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160102 janvier 2018 – Nous n’avons pas eu beaucoup à attendre : le passage à l’an nouveau a transformé des protestations classiques en une crise qui peut devenir importante, grave, explosive, etc. Les évènements en Iran sont la première préoccupation nouvelle de 2018, la première situation crisique majeure, comme si le cours des évènements tenait à entretenir un rythme étourdissant dans le moteur de la dynamique de surpuissance de déstructuration/dissolution du Système. Depuis mercredi dernier, un mouvement de revendication se développe, dont l’origine est assez indéterminée mais les causes au départ économiques (selon les premiers slogans) tout à fait acceptables et raisonnables.
Aussitôt, l’appareil de subversion des USA, – neocons et tweets de Trump en tête, – s’est emballé dans le sens qu’on devine, au moins dans le domaine de la communication. L’ivresse d’expression comme regime change et “révolution de couleur” agit comme une drogue sur ses psychologies hallucinées et ces intelligence réduites au réflexe pavlovien revu-hightech. Comme les “services” variés ont constamment un dispositif de subversion en place, que cela se sait et que cela se dit, la possibilité de la subversion si souvent confirmée par des fauts dans nombre de circonstances va quasiment de soi sans nécessité de démonstration. L’hypothèse est posée comme quasiment une vérité-de-situation ; si l’on s’en plaint, il importe alors de se demander qui a créé ces conditions où la réalité n’existe plus et où le déterminisme-narrativiste mène la pensée ? – Qui t’a fait esclave de tes propres simulacres ?... Et nous voilà plongés et emportés dans une nouvelle crise de déstructuration-dissolution dont la communication, en pilotage-automatique, répète à la façon d’un perroquet bien informé “regime change et ‘révolution de couleur’”.
Un article de Southfront.org du 1er janvier 2018 repris de Activist Post du 31 décembre 2017, de Brandon Turbeville, est abondamment repris pour donner un large panorama des évènements, de leur évolution, de leur ampleur et des différentes perspectives possibles. On en utilise quelques extraits.
« Un schéma familier se déroule à travers l'Iran [depuis cinq jours.] Des manifestations se déroulent dans de nombreuses villes exposant des revendications et que l'ayatollah Khamenei et le président iranien démissionnent. Pendant [les premiers jours], les manifestations sont restées non-violentes puis la violence a fait son apparition alors que les manifestants ont attaqué un certain nombre de propriétés gouvernementales et appartenant à des “milices pro-gouvernementales”.
» Les neocons dans la presseSystème US et le Président lui-même demandent tous que l’Amérique se tienne au côté du “peuple iranien et des “protestataires” dans leur “combat pour la liberté”. »
Il faut noter que l’appréciation générale est plutôt favorable à la description du caractère, sinon spontané dans tous les cas justifié, de ces manifestations dans les tout premiers jours. SouthFront.org cite un article d’une autre source antiSystème en général très bien informée, The Moon of Alabama (MOA), notamment dans son article “Des agents du regime change en Iran détournent à leur avantage les protestations économiques”. On retrouve là la situation résultant des deux dernières élections présidentielles, où l’on vit le modéré et néo-libéral Rohani l’emporter, ce qui permit certes de parvenir à un accord sur le nucléaire, mais qui d’autre part vit l’installation d’un régime économique néo-libéral plus proche de l’Occident mais extrêmement dur socialement. Ce point socio-économique, ajouté aux dégâts et contraintes causés par les sanctions économiques dont nombre d’entre elles subsistent, essentiellement de la part des USA, justifient la colère et les revendications initiales.
(Les USA jouent toujours le même jeu de piratage, d’illégalité et de trahison politique, enfin de stupidité aveugle sur le terme comme le montrent la succession sans fin de leurs défaites et leur propre crise, “jeu” qui consiste enfin en une complète soumission à la politiqueSystème dont le but est une déstructuration et une dissolution totales de tout ce qui peut être déstructuré et dissous, – y compris le Système lui-même [les USA] par effet pervers inéluctable. Il n’y a pas de meilleure illustration de cela que la politique des sanctions, surtout dans cette époque de globalisation et de chaos.)
MOA résume les faits de départ en Iran : « Les protestations contre les politiques économiques (néo) libérales du gouvernement Rohani en Iran sont justifiées. Le chômage officiel en Iran est supérieur à 12% et il n'y a guère de croissance économique. Les gens de la rue ne sont pas les seuls à être mécontents de cela : Le guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a critiqué à plusieurs reprises le bilan économique du gouvernement, a déclaré mercredi que la nation luttait contre ”les prix élevés, l'inflation et la récession”.
