmement vague” des évaluations de l’IC données à la presse-Système, et sur l’information elle-même de la presse-Système par conséquent, – cette information, pardi, entre “soufflé hystérique” et l’extrêmement vague” des sources officielles de l’IC. Il y a certainement des raisons à cette forme de démarche de l’IC, et d’ailleurs dans la façon même dont s’expriment les “officiels”. Deux hypothèses sont disponibles à cet égard, qui peuvent d’ailleurs ne pas s’exclure l’une l’autre, mais au contraire se compléter.
• La première de ces hypothèses est que l’IC possède peu de données précises sur les circonstances de l’affaire de la destruction du vol MH17. Bien que la chose soit possible dans certains domaines, plusieurs circonstances vont nuancer cette appréciation d’une façon générale : pour nous, notamment, l’affaire Parry portant sur des questions de vision détaillée aussi bien que les affirmations russes selon lesquelles les USA avaient un satellite-espion au-dessus de l’espace où eut lieu la destruction du MH17, et donc qu’ils doivent disposer d’une imagerie importante à ce propos.
• La seconde de ces hypothèses renvoient au précédent syrien. Il s’agit de la possibilité que l’IC possède un matériel significatif sur l’affaire MH17, mais n’en déduit nullement une évaluation s’accordant au diktat politique de type “soufflé hystérique”, ou des déclarations de John Kerry. Dans ce cas, le renseignement fait un minimum pour répondre aux sollicitations du pouvoir politique, intervient sur tel ou tel cas précis (le cas Parry) selon les indications du gouvernement, mais refuse de faire une évaluation générale précise allant dans le sens politique de la narrative choisir par le gouvernement. Éventuellement, comme le rappelait McGovern pour la Syrie, refus d’un Intelligence Assessment correspondant à la politique de l’administration.
Dans tous les cas, on se retrouve dans une situation où s’amorce clairement un embourbement du processus politico-stratégique à Washington, où se raniment les habituelles querelles entre techniciens et idéologues, entre fonctionnaires de carrière et personnel politique partisan. C’est alors que le sens de la crise peut basculer, puisqu’en même temps le “soufflé hystérique” devrait commencer à se dégonfler.
Cette circonstance peut conduire à des surprises désagréables, cette fois du côté de l’opinion publique, avec relais éventuel, dans un cas ou l’autre, vers des représentations législatives. Dans le cas syrien, la crise du chimique avait été entamée selon la certitude d’un fort soutien de l’opinion publique, très hostile en théorie et en sondages à Assad. C’était la phase dite du “soufflé hystérique”, et c’est sur cette base que les politiques évoluaient en privilégiant une narrative maximaliste d’intervention. Puis des dissensions étaient apparues dans les pouvoirs politique, notamment à Washington, – mais pas que... Ainsi eûmes-nous les surprises, d’abord du vote négatif (contre une attaque contre Assad) des Communes à Londres, puis d’une Chambre des Représentants du Congrès US hostile à une attaque contre la Syrie, tout cela sur la base d’une opinion publique qu’on voyait basculer dès lors qu’il s’agissait de passer de l’indignation à l’action clairement engagée. Le même processus pourrait se renouveler avec l’Ukraine et MH17.
En attendant ces divers développements, on peut d’ores et déjà noter un fait assuré qui nous paraît très prometteur et porteur de prolongements intéressants. On peut, pour aborder ce dernier chapitre, se référer à l’épisode Parry, qui est un commentateur de l’internet (son site, ConsortiumNews). Cet épisode met aussi en évidence, d’une façon officielle et formelle, combien l’internet peut diffuser des informations largement en avance, et bien plus intéressante et instructive, sans contrainte réelle, sans consigne à respecter, sans maquillage ni fond de teint, sur des sujets fondamentaux de crises en pleine extension, – tout cela dont est privée la presse-Système qui doit attendre ses consignes et qui s’en tient le plus souvent aux communiqués officiels. Dans le cas Parry, c’est l’IC qui intervient pour tenter d’aménager une information de l’internet, pour la presse-Système attendant les consignes, avant de s’aventurer à savoir exactement ce qu’elle doit et peut faire de cette information.
D’une façon plus générale, on remarque que tous les officiels, – de Marie Harf du département d’État (voir le 22 juillet 2014) aux “officiels” de l’IC, – renvoient leurs interlocuteurs de la presse-Système aux “réseaux sociaux” et, plus généralement, à l’information internet, pour en savoir plus sur l’Ukraine et l’affaire du MH17. C’est une bien curieuse et cinglante leçon pour les ténors privilégiés du Los Angeles Times et du Washington Post (sans parler des sous-fifres du Monde & Cie), d’être forcés ainsi d’obtempérer à une hiérarchie de l’information où ils se trouvent en queue de processus, en porteur d’eau du Système ; et hiérarchie dressée par ceux qui les inspirent et les tiennent serrés, à l’intérieur du Système. Voici donc la “feuille de route” pour la presse-Système : lisez donc internet, ses réseaux sociaux, ses vidéos, ses informations, et vous aurez ainsi du matériel sur les affaires du temps qui court ; quand vous en serez là, poursuit le Système, nous vous tiendrons la main pour choisir ce qui peut être repris dans vos dignes colonne et vos audacieux talk-shows, et ce qui vous est interdit d’impression et d’antenne.
Requiem In Pace, presse-Système.
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