Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
17515 décembre 2013 – Après une grosse décade d’incubation, l’accord sur le nucléaire entre l’Iran et les P5+1, ces derniers essentiellement composés des représentants du bloc BAO et de la Russie, révèle sa véritable substance. Le point principal est que la question du nucléaire, qui conditionne tout l’accord, qui en est le cœur apparent et la substance de communication, qui en est l’argument et l’objet de la dénonciation, semblerait finalement n'en être en rien l’essence.
Ce point met en évidence combien cette crise qui serait éventuellement en train d’être conduite à sa résolution est une chose du passé, décrite selon une phraséologie hallucinée dont Netanyahou est le dépositaire obsédé, et selon un argumentaire technique des spécialistes occidentaux du nucléaire incapables d’appréhender les dimensions politiques comme l’esprit des matières dont ils traitent. L’aspect nucléaire de la crise iranienne, qui semblai être la seule cause et le seul argument de la crise, apparaît en vérité comme le moyen qui avait été trouvé de maintenir cette crise en état de survie artificielle depuis un certain nombre d’années.
Maintenant, voyons ce que les principaux protagonistes font de cette perspective de la résolution de la crise ... D’abord, ils font comme si la crise était effectivement résolue, le document définitif signé, etc. Ce n’est peut-être pas si faux.
Les derniers jours ont été le théâtre d’une activité échevelée de l’Iran, dans la personne de son ministre des affaires étrangères Zarif, qui s’est rendu au Koweït, qui a rencontré l’Emir du Qatar au cours d’un passage à Doha, qui est invité aux EAU les 7-8 décembre, qui cherche à conclure une visite en Arabie Saoudite, qui ne cesse d’affirmer dans nombre d’articles la volonté de l’Iran de se tourner vers se voisins du Golfe, de faire des riverains du Golfe (Irak compris) une sorte de nouvelle “communauté”.
Alors, quoi ? L’accord aurait-il comme principale conséquence un réarrangement régional qui serait à l’avantage des seuls acteurs de cette initiative ? Poser cette question c’est bien entendu déjà y répondre ; et cette réponse n’a certainement pas pour but de diminuer ou de réduite l’accord mais plutôt de lui donner sa véritable dimension... Il s’agit bien d’une orientation originale qu’ont pris les Iraniens, dès l’accord signé : non seulement s’agit-il d’une diplomatie de zone, mais il s’agit principalement de la diplomatie d’un nouvel arrangement dans la zone stratégique essentielle du pourtour du Golfe Persique.
Cette situation a été perçue et analysée dans sa véritable dimension par quelques commentateurs. C’est le cas des époux Leverett, Flynn et Hillary Mann, dont on sait qu’ils se trouvent certainement parmi les meilleurs commentateurs de la question iranienne, à la fois experts académiques et anciens officiels US, à la fois partisans d’une vision non partisane, principielle et souverainiste de cette question.
Le 29 novembre 2013, sur leur site Going To Teheran, les époux Leverett publiaient un texte présentant et commentant un article du ministre des affaires étrangères iraniens Zarif publié dans un journal saoudien de grande influence. Comme nous avons été amené à le constater plus haut, le début du commentaire des Leverett tend à bien séparer les deux fait, – les négociations sur le nucléaire et l’initiative régionale iranienne, – pour bien montrer que si l’un (l’accord) permet l’autre (l’initiative régionale), la seconde n’est en rien spécifique ni liée dans l’esprit à la première.
Au contraire, on remarque dans l’article cité par les Leverett, – et les Leverett mettent bien cela en évidence, – le soin que prend le ministre iranien de séparer les pays riverains du Golfe, avec la légitimité de leur présence, de la maîtrise de leur sécurité, etc., et la présence de pays étrangers à la région parce qu’ils y ont des intérêts légitimes ou des ambitions suspectes.
