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239629 mars 2014 – Il est impossible d’embrasser la crise ukrainienne en un mot, d’abord parce qu’elle n’est plus ukrainienne mais tend vers la globalisation ; ensuite, parce qu’elle ranime le plus grand nombre de crises parcellaires intégrées dans un assoupissement temporaire, dans l’infrastructure crisique ; enfin, parce que la réalisation de ces phénomènes se heurte à la puissance d’un système de la communication qui paralyse les esprits les plus nombreux dans des visions archaïques et cloisonnées, freine sinon annihile les rares esprits qui tenteraient d’offrir une vision plus réaliste, bref parce que l’emprisonnement du sapiens des directions-politiques les plus concernées (celles du bloc BAO) devient un phénomène central qui a des effets dévastateurs sur la politique, la diplomatie, la géopolitique...
Nous allons égrener quelques “fronts” divers de cette “crise centrale”, ou “crise haute ultime” (le 24 mars 2014). On verra leur diversité, leur importance, leur cloisonnement, leur paralysie. Les sources sont nécessairement alternatives/dissidentes, ou d’origine russe, tant la presse-Système semble paralysée dans une autocensure à la fois paniquée et angoissée. (Cette attitude, sans nécessité de pression et de consignes extérieures, par la seule force de leurs engagements et de leur credo, souvent même au-delà de ce que voudraient les autorités BAO. Il y a une force d’influence extérieure aux réseaux humains habituels, subversion, influence, etc., qui est à l’œuvre, qui gouverne le travail de déstructuration permanent de tout ce qui pourrait rapprocher de la vérité de la situation.)
Un article d’Infowars.com de Kurt Nimmo, renvoyant à de très nombreuses références (dont des déclarations officielles, des articles de la presse-Système, etc.) donne une description de la manœuvre irrésistible en cours du FMI pour imposer à l’Ukraine, tout de suite, pendant que la plaie est béante si l'on veut, les premières mesures d’un plan radical de restriction et d’austérité (“fin mars” pour certaines d’entre elles, c’est dire). Le plan voté sous forme de loi par le Parlement, sous la pression renouvelée BAO/FMI puisqu’un premier vote jeudi l’avait rejeté, «will impose austerity measures rivaling those currently decimating the living standards of the Greek people».
Avant d’obtenir péniblement un soutien du parlement, le premier ministre Yatsenouk, ancien président de la banque centrale, homme-lige de la ligne FMI/Bloc BAO, a décrit ce qui allait se passer, – description conforme à l’habituel rouleau-compresseur qu’impose le Système pour broyer une société, la déstructurer, l’atomiser, la plonger dans la misère et le désarroi avec une rapidité hors du commun, presque magique en un sens... «Prior to taking the IMF deal to Parliament, Yatsenuk, Yats, as the State Department calls, said Ukraine has “no other choice but to accept the IMF offer” that will force millions of Ukrainians into poverty. He told legislators the IMF austerity package “is very unpopular, very difficult, very tough” and includes “reforms… that should have been done in the past 20 years,” prior to the U.S. funded and organized Orange Revolution and later rule by series of kleptocrats, including former Prime Minister Yulia Tymoshenko, who went to prison for embezzlement, and subsequently Russian supported President Viktor Yanukovych, who lived a lavish lifestyle at the expense of average Ukrainians.»
On peut même vous détailler obligeamment quelques-uns des aspects importants de ce plan de type dd&e (déstructuration, dissolution & entropisation), consistant à transformer ce qu’il reste de structuré en un chaos terrifiant, où l’on pourrait atteindre l’entropisation de la société avant d’avoir imposé une discipline impitoyable pour la descente dans la pauvreté qualifiée d’austérité et de réformes structurelles, réduisant à néant l’ambition utopique du redressement aux normes totalitaires. L’Ukraine, une nouvelle Grèce ? Bien plus et bien plus vite que la Grèce... «Gas prices will lead the way in deconstructing Ukrainian society: “State energy company Naftogaz announced this week that household gas prices would rise 50 percent beginning May 1 in what it said was part of efforts to make utility costs economically viable for the state by 2018. Some analysts have estimated prices might have to double for consumers,” CBS News reported on Thursday.»
