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1243Le 24 septembre 2012, nous commencions notre “notes d’analyse” sous le titre de «Notes sur notre grotesquerie» par ces quelques mots : « “Grotesquerie” : «Chose grotesque”… Le bloc BAO est une grotesquerie, notamment et d’une façon active et convaincante, lorsqu’il s’agit de la question de la crise à propos de la religion musulmane…» La même chose peut être dite, en vérité, avec la crise syrienne, – c’est désormais tellement évident que cela en deviendrait aveuglant, – mais il importe de ne se laisser aucunement aveugler, par tous les moyens :
« “Grotesquerie” : «Chose grotesque”… Le bloc BAO est une grotesquerie, notamment et d’une façon active et convaincante, lorsqu’il s’agit de la question de la crise à propos [de la crise syrienne]
Il s’agit donc de la Syrie et, pour bon compte et juste appréciation, nous ajouterions le qualificatif “tragique” au mot “grotesquerie”.… La Syrie nous fascine, parce que, décidément, “la Syrie c’est bien plus que la Syrie”, et qu’il s’agit donc de considérer cette crise sans s’attacher à la seule Syrie. Nous sentons qu’avec cette crise se déploie et s’agite l’infinité des possibles catastrophiques du développement de la folle aventure du bloc BAO plongé dans sa crise terminale, et l’infinité aussi impressionnante de l’inversion de toute intelligence politique, jusque, effectivement, cette grotesquerie dont nous parlons. La Syrie, c’est un peu les Mayas-2012 avant l’heure, pour la politique du sapiens, et dans le mode grotesque à côté du tragique, et certainement non exempt de tragique.
Certes, la semaine dernière fut rude. Nous eûmes droit, sur presque sept jours pleins, à la représentation du nième “effondrement du régime Assad”. (Pour faire un peu sérieux, nous autres, ne pourrait-on dire que c’est le troisième “effondrement ‘officiel’ du régime Assad”, par exemple si l’on se réfère à InfoSyrie du 14 décembre 2012 : «[O]n nous a déjà chanté, en février puis en juillet dernier, cette chanson de Bachar coupé de son avion salvateur, et la proximité des rebelles de ces aérodromes n’a jamais empêché le ravitaillement de l’armée» ? Dans ce cas dit de l’“effondrement officiel”, et d’une façon ou l’autre, les porte-paroles officiels des pays du bloc BAO, voire les ministres, voire les présidents, reprenant la chose en chœur.)
Nous suivons, nous suivons avec peine… Tout de même, si nous nous attachons à cette semaine-là, c’est qu’elle fut particulièrement soignée. Le désordre y fut considérable, multiple, riches de toutes les perspectives, – vraiment, décidément, le désordre bien plus que les complots et les stratégies, – toutes choses qui nous manquent cruellement dans leur efficacité supposée, puisque complots et stratégies semblent savoir où ils vont. Des événements extraordinaires secouèrent la Syrie et pourtant, croyez-le ou pas, on se retrouve une semaine plus tard, à peu près au même point qu’à l’origine.
Jeudi 13 décembre, le très grand monde du tourbillon de l’information du système de communication, comme une chambre de réverbération aux mille et mille échos, a enchaîné principalement sur la déclaration de Mihkaïl Bogdanov, adjoint du ministre des affaires étrangères russe Lavrov. Dans ce cas Bogdanov, on ne même pas peut parler d’une interprétation et d’une intoxication du bloc BAO, parce que tout le monde, y compris les Russes eux-mêmes, fut emporté par ce qui semblait la très grande nouvelle du jour… La nouvelle était que la Russie, par la voix de Bogdanov, semblait laisser entendre que les rebelles pouvaient l’emporter, voire, en sollicitant à peine le propos de Bogdanov, qu’ils étaient même sur le point de l’emporter. Ainsi en est-il de Russia Today, du 13 décembre 2012…
«Moscow has admitted the possibility that the Syrian opposition may emerge victorious as government forces continue to lose more territory as the conflict rages on, Russian Deputy Foreign Minister Mikhail Bogdanov said. “We must face the facts: the current tendency shows that the government is progressively losing control over an increasing part of the territory,'' Bogdanov told the Public Chamber. “An opposition victory can't be ruled out."