Le propos manifeste de Zarif tel qu’il est suggéré par les Leverett est lui-même de suggérer que, parmi ces “pays étrangers à la région”, certains y sont pour leurs seuls intérêts économiques légitimes et tiennent leur place sans excès ni débordements ; d’autres, par contre, dont les intérêts légitimes sont moins évidents, y exercent souvent des fonctions de sécurité hégémoniques, et ils sont à la fois illégitime et déstabilisateurs. Sans être classés dans cette seconde catégorie, on comprend par l’évidence que les USA suffiraient à eux seuls à l'occuper et à la définir. Voici l’interprétation qu’offrent les Leverett de l’article de Zarif.
«Last week, as nuclear diplomacy between Iran and the P5+1 dominated international headlines, Iranian Foreign Minister Mohammad Javad Zarif published a very important and substantive Op Ed, “Our Neighbors Are Our Priority,” in Ash-Sharq Al-Awsat. The most fundamental message of Zarif’s Op Ed—that Tehran wants positive-sum, mutually beneficial relations with its Gulf Arab neighbors—is, strictly speaking, not a new theme in the Islamic Republic’s foreign policy... [...]
»... But, while continuing in the line, Zarif’s Op Ed is remarkable for the richly substantive agenda it lays out for building closer strategic ties between the Islamic Republic and its GCC neighbors.
» • Citing UN Security Council Resolution 598 (which ended the Iran-Iraq War) and its exhortation that the UN Secretary-General “examine, in consultation with Iran and Iraq and with other States of the region, measures to enhance the security and stability of the region,” Zarif calls for the creation of a regional security framework among the “eight littoral states” of the Persian Gulf (Iran, Iraq, and the six GCC states).
» • While noting that cooperation among these eight states should not be “at the expense of any other party,” Zarif points out an important distinction between those outside powers “who are dependent on us as major suppliers of their energy requirements,” for whom the Persian Gulf “constitutes a major element in their economic and industrial wellbeing,” and “those who do not depend on our energy resources,” for whom “our region is merely an important theater for extending their control in the international political arena and in international economic competition.”
» • Zarif further underscores “that the paramount interest of such outside players may not always be stability, but in fact may depend on what can justify their presence. The presence of foreign forces has historically resulted in domestic instability within the countries hosting them and exacerbated the existing tensions between these countries and other regional states.”
» Beyond these and other important substantive points, the publication of Zarif’s Op Ed in a high-profile, Saudi-owned regional newspaper is unprecedented...»
Selon la même occurrence du constat de l’activité du ministre iranien Zarif, et alors très rapidement une fois fait ce constat, le commentaire général, de sources arabes souvent proches des milieux conservateurs des pays du Golfe, ou bien d’experts des questions iraniennes souvent d’origine iranienne mais ayant des connexions autant avec les pays du Golfe qu’avec des pays du bloc BAO, a été d’évoluer vers cette direction inattendue du constat de la possibilité d’une refonte complète de la situation régionale du Golfe sans intervention extérieure. Ainsi, la méfiance ou la résistance évidente à l’accord nucléaire avec l’Iran, jusqu’à l’antagonisme dans le cas de l’Arabie, pourrait-elle tendre à se transformer, une fois l’accord signé, en une reconnaissance quasi-unanime, au moins d’une opportunité importante d’un réarrangement et d’une pacification du Golfe.
On peut lire, sur l’influent site al-Monitor, la rubrique The Week in Review qui reflète une opinion de consensus, consacrée le 1er décembre 2013 à cette question : «The “joint plan of action” agreed on by six world powers and Iran on Nov. 24 is in a short time proving to be a catalyst for a regional trend toward diplomacy and realism. The consequences of the agreement are already extending beyond Iran’s nuclear program... [...] The mood is already shifting in the Gulf, where there had been resistance if not downright opposition at times to the negotiations with Iran...» Même chose pour l’article de Seyed Hossein Mousavian, ancien ambassadeur iranien passé à la Woodrow Wilson School of Public and International Affairs de l’université de Princeton, sur al-Monitor également, le 1er décembre 2013 : «The Iran nuclear deal could be a breakthrough on regional ties.»
