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519415 mai 2019 – L’instabilité actuelle aux USA est totale, plus qu’elle n’a jamais été sans doute, plus que durant l’intense période de trouble que nous avons connue depuis 2016 et qui semblait établir un paroxysme indépassable. En fait, rien ne s’est arrêté avec l’élection de novembre 2016 et nous avons poursuivi cette régulière et roborative progression vers le haut et vers le plus intense du “paroxysme durable” de Washington D.C. : de même que l’altermonde a inventé le “développement durable” en se découvrant antiSystème, de même Washington D.C. est-il devenu “D.C.-la-folle” en inventant le “paroxysme durable”en la personne de Donald Trump.
La situation des USA relève plus de “D.C.-la-folle” que de Washington D.C., on l’a compris. L’incertitude est totaleconcernant les grands secteurs de référence qui fleurissent en général les discours politiciens, avec des données “objectives” (sur l’économie, sur le social) en général totalement faussaires et ne relevant en aucun cas d’aucune vérité-de-situation.
Pour ce qui concerne le pouvoir lui-même, incertitude et désordre également. La pression continuelle effectuée par l’entourage de Trump (dont le couple Kushner-Ivanka) pour déclencher un conflit (avec l’Iran) peut soit déboucher effectivement sur un conflit (avec l’Iran) mais aux dimensions difficilement imaginables et dans des conditions que nul ne peut esquisser ; soit sur une crise majeure à la Maison-Blanche, au sein même des structures insaisissables du pouvoir trumpiste qui se retrouverait une fois de plus plongé dans le chaos ; soit sur un élargissement de la crise avec un affrontement continuel et même relancé entre Trump et les démocrates (à la Chambre des Représentants)… Tous ces éléments confirment que là aussi le paroxysme de 2016-2017 s’est poursuivi et semble devoir préparer un nouveau renchérissement de paroxysme (nième “paroxysme du paroxysme”, si vous voulez) à l’approche de 2020 et pour ces élections.
Une fois de plus, les facteurs “objectifs” considérés par les analystes ne sont pas plus déterminants qu’ils ne l’ont été en 2016, et ils le sont moins encore si c’est possible. La prise en compte du phénomène Trump-2016 dont on s’est empressé de faire un nouveau “facteur objectif” pour pronostiquer sa réélection certaine, – nouvelle coupe Trump-2020, mais costume déjà connu et garanti en matière de pur américanisme, – constitue là aussi une démarche rationnelle qui a toutes les chances d’être balayée par les circonstances imprévisibles et paroxystiques de USA-2020.
Tout cela constitue des circonstances assez remarquables pour introduire des hypothèses qui sont normalement considérées comme complètement marginales, sinon fantasmées, par les esprits rationnels des experts qui observent la vie courante aux USA et ne voient rien venir. Mais avançons une remarque à peine audacieuse : les experts, aujourd’hui, en général, sont placés de telles façons qu’ils nous fournissent une quasi-presque-certitude : ce qu’ils nous annoncent au nom de leur expertise rationnelle, ou de leur rationalité experte c’est selon, n’a strictement aucune chance de se produire. D’où une nouvelle poussée de notre intérêt pour Tulsi Gabbard...
On fera ainsi une rapide analyse sur la possibilité que Tulsi Gabbard dans les élections qui s’annoncent pour 2020, se retrouverait dans un environnement, dans un “climat” qui devrait lui être notablement favorable. Si l’on s’en tient aux habitudes de l’argent qui dominent aux USA, à l’attitude des médias qui domine, au “climat” qui prévaut tel que nous les communiquent les médias, Gabbard n’a strictement aucune chance. Si l’on tient à l’hystérie qui prévaut aux USA, et qui devrait donc atteindre un nouveau paroxysme en 2020, et dans des perspectives absolument impossibles à déterminer en fonction du fait qu’aucun apaisement n’a eu lieu après le tumulte des élections de 2016 et l’élection de Trump, comme cela aurait dû être le cas, il faut considérer d’autres possibilités car l’on se trouve à nouveau devant des perspectives qui n’ont pas de précédents.
Pour commencer le développement du sujet, nous reprendrons en partie un article très récent de John Wight, qui fait une comparaison entre Gabbard et le précédent de Henry Wallace, vice-président de FDR de 1940 à 1944.