»The Deputy Foreign Minister warned that Syria would most likely suffer heavy casualties from the ensuing violence. “The fighting will become even more intense, and (Syria) will lose tens of thousands and, perhaps, hundreds of thousands of civilians,” he warned. “If such a price for the removal of the president seems acceptable to you, what can we do? We, of course, consider it absolutely unacceptable.” Bogdanov, addressing the “behaviour by some of our partners,” pointed to the disturbing incidence of arms supplies flowing into the embattled country, which he warned “incite the Syrian rebels to make a stake on using force.”»
Puis Russia Today, dans la même dépêche, enchaînant sur des déclarations du président de la commission des affaires étrangères de la Douma, Alexei Pouchkov, puis reprenant des citations de Tass d’officiels de la défense sur des plans d’évacuation de Syrie. Certes, ces déclarations sur le sort des nationaux russes en cas d’attaque victorieuse des rebelles renforçaient encore la démarche conduisant l’esprit à penser que cette perspective habitait effectivement la pensée des dirigeants russes. Tout le monde semblait donc conforté par tout le monde. (Jusqu’au prudent Rasmussen, secrétaire général de l’OTAN, estimant ce jeudi 13 en fin d’après-midi, lors d’une conférence de presse, que le gouvernement syrien “s’approchait de l’effondrement”, cela effectivement dans la fièvre de la déclaration Bogdanov interprétée, et rien d’autre.) Citons encore RT…
«Many Russian diplomats view this latest development as a major setback in the Syrian conflict, arguing that the newly recognized coalition does not adequately represent the political will of the Syrian people. Pushkov then hinted at what could transpire in the event that the militants resort to violence against Russian consulate officials and civilians in the region. “Syrian militants have threatened to attack the embassies of Russia and Ukraine in Damascus to ‘take care of’ the Russians. The US sends special operations forces in such cases,” he warned. […]
»…Meanwhile, Interfax-AVN, quoting a military-diplomatic source, reported if the situation in Syria becomes critical they are prepared to help Russians there. “If the situation in Syria becomes critical, we have plans for evacuating Russians living there,” he said. “First of all, we are talking about sea transport, which could be sent to the Syrian coast under the guard of naval ships. Emergency Situations Ministry aircraft could also be used, as was the case when Russian oilmen were evacuated from Iraq.” Evacuation plans do exist, but no decisions have yet been made, the source added.»
Il faut donc reconnaître, dans ces temps de très intenses désordres, que l’un des premiers contrepieds sérieux opposé à la narrative globalisée du 13 décembre vint d’un journaliste US, du site fort respectable Foreign Policy. Il s’agit de Andrew S. Weiss, le 13 décembre 2012, donc au soir (avec le décalage horaire) de la “journée Bogdanov”. Weiss reprend ce que tout le monde écrit et commente, à propos des dires de Bogdanov, et enchaîne par ce constat si juste : “pauvre Bogdanov”… Citons Weiss sans mégoter.
«Poor Bogdanov.
»For the second time, remarks attributed to him are causing a big stir. Back in August, Bogdanov was quoted by Saudi newspaper al-Watan suggesting that Assad was prepared to step down. But the Russian government vehemently denied the interview had even taken place. When Saudi journalists posted an MP3 of the alleged interview on the Web, the Russians stuck to their guns and labeled it a forgery.
»This time around, it actually wouldn't hurt to read the rest of what Bogdanov said. His remarks at a hearing of the Public Chamber in Moscow suggest that, while the Russians are indeed likely to drop their support for Assad when the writing is finally on the wall, we probably aren't at that point yet.
»To understand Russia's current thinking consider the following passages from Bogdanov's appearance: “They (the opposition) say they control 60 percent of Syrian territory, but we say: if you want to keep going, there is still 40 percent. If 60 percent [have been conquered] in two years of civil war, you will then need another year or a year and a half. If by now 40,000 people have died, the fight will get more fierce and you will lose dozens, or hundreds, or thousands of people. If you agree to that price for overthrowing a president, what can we do then? We, of course, think that this is absolutely unacceptable.” “A campaign being waged by the West with support from the Arab League to distort Russia's stance on Syria is aimed at weakening our influence in the region and at freezing Russia's future relations with the Middle East and North Africa.”