La différence d’avec la Grèce, c’est le renversement de la séquence classique, sorte d’inversion vertueuse et menaçante. La révolte sans espoir de la Grèce a suivi l’action de déstructuration, tandis qu’en Ukraine elle la précède. L’activisme des groupes d’extrême droite, marqué ces deniers jours par une pression furieuse de Pravy Sektor suite à l’affaire Musichko (voir le 26 mars 2014), se distingue par des manifestations d’encerclement du Parlement, des menaces d’investissement du bâtiment, une mobilisation du groupe sur un pied de guerre. Même Lady Ashton s’en est émue et s’est fendue d’un communiqué exprimant son inquiétude pour la stabilité de la situation en Ukraine, – c’est dire... Les projets du pseudo-pouvoir, de pseudo-dissolution ou de mise hors-la-loi de Pravy Sektor, impliquent une capacité d’autorité et de contrôle, c’est-à-dire de légitimité, que ce même pseudo-pouvoir semble bien loin d’avoir.
D’autre part, Pravy Sektor a commencé à ajouter à ses protestations uniquement politiques et idéologiques une contestation du plan du FMI et de la mise à l’encan du pays, retrouvant sa tendance populiste qui est latente mais très forte chez lui. De ce point de vue, Pravy Sektor commence à se renforcer en recrutant en masse les mécontents. D’où le dilemme du pseudo-pouvoir : la dissolution jugée par certains nécessaires de ce groupe pseudo-subversif (peut-on nommer “subversif” sans du pseudo, lorsque ce groupe s’attaque à un pseudo-pouvoir lui-même subversif ?) pourrait conduire à la mise en place d’une masse de manœuvre impressionnante, rejetée dans la clandestinité et donc poussée à l’action violente.
Cette situation intérieure en rapide aggravation-dissolution finit par inquiéter même la partie américaniste, pourtant toute entière braquée sur l’antagonisme avec la Russie, les menaces contre la Russie, l’alarme devant la résurgence de la “menace russe” et ainsi de suite. Du coup, on consulte ceux qu'on voue aux gémonies.
Il y a eu un coup de téléphone vendredi entre Obama et Poutine. Les deux hommes ne s’étaient plus parlés depuis une semaine, marquant la campagne antirusse de Washington. Le sujet était bien la situation intérieure en Ukraine, car Washington finit par s'apercevoir de quelque chose. Autre signe de l’urgence, une nouvelle rencontre Lavrov-Kerry est prévue, à l’initiative de la partie américaniste et cette initiative ayant entraîné la communication Poutine-Obama, – et tout cela, sans que la moindre amorce de rapprochement n’apparaisse...
Russia Today, le 28 mars 2014 : «Russian president held a phone conversation with Barack Obama to discuss possible scenarios of stabilizing the chaotic social and political situation in Ukraine. Putin once again highlighted the ongoing extremism rampant in Kiev as well as other regions. The leaders spoke for about an hour on Friday, discussing the situation in Ukraine. Vladimir Putin drew Obama’s attention to the continuing acts of intimidation against civilians as well as government and law enforcement agencies conducted by extremists in Ukraine, the Kremlin said in a statement. In this context, the Russian leader proposed to President Obama to consider possible steps that the international community can take to help stabilize the situation.
»Meanwhile, in a statement from the White House, Washington said that a phone call was a follow up of a proposal presented by Secretary of State John Kerry to Russian Foreign Minister Sergey Lavrov, at the Hague earlier this week. No details on the proposal was given, but it also allegedly involves diplomatic solution to Ukraine. Both leaders agreed that the specific parameters of such a cooperation will be discussed by the foreign ministers of Russia and the United States.»
Il apparaît que les Russes sont, de leur côté, très inquiets de la situation en Ukraine. Ils en ont une vision beaucoup plus précise et informée que le côté américaniste/BAO, qui fonctionne au gré de la narrative manichéenne, où la Russie est cantonnée au rôle de “méchants” responsable de tous les maux de l’Ukraine. L’ambassadeur de Russie à l’ONU, Vitali Chourkine, a eu un long entretien avec des journalistes à Moscou, largement développée dans la dépêche de RT référencée plus haut.