« Discours après discours, interviews, médias sociaux, – la députée du Parti démocrate d'Hawaï Tulsi Gabbard ne cesse de mettre en accusation le militarisme américain, soulignant que le budget de la défense de Washington, grossièrement gonflé, sa dépendance aux guerres dite de ‘regime change’, la subversion de gouvernements souverains et la recherche de la domination hégémonique totale qui est au cœur de la doctrine malfaisante du néoconservatisme et de l'interventionnisme libéral, nuisent aux intérêts du peuple américain plutôt que de les protéger.
» Le préjudice est mesuré par un taux de pauvreté “officiel” de 12,3%, soit 39,7 millions de personnes ; par une crise des sans-abris de proportion criminelle, touchant plus de 500 000 personnes. Dans ce pays qui est l’un des plus riches du monde, des dizaines de millions de citoyens sont privés de soins de santé.
» L'argent et les ressources qui pourraient être utilisés pour atténuer les crises susmentionnées et d'autres crises qui engloutissent l'Amérique sont plutôt jetés dans le trou noir d'un complexe militaro-industriel qui entretient plus de 800 bases militaires américaines officiellement reconnues dans plus de 70 pays du monde, l'objectif étant de rendre le monde sûr non pour la démocratie mais pour les entreprises américaines et occidentales afin d'exploiter les ressources naturelles et humaines mondiales dans l'intérêt des élites économiques du pays. [...]
» Dans un groupe de candidats à l'investiture qui comprend l'ancien vice-président Joe Biden, l'ancienne députée Elizabeth Warren et le socialiste démocrate Bernie Sanders, Tulsi Gabbard se distingue comme la seule personne prête à soumettre la vache sacrée de l'hégémonie américaine à un examen approfondi et à des critiques encore plus sévères, suscitant ainsi l'opprobre croissant d'une classe politique et médiatique américaine qui est fermement attachée à la croyance que la force et le pouvoir américains constituent le plus grand espoir de l’humanité. [...]
» Tulsi Gabbard, en résumé, a fait preuve d'une intrépidité remarquable dans sa volonté de confronter l’establishment interventionniste néoconservateur et libéral des États-Unis à une vision politique définie par l’hostilité à l’hégémonie et à la guerre, vision qu'elle exprime avec passion et éloquence. Oh, et en passant, elle a aussi servi dans l'armée, cochant ainsi une case de plus en plus nécessaire pour les dirigeants présumés dans un pays où le culte des forces armées est le culte le plus répandu de tous. […]
» Bien que très minoritaire dans son opposition à l'hégémonie américaine comme étant concomitante avec le progrès humain et la civilisation, l'émergence de Tulsi Gabbard comble une lacune flagrante dans une culture politique washingtonienne affligée par la maladie morale et enragée d’un empire entré dans sa phase de folie furieuse.
» Dans cette quête, elle évoque un autre grand champion américain de la paix plutôt que de la guerre, de la substitution des liens humains à l'exceptionnalisme américain et des principes énoncés dans la Charte des Nations Unies du respect du droit international, de la souveraineté nationale et de l'autodétermination.
» Il s'appelait Henry Wallace, un véritable progressiste qui avait été vice-président de Roosevelt entre 1940 et 1944, avant d'être remplacé par Harry Truman, Wallace avait fait campagne pour une vision du reste du XXe siècle à la fin de la guerre comme le “Siècle de l'homme ordinaire”. Cela l'éloignait non pas de la masse des Américains qui avaient vu des êtres chers mourir et être mutilés à jamais, physiquement et psychologiquement, pendant la guerre, mais des marchands d'armes et des faucons de guerre à Washington pour qui la guerre permanente était la seule voie vers la paix romaine en laquelle ils croyaient.
» Quelle histoire différente nous aurions eu si Henry Wallace avait toujours été vice-président, et non Harry S. Truman, à la mort de Roosevelt un mois avant le fin de la guerre en Europe !
» Les co-auteurs Oliver Stone et Peter Kuznick ont fait une place importante à Henry Wallace dans leur ‘Untold History of the United States’ et ils ont inclus un discours qu'il a prononcé à New York en avril 1946, pour le premier anniversaire de la mort du FDR. Dans ce discours, Wallace s’opposait à la démarche de confrontation avec l'Union soviétique préconisés par Winston Churchill dans son tristement célèbre ‘Discours du rideau de fer’, prononcé à Fulton, Missouri, le mois précédent.