»So what, if anything, has actually changed? Amid a flurry of comments from the Syrian opposition and their foreign supporters that the Assad regime is finished, as yet there's been no meaningful sign that the Russians are willing to withdraw valuable political, military, and economic support for Assad…»
Quelques heures plus tard, le 14 décembre à partir de Moscou, se déversa le flot de précisions et de mises au point. Certes, le “pauvre Bogdanov” n’avait pas dit ce qu’on avait dit qu’il avait dit et la position russe n’avait pas changé d’un iota…
Tout cela n’empêche pas qu’il existe une situation sur le terrain, en Syrie, car il y a un terrain, qui est la Syrie. Or, il est évident qu’après les déclarations du brave Bogdanov interprétées à la sauce BAO pour une fois non contestées, avec en plus des nouvelles remarquables (en faveur des rebelles) venues du “terrain”, il était temps de s’apprêter à allumer les lampions de la fête. On parlait de l’encerclement de Damas par les rebelles, de l’entrée des rebelles dans certains points de Damas, de la chute prochaine de Damas… Le Guardian expliquait (publication du 14 décembre 2012 mais écrit le 13 au soir), dans un éditorial qu’il s’employait à dépouiller du moindre ton bombastique, histoire de soigner l’image de l’objectivité vertueuse, que l’on pouvait envisager qu’il était temps venu d’annoncer la fin d’Assad et les temps nouveaux, – tout en avertissant qu’ils ne seraient pas si simples, ces “temps nouveaux”-là… On était, dans un saut, de plain-pied dans une nouvelle époque ; las, c’était un saut trop loin, d’ailleurs toujours le même “saut trop loin” depuis des mois.
« If there was any writing on the wall that the Assad government never wanted to see, it was writing in Russian. Let the Americans fume, the British sigh, the Turks expostulate and the French deplore, Damascus seemed to think, as long as the Russians stayed faithful.
»True, the Russians have on a number of occasions said they were not wedded to the Assad regime, but they have nevertheless been by far the most important of Syria’s outside supporters. On Thursday Mikhail Bogdanov, the Russian deputy foreign minister, said what would have been unthinkable even a couple of months ago – that it was entirely conceivable that the rebels would win.
»He underlined this by saying that Moscow was already preparing plans to evacuate its citizens. He did not say that a rebel victory was desirable. Indeed, he said that such a victory could come only after much further bloodshed, the main responsibility for which would lie with the rebels and their western and Arab backers. But he nevertheless implied that a rebel victory was not only possible but likely. Bogdanov's plain words will jolt the Syrian regime at a time when its military hold is slipping. The Russian perception is shared by Anders Fogh Rasmussen, the Nato secretary general, who said in Brussels on Thursday that he believed the Syrian government was approaching collapse…»
…Puis nous eûmes le démenti à propos de Bogdanov, – poor Bogdanov, – avec la mise au point des Russes ; puis nous eûmes des nouvelles du “terrain”, comme s’il s’agissait d’un autre terrain, d’une autre Syrie, d’une autre planète que celle dont nous parlions. Patrick Cockburn publiait, le 16 décembre 2012 dans The Independent, un très long article sur la situation en Syrie. (Cockburn se trouve actuellement à Damas.) Il observait que les rebelles étaient de plus en plus “djihadisés”, de plus en plus cruels, de plus en plus impudents, – et finalement, pas si victorieux que cela, mais alors pas du tout, – en direct de Damas, vous dit-on… (Et cet avis, très largement confirmé, et même remarquablement documenté par un article d’As Safir, comme on le lit sur ce site, ce 17 décembre 2012.)
