Notes sur les systèmes antiSystème (dde.crisis)

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Notes sur les systèmes antiSystème (dde.crisis)

Dans le numéro du 10 janvier 2011 de notre Lettre d’Analyse dde.crisis, la rubrique principale de defensa que nous avons pris l’habitude de présenter dans nos Notes d’analyse est consacrée au phénomène que nous désignons comme le “système antiSystème”. Nous en parlons régulièrement dans nos diverses chroniques et commentaires, depuis que nous avons commencé à déterminer et à explorer ce concept (voir notre F&C du 10 décembre 2010).

Nous présentons le système antiSystème comme “un nouvel acteur de la crise” générale du Système (ce que nous nommons le “Système-en-soi”). C’est à propos de l’affaire WikiLeaks-Cablegate que nous avons songé à ce concept, dans la mesure où il nous a semblé distinguer une nouvelle sorte d’“organisation” se formant spontanément avec comme dynamique exclusive d’agir contre le Système. Notre démarche est très spécifique…

«Nous explorons donc un concept tout à fait nouveau, à partir d’une hypothèse intuitive qui s’est imposée à nous devant le spectacle de la formation de “structures” en apparence informes, et qui prenaient peu à peu, ou rétrospectivement, ou d’une façon spectaculaire (cas de “WikiLeaks devenant Cablegate”), la fonction opératoire d’un système antisystème, devenant en réalité “système antiSystème” (un système formé contre ce Système-là, “qui tient notre civilisation”).

»Il ne s’agit certainement pas d’une simple hypothèse technique. Nous avons autre chose à l’esprit, également selon la poussée de l’intuition haute bien plus qu’appuyée sur des faits “probants”, – aussi inexistants dans une interprétation de quelque intérêt que ce soit que “probatoires” de rien du tout qui soit d’un quelconque intérêt…»

Fascination, Tea Party, Cablegate et Ron Paul

C’est effectivement avec l’affaire WikiLeaks-Cablegate que l’hypothèse (l’intuition) du système antiSystème nous est venue à l’esprit. Il nous est très vite apparu que cette sorte d’“organisation” qui n’en est pas une se retrouvait dans d’autres cas, – le mouvement Tea Party ou le rassemblement observé autour de Ron Paul peuvent également, à notre sens, être qualifiés de systèmes antiSystème.

Alors qu’on observe des antagonismes et des contradictions qui apparaîtraient décisives pour ne pas mettre ces entités dans la même catégorie si l’on s’en tenait aux références idéologiques et autres du domaine (certains dans Tea Party ont violemment dénoncé WikiLeaks), on observe des similitudes structurelles et de comportement… Une «espèce de consistance “molle” de ces organisation, – dont le premier caractère est de dépendre d’“organisations” qui n’en sont pas vraiment, selon des structures imprécises, avec des groupes disparates. Ces […] phénomènes sont, chacun dans leurs domaines, dans une sorte d’“institutionalisation” réticente qui leur fait accepter sélectivement certaines règles et passer outre à d’autres…»

Face à ces formations, le Système réagit mal, ou pauvrement. Il pourrait riposter d’une façon dévastatrice et habile car il en a les moyens et la pratique ; il ne le fait pas. Les trois exemples cités se sont développés, pour des raisons et selon des processus divers, sans véritables obstacles, alors qu’il était logique d'attendre qu'ils n'aient aucune chance de réussite réelle (c’est-à-dire efficace, non “récupérée”).

Notre hypothèse est qu’il existe, de la part du Système, une fascination pour ces développements, qui l’empêche de réagir d’une façon efficace. Cette fascination se trouve dans ceci que le Système retrouve dans le développement des systèmes antiSystème le même processus de formation et la même structure “molle” qui le caractérisent lui-même. Sensible à la seule substance et étranger à toute notion d’essence (dans ce cas, l’essence représentant la forme dynamique antiSystème), le Système est fasciné…

Duplicité et vulnérabilité du Système

Le “succès” des systèmes antiSystème repose effectivement sur cette fascination irrépressible du système pour ce processus de formation qui lui ressemble tant, presque “comme un frère” (ou “comme un fils”). D’où cette impuissance du Système réagissant excessivement, ou mal à propos, réagissant d’une manière qui dévoile sa duplicité et, surtout, son extrême vulnérabilité.

