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328Lockheed Martin contre Sprey-Wheeler... La publication de l’article de Sprey-Wheeler dans Jane’s Defence Weekly, dont nous rendons compte dans le F&C de ce jour est accompagné, dans la version effectivement publiée par JDW, par une “réponse” de Lockheed Martin (LM). On peut, sans trop d’audace spéculative, avancer que l’article Sprey-Wheeler a été fourni pour information à LM avant publication, avec un espace pour une “réponse” de LM. Cela en dit long sur le caractère hautement explosif du dossier, l’initiative de JDW ressortant dans ce cas d’une prudence révélatrice de la part de ces journalistes chevronnés.
La “réponse” de LM mérite citation complète. Elle est courte, tranchante, stalinienne et révélatrice. Elle est signée de Stephen F O’Bryan, vive-président du programme F-35, Business Development and Customer Engagement.
«It is unfortunate that there are so many misrepresentations and distortions of fact presented in the opinion piece offered by Mr Wheeler and Mr Sprey. The simple facts are as follows:
»• The F-35 will be the most lethal and survivable multirole fighter in history;
»• The F-35 is meeting or exceeding every single one of the Key Performance Parameters that the services have mandated;
»• The F-35’s capabilities are being validated in our laboratories, and in our ground- and flight-test programme today;
»• The F-35’s procurement costs to date are meeting programme cost objectives, and are on track to meet our customers’ unit flyaway cost targets; and
»• The F-35 programme is on schedule to deliver the first production-model aircraft next year.
»We are also very pleased to see that many of the world’s most elite air forces – including the US Air Force, US Navy and US Marine Corps, and the Royal Air Force and Royal Navy – do not agree with the opinions of Mr Wheeler and Mr Sprey, and that recent endorsements of the F-35 programme both in the US and abroad underscore those convictions.
»We are most proud of the fact that the F-35 is the system of choice for all participating nations to protect the freedoms that enable those with differing opinions to speak out.»
Cette “réponse” mérite, nos lecteurs s’en doutent, quelques commentaires. D’abord, il n’y a pas d’arguments pour LM; modeste et vertueux, LM laissent parler les faits... Les faits sont les suivants: le JSF sera le meilleur avion de combat du monde jamais produit; toutes les performances prévues sont et seront recontrées; toutes les capacités prévues de l’avion et leur validité sont scrupuleusement vérifiées et conformes; les délais sont scrupuleusement respectés; les prix sont conformes à ce qu’on avait fixé et ce qui était prévu; la production et les livraisons auront lieu comme prévu; l’avion a été choisi, et ce choix est confirmé, par les meilleures forces aériennes du monde et un certain nombre de pays, et de récentes décisions confirment encore ce choix... Le dernier “fait” est le plus exotique et nous semble inédit: le JSF a été choisi par les divers clients confirmés partout pour défendre la liberté d’opinion (« We are most proud of the fact that the F-35 is the system of choice for all participating nations to protect the freedoms that enable those with differing opinions to speak out.»), – ce qui conduit à conseiller à Sprey-Wheeler de remercier le JSF: c’est grâce à à lui, au JSF, qu’ils peuvent insulter leur bienfaiteur en toute impunité.
La réponse de LM est véritablement de type stalinien, revu virtualisme postmoderne. Les “faits” avérés sont des affirmation sortis du dernier press-kit de la société, remis à chaque journaliste assermenté visitant le siège de la société. Asséner comme un “fait” et rien d’autre que le JSF “sera le meilleur...” (“will be the most lethal and survivable multirole fighter in history”) est pour le moins culotté.
...Ou bien, non, cela correspond à une réalité interne à LM et partagée par tous ceux qui sont associés au programme et, par conséquent, projetée comme telle dans le monde réel dont nul ne doute un instant qu’il se pliera évidemment à cette incursion du virtualisme-JSF. La légéreté avec laquelle les mêmes gens de LM prennent les réalités, comme celles qui concernent les positions des pays impliqués dans le programme JSF après la série de revers des deux derniers mois, la façon dont ils affirment ces contre-vérités d’une façon ausi publique et dans un contexte polémique où ils ont affaire à forte partie, confirment à notre sens, plus qu’une intention de propagande qui serait contre-productive à ce degré d’impudence, leur situation dans une “bulle” de virtualisme où les seules réalités acceptées sont celles qui sont décidées et produites à la chaîne par leur système intérieur. Cela laisse mal augurer de leur capacité de répondre aux divers avatars qui attendent le programme dans les mois et années à venir, notamment dans les capitales étrangères impliquées. Cela donne une clef comportementale de LM et une réponse à l’interrogation de Bill Sweetman que nous avons déjà signalée, concernant l'épisode hollandais où le ministre-lobbyist du JSF (de Vries) fut laissé sans guère d'options complémentaires pour désamorcer la crise: «Who has decided that de Vries shouldn't be provided with an exit option, rather than being forced to sell the JSF to an increasingly skeptical Parliament?» Personne n’a décidé cela parce qu’il n’est pas concevable pour LM qu’une telle possibilité (un refus ou un vote de méfiance contre le JSF) puisse être une option envisagable, parce que les “faits” à cet égard ne signalent rien de semblable. En un sens, pour LM ce qui s’est passé à La Haye à la fin avril était impossible et n’a pas eu lieu. Ses réponses à Sprey-Wheeler sont donc effectivement, tous comptes faits, des “faits” irréfutables. Notre approche ironique et sceptique est infondée. Nous n'avons aucune reconnaissance pour notre bienfaiteur qui défend notre liberté d'opinion
Mis en ligne le 4 mai 2009 à 11H52