«The picture of Syria most common believed abroad is of the rebels closing in on the capital as the Assad government faces defeat in weeks or, at most, a few months. The Secretary General of Nato, Anders Fogh Rasmussen, said last week that the regime is “approaching collapse”. The foreign media consensus is that the rebels are making sweeping gains on all fronts and the end may be nigh. But when one reaches Damascus, it is to discover that the best informed Syrians and foreign diplomats say, on the contrary, that the most recent rebel attacks in the capital had been thrown back by a government counteroffensive. They say that the rebel territorial advances, which fuelled speculation abroad that the Syrian government might implode, are partly explained by a new Syrian army strategy to pull back from indefensible outposts and bases and concentrate troops in cities and towns…»
D’un autre côté, ces aventures fantasmagoriques de la chute d’Assad et de la victoire des rebelles nous ont appris une chose, nous dirions in vivo. Cela nous vint de DEBKAFiles, qui est si souvent en avance sur l’information qu’il semble bien souvent ne jamais être rejoint par elle, qui donne parfois des indications intéressantes, pourtant… Pauvre Bogdanov, pauvre DEBKAFiles.
Avec une intense préparation opérationnelle ou communicationnelle c’est selon, durant la semaine précédente d’avant celle dont on parle, concernant l’armement chimique (que-l’affreux-dictateur-se-prépare-à-utiliser-contre-son-peuple), nous avons eu en effet, la semaine dernière, sur le “terrain”, l’épisode du tir des missiles Scud (que-l’affreux-dictateur-tire-contre-son-peuple). Cela nous valut donc une intervention de DEBKAFiles d’un intérêt certain, – sans préjuger en aucune façon et en rien de la véracité de l’information ni évidemment de la dose de propagande comme c’est la coutume, mais en préjugeant nettement de la possibilité très appuyée d’une telle occurrence, et en préjugeant également encore plus sérieusement, à partir de certaines autres indications, que l’occurrence décrite ici eut un début de planification du côté US parce que la situation tactique sur le terrain fut, à un moment, interprétée de la sorte par les militaires US, et sans doute par les Israéliens, chacun de leur côté… Si l’on veut, l’intervention de DEBKAFiles est nettement plus et mieux assurée que celle des Scud syriens, dont le gouvernement d’Assad, par conséquent toujours en place, nous assura que leur tir n’avait jamais eu lieu. Passons…
Ainsi, selon DEBKAFiles du 13 décembre 2012, Assad tirait ces missiles, ou bien aurait pu les tirer après tout, contre une “brigade” de l’organisation rebelle syrienne, donc alliée des USA (et d’Israël), que les USA venaient néanmoins de mettre dans la catégorie “terroriste” (il s’agit de Jabhat al-Nusra). Les interprétations alliées (bloc BAO, US essentiellement) pour ce cas hypothétique étaient que ces tirs supposés de Scud avaient pour but de tenter d’empêcher l’assaut de cette brigade d’al-Nusra contre un dépôt d’armes chimiques syriennes… Ainsi en allait-il, effectivement dit-on, de l’évaluation des militaires cités.
« Since the US designated Jabhat al-Musra a foreign terrorist organization Tuesday, Dec. 11, its fighters have been advancing rapidly toward the Syrian army’s main chemical weapons store and chemical-tipped missiles at Al Safira. Assad fired Scuds in an effort to stop their advance… […]
»But as the vicious civil war of nearly two years and more than 40,000 dead approached another dangerous peak, no one was laughing in Damascus or Washington. DEBKAfile’s military sources point to the next crisis looming ahead: If Assad fails to stop the al Qaeda fighters from reaching Al-Safira and its poison gas stores - and an al Qaeda affiliate succeeds for the first time in arming itself with chemical weapons - the United States will have to mount an air assault – not on Assad’s army but on the Syrian rebel forces fighting him, because if they do manage to seize control of the base, rebel fighters may decide to send the chemicals-tipped missiles against Assad regime centers in Damascus…»
Cela fut donc comme une fenêtre toute grande ouverte sur l’éventuel monde d’une situation “sur le terrain” où les rebelles prendraient effectivement le dessus, comme nous l’affirmait la narrative en cours, avec ses drôles de rencontres, – l’USAF au secours d’Assad contre al-Nusra et ses dérobeurs impies d’armes chimiques. Si cela n’a finalement pas lieu un jour, Hollywood pourra tout de même en faire un blockbuster.