» Jeudi et [vendredi], les slogans de certains manifestants ont transformé l'appel à l'aide économique en un appel au changement de régime... »
De quelle importance sont ces manifestations ? Il faut admettre que la presseSystème, notamment européenne, n’a pas vraiment réagi avec l’hystérie habituelle lorsque sonne l’heure du slogan regime change. Ainsi pouvait-on entendre une journaliste de LCI estimer hier matin qu’on ne savait pas très bien à quoi correspondaient ces manifestations et qu’en général, la remarque d’un journaliste de la BBC sur place constatant que les foules dans la rue étaient composées de 30% de vrais manifestants, de 40% de forces de l’ordre et de 30% de curieux semblait s’accorder à l’avis général. Donc, rien à voir avec la fièvre des commentaires guerriers et affectiviste des évènements de 2009.
Les commentaires des articles cités sur les manifestations mettent en évidence ces caractéristiques des manifestations tout en ne prenant pas en compte la réserve observée jusque-là par la presseSystème européenne, elle-même démontrée d’une façon un peu contradictoire par la citation de vidéos de la BBC : « Il est également important de se demander à quel point ces manifestations sont populaires. Tandis que les grands médias occidentaux et diverses organisations terroristes les supportent de manière appropriée en les représentant comme impliquant des dizaines de milliers de participants à chaque manifestation, les vidéos et les photos ont tendance à ne montrer que des groupes de dizaines voire des centaines de manifestants tandis que d’autres groupes de curieux circulent autour d'eux sans participer.
» “Une vidéo d’une de ces manifestations dans la ville de Mashad a montré une cinquantaine de personnes scandant des slogans avec plus de spectateurs autour”, écrit MOA... “Deux vidéos postées par BBC Persian et d'autres que j'ai vues montrent seulement de petits groupes de protestation actifs avec une douzaine de personnes alors que beaucoup d'autres sont en train de regarder ou de filmer les gens qui scandent des slogans.” »
Il faudra voir comment vont évoluer les commentaires, particulièrement de la presseSystème européennes et des institutions européennes. La situation à cet égard est complètement différente de celle de 2009, lorsque tout le bloc-BAO était uni dans son soutien aux forces contestatrices du gouvernement ultra-conservateur du président Ahmadinejad.
Aujourd’hui, le gouvernement iranien est modéré, il est assez proche des institutions européennes notamment avec sa politique économique néo-libérale, il a signé un accord nucléaire dont l’Europe est la principale garante, contre les USA qui ne cesse de jouer avec l’option de la sortie du traité. Alors que les américanistes se déchaînent d’une façon qui montre beaucoup plus leur déséquilibre et leur état d’hystérie crisique qu’une véritable stratégie de regime change, bien que ce soit évidemment leur but parce que leur aveuglement les empêche de concevoir autre chose, les Européens devraient normalement, – si la “normalité” parvient encore à s’exprimer, – se montrer beaucoup plus prudents et réservés. Sur ce point et dans certaines conditions d’aggravation de la crise iranienne, la crise transatlantique entre l’Europe et les USA depuis l’arrivée de Trump pourrait atteindre des sommets d’exacerbation.
Rien n’est encore fixé dans la situation iranienne, sinon sa soudaine aggravation durant le week-end avec son orientation politique, des tués dont certains par balles, la dénonciation par le gouvernement d’“agitateurs politiques” étrangers, voire de tirs de provocation de ces mêmes éléments troubles. C’est à la fois une rhétorique classique et usée, et une évidence de l’hypothèse à la lumière des évènements courants de ces dernières années. Il est évident que l’inévitable au niveau de la communication est désormais acquis : tenir pour possible pour beaucoup, probable pour certains et certain pour quelques-uns, le développement d’une offensive de déstabilisation par des éléments provocateurs, considérés comme manipulés par divers services, essentiellement américanistes.
