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79316 janvier 2014 – Voici un sujet intéressant : le rôle de la drogue dans le conflit syrien, et plus particulièrement d’une amphétamine très populaire au Moyen-Orient et fort peu répandu ailleurs, le Captagon. Le sujet est plus ou moins récurrent, parcellaire, depuis que le conflit a pris de l’extension pour devenir une préoccupation majeure des relations internationales (avant de perdre de son importance, dernièrement, et de passer au second rang du système de la communication). Il n’a été précisé et documenté par la presse à grande diffusion internationale (presse-Système notamment, certes) que depuis quelques mois.
Le sujet prend ainsi place parmi les références majeures, non seulement du conflit syrien, mais également et plus encore, des conditions générales des conflits actuels et de l’évolution exponentielle du désordre (voir le 11 janvier 2014). Pour ce cas, certes, il s’agit de la zone crisique du Moyen-Orient. C’est bien selon ce point de vue que nous voulons traiter ici notre sujet ; et surtout, partant de ce point de vue et des constats régionaux, parler des effets sur une sorte de “psychologie de crise”.
Parmi les articles qu’on relève, citons le Daily Star de Beyrouth (le 11 septembre 2013), Time Magazine le 28 octobre 2013, France 24 le 30 octobre 2013. Ces derniers jours où notre attention a été attirée pour nous conduire à cette analyse, le sujet a été repris par une enquête minutieuse de Reuters, le 13 janvier 2014 ; on peut voir aussi le Guardian, ce même 13 janvier 2014, qui reprend en les résumant, des éléments venus de Time et de Reuters.
La situation selon France 24, citant notamment le Daily Star et Time Magazine («prestigieux hebdomadaire américain», pour que nul n’en ignore) était présentée notamment par la première phrase de l’article du 30 octobre 2013 : «La drogue est-elle devenue le nerf de la guerre en Syrie?» Plutôt que “le nerf de la guerre”, qui suppose le fait d’un moyen de faire la guerre, comme le pétrole ou l’argent, nous parlerions plus en profondeur et plus en complexité d’une “psychologie” et d’un théâtre plus élargi que la seule Syrie. Le titre devrait être alors un peu modifié et notablement élargi : “La drogue est-elle devenue la psychologie des crises au Moyen-Orient?”.
Quoi qu’il en soit, voici un extrait de l’article : «La drogue est-elle devenue le nerf de la guerre en Syrie ? Le pic récemment atteint au Moyen-Orient par le trafic de pilules de Captagon, principalement composées d’amphétamines et de caféine, serait directement lié au conflit en Syrie, selon le quotidien libanais “The Daily Star” et le prestigieux hebdomadaire américain “Time”. Classé par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) comme produit stupéfiant, le Captagon est un psychostimulant à base de chlorhydrate de fénétylline. Ce médicament facile à contrefaire est à l’origine strictement réservé au milieu hospitalier et prescrit à des patients souffrant de narcolepsie et de problèmes d’attention.
»Selon “Time”, les récentes saisies et les nombreuses arrestations de trafiquants opérées récemment au Moyen-Orient présentent la particularité d’être liées au financement de certaines composantes de la rébellion qui cherche à renverser le président syrien Bachar al-Assad. “À mesure que la guerre s'éternise en Syrie, le Captagon jouera très probablement un rôle significatif dans le financement des belligérants”, affirme le journal américain...»
Continuons en restant encore, pour l’instant, dans le cadre défini, immédiatement ci-dessus, de la guerre en Syrie. D’ores et déjà, pourtant, il faut considérer ce cas spécifique (la Syrie) comme le stéréotype, naturellement dans une dimension dramatique et cruelle comme l’est ce conflit, d’une situation plus générale.