Cette vulnérabilité fondamentale situe le statut actuel du Système, qui est explicable par le contraste phénoménal entre elle-même (cette vulnérabilité) et l’hyper-puissance que le Système manifeste dans le champ de la “matière déchaînée”. Cette occurrence fait que le Système, comme l’observe Chris Hedges, ancien journaliste du New York Timles devenu dissident, peut, à cause de ce déséquilibre déstabilisant et déstructurant, s’effondrer “à n’importe quel moment” (“at any time”), – plutôt que d’en être menacé d’une façon imminente…

«L’idée de la fragilité de l’Empire n’est pas vraiment nouvelle, elle a commencé à être développée pour la phase actuelle chez divers auteurs “dissidents” autour de 2004-2005. Par contre, l’idée du collapsus “à n’importe quel moment” est très nouvelle. (C’est une idée différente de l’idée du collapsus “imminent” par exemple, parce qu’elle introduit une notion d’incertitude absolument eschatologique tandis que la notion d’“imminence” reste encore dans le domaine de la raison humaine à cause de sa dimension chronologique. L’idée du “à n’importe quel moment” implique que l’inéluctable effondrement de l’Empire ne dépend plus de lui-même, de ses propres excès, mais d’un destin qui le dépasse désormais.)»

Chris Hedges, qui se trouvait alors en Europe pour le NYT, évoque le précédent du Mur du Berlin en rétablissant la réalité de l’atmosphère qui régnait alors et que les documentaires et récits officiels d’aujourd’hui font perdre de vue. Personne (sauf l’ambassadeur US à Bonn Vernon Walters) n’imaginait encore, en septembre 1989, les extraordinaires événements des cinquante ou soixante jours qui suivirent. Par contre, Hedges rapporte que cette perspective était largement répandue dans les réseaux et rassemblements informels des pays de l’Est, – “systèmes antiSystème” avant l’heure. Et le Système s’effondra, selon ce même constat, “at any time”… La psychologie (évidemment, la psychologie comme force “dissidente” du Système) était devenue la force motrice et unificatrice de l’événement.

La psychologie, dynamique d’attaque du Système

Effectivement, aujourd’hui comme en 1989, – chute d’un Système (communiste) pour chute du Système (général), – la psychologie joue un rôle complètement fondamental et primordial, notamment bien sûr dans la formation des systèmes antiSystème… «Les conditions sont aujourd’hui, au niveau de la communication, incomparablement différentes de ce qu’elles étaient en 1989. Cela ne signifie pas pour autant qu’il y a pour nous différence de nature, mais qu’il y a différence de moyens pour exprimer cette nature. Cela signifie que nous tenons que la psychologie joue un rôle fondamental, aujourd’hui encore et même plus que jamais, dans ce phénomène que nous essayons d’approcher : la formation des systèmes antiSystème. Encore une fois, la psychologie est la clef de tout et, encore une fois, le système de la communication joue son rôle ambigu de Janus.»

La psychologie, formant le principal matériel de formation des systèmes antiSystème, est aussi la principale dynamique d’attaque de ces systèmes antiSystème contre le Système. A ce point du constat hypothétique, on est conduit effectivement à attribuer à ce caractère fondamental du vivant un rôle, plus encore, – une “mission’ spécifique dans la crise en cours. Le but ultime est bien la destruction du Système.

«Ainsi, l’hypothèse à ce point, – nous évoluons d’hypothèse en hypothèse, certes, – est de concevoir que l’action de la psychologie dans la formation des systèmes antiSystème constitue une véritable “mission” attribuée à cette psychologie pour constituer des forces d’attaque contre le Système. (Et, dans ce cas, bien entendu, la psychologie prise dans son cadre le plus large possible, nullement restreinte au seul système de la pensée humaine, mais prenant en compte qu’une psychologie peut également se constituer dans un système même, qui lui soit propre.)»

D’une façon plus spécifique, le but de cette mission est de restaurer la raison humaine dans ses fonctions naturelles, qui sont celle d’un outil sans égal œuvrant sous l’inspiration de l’intuition haute. Il s’agit d’écarter la subversion qui s’est emparée de la raison humaine depuis le XVIIIème siècle notamment… Il s’agit, pour la psychologie, de “ramener la raison à la raison”.