» Wallace : “Il y a un mois, Monsieur Churchill a exalté le ‘siècle anglo-saxon’. Il y a quatre ans, j’ai rejeté l’idée d’un ‘siècle américain’. Aujourd'hui, je rejette l’idée d’un ‘siècle anglo-saxon’ avec encore plus de vigueur. Le peuple du monde ne tolérera pas une recrudescence de l'impérialisme, même sous les auspices éclairés de la bombe atomique anglo-saxonne. Le destin du monde anglophone est de servir le monde, pas de le dominer.”
» Tulsi Gabbard est notre Henry Wallace, une personne dont la vision d'un monde déchiré par les guerres froides et les guerres ouvertes pour la cause non pas de la démocratie ou de la liberté mais de l'hégémonie de l’empire et de la domination au nom d’une supériorité morale et éthique. Sa constance à répandre la vérité et à dénoncer les belligérants et les fauteurs de guerre témoigne d'une femme inspirée par l'exemple de Wallace.
» Comme à son époque, la question cruciale qui se pose à nous est de savoir si l'Amérique est prête à entendre cette vérité particulière, – la vérité sur les motifs réels et les intérêts acquis qui motivent la politique étrangère américaine et l'engagement de Washington avec le monde, – et à agir en conséquence. »
Son cas est assez étonnant… D’un côté, on jugerait qu’elle possède une position très structurée avec un programme politique d’une extraordinaire audace, une assise populaire qui commence à se former. La comparaison avec Henry Wallace est idéologiquement plaisante et peut sembler recéler une dimension historique qui est tout à son honneur ; l’on pourrait également remarquer qu’il existe des similitudes de situation et de caractère entre sa candidature et celle de Ron Paul, pour mieux encore esquisser ses capacités, mais aussi diront certains ses limites infranchissables ; sauf, bien entendu, que Ron Paul c’était en 2008-2012 et que Gabbard c’est en 2020, et qu’entretemps bien des choses se sont passées.
Un signe qu’elle n’est pas vraiment si inexistante que cela, on le trouve dans l’acharnement extraordinaire mis par la presseSystème à montrer 1) qu’elle est totalement inexistante, et 2) que si elle n’était pas inexistante, elle serait une candidate si catastrophique avec son programme d’une véritable “trahison” qu’elle en deviendrait inexistante.
La preuve de cette course à l’inexistence de Gabbard se trouve dans la publication importante à Washington, The Hill, selon ce que nous en rapporte RT.com le 9 mai 2018 :
« Un rapport de The Hill sur les candidats démocrates qui se qualifient pour les débats du parti comporte une omission flagrante : la députée hawaïenne Tulsi Gabbard.
» The Hill a cité un rapport du New York Times détaillant tous les candidats démocrates qui ont réuni les exigences pour pouvoir apparaître sur la scène des débats entre les candidats favoris pendant les primaires. Gabbard fait partie des 10 candidats qui se sont qualifiés en dépassant à la fois les seuils des dons et des votes, et pourtant elle était la seule de ces candidats qui manquait dans le rapport du Hill's jeudi. »
D’une façon plus générale, et pour mieux définir la position de Gabbard, d’où elle vient, ce qu’elle représente, les obstacles qu’elle doit surmonter, la notoriété et l’importance discrètes sinon secrètes dont elle bénéficie, – ou dispose, nous reprendrons un extrait de notre texte du 16 février 2019
« Comme on l’a vu, l’attaque contre elle a été féroce dès l’annonce de sa candidature, à un point qui a pris par surprise ceux qui devraient être naturellement ses partisans, et qui pour beaucoup ne se recrutent [nécessairement] pas dans le même parti (démocrate) qu’elle. Finalement, on peut avoir une approche générale des réactions disons de la “dissidence antiSystème” en matière de sécurité nationale au travers de deux articles, tous deux notamment publiés sur le site UNZ.Review, quasiment le même jour.
• L’article du Saker-US (également sur son propre site) est extrêmement argumenté, détaillé, etc., par une plume qui est largement trempée dans l’encre du scepticisme le plus profond et le plus méprisant vis-à-vis du système de l’américanisme. Son jugement systématique sur Trump est à cet égard révélateur. Et pourtant, finalement, le Saker US n’arrive pas à conclure, laissant ouvertes trois possibilités : (1) Gabbard retournera sa veste, (2) elle sera emprisonnée comme Trump, ou bien enfin (3) joker des jokers, elle tentera réellement de faire la politique promise mais il faut craindre alors qu’elle subira le sort de JFK.