Pour ce faire, et mesurer les effets du Captagon sur les combattants en Syrie, mais aussi sur la population syrienne elle-même, on empruntera ces quelques paragraphes de Reuters. Ils nous suggèrent que ce conflit, tel qu’il est décrit en se référant à l’usage de cette drogue, est notablement structuré, certainement du point de vue psychologique, par cet usage. Sa sauvagerie, son désordre, son intensité dynamique, peuvent aussi bien apparaître en bonne partie alors comme l’effet de l’introduction du Captagon. (On comprend qu’il ne s’agit pas de s’arrêter au Captagon en tant que tel, comme étant une drogue spécifique produisant les effets qui sont décrits, mais comme une de ces drogues qui, effectivement, correspondent, alimentent, renforcent, favorisent, voire créent dans certains cas les comportements et les actes caractérisant cette sorte de conflits.)
«Lebanese psychiatrist Ramzi Haddad said the drug had the typical effects of a stimulant. “It gives you a kind of euphoria. You're talkative, you don't sleep, you don't eat, you're energetic,” he said. Production is cheap and simple, requiring “only basic knowledge of chemistry and a few scales”, he added. Syrian and Lebanese authorities regularly seize homemade laboratories used to make the pills. [...]
»A drug control officer in the central city of Homs told Reuters he had observed the effects of Captagon on protesters and fighters held for questioning. “We would beat them, and they wouldn't feel the pain. Many of them would laugh while we were dealing them heavy blows,” he said. “We would leave the prisoners for about 48 hours without questioning them while the effects of Captagon wore off, and then interrogation would become easier.”
»The opposition retorts that the government is aiming to sully its reputation and say it is the pro-government 'shabiha' gunmen that run the Captagon trade. Opposition activist Ammar said consumption was limited to government supporters and fighters who use the cover of the revolution to pursue lucrative criminal activities. “These days, the criminals and addicts do whatever they want,” he said. “They've increased because of hunger, poverty and lack of work.”
»A psychiatrist named George said he treated Captagon users at his clinic in the government stronghold of Latakia. “The use of Captagon and other pills increased after the revolution even among civilians because of psychological and economic pressures,” he said. He said the government exaggerated the drug's prevalence among opponents, but added that it was likely both the shabiha and rebel Free Syrian Army were users, “especially when they are assigned night duty or other long missions”...»
Bien entendu, il est intéressant de connaître la position des groupes ultra-islamistes vis-à-vis de cette prolifération de Captagon, lequel produit représente pour nombre d’entre eux, dans le chef de sa consommation, un comportement contraire à leur stricte interprétation des lois coraniques. Ce passage du texte publié par Time rapporte un épisode caractérisé par cette attitude, mais aussi les difficultés rencontrées par ce comportement.
On ne peut dire qu’il y a rupture entre ces groupes et l’usage du Captagon, mais adaptation, même pour eux. Cela conduit à cette observation que, finalement, tous sont touchés d’une façon ou d’une autre. L’éventuelle rage à détruire le Captagon, puis la nécessité de s’adapter à une situation où le Captagon est consommé, font partie du comportement à la fois extrémiste et tactique de ces groupes islamistes, et, par conséquent, s’insèrent dans le schéma de la guerre. On est conduit à constater que même les engagements les plus radicaux doivent, à un moment ou l’autre, le céder devant la prégnance de cette sorte de substitut à une vérité de situation insupportable.
»Not all elements involved in the war are so sanguine about the opportunities presented by continued conflict. Omar Atrash, the former head of the Lebanese branch of Jabhat al-Nusra, one of the al-Qaeda-affiliated groups fighting the Assad regime in Syria, boasted to Time that he had personally overseen the destruction of two Syrian Captagon factories near the border. The factories were in Qalamoun, an area “liberated” by the rebels more than a year ago, he said, and “since then there is a complete absence of the state, and many villages thought once the regime is gone they can do all kinds of illegal activities.” According to al-Nusra’s strict interpretation of Islamic law, drugs are forbidden. So Atrash led the charge to destroy the factories, as well as several marijuana fields. He admitted, however, that continuing the fight against narcotics had been counterproductive. Not only would the complete eradication of all drug facilities in the area suck manpower from the front lines, it also risked alienating the very residents they were trying to win over. “Nusra clashed several times with villagers because they tried to end this phenomenon,” he said in an in-person interview conducted just days before his death, earlier this month, by a rocket in Syria. It is not clear where the rocket came from.»