Pour autant, la réalité du monde ne manque pas de toupet. Ainsi en est-il des étranges relations quasi-diplomatiques établies entre les USA et le nouveau groupe (dit Coalition de l’Opposition Syrienne, ou quelque chose du genre) fabriqué à grands coups de marteau par le Qatar, sur pressante et impérative suggestion US bien entendu, pour mettre en place (à Doha, lieu sacré pour cette sorte d’initiatives), de façon autoritaire et arbitraire, une représentation démocratique et librement élue du peuple syrien qui convînt aux interlocuteurs (le bloc BAO et autres “copains de la Syrie”) d’une Syrie enfin libérée. Telle que détaillée par Antiwar.com, le 12 décembre 2012, le “reconnaissance” des USA est alambiquée, hésitante, complexe, et venant après avoir fait de l’un des composants de la soi-disant “Représentation Nationale” une organisation terroriste.
«“We’ve made a decision that the Syrian Opposition Coalition is now inclusive enough, is reflective and representative enough of the Syrian population that we consider them the legitimate representative of the Syrian people in opposition to the Assad regime,” Obama said, paving the way for the greater US support. “Obviously, with that recognition comes responsibilities,” Obama said in an interview Tuesday with ABC News. “To make sure that they organize themselves effectively, that they are representative of all the parties, that they commit themselves to a political transition that respects women’s rights and minority rights.” […]
»The Obama administration’s announcement came immediately after the State Department’s decision to officially designate one of Syria’s foremost rebel groups, Jabhat al-Nusra, a group tied to hundreds of suicide bombings and al-Qaeda in Iraq, as a terrorist organization. That decision was met with ardent backlash from more than 100 rebel groups on the ground inside Syria, who signed a petition expressing solidarity with al-Nusra and promoting the slogan “No to American intervention, for we are all Jabhat al-Nusra.”»
Il s’ensuit de cela que, peu après la décision de reconnaissance de la Coalition dont eux-mêmes (les USA) avaient ordonné la constitution, la direction de cette Coalition demandait aux USA de reconsidérer leur décision de classer l’organisation al-Nusra parmi les mauvais élèves, – ce qu’on appelle “revoir sa copie”. (« “The decision to blacklist one of the groups fighting the regime as a terrorist organization must be re-examined,” the bloc's leader Ahmed Moaz Khatib said at the Friends of Syria meeting in Morocco.») Gayane Chichakyan, de Russia Today, observait, le 12 décembre 2012 : «Washington’s decision to call the Al-Nusra Front terrorists is seen as more of a symbolic move because many other fighters in Syria welcome the efforts of those designated terrorists». Russia Today commentait alors, à propos d’un fait détaillé désormais couramment (voir Antiwar.com, le 13 décembre 2012), concernant l’armement et l’entraînement direct des rebelles, en Jordanie, par des équipes de la CIA :
«If the reports are true, it could mean the US will be supplying the National Coalition with a number of weapons, including SA-7 missiles, which can shoot down planes. Furthermore, it would mean the US is supplying arms to a group which it has openly labeled a terrorist organization.»
Tout cela n’apporte guère de lumière décisive sur la politique syrienne des USA, sinon qu’elle est sans aucun doute complexe (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?), parfois contradictoire, parfois incohérente, ou bien au contraire le fruit de desseins et de complots cachés mais comme s’il y en avait plusieurs à la fois, et certains, justement, contradictoires et incohérents. Aujourd’hui (on le verra plus loin), le soupçon de “double jeu” (ou “triple” pendant qu’on y est ?) dans le chef des USA n’est pas rare. Reste à voir si, dans ce cas, les “jeux” sont coordonnés entre eux, par exemple entre celui qui consiste à armer et à entraîner les rebelles avec des terroristes parmi eux, celui qui consiste à dénoncer les terroristes parmi les rebelles, celui qui consiste(rait) à s’accorder avec les Russes pour un arrangement type-Genève (juin 2012)….