• L’article de Philip Giraldi, le même 15 février passe en revue les candidats (surtout candidates) démocrates pour 2020 et finit par s’arrêter à Gabbard qu’il prend très au sérieux. « Tulsi Gabbard existe-t-elle ? » titre l’article, et la réponse est manifestement positive.
Finalement, une réaction d’un lecteur de l’article de Giraldi donne assez bien le sentiment général qu’on retire à la lecture de ces articles (et d’autres, déjà mentionnées), – de la solidité de la candidate mais aussi des attaques effrayantes qu’elle va subir, d’autant qu’elle apparaît incomparablement plus “sérieuse” et plus déterminée que Trump sur ces questions de sécurité nationale.. « Bien sûr, il est impossible de prédire si ce sera la même chose avec Tulsi Gabbard, mais contrairement à ces autres candidat [antiguerre] dans le passé, elle place son rejet des neocons et du regime change tellement au centre de sa campagne qu’il convient d’assumer qu’elle est sérieuse, – sinon ce serait une trahison trop flagrante. Cependant, si elle est sérieuse à ce sujet et si elle est élue, elle sera combattue par l'État profond et ses alliés dans les médias beaucoup plus durement que Trump, qui n’est pas systématiquement anti-neocon mais pas vraiment pro-neocon. Ce qu’ils lui feraient probablement dans ce cas rendrait risibles par comparaison Spygate, le Russiagate et l’enquête Mueller. Elle pourrait finir comme JFK (un vice-président qui serait juste aussi anti-neocon qu’elle pourrait augmenter ses chances de survie). »
Il est évident que les dossiers pour détruire Gabbard sont prêts, fournis, extrêmement édifiants, plein de moraline moderniste et démocratique, etc. Cela peut offrir une certaine distraction à certains de s’aventurer sur ces chemins de l’anathème, – y compris celui de l’extrême-droite complotiste qui fait toujours recette. Il semblerait plus raisonnable, dans cette atmosphère de rumeurs et de suspicions où la réalité est totalement désintégrée de s’en tenir à des règles les plus simples possibles... Ainsi, on peut par exemple regarder et écouter telle vidéo “pour démolir les rumeurs” (Sham Sharma Show) et accepter la recommandation faite, pour tenir plus ou moins son jugement sur Tulsi Gabbard, de se référer à cette citation de Jimmy Dore (Jimmy Dore Show) : « Ne la [Gabbard] jugez pas sur ses amis mais sur ceux qui sont ses ennemis », c’est-à-dire les establishment pro-guerre des deux partis démocrate et républicain, et également la presseSystème bellicistes, etc., tous ceux qui la haïssent littéralement (pour faire vite : entre 01’05” et 01’30” sur la vidéo).
Pour l’instant, il importe de s’en tenir à cela. Dans ce système postmoderne de la communication poussé aux extrêmes et au radicalisme du langage et de l’affectivisme, la haine éprouvée contre telle ou telle personnalité est une précieuse mesure des choses et des actes, une sorte de vérité-de-situation. Elle s’exprime en toute “liberté” (!) et en toute fureur, libérée des conformismes imposés par le Système, dès qu’est identifiée la possibilité très affirmée d’une attitude antiSystème. C’est le cas avec (contre) Gabbard. Il s’agit, de la part de Gabbard, compte tenu de sa (faible) notoriété, de sa jeunesse, etc., d’une formidable performance de communication en quelques semaines : parvenir à se faire prendre au sérieux au point de susciter une telle haine qu’on évoquerait le sort de JFK. […]
Ce que l’on sait d’assuré aujourd’hui, c’est bien que rien, moins que jamais, n’est assuré. Nous revenons souvent à la seule circonstance de ces dix dernières années où nous faillîmes vraiment partir en guerre, où même ces imbéciles de Français (ces Français-devenus-imbéciles) crurent qu’ils allaient partir en guerre, glorieusement et avec le fameux Hollande à leur tête dans la plus stupide des guerres, – cette circonstance, la fameuse attaque “ratée de peu” contre Damas fin août-début septembre 2013, après une attaque chimique évidemment montée de toutes pièces. On en a fait la chose, – l’erreur, l’accident ou la crainte ultime, – d’un seul homme, du président Obama, alors qu’il n’en fut rien, qu’il y eut de façon très différente un mouvement inattendu et collectif qui bouleversa tout dans le mécanisme belliciste de Washington D.C. Nous ne manquons jamais, et le vieux capitaine PhG non plus, de le rappeler à chaque occasion possible, textes et documents à l’appui :
« Il y a un précédent, celui de l’attaque contre la Syrie d’août-septembre 2013. Tant de monde en ont oublié les véritables circonstances, se contentant d’affirmer qu’Obama avait lancé la menace d’une attaque, avait hésité puis avait reculé. La réalité de cette séquence est que l’attaque décidée après et malgré un vote défavorable de la Chambre des Communes de Londres sur la participation britannique, Obama confia la décision au Congrès : soudain, l’on constata l’effritement accéléré du soutien populaire jusqu’alors acquis à l'attaque, ce que les parlementaires, sollicités par les flots épistolaires de leurs électeurs, traduisirent en intentions de vote de plus en plus défavorables jusqu’à une déroute institutionnelle catastrophique d’où Obama fut sauvé in extremis par l’intervention de... Poutine. (Voir les textes sur ce site, à propos de cette séquence : le 27 août 2013, le 29 août 2013, le 02 septembre 2013, le 06 septembre 2013, le 10 septembre 2013, le 12 septembre 2013.)