Les textes consultés élargissent le sujet en donnant quelques indications sur la situation du trafic et du commerce du Captagon dans le Moyen-Orient en général, et cela sans la nécessité de lier cette expansion au conflit syrien. Bien entendu, dans cette rapide observation, la Syrie continue à jouer un rôle essentiel, par les déplacements de production que le conflit a suscité.
On y voit que la Syrie étant un consommateur dynamique nouveau et important à cause de la guerre et depuis la guerre, le Captagon est aussi devenu un important facteur de revenus, et de rééquipement en armes par l’argent généré pour nombre de groupes. Les différents parties et groupes armés et les producteurs de Captagon, qui sont souvent liés les uns aux autres par des intérêts évidents jusque parfois être une seule et même entité, constituent une masse de manœuvre purement de type capitalistique sauvage qui nourrit le conflit en tant que dynamique de déstructuration et de dissolution par excellence (schéma favori du capitalisme). Des activités privées et de crime organisé sont liées à cet ensemble, aussi bien dans les zones limitrophes de la Syrie qu’en Syrie même. La dynamique du Captagon acquiert des dimensions nouvelles qui concernent cette fois toute la zone régionale, devenant un facteur d’accélération du désordre qui équivaut à celui du terrorisme dans sa forme mélangeant les idéologies exacerbées et les tendances du crime organisé.
Time met en évidence cet aspect qui élargit la nébuleuse considérée. On y voit notamment que le Hezbollah, également impliqué, laisse de côté les stricts principes islamiques pour participer à l’activité-Captagon parce qu’il s’agit là d’une “nécessité stratégique“ si l’on veut. C’est une situation où le concept de “stratégie” doit nécessairement être redéfini en termes commerciaux, sociétaux, voire psychologiques, – non, surtout psychologiques... «As the war drags on, it is all the more likely that Captagon will take on a significant role funding warring parties in the conflict. The captured cargo trucks were owned by a Sunni Syrian clan long linked to the drug trade that fled the besieged city of Homs last year to set up shop in Lebanon, says Chams Eddine, who suspects that the proceeds may have been used in part to fund anti–Bashar Assad rebels. “They run two or three operations like that, and they can easily get $300 million. That would buy a lot of guns.” But it’s not just Syrian Sunnis who are involved. Hizballah, the Iranian-funded and Lebanon-based militia that is fighting in Syria on behalf of President Assad, also has a hand in the trade, according to former U.S. Treasury official Matthew Levitt, a fellow at the Washington Institute and author of Hezbollah: The Global Footprint of Lebanon’s Party of God. “Hizballah has a long history of dabbling in the drug trade to help with funding, and Captagon, with its high profit margins, is to them just another business opportunity,” Levitt says.»
Reuters donne aussi quelques indications sur cette dimension de la “nébuleuse élargie”, confirmant cette activité située à la confluence de la guerre idéologique, du crime organisée et du capitalisme sauvage et naturellement dérégulé : «The trader said production in Lebanon fell 90 percent in 2013 from two years earlier, and wholly attributed the drop to a shift in production to Syria. He said some production might also have moved to Syria from Turkey during the past year. Khabib Ammar, a Damascus-based media activist, said Syrian fighters involved with the drugs trade were buying weapons with the money they made, though Reuters could not independently verify claims that Captagon profits were being used to fund either side of the conflict...»
La Syrie est donc devenue aussi, grâce à la facilité de la chose, un producteur et un exportateur de Captagon. Ainsi la guerre devient-elle un centre de prolifération du phénomène du Captagon après avoir figuré, comme on l’a vu plus haut, comme centre de concentration d’importation et de consommation de la drogue, et un centre de fournitures de la guerre au niveau des armements. La circulation du Captagon essaime sur les zones avoisinantes, d’une façon beaucoup plus dynamique qu’il n’avait fait jusqu’alors.