Dimanche 1er décembre, Zarif faisait son premier déplacement depuis l’accord de Genève, et il s’agissait du Koweït, un des États du Golfe. Le journal Keyhan International (voir son site, le 2 décembre 2013) publiait un article détaillant divers aspects de la visite, par le biais de déclarations de Zarif lors d’une conférence de presse. Il s’agit d’un vaste programme de visites, de rencontres, d’initiatives, etc., ayant pour objet effectivement une sorte de “conquête du Golfe“ pour la “bonne cause”, c’est-à-dire l’établissement d’un ensemble de sécurité et de coopération des riverains du Golfe, avec l’Iran bien entendu.
« “The solution to this issue serves the interests of all countries in the region. It is not at the expense of any state in the region,” Zarif said at a joint news conference after meeting Kuwaiti counterpart Sheikh Sabah Khaled al-Sabah. “Be assured that the nuclear deal is in favor of the stability and security of the region,” Zarif said on what was his first official visit to a Persian Gulf Arab nation. [...] Zarif met with Kuwait's ruler and conveyed a message from President Hassan Rouhani on ways to improve relations between the two countries during his meeting in Kuwait with emir Sabah Al Ahmed Al Sabah, according to a report carried by the official Kuwait News Agency. [...]
» Zarif said in Kuwait City that Iran was looking to open a new page in relations with the Gulf. He is also visiting Oman during his current tour and confirmed plans to visit regional heavyweight Saudi Arabia although no date has yet been set. “We look at Saudi Arabia as an important and influential country in the region and we are working to strengthen cooperation with it for the benefit of the region,” he said.
» He also praised the outcome of a visit last week by the UAE foreign minister, saying Tehran would continue to hold discussions with UAE about a misunderstanding over Iranian islands in the Persian Gulf. UAE Foreign Minister Sheikh Abdullah bin Zayed called for a partnership with Iran last week when he became the first Persian Gulf Arab official to visit Tehran since the agreement was signed...»
Le ministre Zarik fait beaucoup d’effort pour pouvoir susciter une visite en Arabie Saoudite. Il l’a encore déclaré publiquement le 2 décembre 2013, lors de son passage à Doha. Il semble surtout que les multiples princes saoudiens discutent pour déterminer une attitude et dans quelles conditions renouer des relations avec l’Iran, si cela est souhaitable.
Le fait le plus important à cet égard ne s’est pourtant pas passé dans le Golfe, mais à Moscou. Il s’agit de la nouvelle visite, la seconde en un peu plus de quatre mois, après celle de fin juillet (voir le 24 août 2013) de Prince Bandar à Moscou, pour une nouvelle rencontre avec Poutine. On comprend que Washington n’intéresse plus guère Bandar en tant qu’envoyé des Saoud, au contraire de Moscou, – et c’est un signe puissant pour toute réflexion sur la région du Golfe autant que sur les relations internationales.
Entretemps, depuis la première rencontre Poutine-Bandar, la Russie a affirmé sa position de maîtrise internationale aux dépens des USA (voir le 2 décembre 2013), et l’on continue effectivement à défiler à Moscou (Netanyahou, Erdogan, Bandar maintenant). L’Arabie, dont la brouille avec les USA prend des allures structurelles, consulte désormais prioritairement la Russie reconnaissant ainsi le rôle, sinon de maître au moins de coordinateur du jeu de cette puissance. Bandar, il y a peu encore “homme de la CIA à Riyad”, est en première ligne dans cette entreprise, pour pouvoir sauver sa position devenue un peu branlante au sein de la direction saoudienne (voir le 23 novembre 2013).
