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1174Les néo-conservateurs sont fameux pour leurs conceptions philosophiques et géopolitiques grandioses. Ils ont été, depuis 2001, et même depuis le milieu des années 1990, un groupe d’influence puissant pour peser sur la politique extérieure des USA dans le sens qu’on sait. Certains signes commencent à montrer que leurs ambitions se réduisent à mesure des difficultés, notamment comptables, que rencontrent aujourd’hui les USA, et le Système qu’ils représentent, et du déclin en forme d’effondrement dudit Système.
Cela est remarquable avec un article de Thomas Donnelly, l’un des dirigeants influents de l’American Enterprise Institute (la matrice institutionnelle des neocons), publié d’abord sur le site du l’AEI le 6 septembre 2011, et programmé dans le numéro du 12 septembre 2011 de l’hebdomadaire Weekly Standard. L’article se résume dans sa dernière ligne : «…Save the Lightning !» (nom de baptême du F-35, alias JSF).
«Thanks to the provisions of the Budget Control Act and the subsequent directions of President Obama's budget director, Jack Lew, the Department of Defense is figuring out how to trim $1 trillion from its current and planned budgets. Perhaps the principal target in the sights is the F-35 Joint Strike Fighter program (aka the Lightning II)—a fact that neatly encapsulates the Pentagon's severe budgetary, programmatic, operational, and strategic problems. It's only modest hyperbole to conclude that as fares the Lightning, so fares America's military power. […]
»Much of the budget-cutting pain will thus inevitably be felt in acquisitions. Daggett forecasts that such spending, about $185 billion in 2010, will drop to less than $127 billion by 2020—and could be less than that, if the super committee either does its worst or simply does nothing. And here's how the F-35 finds itself in the center of the bull's-eye: It's where the acquisition money is.
»Welcome to the world of the defense programmer. The first two rounds of Obama defense cuts eviscerated a generation's worth of weapons projects. The 2009 round, in particular, short-circuited big-ticket items like the F-22 Raptor fighter, the Zumwalt destroyer, and the Army's Future Combat Systems. The 2010 round policed up some of the smaller fry like the Marines' Expeditionary Fighting Vehicle. By the reckoning of the Pentagon's last “Selected Acquisition Report,” the annual scorecard for weapons programs, the F-35 dwarfs all other efforts. And if one simply calculates money planned but not fully programmed or spent—in other words, the most fertile fields for harvesting future savings—the F-35, with about $300 billion needed to complete the planned buy, is an order of magnitude larger than any other program on the books. Considering that it's long been planned to replace nearly the entire fleet of aging U.S. fighters and a good number of support aircraft, the cost is no surprise and still, in fact, a bargain. Nonetheless, the temptation to plunder the F-35 budget is overwhelming. […]
»Defending the F-35 program is politically incorrect. It's been a favorite punching bag for congressional overseers and often in “breach” of the cost-growth targets of the so-called “Nunn-McCurdy” law—a 1982 provision that was a grandstand play back then and is entirely outdated and irrelevant now. Senators John McCain and Carl Levin, the leaders of the Senate Armed Services Committee, have proposed a new amendment that threatens to end the program while also renegotiating past contracts. Even Gates put the F-35B on “two-year probation,” whatever that means.
»But preserving the program is essential for America's defense for the foreseeable future. We've put an immense number of eggs in this basket, and it's just about the last basket we have—there are no short-term alternatives, and taking away the F-35 would render the surface Navy and Marine Corps all but -useless in responding to the kind of “anti-access” challenges China now presents and others like Iran are developing.
»Memo to super committee: Save the Lightning!»
Cet article est remarquable parce qu’il est signé par Donnelly, qui est l’un des hommes clef des neocons ; et qu’il s’attache à la défense d’un programme militaire (mais, certes, le JSF n’est pas n’importe quel programme). Cela représente un objectif bien plus modeste et terre-à-terre, on dirait presque mais avec beaucoup d’ironie “un objectif mercantile”, par rapport aux ambitions grandioses habituelles des neocons. Tout cela mérite quelques remarques importantes.
• Donnelly est un homme clef des neocons, certes parce qu’il tient dans le groupe un poste important à l’AEI mais, surtout, parce qu’il représente Lockheed Martin (LM), un des sponsors (financiers) du groupe. Donnelly a travaillé directement parmi la direction de LM et on peut considérer qu’il en est effectivement un des représentants au sein du groupe. Jusqu’ici, les interventions de Donnelly étaient le plus souvent idéologiques et très générales, et les interventions des neocons sur les questions de défense portaient, d’une manière “philosophique”, sur l’insistance pour un budget militaire très important conçu comme un des moyens de la politique impériale, belliciste et expansionniste qu’ils prônent. Il est très caractéristique, dans ce contexte, qu’une place si importante soit accordée dans leurs publications pour la défense d’un programme spécifique.
• Cette intervention représente d’une part une certaine “dégradation” des activités des neocons, par rapport à leurs activités très “philosophiques”. On peut déduire de la forme de cette dégradation deux remarques : d’une part, que LM joue un rôle de plus en plus important, au niveau financier, dans le financement du groupe, et cela aux dépens du groupe Murdoch, autre soutien financier principal. D’autre part, on peut en déduire que le soutien du groupe Murdoch aux neocons est en réduction, cela lié à la crise majeure que travers le groupe Murdoch, qui le conduit à réduire des interventions qui peuvent lui être politiquement dommageable aux USA, où il est plus que jamais l’objet d’attaques et d’enquête.
• Par contraste, la part importante prise désormais par LM dans le groupe signifie une orientation à venir de plus en plus liées à ce groupe. L’on retrouve alors dans l’intervention de Donnelly la crainte panique qui, aujourd’hui, affecte Lockheed Martin pour l’avenir du programme JSF, face aux perspectives de réductions budgétaires qui seront décidées –à la fin de l’année. Il s’agit d’une crainte qui porte véritablement sur la survie du JSF. L’article de Donnelly, dans le contexte qu’on décrit, en est une des indications les plus précises à cet égard.
D’une façon générale, cet épisode marque la dégradation générale des forces de pression pour une politique extérieure et de sécurité nationale agressive et expansionniste aux USA. Les groupes d’influence divers dépendant des soutiens financiers, les neocons vont être de plus en plus amenés à intervenir en fonction des intérêts directs de leur soutien principal (LM), qui traduisent de plus en plus une situation catastrophique où ces intérêts se fixent sur des points précis, extrêmement sectoriels, de leurs activités. Les neocons risquent de se transformer rapidement en un groupe d’influence sectoriel, un lobby comme un autre, perdus dans la tourmente générale du Système, de plus en plus éloignés de leur vocation naturelle d’être un groupe d’influence “philosophique” de la grande de la politique qu’il voudrait impériale des USA…
«…Save the Lightning !», d’accord, – mais de la grandeur hystérique à la décadence accélérée.
Mis en ligne le 9 septembre 2011 à 11H06