«“Someone must seriously think through what they are doing and the consequences of certain actions they are advocating,” Churkin said. “Our international partners insist that the only way out is to have this presidential election on May 25. In a situation of political chaos in the country? What will be the effect of those elections if some of the regions do not participate or turnout is very low in the course of those elections?” [...] “There is no political leader in sight who might be able to unite the country. All the politicians one can hear about are extremely divisive for the Ukrainian society,” Churkin explained. “The other thing that is going to come up in the next couple of months is most likely dramatic decline of the living standards of people, because of IMF package which now has been proposed to them.”
Mais plus intéressant dans les déclarations de Chourkine, la description du “dialogue” que le bloc BAO demande aux Russes pour tenter de progresser. Ce n’est pas un dialogue de sourds mais deux monologues de deux mondes différents. Les Russes accusent, avec bien des arguments, leurs “partenaires” du bloc BAO de proposer un “dialogue” où ils feraient les questions et les réponses, eux-mêmes (les “partenaires”) ayant déterminé par avance ce que seraient les réponses russes puisqu’ils ont inclus dans les conditions de ce “dialogue” des réponses russes de leur propre manufacture, ou l’absence de réponses...
«“If you want dialogue, please respond to what we’ve been saying. They are responding, sometimes, but the response is that: ‘Well, but you know, the Ukrainians... We understand the importance of constitution, but how can they do it now? Can they do this constitutional assembly? There is no one to organize the constitutional assembly!”
»“Well, if there is nobody to organize, maybe this is exactly the role of the international community? This Compact support group we have been proposing to help them organize those things if there is nobody currently in Ukraine who can take this responsibility,” Churkin said. “Our position is very clear,” Churkin said, adding it is “disappointing that those things which are obvious to us do not seem to sink in in the minds of our international interlocutors and our Ukrainian colleagues.”»
Élargissant le contexte, on notera quelques mots de commentaires du même Chourkine, décidément très en verve et acquérant peu à peu une dimension de diplomate important et influent dans l’enceinte de l’ONU où il représente la Russie. Chourkine a commenté le vote de l’Assemblée Générale dont il a déjà été question (voir le 28 mars 2014). L’analyse russe est que la Russie a été loin, très loin d’être “isolée”, avec un vote (100 pays favorables à la résolution) loin, très loin de représenter une majorité significative ... Et, certes, ce vote dans des conditions extrêmement contestables, qu’on imagine (Russia Today, le 29 mars 20143), dans des conditions où l’on peut considérer que l’abstention représente un soutien pas loin d'être explicite à la Russie.
«“Very many countries complained that they were undergoing colossal pressure on the part of Western powers to vote in support of that resolution,” Churkin told journalists after the vote, adding that he believes the pressure “produced a certain effect.” “Some countries voted grudgingly, shall I say, and complained to us about the strong pressure they had experienced,” Churkin told ITAR-TASS...» [...]
»“Many have abstained, some have sided with Russia in voting against the resolution. But the trend is evident. Following the vote in the Security Council, some of our Western partners rushed to declare Russia ‘isolated’,” Churkin said. “I see what has happened as a positive development. Even though a modest majority of the General Assembly have voted in favor of a resolution that Russia opposed, I still like the trend we are seeing,” he said. “This time around, it is obvious there is no isolation. We don’t have the majority behind us today, but a positive trend is apparent.”»
On a vu, le 28 mars 2014 également, combien la “crise générale” était d’ores et déjà engagée dans une autre dimension, – un autre de ses “mondes parallèles”, – qui est la plus haute possible de l’affrontement entre le bloc BAO (Système) et certains pays essentiels du reste (rôle antiSystème par conséquent), avec une mise en accusation grandissante des méthodes d’influence coercitive du bloc BAO alors que son poids réel et son état délabré l’y autorisent de moins en moins. Il était surtout question de la Chine se rapprochant de la position russe, avec surtout cette attaque de Global Times contre la mise à l’écart du G8 de la Russie qui n’aboutit qu’à mettre en évidence la marginalisation et l’irrelevance politique du G8 réduit à 7, donc marginalisation et irrelevance du “G8 moins 1” (dito, le bloc BAO).