Quant à la visite elle-même, bien entendu il fut question de la Syrie et de l’Iran, parce qu’aujourd’hui la Russie est, pour l’Arabie, l’acteur qui compte dans les questions difficiles de la région, comme le commente Fédor Loukianov dans la nouvelle de PressTV.ir, le 4 décembre 2013. Il apparaît évidemment probable, pour notre propos, que les Saoudiens cherchent des assurances de la part des Russes concernant le tournant iranien.
«[Bandar and Putin] discussed the situation in Syria along with the recent nuclear deal between Iran and the P5+1... [...] “There was a detailed exchange of opinions on the situation in Syria, including in the context of preparation for the Geneva 2 conference,” which is scheduled to be held on January 22, [ the statement said. ]. “Positive dynamics in the international efforts to settle the Iranian nuclear dossier were noted,” it continued.
»The Saudis are trying to diversify their foreign relations by turning to Russia, said Fyodor Lukyanov, head of the Council on Foreign and Defense Policy in Moscow. “Saudi Arabia is furious with the US for threatening to attack Syria and then not carrying that out,” Lukyanov said, adding, “Saudi Arabia can help Russia with a resolution in Syria because if anyone can influence the Syrian opposition, it’s the Saudis, not the Americans.”»
Avec une très grande rapidité, l’évolution iranienne dans la nouvelle situation créée par l’accord intérimaire sur le nucléaire prend une tournure au moins inattendue, sinon imprévue par rapport à l’orientation des négociations, et par rapport aux commentaires-Système convenus qui continuent à mettre l’accent sur le rôle prépondérant du bloc BAO et des USA. Cet accord était logiquement attendu comme quelque chose qui devait prioritairement engager le déblocage des relations entre l’Iran et les pays du bloc BAO, particulièrement les USA certes, ouvrant supposait-on une nouvelle époque pour les deux partenaires.
L’évolution convenue devait même suivre l’orientation, – c’était la crainte de certains pays de la région devant certains commentaires du côté occidental, – conduisant à l’installation de l’Iran, préalablement “occidentalisé” puisqu’on ne doute de rien, comme la puissance dominante de la région, avec l’accord et le soutien des USA. En poussant la prospective, ou plutôt la narrative-prospective, dans ses derniers retranchements, on pourrait imaginer qu’il s’agissait d’une sorte de renouvellement paradoxal et ne manquant pas d’une suffisance bien occidentale et d’un peu de sel moyen-oriental du rôle régional du Shah de “gendarme du Golfe” pour les USA dans les années 1970.
L’Iran ne semble pas preneur... L’Iran adopte une diplomatie complètement différente, qui n’est stratégique que d’un point de vue régional, sans nécessaire référence aux USA sinon pour s’en défier discrètement mais fermement. Il se tourne vers tous les riverains du Golfe, dont certains de ses ennemis jurés hier encore, pour leur proposer une association sur un pied d’égalité, au moins formellement. Ce faisant, l’Iran cherche à dissiper les soupçons et les craintes de son installation comme puissance régionale dominante. Mais il le fait selon une logique constructive destinée à acter du grand changement de situation en cours, qui renforce sa démarche, et qui est de proposer d’écarter l’intrusion des puissances extérieures dans la sécurité du Golfe : “En faisant cela, nous devons tenir à distance les puissances extérieures qui, parce qu’elles ont des ambitions hégémoniques dans la région, s’estiment en droit de pouvoir jouer un rôle de gardiens de la sécurité...”.
Cette approche modifie complètement, effectivement, les supputations qui ont accompagné et accompagnent encore l’évolution de la position de l’Iran, du point de vue du bloc BAO. La conception générale de ce côté est conforme à l’habitude et s’appuie sur une auto-perception bombastique et d’une suffisance extrême, par le bloc BAO lui-même, du rôle et de l’importance du bloc BAO.