L’efficacité des systèmes antiSystème

Un exemple de l’efficacité des systèmes antiSystème au travers du cas de WikiLeaks, on le trouve dans l’installation quasiment institutionnalisée des documents WikiLeaks. Il s’agit d’une nouvelle source d’information au travers de la publication régulière et échelonnée des “fuites”, selon la formule choisie pour l’affaire Cablegate (autour de 1% des 250.000 documents de cette troisième “livraison” de fuites WikiLeaks publiés après plus d’un mois et demi d’activité pour cette phase).

Les fuites WikiLeaks en ont acquis l’expression devenue générique de “Wiki-câbles” qui présentent le double avantage d’être authentiques (câbles du département d’Etat) et de n’être soumis à aucun contrôle du Système. Leur crédit est largement supérieur aux nouvelles de sources officielles et aux nouvelles de la presse-Pravda qui sont la duplication des précédentes.

Face à cette institutionnalisation, le Système est non seulement impuissant, mais plus simplement inconscient du tort qui lui est fait, à cause de la fascination signalée plus haut : «Que WikiLeaks/Cablegate ait formé un système dont le caractère est d’être antiSystème est bien sûr fondamental, et le principal de la chose. Mais cela, le Système n’est pas capable de le distinguer. Il n’est sensible qu’à l’appréciation des apparences des formes artefactuelles correspondant à ses propres références. Il s’agit bien d’un processus type “serpent qui persiflait” inversé, mais le Système ne retient que l’apparence du serpent, il est rassuré et laisse passer...»

L’action de la psychologie réinstalle la métaphysique

Nous avons donc un phénomène créé, suscité, animé principalement par la psychologie, qui évite l’“intelligence” organisatrice de la raison humaine qui s’avère en général faussaire, qui parvient ainsi à prendre le Système à son propre jeu. Cette action fondamentale de la psychologie, bien qu’apparaissant comme totalement inorganisée, ou parce qu’apparaissant totalement organisée, atteint l’essence même de la vérité par la résistance au Système. Elle pose l’acte principal de la résistance. Elle réinstalle la métaphysique dans toute sa puissance.

«…Il est évident que l’hypothèse doit être considérée avec la plus grande énergie, née de l’intuition haute qui doit reprendre sa position prééminente dans la hiérarchie de notre pensée, d’une lutte de forces qui rendent dérisoires les prétentions humaines des trois ou cinq derniers siècles à ce que la raison humaine trace elle-même les règles du destin de l’univers. C’est dans cette lutte qu’intervient la psychologie dans sa situation présente. Elle témoigne donc de la résurrection de la métaphysique, donc de la réapparition de la vérité contre les forces déstructurantes dont la raison humaine s’était faite la complice et la servante volontaires, pour pouvoir satisfaire sa vanité. D’une certaine façon, dans les circonstances présentes, l’action de la psychologie telle qu’on tente de la décrire restaure la fonction métaphysique qui a été fondamentalement mise en cause par la modernité dans la mesure où cette spécificité historique (la modernité) ne peut être activée que par sa totale intégration dans la dynamique du “déchaînement de la matière” qui est destructrice de la métaphysique, – “déchaînement” tel que nous le décrivons selon notre vision de l’Histoire des derniers siècles.

»La psychologie joue ce rôle, par les divers processus et les diverses “tactiques” qu’on décrits parce qu’elle a été choisie comme le moyen de concrétiser la grande force métahistorique qui s’est levée contre l’évolution terminale de la modernité et du “déchaînement de la matière” substantivé d’une façon concrète par ce vaste ensemble auto-organisé que nous nommons “le Système”, qui intègre essentiellement la dynamique du système du technologisme et la dynamique adjointe mais devenue extrêmement importante et désormais très ambiguë (Janus) du système de la communication. La psychologie elle-même conduit des processus qui s’adaptent aux caractères du Système en général, pour mieux former des moyens efficaces de contre-attaque vis-à-vis du système (dito, les systèmes antiSystème)…»

…Dans ce contexte des systèmes antiSystème, les événements à venir, et à venir très rapidement, sont par nature totalement imprévisibles et extraordinaires.