Les USA ne manquent pas une occasion de tenter d’impliquer les Russes dans leur propre jeu, tout en les diminuant, sinon en les calomniant. (Voir la porte-parole du département d’État, Nuland, jeudi dernier, commentant les “déclarations” du pauvre Bogdanov dans le genre, à l’adresse des Russes, “Bienvenu au club surmonté par la sagesse américaniste”). D’autre part, certains jugent qu’il y a plus d’arrangement qu’on ne croit entre les Russes et les USA, sur la base de l’accord de Genève auquel les Russes se réfèrent à corps et à cri, et que les deux pourraient se retrouver avec Brahimi, avec un accord-surprise sur la Syrie. (Voir Al Safir, cité par ailleurs : «As for the days ahead, sources said the US has granted opposition rebels a period of one month to launch a third round of attacks on Damascus, in an attempt to make serious gains on the battlefield, which would contribute to boosting the conditions of the Russian-US settlement. The settlement is set to come into force by the end of January, based on the agreement reached in Geneva.»)
(Voulez-vous en savoir plus encore, comme on dit, “de dernière minute” et de derrière les fagots, sur cette politique US à multiples facettes ? Revenez un instant à
D’ailleurs, on peut poser la question de savoir ce qui fait que la politique extérieure des USA est ce qu’elle est, et répondre : “rien”, parce que la question véritable est de savoir ce qui fait que la politique extérieure est tout et rien à la fois, et n’importe quoi en général ? Considérons la situation du gouvernement des États-Unis, et notamment son équipe de politique extérieure et de sécurité nationale, faite du département d’État et du département de la défense, qui a charge d’opérationnaliser cette politique extérieure à partir des instructions du président et (surtout, avancerions-nous) de ses propres ministres et bureaucraties de planification.
L’équipe en fin de course est nommée Clinton-Panetta, soit l’hystérique belliciste continuellement sur la brèche, courant d’incendie en incendie pour souffler dessus, particulièrement l’incendie syrien, et enfin victime il y a quelques jours d’un malaise cérébral suffisamment sérieux pour la mettre au repos et lui éviter l’embarras d’une audition au Congrès sur l’affaire de Benghazi et de l’assassinat de l’ambassadeur Stevens ; et le replet et placide bonhomme amateur de bonne chair, possesseur de la liste classée “Secret-Défense” des meilleurs restaurants de Washington, qui n’attend que de pouvoir partir reposer ses vieux jours au sein de sa famille. Par quoi va-t-on remplacer la paire Clinton-Panetta ?
Lorsqu’il était question de la paire Rice-Kerry, cela avait un sens. Une hystérique belliciste succédait à une hystérique belliciste et un sénateur chic, assez modéré et un peu effacé à la fois, au replet et placide bonhomme. Mais Rice est abattue en plein vol, paradoxe des paradoxes, par la flak de la paire la plus hystérique-belliciste du Congrès, les sénateurs Graham-McCain. Se pointe alors la possibilité/probabilité d’une nouvelle paire : Kerry-Hagel. (Pour Kerry, c’est fait, il a été nommé secrétaire d’État, pour Hagel la nomination n’est pas encore officielle et l’on a vu dans quelles conditions elle s’annonce, si elle est confirmée…) Alors, si c’est Kerry-Hagel, avec la personnalité brillante et entreprenante de Hagel, on se retrouve avec une paire dont l'orientation ne serait pas loin d’être le contraire de celle de la paire sortante, puisqu’avec Hagel sans doute dominant la paire, et avec les sentiments qu’on lui connaît, très probablement proches d’être antiguerre et anti-interventionnistes. (Il faut voir l’agitation haineuse et furieuse des neocons et autre AIPAC contre Hagel… Quelle mouche les a piqués de laisser faire l’exécution de Rice comme elle a été faite ? Désordre partout, disions-nous.)
Alors, qui fait et comment se fait la politique extérieure des États-Unis ? Si vous trouvez là-dedans de la place pour un complot ou une stratégie, grand bien vous fasse, – à moins que BHO nous ait préparé le “coup de Hagel” depuis quatre ans, subrepticement, – bravo BHO…
…Pour autant, et même si Hagel est confirmé, nommé, s’il se confirme tel qu’on dit qu’il est, nous ne croyons pas une seconde que la politique extérieure de la Grande République sera relancée dans un sens plus raisonnable et plus mesurée. Hagel sera l'objet de toutes les infamies et calomnies de la bande AIPAC et le reste, qui en connaît un rayon. Simplement, le désordre sera confirmé, amplifié, multiplié, etc.