» Ce phénomène n’a jamais été vraiment analysé, il a même été prestement déformé puis enterré comme “la mémoire” fait aujourd’hui avec les faits historiques, puis oublié par la direction politique et la communication-Système comme beaucoup trop déstabilisant pour la politiqueSystème pour qu’on puisse seulement en avoir un écho lointain... »
Cela est pour dire que tout est possible et que rien n’est assuré, plus que jamais dans ces temps de désordre [et de confusion] […]
Ce désordre et cette confusion sont les caractères exactement inverses à ceux dont a besoin le Système pour rester dans son mode de surpuissance sans verser dans sa tendance autodestructrice. Ces caractères semblent définitivement installés à Washington D.C. depuis que les événements de 2015-2016 ont transformé ce bastion du Système en une “D.C.-la-folle” dont plus personne n’arrive plus à reprendre le contrôle. L’événement d’août-septembre 2013 rappelé ci-dessus indique combien des poussées collectives inattendues et paradoxales peuvent brusquement apparaître à Washington D.C., – et bien plus encore, bien entendu, lorsque Washington D.C. est devenu complètement et décisivement “D.C.-la-folle”. […] Tout le monde est fou à “D.C.-la-folle”, alors pourquoi pas les événements ? Un tel commentaire n’est si fou qu’il y paraît... »
Un épisode dans ce sens doit être mentionné, pour éclairer ce que nous suggérions récemment et continuons à suggérer : une poussée pacifiste, si l’on veut, qui pourrait entraîner un basculement de la poussée populaire, ou de ce qui est la poussée populaire comme ce fut le cas de août-septembre 2013, – au contraire, scandaleusement au contraire de tout ce qui a été rapporté et soi-disant acté depuis.
(A notre estime, on n’a jamais vu un événement dans ses causes et développements les plus profonds être aussi complètement déformé, sans censure brutale ou surveillance policière de l’écrit, mais par simple “[auto-]fabrication du consentement” des élites [cf. Chomsky, mais concernant une autre classe, ô combien] sur une version complètement fabriquée, que cet épisode d’août-septembre 2013 où Obama ordonna une attaque contre Damas puis, finalement, revint complètement sur cet ordre, – brusquement envahi par la perception d’une poussée populaire hostile à l’attaque, relayée par le sentiment, la perception et bientôt les votes des parlementaires…)
On donne deux textes différents sur ce sentiment qui s’est imposé il y a quelques jours, au moment où la tension avec l’Iran, ou plutôt les pressions US pour une guerre avec l’Iran furent (sont) particulièrement fortes, au point où l’on penserait que le conflit deviendrait inévitable.
Le 9 mai 2019, une revue des médias US par RT-com…
« Les médias grand public et les démocrates s'inquiètent soudain des conseillers bellicistes du président Donald Trump, mettant en question la politique de son administration sur l'Iran et le Venezuela. Les États-Unis ont-ils redécouvert la paix ou quelque chose d'autre est-il en train de se mettre en place ?
» “La guerre est dans l'air”, a déclaré vendredi Conor Friedersdorf dans The Atlantic, avertissant que de hauts responsables de l'administration Trump se lancent dans de nouvelles guerres délibérées (“war of choice“) sans l'approbation du Congrès, “manifestant un mépris pour la Constitution et les sentiments anti-guerre du public”.