Cette thèse extrême qui correspond pourtant bien aux habitudes et aux initiatives déstructurantes de notre époque est désormais envisagée dans ses prolongements, prenant en compte la possibilité d’une constante aggravation et d’une perte de contrôle de la situation par le gouvernement. La conclusion de l’article de Turbeville, qui rappelle une étude de la Brookings Institution (« Which Path To Persia? Options For A New American Strategy For Iran ») à l’occasion des évènements de 2009 sur la façon de modifier la situation en Iran dans le style regime change, va très largement dans ce sens avec à l’appui tant de précédents :
« Alors que la situation en Iran continue de se développer, il semble qu'une autre révolution de couleur est en cours. Alors que de nombreuses demandes sont légitimes, tous les signes indiquent une intervention occidentale dans une tentative de briser l’Iran comme le domino ultime pour faire tomber le Moyen-Orient dans une confrontation générale. Détruire l’Iran détruirait aussi le Hezbollah, affaiblirait la Syrie et la Russie et menacerait Israël. La réussite [du mouvement actuel] dépendra du niveau de subversion que l'appareil de renseignement des États-Unis a développé depuis 2009 et de la capacité de l'Iran à écraser la révolte. Si l’on peut retenir quelque chose de la révolution de 2009, on conjecturerait que l’Iran agira rapidement et écrasera les protestations d'une main de fer. Cependant, si les manifestations qui se déroulent aujourd'hui en Iran sont effectivement une révolution de couleur et si l'Occident y est activement engagé, le “Chemin vers la Perse” verra probablement une escalade d'activité, de violence, et finalement une confrontation militaire directe par procuration et même par l'armée américaine elle-même. »
On notera que les perspectives extrêmes de bouleversement que constituerait une crise de type collapsologique de l’Iran effraient même les adversaires classiques de l’Iran, – mis à part Washington et Israël, desquels rien de rationnel n’est à espérer. C’est par exemple le cas de l’ennemi farouche de l’Iran qu’est l’Arabie saoudite ; disons, dans tous les cas, d’une façon officieuse si l’on s’attache à ce commentaire d’Arab News, qui est une publication saoudienne, sous la plume d’Abdulrahman Al-Rashed, ancien directeur de la gestion de la chaîne TV saoudienne Al Arabiya, et donc a priori reflétant un avis qui n’est pas contraire à celui de la direction saoudienne :
« En ce qui nous concerne – et je veux dire les États de la région, – la situation idéale serait la poursuite du régime actuel mais avec un changement de politique étrangère et la fin de ses projets hostiles. Ce point de vue peut sembler étrange, mais la justification est que la région souffre déjà de nombreuses destructions et qu'elle ne peut pas se permettre un nouveau chaos, des guerres civiles supplémentaires et beaucoup plus de réfugiés. Mais si le soulèvement populaire iranien réussit à changer les politiques étrangères iraniennes et à mettre fin à ses opérations étrangères, et à forcer le régime à se concentrer sur la réforme interne et le développement, ce serait l'option idéale comparé au scénario effrayant de l’effondrement du régime. »
Ainsi peut-on, considérer que nous sommes à ce point :
• Une protestation de départ qui n’est pas nécessairement le résultat d’une opération de déstabilisation parce qu’il y a de réelles causes d’insatisfaction économique et sociale et Iran. Le paradoxe est que ces causes n’ont rien à voir directement avec le régime lui-même, – une théocratie semi-démocratique ou une dictature religieuse selon ce qu’on en a, – parce qu’elles sont principalement de deux ordres : 1) le régime de sanctions impitoyables que les USA appliquent contre l’Iran, avec l’Europe dans leur sillage jusqu’à 2015, et beaucoup moins désormais puisqu’il y a le traité nucléaire qui est quasiment sacré pour l’Europe tandis que les USA ne cessent de la critiquer et de menacer de le bloquer. 2) L’arrivée d’un gouvernement modéré conduisant l’Iran vers une économie néo-libérale plus proche du modèle occidental, pour se rapprocher du bloc-BAO tandis que le bloc-BAO (les USA) appliquait le moyen de pression d’une véritable guerre commerciale sous la forme de la politique des sanctions, qui aggrave tous les effets négatifs courants du néo-libéralisme en effets catastrophiques.
• Les USA, avec Israël qui y pousse, ont sans guère de doute activé certains moyens de subversion pour transformer la protestation économique et sociale en attaque politique type “révolution de couleur”. Certains jugent que c’est la cause centrale, de départ, de cette crise ; ce n’est pas nécessairement notre avis, dans tous les cas du point de vue de la soi-disant direction centrale des USA (le président et l’administration). Les divers services concernés, CIA en tête, ont des plans de subversion prêts ou en activité plus ou moins marquée depuis des années, et ils agissent aujourd’hui plus que jamais, le plus souvent hors de l’autorité directe de la direction civile. Par conséquent, tout est possible de ce côté, – c’est-à-dire les services concernés agissant d’autorité, sans consulter leurs directions politiques, – mais nous aurions tendance à préférer l’explication d’un train soudain en marche aussitôt pris d’assaut par les fauteurs de trouble sans nécessaire consultation précise de leurs autorités.