Ce débat va se poursuivre et s’amplifier parce que le prochain sommet du G20, – qui représente dans le contexte vu plus haut la véritable organisation des nouveaux rapports de force, – a lieu en novembre, à Brisbane, en Australie. Bon élève docile du Système, l’Australie a laissé courir l’idée que la Russie pourrait ne pas être invitée. La réaction du BRICS (Afrique du Sud-Brésil-Chine-Inde-Russie) a été instantanée : «The custodianship of the G20 belongs to all member-states equaly and no one member-state can unilaterally determine its nature and character.» Autrement dit : nul n’a le droit, de son propre chef, de décider qui peut venir et qui doit être interdit à un sommet du G20, parce que tous les membres du G20 sont de plein droit participants de toutes les manifestations du G20, et certes ils font ce qu’ils veulent de ce droit imprescriptible.
Il ne fait guère de doute que l’obstination-Système est la marque de leur comportement, à ceux du bloc BAO, et que l’Australie va remettre cette affaire sur la table. S’il y a effectivement une tentative sérieuse d’interdire à la Russie la venue en Australie, on peut alors être assuré que l’on va directement à un affrontement significatif, pouvant aller jusqu’à une décision collective au moins du BRICS de ne pas venir à la réunion. C’est alors la fin du G20 assurée, et sa division en deux blocs antagonistes (on voit lesquels), avec le G7 renforcé d’une petite poignée de supplétifs placé en position d’affrontement d’un nouveau GX (le BRICS et d’autres). C’est, transcrit au niveau économique avec une dimension politico-stratégique de plus en plus affirmée, la constitution d’un monde en deux blocs où le bloc BAO n’aura pas la partie belle... Les enjeux concernent le sort du dollar, la stabilité du bloc BAO avec des menaces d’effondrement, etc., soit déjà un avant-goût de possibilités d’effondrement du Système.
Tout cela n’empêche pas la narrative extrême du bloc BAO, la plus belliciste et la plus radicale, de continuer à se développer. Cette narrative réduit la crise ukrainienne à une description simple et strictement cloisonnée : tout commence avec l’“annexion” de la Crimée, crime indélébile et pire que tout ce que l’on a connu depuis si longtemps, sauvage agression apparue comme un éclair sombre (joli oxymore) de barbarie dans le ciel bleu et sans nuage entretenu jusqu’ici par les jardiniers du ciel et de la morale postmodernes du bloc BAO ; premier acte, c’est à n’en pas douter, d’une entreprise belliciste et expansionniste d’une Russie revancharde, conduite par un fou sournois, cruel et corrompu, et qui met la paix du monde en danger. Tout le reste, tout ce qui a précédé, jusqu’à la cause première qui est la destruction de la Russie d’Eltsine en même temps que le développement de la politique de coercition, de subversion et de provocation antirusse du bloc BAO depuis 1991-1992, tout cela n’a jamais existé. L’histoire est amputée des causes essentielles et de la cause première de la séquence, des conséquences les plus monstrueuses de ce premier élan, pour pouvoir recommencer à zéro, avec la Russie-en-Crimée comme “cause première” de la catastrophe : il était une fois “un ciel bleu et sans nuage entretenu jusqu’ici par les jardiniers du ciel et de la morale postmodernes du bloc BAO...” (Bon exemple du big Now [voir le 29 janvier 2014].)
Si nous utilisons ce langage, c’est parce que la dialectique en cours est parfaitement de ce niveau-là, rien de moins (c’est-à-dire, rien de plus), le langage du conte pour enfants sages où il faut bien qu’à un moment surgisse une méchante sorcière. On noie tout cela dans un océan de compétences spécialisées qui n’ont rien de plus pressé que de substantiver la narrative de termes et de références impératives, – et la soupe est bonne, soldat. Le Guardian, qui est en train de bâtir un monument à l’hypocrisie et au mensonge anglo-saxon, appelle cela «How Vladimir Putin's actions in Crimea changed the world», – “changer le monde”, rien de moins, c’est-à-dire salir ce “ciel bleu et sans nuages...”. La phrase couronne un article du 28 mars 2014 où 6 journalistes du quotidien londonien triés sur le volet sont convoqués pour écrire l’acte d’accusation puis former le jury dont le verdict est déjà contenu dans le titre. Julian Borger nous parle de l’arsenal d’armes nucléaires de théâtre que Poutine a précieusement conservé pour pouvoir attaquer l’Europe paisible et bucolique, si démocratique et si prospère, sur son ouest ; Richard Norton-Taylor espère bien que l’OTAN ressuscitera (vous pensez bien, elle dépérissait) pour pouvoir, une fois de plus, sauver la liberté ; quelques autres textes folkloriques sur des sujets moins antagonistes, pour montrer qu’on sait vivre et diversifier la conversation lors du five o’clock tea (Alec Luhn sur la “solitude” de Moscou, pas sûr de conserver même l’alliance de la Biélorussie, Tonia Samsonova sur les milliardaires russes de Londres, Terry Macalister sur le “plan Marshall” US, fracking en bandouillère, pour nous sauver des griffes du gaz russe) ; Luke Harding, le spécialiste” des affaires de l’Est, termine en nous montrant que Moscou a fait revivre l’irrédentisme, c’est-à-dire la soumission des pays proches à la loi du plus fort, cette idée si choquante pour le bloc BAO qui sait protéger de toute pression et influence, grâce à sa pression et son influence, les pays plus petits que lui (citation philosophique à l’appui d’un grand spécialiste US : «Musing on Russia's annexation of Crimea, Strobe Talbott, foreign policy analyst and former US deputy secretary, sent an eye-catching tweet last week. He wrote: “Thanks to Putin, musty word ‘irredentism’, coined by Italians in 19th & early 20th century, is now all-too-relevant to new perils of 21st.”»)