On comprend que, dans ce climat et dans cette fuite en avant du désordre, nul n’est épargné. Ainsi en est-il de la cohésion des “amis de la Syrie”, cette association sans but lucratif apparent, au nom d’une puérilité sans borne (pourquoi pas “Salut les copains de la Syrie” ?) et réunissant les pays du bloc BAO et associés, avec en soutien quelques dizaines d’États peuplant la planète et fabriqués pour l’occasion. (L’association “Les Amis de la Syrie” est un des sommets dialectique et organisationnel de notre grotesquerie générale.)
Pour redevenir sérieux, on pourrait avancer qu’il commence à apparaître clairement que les éléments d’une crise sérieuse sont en train de se rassembler du côté de cette hétéroclite coalition. D’abord, il existe désormais un fort soupçon à l’encontre des USA, d’un double, d’un triple jeu des USA, qui ferait penser à plus d'un que les USA ne seraient pas aussi anti-Assad qu’ils pourraient vouloir le faire croire, qu’ils pourraient bien s’arranger d’un arrangement avec les Russes sur le dos de l’intransigeance sacrée des “copains”. (On a déjà rappelé les échos à ce sujet, notamment venus de As Safir.) Et qui entretient principalement ce soupçon ? L’axe Paris-Doha… L’incroyable et impayable France maximaliste de l’équipe Hollande-Ayrault-Fabius transformée en neocon, type jacobiniste révolutionnaire, qui ne jure aujourd’hui que par le Qatar. Et la France et le Qatar soupçonnent les USA, au point que les USA commencent à s’agacer sérieusement de ce soupçon et de l’activisme de l’improbable couple.
Le maximalisme français, qui devient presque un artefact politique de laboratoire qui serait tombé dans les éprouvettes d'un savant fou, inquiète même l’UE. A de très hauts niveaux de l’Europe institutionnelle (sauf Lady Ashton, qui ne pense que droits de l’homme, version droits de la femme), on s’inquiète de la politique française et on tente de manœuvrer pour qu’elle n’influence pas trop la politique de l’UE , et n’enferme l’UE dans un maximalisme aux conséquences incontrôlables et incalculables. On s’inquiète principalement des effets d’une telle politique transposée au niveau européen, dans les relations de l’Europe avec la Russie. Le fait est que, à ces plus hauts niveaux toujours, on trouve que c’est un peu cher payer de la détérioration présente des relations avec un partenaire aussi important que la Russie, une telle politique syrienne dont on cherche en vain la justification rationnelle.
Mais laissons cela… Et ainsi se clôt notre tour d’horizon qui, inévitablement, peut certes recéler quelque source de vertige. Il y a de rudes et néanmoins intéressants enseignements à tirer de cette folle et dansante bamboche qu’est la politique du monde autour de la Syrie plongée dans la violence.
L’épisode Bogdanov est, pour le moins, typique… Qui n’a pas cru, une seconde au moins ce fameux 13 décembre, qu’effectivement les Russes passaient la main, considérant la partie perdue ? Les agences russes elles-mêmes enchaînant là-dessus, allant jusqu’à interroger des fonctionnaires de la défense pour savoir si l’on préparait l’évacuation du personnel et des ressortissants russes de Syrie. (Bien sûr qu’on prépare leur évacuation, tout ministère de la défense le fait régulièrement, même quand le soleil brille et que les étendards claquent en haut des mats.)
Il s’est donc déroulé, avec cet épisode Bogdanov, un épisode typique, hypertrophié, paroxystique, un “Moment-express” de ce que nous identifiions le 7 décembre 2012 sous le titre «Le système de la communication règne». Nous sommes à la fois à l’affut de notre proie qui est “la nouvelle”, à la fois la proie de cette “nouvelle” qui peut s’avérer être une mésinformation, une désinformation, une manipulation, une erreur, une confusion de termes, jusqu’à la plus simple et le plus banale des informations, avec un embrasement instantané destiné à faire le tour de la planète à la même vitesse ; le papillon bat de son aile et c’est un ouragan à l’autre bout de la terre, et c’est encore mieux, ou pire, l’ouragan partout entre le papillon et son aile, et l’autre bout de la terre, avec là-bas l’ouragan ultime.