L’Iran a été mis à l’index, rejeté pendant des années de la lumière de “la communauté internationale” vers l’ombre des enfers extérieurs ; l’accord intérimaire lui permettrait, grâce un geste grandiose de magnanimité du bloc BAO, de faire un pas vers la lumière et l’Iran ne devrait rien avoir de plus pressé que de se jeter dans les bras de cette “communauté internationale” auto-affirmée, éventuellement à ses pieds ce serait mieux... Cette narrative est un peu précipitée et se trouve nettement mise en question par la poussée diplomatique de l’Iran vers les riverains du Golfe.
Cela ne signifie nullement que l’Iran tourne le dos à la “communauté internationale” mais simplement qu’elle tient la soi-disant “communauté internationale” pour ce qu’elle est : un faux-nez pour le bloc BAO, avec lequel il est effectivement bon de s’entendre, mais qui ne représente nullement l’ensemble du monde, ni par conséquent l’essentiel, ni même le principal de la nouvelle situation iranienne. En admettant que l’évolution de l’accord intérimaire et de ce qui suit soit favorable (hypothèse qui soutient les divers raisonnements présentés ici), en admettant que l’Iran “réintègre” la soi-disant “communauté internationale”, de quelle nouvelle s’agit-il ? Dit de façon moins mesurée, il s’agit d’un pays d’une importance non négligeable, certes, entrant plus profondément qu’il ne fut, ou “réintégrant” un Système qui est ontologiquement en crise générale et complète, dont rien ne peut évidemment le tirer puisque c’est lui-même avec sa crise ontologique qui domine et règle tout à cet égard... Et alors, mises à part les nécessités de sauvegarde devant les effets des sanctions, la nouvelle est-elle si bonne, notamment pour l’Iran ? Disons qu’elle est strictement utilitaire mais que rien n’oblige à aller au-delà.
(On ajoutera la variable, plus marginale pour notre propos mais qui ne manque tout de même pas de sel, selon laquelle l’Iran, s’il était quitte de ses sanctions, pourrait choisir d’intensifier ses relations économiques prioritairement avec l’Asie et ses abords. Il a commencé à le faire durant la période des sanctions, souvent en établissant des liens de complicité avec ses partenaires asiatiques. Il pourrait choisir de privilégier cette orientation plutôt que de retourner vers l’Occident, ou de “revenir” vers l’Occident devenu entretemps, depuis le temps du Shah, “bloc BAO“.)
Selon ce point de vue, le “retour” de l’Iran dans le Système n’est en fait qu’une réintégration des structures de fonctionnement des normes économiques. Elle ne porte en soi aucun effet exceptionnel et ne constitue pas un événement structurel fondamental. Que le bloc BAO poursuive sa narrative en faisant du “retour de l’Iran” un événement exceptionnel, une occurrence de développer une sorte de “nouvel Eldorado” de développement d’un nouveau courant d’activité économique et financière gelé depuis des décennies renvoie aux accès de fièvre habituels, aux bulles d’hystérie optimiste propres aux experts appointés de Wall Street et aux commentaires du Financial Times.
Le Système aux abois ne manque pas de voir dans toute circonstance annexe de l’évolution politique le signe extraordinaire de sa marche triomphale retrouvée. Il avait réagi de la même façon lors de la chute de Kadhafi avec la situation libyenne. Sans faire d’analogie de situation évidemment, tant quantitative que circonstancielle, mais simplement du point de vue de la justesse des prospectives développées dans cette sorte d’occasion, on voit avec cet exemple libyen ce que valent ces bouffées d’ivresse pathologique lorsqu’on mesure l’évolution des événements par rapport aux espoirs que font naître ces bulles d’accès de fièvre.
Finalement, notre jugement est que l’évolution de la crise iranienne vers son éventuelle résolution a moins à voir, du point de vue de son importance globale, avec une dimension de politique et de stratégie, avec une dimension géopolitique si l’on veut. Cet aspect existe mais il n’est pas essentiel. L’aspect le plus essentiel de l’évolution de cette crise concerne la posture de ce que nous nommons la “crise d’effondrement du Système”.