Tout cela vous laisse un peu “sonné” et peu incliné à perdre votre temps et votre plume à évacuer toute cette salade, ne serait-ce qu’en tirant la chasse. Il n’empêche que l’on a un reflet du sentiment unanime de la communauté des experts de sécurité nationale du bloc, spécialement ceux de l’“anglosphère” qui ont simplement réactualisé leurs analyses des années 1970 et 1980.
... Mais tout cela n’est pas non plus indifférent et ne peut être écarté dans les conséquences. Ces experts divers, au lieu de conseiller les princes en donnant des arguments à une grande ligne politique que ces princes ont décidée, fabriquent un cadre technique et stratégique à partir de la narrative pour conduire les princes à déterminer leur politique à partir de cela. Le mouvement est donc inverse de l’habituel : ce sont les exécutants chargés de développer les techniques d’application d’une politique qui fournissent ces techniques d’application avant leur tour pour conduire invariablement à ce qu’une seule politique possible en soit déduite. L’inversion est complète.
Ils ont d’ailleurs les “princes” qui vont bien. On ne s’attardera pas là-dessus, on connaît les bougres. La démonstration la plus récente nous suffit : BHO “à la recherche du référendum perdu” (le 28 mars 2014), BHO comme pure «créature de communication, c’est-à-dire un non-être lorsqu’il s’agit d’agir intellectuellement, indifférent à la politique et à l’histoire, attentif à la seule représentation où il excelle, – c’est-à-dire qu’il croit à ce qu’il dit mais ne comprend rien à ce qu’il dit, et d’ailleurs il s’en fout royalement».
On se trouve donc dans une autre dimension, également au plus haut, qui est celle des tambours de guerre, qui introduit une circonstance terrible d’ambiguïté dont les potentialités sont catastrophiques. On a annoncé plusieurs fois, notamment du côté washingtonien, qu’on n’interviendrait pas contre les Russes et, pour bien le montrer, on fait des manœuvres, on fait vrombir des avions, on fait des projets de nouveaux déploiements, on met en place une coopération militaire avec l’Ukraine, on ne cesse d’analyser les possibilités de conflits. La conséquence est la perception par la Russie d’une menace grandissante de la part des USA et de l’OTAN (voir Antiwar.com, le 29 mars 2014), qui s’installe alors comme un miroir, face aux perceptions fabriquées du bloc BAO des intentions agressives de la Russie. En un mot, on met en place tous les éléments pour éventuellement déboucher sur un conflit par inadvertance, avec d’autant plus d’allant qu’on a annoncé qu’il n’y aurait pas de conflit...
Ce qu’on décrit là n’a rien à voir avec du parti-pris, ni avec un engagement de notre part, en aucune façon. Ce qu’on décrit là est une situation appréciée objectivement, et cela sans discussion. D’un point de vue objectif également, et également sans discussion possible, il est acquis que le bloc BAO porte l’essentiel de la responsabilité, et surtout la responsabilité exclusive d’entretenir l’évolution de la situation à partir de données fondamentales complètement faussaires. Robert Parry, le 27 mars 2014 sur Consortium.News, a bien décrit «The Danger of False Narrative», c’est-à-dire toute la construction faussaire du bloc BAO qui l’enchaîne à des développement extrêmement dangereux, selon une appréciation événementielle d’un autre monde, entraîné par des automatismes dont il est prisonnier et qui l’obligent à une seule ligne possible qui est celle de la surenchère permanente imposée par des contraintes faussaires interfèrant en permanence sur toute tentative de règlement ou d’arrangement.