On a la sensation d’une activité extrême, presque vibrante et sans le moindre rangement, une de ces activités dont les idéologues hyper-capitalistes raffolent en susurrant de ces expressions qui les enchantent, de ces expressions qui agissent presque comme une drogue (tiens, tiens) sur leurs univers cérébraux réduits à des signaux convenus sous forme de phrases-slogans ; donc, des expressions ou “phrases-slogans” telles que “désordre créateur”, “chaos créateur”, et tout le toutim. On y voit des convois routiers, de norias de camions venus de nulle part et d’on ne sait où et allant Dieu sait où et vers à peu près on ne sait quoi, mais dont on devine aisément l’usage et la raison d’être, et finalement, aussi bien les parcours d’ailleurs... Toutes ces opérations s’effectuent selon un statut plus ou moins semi-clandestin, circulant avec les passe-droits officieux et les passe-droits plus concrets de la complicité autant que de la corruption. Le phénomène du Captagon n’est plus seulement spécifique au conflit syrien, il essaime partout.
Time, à nouveau, entame son article par une sorte d’addition de tableaux de “scènes vécues”, qui restituent cette atmosphère vibrante d’un commerce en pleine activité, à la fois insaisissable, à la fois objet de grosses prises dont on ignore ce qu’elles deviennent ... «Fifteen days into his job as Lebanon’s top drug-enforcement official, Colonel Ghassan Chams Eddine got a tip-off that something big was going down at the Beirut shipping port this summer. How big? Nearly 5.5 million tablets of a locally produced amphetamine expertly hidden inside an industrial water heater destined for Dubai. His men had to use acetylene torches to remove the white tablets, each embossed with an off-kilter yin-yang symbol and packed into 1,000-piece units in heat-sealed plastic bags. “The boiler was made in Syria, and the way the tablets were hidden, it was clear that they hadn’t been just stuffed inside,” says Chams Eddine. “That unit was formed around the drugs, at the factory.”
»A week later, on Aug. 21, Chams Eddine got another tip-off. Six Syrian-made cargo trucks destined for Saudi Arabia from Lebanon were stopped just as they were about to cross the border. Each of the containers’ steel reinforcing ribs concealed a cleverly designed drawer packed with loose pills — 6 million of them in total. A few days later, a Syrian was caught at Beirut’s international airport with 11,000 tablets hidden in pastries. Then two more Syrians destined for Saudi Arabia were stopped at the airport with 8 kg of the stuff in their luggage.»
Le dernier stade de cette description générale concerne la région dans son entièreté, le Moyen-Orient autour de son axe sensible Liban-Syrie-Irak, et de son centre générant un incendie grondant qu’est la Syrie, mais aussi autour de ses centres de richesse et d’hyper-modernité que sont les pays du Golfe. La description donne aussi bien des éléments de la situation générale actuelle du Captagon que des éléments de l’historique du Captagon : cette amphétamine rejeté dans les années 1980 par son créateur occidental à cause de ses caractères addictifs, reprise en production clandestine par des pays d’Europe de l’Est bien heureusement “libérés” de la chape de plomb communiste pour goûter à l’ivresse capitalistique ultra-sauvage, enfin pénétrant au Moyen-Orient en 2006, au moment du tournant de l’échec de l’aventure irakienne des USA et de l’écroulement du mythe de la puissance israélienne (“guerre” contre le Hezbollah), tout cela déchaînant le contrôle de la région et le déléguant aux poussées du désordre et aux grands courants suprahumaine de la crise d’effondrement du Système, avec réalisation dans le “printemps arabe” de décembre 2010.