Notre jugement sur ce début de règlement de cette crise iranienne, obsolète dans sa forme et ses circonstances, et qui dure depuis au moins février 2005, et sur les perspectives de règlement grandissant et plus général, est bien que les choses vont prendre effectivement cette voie, – un “règlement grandissant et plus général”, – mais pour un tout autre effet, sinon pour une toute autre cause. Le point important de la rétention de la crise iranienne dans sa forme obsolète est qu’elle permet à l’attention et à la considération des politiques générales d’encore plus écarter le domaine des fausses querelles géopolitiques internationales et de se concentrer sur la crise fondamentale, ou crise d’effondrement du Système. (Dans ce cas, on ajoutera à ce point iranien l’apaisement irréfutable de l’aspect international de la crise syrienne.)
En ce sens d’ailleurs et pour pondérer encore plus l’enthousiasme-Système sur la possible fin de la crise, on notera que, pour l’Iran, cette “libération” des sanctions signifierait la liberté d’entrer de plain-pied, non pas tant dans la “communauté internationale” comme faux-nez habituel du Système, que dans la crise générale d’effondrement du Système. Du coup, pour ce pays, un arrangement régional, avec les riverains du Golfe notamment, lui apparaît à la fois plus prioritaire et plus essentiel que son reclassement dans la “communauté internationale” qui est de l’ordre de l’intendance (même pressante à cause des sanctions, l’intendance reste l’intendance).
Cette sorte d’“apaisement” de “crises” telles que celle de l’Iran, qui furent d’abord, dans leur dimension internationale, de pure communication, aurait alors, selon notre appréciation, pour principale conséquence de rendre nombre de pays quittes d’occupations extérieures qui apparaîtraient à notre sens comme des diversions du principal, pour les conduire, voire les forcer à en venir à ce principal justement. Bien évidemment, cela ne met pas fin aux crises elles-mêmes mais concourt à les rendre endémiques, à les intégrer dans l’ infrastructure crisique générale et dans les zones régionales où elles se manifestent.
On notera encore que cette évolution correspond au schéma que nous avons tenté de définir d’un monde apolaire-antipolaire (voir le 16 novembre 2013), refusant désormais les “tutelles” et autres pseudo-hégémonies, zones d’influence, etc., des schémas unipolaires ou multipolaires, – ce refus valant aussi bien pour l’Iran que dans le chef de l’évolution de certains des autres pays du Golfe vis-à-vis du bloc BAO. On pourrait même inscrire l’affaire ukrainienne dans cette même dynamique, qui marque l’essoufflement de la tendance annexionniste par phagocytage d’une UE profondément déchirée et en pleine dissolution “par l’intérieur”. L’UE est dans ce cas un composant du bloc BAO et c’est tout le bloc BAO qui est ainsi identifié comme producteur d’un processus qui pourrait renvoyer au phénomène identifié pour le Pentagone (voir le 28 novembre 2013) de “croissance créatrice de vide”, ou de ce qui pourrait apparaître comme une sorte de “croissance entropique”. Dans ce cas de l’UE pour la sorte d’entreprise que définit l’aventure ukrainienne, la “croissance” se fait par le renforcement du système financier (les banques) qui, en échange, crée “du vide” par le saccage des diverses structures humaines, le chômage, la paupérisation, etc.
Brièvement mais fondamentalement observée de ce point de vue, le règlement de la “crise iranienne” règle un cas du passé et permet une meilleure concentration sur la crise centrale d’effondrement du Système. L’orientation mise en évidence par ce règlement et concernant une dimension régionale bien plus que la dimension politique générale du Système, ou ce qu’il en reste, marque également la progression de cette “croissance créatrice de vide” ou “croissance entropique” produite par le Système. Le terme “croissance” est cette fois appliqué à la politique et le vide entropique est celui que la crise générale d’effondrement du Système nous fait mesurer, cette fois, à propos de l’Iran, dans le champ des prétentions d’organisation politique de ce même Système.