L’on parle souvent de ces “guerres incompréhensibles”, suscitées par des séries d’erreurs et de mauvais calculs dont nul ne s’est aperçu (la Grande Guerre est la victime favorite de cette sorte d’analyse). Ici, dans le cas de notre situation générale, “les erreurs” sont connues et par avance présentées comme justes contre l’évidence, et poursuivies sans aucun frein ; les “mauvais calculs” ne sont pas moins jugées excellents contre la même évidence, et ainsi de suite. Les témoignages abondent venus des bureaucraties, des ministères impliquées, etc., de sources qui reconnaissent complètement ces “erreurs” et ces “mauvais calculs” lorsque l’occasion leur en ait donnée, mais montrent ensuite implicitement que rien d’autre n’est possible, qu’aucune tentative de modifier l’orientation n’a de chance de réussite, et ainsi poursuivant leur travail et leur action dans le même sens. Il apparaît alors, tout aussi évidemment qu’“erreurs” et “mauvais calculs” existent, sont connus et poursuivis, qu’une mécanique extrahumaine est en marche, qui domine toutes les tentatives humaines comme autant d’interférences négligeables, qui réduit aisément ses tentatives venues de l’intérieur des processus qu’elles déterminent, qui continue ainsi sa même poussée déstructurante et dissolvante.
Bref, le Système en mode de surpuissance, certes, et plus autonome que jamais. La situation est rendue dramatique, sinon potentiellement tragique, parce que cette poussée s’exerce contre la Russie qui a d’une part des moyens considérables qui font monter les enjeux jusqu’aux plus hauts sommets d’affrontements potentiels, qui a d’autre part la capacité d’identifier et de dénoncer erreurs et mauvais calculs, et d’une façon plus générale la construction-narrative qui caractérise l’entièreté des conceptions du bloc BAO.
Si l’on prend en compte en nous éloignant du centre géographique de la crise tous les éléments qu’on a rappelés plus haut, on ne peut qu’observer, revenant ainsi sur des caractères de cette “crise générale” déjà détaillés le 24 mars 2014, son extraordinaire diversité, sa complexité, l’abondance des différents niveaux et des différents domaines où elle s’exerce. Par ailleurs, il s’agit d’une occurrence logique, – puisque “crise générale” il y a, ou “crise haute ultime”, il est normal, comme on l’a vu également, qu’elle touche tous les domaines et tous les échelons ... Il faut donc préciser que ce qui est extraordinaire n’est pas la “crise générale” elle-même, qui est bien ce qu’elle doit être, mais ses effets de puissance, de volatilité, de rapidité, de complexité, – c'est-à-dire tout ce qui fait son mouvement, sa dynamique. On connaît notre thèse de l’importance centrale et fondamentale du système de la communication, et on a là l’explication de cette puissance des effets qui est le résultat de la fantastique capacité de diffusion des informations et des situations que recèle ce système de la communication.
Ainsi, sans qu’il soit nécessaire de parler de “guerre mondiale” au strict sens (militaire) de l’expression, il faut admettre que nous sommes entrés, avec cette crise générale, dans une structure d’“affrontement mondial”, ou de “crise de confrontation mondiale”, qui semble rassembler toutes les données et tous les facteurs disponibles, jusque-là éparpillés dans des crises d’intensité variable, mais encore cloisonnées, séparées les unes des autres. Cette “crise de confrontation mondiale” qui semblerait une sorte de version postmoderne d’une “guerre mondiale”, constitue non pas “un monde nouveau” comme l’estime le Guardian, mais la maturation d’une situation de tension générale devenue infrastructurelle depuis 2008. Cela renouvelle le processus de la Première Guerre mondiale, cent ans plus tard, tel que nous l’avons identifié selon notre thèse de La Grâce de l’Histoire (voir notamment le 2 janvier 2014). Cela ne signifie pas que cette “crise de confrontation mondiale” ne débouchera pas sur une véritable guerre mondiale (militaire, voire nucléaire), mais cela ne signifie pas non plus qu’elle doive déboucher sur une telle issue. L’enjeu n’est pas seulement militaire, s’il peut l’être effectivement. Cette “crise de confrontation mondiale”, ou “crise haute ultime”, est l’opérationnalisation de la phase ultime de la crise d’effondrement du Système, c’est-à-dire un affrontement du Système contre l’antiSystème où les positions sont variables beaucoup plus que figées et assignées comme dans la perspective d’un conflit militaire, et l’issue d’un conflit militaire n’est nullement obligée.