Dans ce cadre si postmoderne de Fin de Système, le Captagon s’implante comme la drogue postmoderne par excellence, la drogue de l’instant et de l’“extase de l’instant”, à consommer sans perdre de temps puisque nul ne sait ce qui nous attend après, et avec nullement l’impression du processus aliénant du drogué mais plutôt celui du médicament, propre, clean, efficace. C’est aussi une différence importante par rapport à d’autres usages, plus traditionnels et finalement moins aliénants, de certaines drogues (opium, hallucinogènes, etc.) consommées dans un cadre effectivement plus proche de certains aspects de la tradition, dans certains courants de civilisation... Ici, c’est tout le contraire : la prise du médicament-drogue clean est en soi rupture avec toute pérennité, avec toute durabilité de la tradition. Nous sommes dans le désert du Système, chose invincible comme aiment à dire ses admirateurs compulsifs, c’est-à-dire dans le cours de son effondrement.
Le texte de Reuters donne un rapide aperçu de cette situation typiquement moyenne-orientale et pourtant “occidentalisée” parce que le Système infecte tout et que ses porteurs d’eau et de germes, les pays du bloc BAO et leurs relais au Moyen-Orient, portent eux-mêmes cette infection. Quelques mots rappellent opportunément que la fortune du Captagon se construit sur la déstructuration et la dissolution des principes fondamentaux tenant les entités nationales et imposant l’ordre politique, sociétal et psychologique .... «Consumption of Captagon outside the Middle East is negligible, according to the United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC), but it is a significant drug in the Arab Gulf, and nascent markets were detected in North Africa last year. Sitting at a crossroads in the Middle East, Syria has long been a transit point for drugs coming from Europe, Turkey and Lebanon and destined for Jordan, Iraq and the Gulf. The breakdown of state infrastructure, weakening of borders and proliferation of armed groups during the nearly three-year battle for control of Syria has transformed the country from a stopover into a major production site.
L’article de Time Magazine, lui, donnait encore plus de précisions, notamment sur l’historique du trajet du Captagon et sur sa situation générale au Moyen-Orient aujourd’hui, cette fois clairement hors du conflit syrien mais en gardant à l’esprit le rôle-moteur de ce conflit syrien. On y observe la place fondamentale tenue dans les pays du Golfe pour l’utilisation de Captagon, et notamment par l’Arabie qui admet que le trafic de Captagon vers ce pays atteint, semble-t-il, 550 millions de tablettes de Captagon par an, – cela permettant aux multiples princes eux-mêmes de s’adonner aux délices des mille et un trip.
«Captagon is the trade name for fenetylline, a synthetic stimulant used in the early treatment of attention-deficit/hyperactivity disorder before it was banned in most countries in 1986. The counterfeit versions available today contain amphetamine derivatives that are easier and cheaper to produce. Though Captagon was manufactured and trafficked in Eastern Europe in the early 2000s, it didn’t really take off in the Middle East until 2006, when local authorities started reporting a worrying uptick in amphetamine seizures, most of them in the form of Captagon pills... [...]
»In terms of pure profit, it’s hard to beat amphetamines. Unlike cocaine and heroin, the base ingredients are easy, and even legal, to obtain. A pill that costs pennies to produce in Lebanon retails for up to $20 a pop in Saudi Arabia, where some 55 million Captagon tablets are seized a year — a number that even Saudi officials admit amounts to only 10% of the overall total that actually makes it into the kingdom, according to the UNODC World Drug Report and a not-yet-published E.U. assessment of drug trafficking in the Middle East. Saudi Arabia alone accounts for more than one-third of global amphetamines seizures a year, and three-quarters of patients treated for drug problems there are addicted to amphetamines, almost exclusively in the form of Captagon. Qatar, Kuwait and the UAE have reported similar spikes in multimillion-tablet seizures of the drug in the past two years.»