» “C'est un moment périlleux pour la république”, écrit Friedersdorf
» Rappelez-vous il y a deux ans, alors que Trump menaçait la Corée du Nord de torrents de “feu et de fureur”, les mêmes personnes qui se tordent aujourd’hui les mains au sujet de l’Iran l’accusaient alors de rhétorique dangereuse et incendiaire, – pour se retourner sur l’instant et le dénoncer à nouveau, mais cette fois parce qu’il “légitimait” Kim Jong-un en le rencontrant pour chercher un accord de paix pour la péninsule coréenne.
» Auparavant, les seuls moments où les médias et les démocrates cessaient leurs critiques antiTrump et lui donnaient une couverture positive, même à contrecœur, étaient ceux où il abandonnait son programme anti-guerre de 2016 et lançait des frappes aériennes contre la Syrie, intensifiait son engagement en Afghanistan, appuyait le changement de régime au Venezuela… Aujourd'hui, même cela est en train de changer.
» A peine vingt minutes après avoir l’article de Friedersdorf, on pouvait lire un tweet des rédacteurs en chef de The Economist déplorant la “course vers la collision” entre les Etats-Unis et l’Iran et demandant de nouvelles négociations. Le magazine londonien, qui reflète généralement les opinions du néolibéralisme transnational, s'inquiète soudain de la perspective d'une guerre entre les Etats-Unis et l'Iran.
» Pourtant, il y a quelques semaines à peine, il était à bord avec Trump et ses conseillers, tout le monde cherchant un changement de régime à Caracas, remplaçant son image de profilage sur les médias sociaux par des photos sexy du “président intérimaire” du Venezuela, Juan Guaido. […]
» Ce changement soudain n’a rien à voir avec l’élection présidentielle de 2020, puisque sur une vingtaine de démocrates en lice pour l'investiture, seuls Tulsi Gabbard et Mike Gravel ont établi un programme anti-guerre fondé sur des principes, et leurs voix sont noyées par [l’ostracisme dont ils sont victimes].
» Une possibilité qui semble de plus en plus probable est que “Russiagate” ait perdu toute sa séduction avec la publication du rapport Mueller : les critiques de Trump qui l’ont fustigé pendant des années à partir de cet argument cherchent désormais désespérément une autre référence pour poursuivre cette même attaque à partir d’une position moralisatrice écrasante. »
Un second texte, de pur commentaire celui-là, était publié le même 9 mai 2019, un texte général pour tenter de comprendre la politique de l’administration Trump et la propre évolution du président lui-même, – sans succès cette tentative, disons-le aussitôt, – et les bellicistes devenant pacifistes parce que Trump semblait devenir vraiment, lui, un super-belliciste et qu’il n’était pas question de se retrouver du côté de Trump…
C’est justement à la lumière de ce changement que Nebojsa Malic faisait un commentaire pour RT-comégalement. Cette coïncidence de la source signalait combien le réseau russe, et ses correspondants dans les institutions et les milieux experts russes, avaient ressenti avec force ce phénomène de ces deux-trois jours…
(A cet égard des évolutions paroxystiques et d’une psychologie collective épuisée à “D.C.-la-folle”, les Russes sont, et de très loin, les meilleurs observateurs, les plus avisés et somme toute les moins partisans, eux qui, au contraire de tous nos experts et connaisseurs du bloc-BAO et parisien bien entendu, disent souvent in fine [comme Malic l’écrit ouvertement] : « S'il y a une chose qui est absolument nécessaire à faire pour ce qui concerne le sujet de ce qu’a l’intention de faire le président Trump, c’est d’attendre de voir ce qu’il fait effectivement… ».)
Malic, donc … « Le président Donald Trump semble faire en sorte que les Américains détestent à nouveau l'empire, en embrassant la guerre, – ou peut-être en faisant semblant de le faire, – contre l'Iran, le Venezuela, Cuba, la Corée du Nord et Dieu sait où ailleurs.
» Une chose à garder à l'esprit à propos de Trump est que ses critiques ont tendance à s'opposer instinctivement à tout ce pour quoi il est, indépendamment de ce qu'ils ont pu penser dans le passé.
» Prenons cette vidéo, par exemple, qui compare la rhétorique étrangement similaire qui sous-tend la campagne de George W. Bush en faveur de la guerre contre l'Irak et le battement de tambour actuel de l'administration Trump pour la guerre avec l'Iran, avec le secrétaire d'État Mike Pompeo, John Bolton, conseiller à la sécurité nationale et Rudy Giuliani, avocat personnel de Trump.