Lorsque nous écrivons, plus haut, “ce qu’on décrit là n’a rien à voir avec du parti-pris, ni avec un engagement de notre part, en aucune façon. Ce qu’on décrit là est une situation appréciée objectivement, et cela sans discussion”, – nous signifions précisément que notre jugement objectif des responsabilités (l’essentiel porté par le bloc BAO) ne signifie en rien que nous soyons du parti de la Russie, par adhésion et engagement. L’analyse de la situation, dès lors que l’on identifie l’occurrence d’une bataille ultime du Système contre l’antiSystème, ne saurait conduire à des engagements partisans.
De ce point de vue, si la Russie a nombre d’arguments et d’appréciations justes de son côté, elle n’en a qu’une responsabilité plus grande dans la politique qu’elle mène. Il nous arrive à plus d’une occasion de juger que la politique de Poutine est erronée dans le sens qu’elle est trop inclinée au compromis, ou à la recherche du compromis, qu’elle est trop prompte à la recherche d’une demi-mesure, etc., dans tous les cas dans le domaine de la communication qui est le principal champ de bataille. L’argument que nous développons ne signifie nullement que nous favorisions une poussée militaire de la Russie qui, dans les circonstances actuelles, n’a guère de sens, mais d’observer que la Russie a tout intérêt à faire monter la tension pour faire apparaître en pleine lumière toute la puissance des enjeux de l’actuelle “crise de confrontation mondiale”, ou “crise haute ultime”. Le but est alors de provoquer des chocs tels que le Système en soit affecté gravement et s’en trouve accéléré dans son processus d’effondrement. Encore une fois, cela ne signifie pas la route vers un conflit au sens classique (la guerre), mais la route vers la pleine opérationnalisation de la crise d’effondrement du Système sous les coups de la tension imposée par des attitudes de fermeté extrême, l’évocation de conséquences catastrophiques, la description véridique du Système en plein déchaînement de surpuissance, avec tant d’exemples évidents de ce phénomène, sa dénonciation comme un facteur maléfique de dissolution de la civilisation, etc. Une telle évocation, dite et répétée avec sang-froid, avec calme, avec des arguments rationnels, devrait susciter l’accélération de l’activité du système de la communication et produire un choc fondamental pour les psychologies.
D’une certaine façon, on comprend les Russes qui écartent cette orientation ou bien l’excluent comme impensable, dans la mesure où la Russie fait tout de même partie du Système et qu’elle risque d’être entrainée dans les remous d’un tel effondrement, et même qu’elle serait sûrement entraînée dans de tels remous ; ou bien même ignorent-ils cette orientation dans la mesure où leur participation en partie au Système leur ferait ignorer le véritable enjeu de la crise. Ce serait alors que les dirigeants russes, craignant ou ignorant cette issue, s’en tiennent à la défense des intérêts de la Russie, sans faire monter la tension tout en maintenant l’essentiel. La Russie aurait une compréhension historique de la crise et poursuivrait sa politique immémoriale de défense de l’espace et de la spiritualité nationales. Or, ce qu’il faut, c’est une compréhension métahistorique de la crise.
Les dirigeants russes, Poutine lui-même, ont-ils cette forme de compréhension ? La question est pour l’instant sans réponse et le fait de la poser n’implique nullement une réponse dans un sens ou dans l’autre. Cette question de la vision métahistorique, qui pourrait d’ailleurs être étendue à d’autres qu’aux seuls Russes, est, pour l’instant, l’équivalent de ce que Churchill disait en 1939 du pouvoir soviétique : «It is a riddle, wrapped in a mystery, inside an enigma...»
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