• Ce qui nous pousse à cette hypothèse est que la priorité devrait être en ce moment, pour les “D.C.-la-folle”, d’interférer dans le processus des élections présidentielles russes plutôt que dans la situation intérieure iranienne. On répondra que mettre l’Iran à feu et à sang est une façon de mette Poutine dans l’embarras, ce qui est une tactique de contournement et de frappe indirecte qui nous semble déjà fort élaborée pour les brutes qui “dirigent” la machine américaniste ... Sur le fond (mettre Poutine dans l’embarras”), on répondra “oui et non”, pour la première raison qu’une telle crise, où l’action US serait évidente, contribuerait à un resserrement patriotique en Russie, par simple hypothèse de l’analogie des situations ; et pour la seconde raison qu’une catastrophe iranienne, comme l’écrit Abdulrahman Al-Rashed, serait une catastrophe pour bien d’autres et bien plus que pour la Russie, et surtout pour toute la région, y compris pour l’Arabie sans aucun doute, par le chaos extraordinaire qui en résulterait.
• L’Iran est un autre morceau que la petite Géorgie ou l’Ukraine pourrie et paralysée dans sa corruption structurelle. Notre appréciation est que, si l’on se dirigeait vers une issue catastrophique, il y aurait une réaction des puissantes forces armées iraniennes, vers l’extérieur en plus de la lutte intérieure, vers les pays qui seraient jugés responsables à tort et à raison à la fois de cet état de fait, – Israël, les USA, l’Arabie certes... Il nous paraît donc inutile de tenter de détailler un tel « scénario effrayant de l’effondrement du régime » puisqu’il serait porteur de tous les effets catastrophiques possibles dans la région, sans doute bien plus même qu’une attaque de l’Iran comme cela est envisagée épisodiquement par les étranges directions politiques emportées par un bellicisme extraordinaire, et principalement celle des USA bien entendu...
... Car, effectivement, le premier enseignement fondamental de la crise iranienne, le seul enseignement assuré, sans le moindre doute ni la moindre contestation possible, c’est l’incroyable stupidité-cosmique qui caractérise la direction politique des USA, – à moins que l’on veuille parler d’hystérie à la place de la pensée, ou de telle autre forme de dégénérescence de la pensée dans la folie, ce qui serait finalement un cas plus logique. A cet égard, Trump n’est ni le fautif ni la cause de ce déferlement, il en est le parfait exemplaire de première série, l’exécuteur impeccable, etc. Par ailleurs, nous affirmerions volontiers, sans aucune possibilité de prouver la chose bien entendu, que si Hillary Clinton avait été à la place de Trump, la même pente aurait été suivie.
La réaction pavlovienne des différents centres de pouvoir, sans aucune précaution, sans la moindre consultation, sans la moindre réflexion stratégique et dans la plus complète indifférence des conséquences stratégiques est en soi un phénomène extraordinaire, quoi qu’aient fait clandestinement les États-Unis. L’irresponsabilité de “D.C.-la-folle” dépasse tout ce que l’on pouvait envisager il y a 10 ans, il a 5 ans d’ici, où pourtant la politique américaniste se trouvait déjà plongée dans l’abysse des agressions continuelles sans le moindre effet positif, sans une victoire, sans une pacification, et laissant derrière elle des monceaux de ruines, du victimes innocentes et ainsi de suite.
S’il faut pour l’instant retenir une chose assurée de cette crise iranienne, c’est bien la démonstration de la profondeur abyssale de la folie qui anime collectivement la direction américaniste. On sait que le pouvoir à Washington est immensément et profondément morcelée, que le président ne préside pas à grand’chose, que les ministres eux-mêmes n’ont guère d’autorité. Le colonel Pat Lang, dans une tentative un peu désespérée d’explication rationnelle de la situation du pouvoir à Washington D.C., observe une certaine proximité dans les personnalités de Trump et de Mattis (deux grands “Délégateurs”, dit-il), avec une très grande tendance à déléguer leur autorité aux rangs subalternes pour simplement veiller aux grandes orientations ; avec le résultat inquiétant, observe-t-il, d’à la fois donner beaucoup d’autonomie aux chefs sur le terrain (ce qu’on a vu en Syrie et qu’on voit peut-être en Iran), et d’introduire une grande confusion par l’absence de ligne directrice fermement perceptible. Une chose refait donc une certaine unanimité à “D.C.-la-folle”, – on n’ose parler de cohésion, tout de même, – et c’est cette espèce de folie belliciste collective, qui est devenue une sorte de monstrueux “Politically Correct”.