» Trump nous pousse vers le bord de la guerre avec l'Iran, – et tout cela nous semble familier, mais cette fois de façon alarmante.
» D’où vient le changement ? Il a été produit par MoveOn.org, un groupe d'activistes démocrates créé en 1998 pour s'opposer à la destitution du président Bill Clinton, et financé par George Soros. Ce sont les mêmes démocrates qui n'ont rien fait pour s'opposer à la guerre de Clinton contre la Yougoslavie en 1999, à l'intervention d'Obama en Libye en 2011 ou à la véritable guerre en Irak. Mais maintenant ils mettent en garde contre la guerre avec l'Iran, – parce que l’homme à la mèche orange est mauvais ! »
...Et le mouvement semble d’ailleurs se poursuivre d’une certaine façon, comme on le voit encore aujourd’hui avec l’alliance Pentagone-NYT contre Bolton, – mais qui là, horreur, rallie le NYT au président Trump puisque Bolton-Pompeo sont accusés de cacher au président leurs intentions de préparer une guerre contre l’Iran. Effectivement, désordre et confusion…
Quoiqu’il en soit, on se permettra de juger l’“incident” particulièrement significatif bien qu’on n’en puisse mesurer sa durabilité éventuelle, ni la profondeur de son imprégnation. Entretemps, et d’ailleurs ne faisant que rendre compte des agitations de l’administration, les médias de Washington D.C. ont repris leurs comptes rendus sur l’agitation belliciste, relayant par exemple, – mais sans trop insister dans ce sens, – l’interprétation aussitôt donnée par les sources de l’administration des quatre étranges sabotages de pétroliers dans les enclaves émiratis, bien entendu interprétés comme un acte de “provocation” de l’Iran.
Non, cet “incident” est bien significatif dans ce fait qu’il donne une mesure extrêmement significative, justement, de la puissance de la haine, ce sentiment si violent et si irrationnel qui perdure dans toutes les strates de l’establishment progressiste-sociétal (et l’on pourrait même dire l’establishment tout court), contre Donald Trump. Rien ne désarme un sentiment aussi puissant malgré le développement d’une politique belliciste conforme aux rêves les plus fous de cet establishment, particulièrement l’establishment progressiste-sociétal déjà singularisé dans cette analyse.
Certes, on objectera aussitôt, les choses ayant une fois basculé de 180° en deux-trois jours, – dans tous les cas de tel à tel front crisique (il n’en manque pas pour démontrer les vertus du chaos), – dans tous les cas en apparence, – dans tous les cas si l’on passe du Simulacre-A au Simulacre-B (ce qui vaut mieux que le team-A et le team-B du classement du ministre iranien des affaires étrangères), – on objectera que la haine antitrumpiste pourrait s’y retrouver devant le spectacle du gros Pompeo quasiment dans les bras du fin et flegmatique Poutine ; car enfin, voici Russiagate revenu, et au-devant de la scène encore, et avec quel esprit de vengeance par la trahison ! On admettra tout de même qu’il y a un peu du bât qui blesse, puisque Pompeo qui, avec son frère siamois Bolton, recevait il y a quelques jours les félicitations les plus enthousiastes, les plus antitrumpistes, les plus bellicistes et les plus antirusses de Rachel Maddow, comme un salut qu’on fait à des hommes, – des vrais, ceux-là, de vrais hommes ! – conduisant leur propre politique guerrière en forme de bras d’honneur au président postiche-simulacre… Et puis soudain ! Le gros Pompeo dans les bras du fluet Poutine, et qui ne l’étouffe même pas, – des vrais hommes, ça ?! Pauvre Rachel…
(Nous noterons à ce propos que la visite de Pompeo à Moscou, remise d’un jour pour passer en revue les troupes ministérielles de l’UE à Bruxelles, a bien du mal à nous impressionner. Quant aux Russes eux-mêmes, toujours prêts à nous dire qu’ils sont prêts à rétablir des “relations normales” avec leur “partenaire” américaniste, le ferme et intraitable Trump, nous serions inclinés à accorder plus d’importance, pour les activités du jour, aux déclarations de Poutine sur les armes hypersoniques, et à sa visite spéciale à des MiG-31 équipés opérationnellement du tout-nouveau et premier de ces missiles hypersoniques, le Kinzhai.)
Même si cela ne devait durer que les deux-trois jours que nous avons connus, il s’agit tout de même d’un formidable événement de la psychologie washingtonienne de ce temps et de sa si étrange époque, que les fantastiques pathologies de la psychologie washingtonienne conduisent à vous faire haïr au point de vous faire préférer la paix à la guerre. Notre morale-humanitaire, qui sait bien de quel côté est l’humanité, en demanderait des sels pour ne pas défaillir.