Ce qui apparaît de plus en plus caractéristique dans cette affaire syrienne, c’est la rupture complète entre la situation syrienne et ce qu’on décrit ici du “règne de la communication”, qui semble faire partie d’une autre planète. Certes, il y a parfois rencontre et collusion, dans tous les cas on le croit, mais cette illusion, car c’en est une, ne dure pas très longtemps ; et très vite, la collusion devenue collision difficile à supporter, les deux mondes se séparent à nouveau, chacun reprenant son propre rythme.
C’est bien ce qui fait la spécificité de la crise syrienne, en ceci qu’à la vraie crise syrienne sur le terrain correspond, ou ne correspond pas d’ailleurs, le mot est plus juste, une agitation diplomatique, médiatique, etc., donc de communication, qui n’a aucun rapport avec la situation syrienne. Cela fait que tout ce qui entoure, enserre et prétend contrôler pour la conduire vers son terme la crise syrienne, en réalité constitue une incitation permanente au dévergondage politique vers d’autres thèmes, d’autres arguments, d’autres politiques que ceux de la seule crise syrienne. Pour cette raison, la crise syrienne est universelle et concerne nos préoccupations universelles, parce que, en la traitant comme on le fait, on traite tant de choses qui n’ont guère de rapports avec la crise syrienne. (Pendant ce temps, puisque le temps lui est donné, la crise syrienne s'aggrave.)
Ce phénomène des “deux mondes” (pour faire bref, parce qu’il y en a souvent plus que deux) existe, d’une façon marquante, c’est-à-dire quasiment institutionnalisé et structuré (ce qui le différencie des bobards de propagande plus ou moins chaotiques de l’ancien temps) depuis la guerre du Kosovo. Avec la Syrie, la crise syrienne et la guerre civile syrienne, ou la guerre d’agression contre la Syrie, avec les “deux planètes” différentes de la Syrie, il atteint une telle puissance qu’il en est proche de la perfection, et qu’il s’agit d’une perfection maléfique, – ce qui est un bien étrange concept, presque contradictoire dans les termes (la perfection peut-elle être maléfique ?). Le phénomène des “deux mondes” est de plus en plus autonome et hors du contrôle humain, au point qu’il le serait complètement, qu’on devrait parler du système de la communication comme d’un acteur propre, retors, peut-être bien conscient, avec sa psychologie propre et ses desseins, beaucoup plus manipulateur que manipulable, d’une égrégore dont nul ne sait le parti qu’elle prend ; tout cela, au point de rendre toute politique raisonnable et rationnelle, impossible, – en fait, le qualificatif inaccessible, comme l’on dit d’un sommet mythique hors de portée du sapiens courant , serait mieux approprié; tout cela, au point de précipiter des puissances dans l’incohérence de plusieurs politiques parallèles (les USA) ou dans le ridicule d’une politique extrémiste, radicale, furieuse et agressive, et sans queue ni tête, et sans que nul ne comprenne d’où elle vient (la France).
C’est en cela, dans cet extrémisme formidable des situations faites d’une structuration parfaitement subversive jusqu’à la complète déstructuration de nos conceptions rationnelles, que la “suite syrienne” de notre grotesquerie atteint à l’étalage de tous les caractères et de toutes les grandes lignes de la crise générale de l’effondrement du Système. C’est une démonstration fort proche de la perfection, – la “perfection maléfique”, par conséquent. Et c’en est au point où les “tous responsables”, avec certains bien plus que d’autres jusqu’à les faire prendre pour des coupables, en réalité ne peuvent plus prétendre être coupables (au diable manigances et complots) tant la monstruosité qui s’est imposée comme représentation de la crise syrienne dépasse la seule culpabilité humaine. Le sommet est vraiment trop haut pour nous, – pour eux, – le sommet est “inaccessible”, à ce point qu’on doit bien envisager l’hypothèse que la responsabilité de la situation du monde est hors du champ d’action de leur “politique”, et encore plus, que la compréhension de cette responsabilité est hors du champ de réflexion de leur pensée, – eux qui ont abdiqué toute audace en politique et dans leur pensée.