... Oui, pourquoi une “parabole” ? En effet, c’est en tant que parabole que nous utilisons ici l’information générale de l’usage du Captagon, et l’on admettra que le “sous influence” se justifie pleinement par le caractère addictif de la drogue. Nous procédons de la sorte parce que cet usage du Captagon, qui n’est nullement représenté ici d’une manière scientifique ou sociologique, ou “stratégique” et ainsi de suite, présente des spécificités si remarquables, à la fois opérationnelles et symboliques de la situation qu’il nous importe de décrire :
• La spécificité d’être propre au Moyen-Orient, cette région qui constitue, ou a constitué jusqu’ici le chaudron central, le feu grondant des activités de déstructuration et de dissolution qui caractérise notre crise d’effondrement du Système. Là se trouvent rencontrés tout autant l’aspect opérationnel et l’aspect symbolique, selon une perception unanime du Moyen-Orient comme centralité de certains aspects de la crise générale du Système.
• La spécificité pour cette drogue d’avoir été activée au-delà de toutes les prospectives par le conflit syrien, qui a joué un rôle si intense et si dramatique pendant au moins dix-huit mois (de février 2012 à septembre 2013), rôle illustrant à la fois la cruauté et le désordre de la situation de la politique et de l’insurrection, l’impuissance et le vide conceptuel extraordinaire des puissances du bloc BAO, le rôle faussaire du système de la communication. Cette opérationnalité qu’on reconnaît à cette spécificité a évidemment la dimension symbolique requise.
• La spécificité d’avoir ainsi été, par le biais des caractères du conflit syrien, l’illustration symbolique et psychologique la plus saisissante de la déstructuration et de la dissolution des principes qui tiennent l’ordre politique et sociétal d’une civilisation, pour le meilleur et pour le pire, – c’est-à-dire pour le pire pour ce qui concerne notre contre-civilisation, quand on voit l’usage d’exemple de destruction suicidaire qui est fait dans le chef de l'usage prédateur des principes.
• La spécificité d’avoir accéléré ainsi les caractères fondamentaux enfantés par l’hyper-capitalisme, le capitalisme à l’état pur de la dérégulation, le capitalisme sauvage, avec l’amalgame réalisé entre les idéologies perverties, les terrorismes divers, la criminalisation intensive, l’organisation de l’illégalité et du crime basée sur la production (du Captagon en l’occurrence), etc.
• La spécificité enfin de n’être nullement réduit à la consommation “de guerre”, mais également de nourrir une consommation “civile”, une consommation “de décadence” affectant tous ces pays du Golfe qui sont devenus ces dernières années la vitrine faussaire de ce que l’hyper-capitalisme croit être son triomphe dans la fuite en avant de l’argent et de la destruction du monde par la modernité. Car il nous apparaît tout aussi évident que cette consommation de masse du Captagon (guerre en Syrie) est aussi une consommation des élites dans ces pays-bannières du capitalisme étendu d’une façon si trompeuse à quelques centres du monde musulman, comme pour affirmer que le faux conflit (“choc des civilisations”) généré par la “crise d’effondrement du Système” sera résolu, – est en train d’être résolu par une fausse intégration du monde musulman dont ces pays du Golfe hyper-occidentalisés seraient le fanion.
Il ne faut pas non plus isoler ce tableau du Moyen-Orient-Captagon du reste (Rest Of the World), comme s’il s’agissait d’un appendice éventuellement catastrophique, ou bien d’un appendice “tendance” pour ceux qui font l’apologie de notre époque même au travers de la forme spécifique de vices qui ne lui sont évidemment pas exclusifs, mais qu’elle a su ériger en symboles catastrophiques. On sait suffisamment l’importance de l’usage de la drogue dans le bloc BAO, et notamment dans le chef des élites. Simplement, il n’est pas question de Captagon, mais de divers autres produits pharmaceutiques ou assimilés, et aussi de la bonne vieille cocaïne dont l’usage reste résolument “tendance“. Il ne peut être question de nier l’effet de ces pratiques sur les psychologies, y compris sur les psychologies des personnels des diverses institutions nationales et internationales engagées dans les processus de définition et de mise en œuvre de ce qui tient lieu de politiques diverses. (On se rappelle qu’une enquête interne au début des années 2000 à la Commission européenne avait permis de déceler des traces de cocaïne dans 59 des 61 toilettes examinées.)