En effet, que s’est-il passé durant cet intermède ?
Le formidable affectivisme qui domine les psychologies et les esprits, et les consciences, et les âmes, – si le bazar est complet, – de nos élites-zombie qui nous tiennent enchaînés au nom du Système, s’exprime majoritairement dans une extraordinaire, une inexpiable haine contre Donald Trump, le faux-président, l’usurpateur, l’épouvantable épouvantail manipulé par Vladimir Poutine, réincarnation de Lénine et de Staline à la fois ;
Le non moins formidable déterminisme-narrativiste qui règne conjointement à Washington D.C. et à “D.C.-la-folle” oblige bien entendu à dénoncer le complot mondial russe contre les USA et la paix tout aussi conjointement, et par conséquent à soutenir toutes les entreprises guerrières de défense de la civilisation, de la vertueuse et efficace communauté de sécurité nationale soutenu par le DeepState.
Mais il faut être sérieux, enfin… Cette contradiction, dès lors que Trump fait ce qu’il fait le plus souvent, est extrêmement douloureuse et aussi énigmatique que l’énigme du Sphinx. Que cela en soit arrivé à ce point où, pendant cette période qu’on a signalée, l’affectivisme de la haine ait pris le dessus sur le déterminisme-narrativiste de la guerre américaniste et sans-fin pour dénoncer la marche à la guerre contre l’Iran, voilà qui représente un événement psychologique considérable. Nous nous garderons bien, ici et maintenant, et pour l’immédiat, d’en déduire quoi que ce soit qui ressemblât à une suggestion de prospective. Nous nous contenterons d’observer qu’on trouve là, si cela était nécessaire, un signe de plus mais un signe presque métahistorique et porteur d’inversion eschatologique du formidable désordre qui règne à Washington D.C. aussi bien qu’à “D.C.-la-folle”.
Ce qui nous ramène à Tulsi…
En effet, il était au départ question de Tulsi Gabbard et de l’impossibilité quasi-absolue où elle se trouve d’espérer quelque possibilité que ce soit de figurer disons normalement dans la course à la désignation démocrate, – pour ne pas parler de la course à la présidence... (Rendez-vous compte, noble lecteur, cette jeune femme qui annonçait, hier encore, que, devenue présidente, elle ordonnerait de renoncer à toutes les pôursuites du gouvernement US contre Assangre et Snowden !) Mais juger de cette “impossibilité absolue”, c’est évidemment juger rationnellement d’une situation dont on sait suffisamment qu’elle n’a de rationnel qu’une toute partie d’elle-même, et que de toutes les façons la rationalité présente est le plus souvent utilisée au service d’une irrationalité complète.
Tout cela permet donc d’apprécier que beaucoup de choses peuvent arriver à “D.C.-la-folle”, et notamment celle-ci dont on a vu un précédent important il y a cinq ans (août-septembre 2013 et l’attaque contre la Syrie avortée), et des signes actuels pouvant conduire dans ce sens, d’un renversement complet, inattendu et inarrêtable sous une pression donnée, de l’orientation vers les guerres extérieures. Dans ce cas, bien entendu, Tulsi Gabbard deviendrait une candidate idéalement placée, ayant par ailleurs les avantages très LGTBQ d’être une femme et une membre d’une minorité.
Une telle poussée, dans de telles conditions, auraient déjà un énorme impact même durant les primaires, où Gabbard deviendrait une concurrente importante ; bien plus encore, évidemment, si elle parvenait par extraordinaire à être désignée candidate du parti démocrate. Mais nous ne doutons pas un instant qu’une telle hypothèse impliquerait par ailleurs une situation intérieure plongée dans un désordre extraordinaire, – ce qui est d’ailleurs l’“option” (pour la raison mentionnée ou pour une autre) la plus souvent envisagée pour les présidentielles de 2020 qui sont explosives avant même de commencer.
Dans ce cas, une candidature Gabbard ayant un certain succès ne serait plus qu’un élément important parmi d’autres éléments importants d’une crise majeure qui concernerait rien de moins que l’interrogation sur l’existence structurelle des USA. C’est dire si l’hypothèse est concevable, mais c’est dire aussi qu’on ne s’arrêterait pas là même si les qualités de Gabbard restent indiscutables.