Ce cadre général incluant ces “partenaires” divers offre une vision également générale d’une “population” (on parle ici aussi bien des élites que des diverses nébuleuses activistes, mais sans que le climat social général ne démente l’orientation décrite) où l’usage de la drogue rencontre un climat psychologique général marqué par la raison subvertie par le Système, par la dégradation du contenu et des conditions de perception due à l’usage du système de la communication chargé de narrative, par l’introduction de l’affectivité dans la perception et la définition des politiques, etc. Le conflit syrien a été le cadre spécifique absolument évident de cette dégradation générale, et la rencontre avec le Captagon justifie ainsi d’évoquer une “parabole sous influence”.
(On rappellera quelques textes concernant l’action faussaire et dissolvante du système de la communication systématiquement manipulé vis-à-vis de la guerre en Syrie, par exemple le 2 avril 2012, le 9 avril 2012, le 7 décembre 2012. Pour ce qui concerne la raison subvertie et l’intrusion de l’affectivité dans le “raisonnement” et le “jugement” politique, – ou “non-raisonnement” et “anti-jugement”, – évidemment à l’occasion du conflit syrien, on peut en lire là-dessus principalement le 11 juin 2012, en signalant que la “méthode“ s’est naturellement étendue à d’autres théâtres, comme ce fut le cas dernièrement avec l’Ukraine [voir le 16 décembre 2013].)
On comprend, espérons-nous, qu’il ne s’agit ici, – nous nous répétons pour la clarification du propos, – ni d’une étude clinique, ni d’une analyse stratégique étendue à des domaines sexy comme l’usage de la drogue. Il ne s’agit pas d’établir un rapport direct de cause à effet (“il y a consommation de drogue, donc il y a telle erreur de politique, ou telle dérive incompréhensible”, etc.). Il s’agit vraiment d’une “parabole” présentée pour tenter d’illuminer une séquence particulièrement révélatrice de la décadence de la situation et de l’accélération de la crise d’effondrement du Système. Le Captagon figure à la fois comme élément symbolique descriptif de l’état de la pensée politique et des actes divers, brutaux, faussaires, etc. ; et à la fois comme facteur “opérationnel”, exerçant effectivement une influence dans telle ou telle occurrence, mais dans un cadre général propice à cette action et à cette influence, et ce cadre général qui embrasse nombres d’autres activités et d’autres domaines composant les séquences politiques décrites.
... Et, pour nous, ce “cadre général” est d’abord et fondamentalement psychologique. Du coup, l’observation du rôle à la fois symbolique et opérationnel d’une drogue comme c’est le cas du Captagon, prend toute son importance. On le comprend aisément, il s’agit d’un acte qui, à la fois, alimente, reflète, et au bout du compte symbolise une psychologie dont la perception est complètement pervertie, tant par elle-même que par les soi-disant réalités perçues qui sont elles-mêmes faussaires et qui sont pourtant acceptées sans être soumises à une appréciation critique. L’usage de la drogue, c’est aussi le symbole d’une ivresse, d’une déconstruction et d’une reconstruction d’un simulacre de réalité, d’une composition intensive de narrative et de l’acceptation sans restriction de ces narrative. L’usage de la drogue est réellement un symbole d’époque en plus d’être le phénomène opérationnel qu’il est.
Le Captagon est par conséquent une bonne référence pour bien fixer combien les situations du conflit en Syrie, de certains pays impliqués (notamment les pays du Golfe et du bloc BAO), d’un pays comme l’Arabie évoluant d’une politique ultra-conservatrice et immobiliste vers un aventurisme débridé [voir le 23 octobre 2013], – combien tout cela s’insère dans une vérité puissante rendant compte du désordre généré par l’effondrement du Système. Ce désordre est d’abord psychologique, c’est d’abord le désordre de l’esprit, legs dévorant de la modernité parvenue au terme de son périple. Un humoriste ou l’autre, type-Dieudonné, pourrait nous dire : “Terminus, tout le monde descend”...
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