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1262Une preuve de plus de l’efficacité de la contre-attaque pro-Wikileaks et de l’extension sur la durée de Cablegate, autant que de la faiblesse chaotique de la réaction US (mélange de brutalité arbitraire, d’illégalisme systématique, d’imprécations et d’indifférence)… Des leaders politiques non-US, et non des moindres, montent en première ligne en défense d’Assange ; soyons un peu plus précis : “en défense d’Assange”, c’est-à-dire, à l’attaque des prétentions vertueuses et hégémoniques des USA, plus que jamais jugées insupportables. Il s’agit notamment de Lula, le président brésilien, et de Poutine, le Premier ministre russe. (Voir une dépêche AFP, sur Yahoo.News, le 10 décembre 2010.)
• Lula a exprimé sa “solidarité” avec Julian Assange, jugeant que l’arrestation du créateur de Wikileaks constituait une atteinte contre la liberté d’expression. « Assange has exposed a diplomacy that had appeared unreachable. […] They have arrested him and I don't hear so much as a single protest for freedom of expression.» Lula, qui vit ses dernières semaines de présidence du Brésil, ouvre ainsi la porte à la nouvelle présidente, une de ses proches, dans un sens qui doit poursuivre la politique brésilienne de contestation de l’hégémonie US.
• Poutine était resté sur la réserve au début de l’affaire Cablegate . Désormais, il change d’attitude et se réserve la plaisir politique qu’on imagine de donner des leçons de démocratie aux USA, – et Dieu sait s’il y a de quoi, malgré les exclamations horrifiées des Occidentaux lorsque le nom de Poutine est évoqué. «Putin railed against the detention of the 39-year-old Assange, the Australian founder of the website which has been releasing thousands of secret US diplomatic cables as well as Pentagon communiques. “Why was Mr. Assange hidden in jail? Is that democracy? As we say in the village: the pot is calling the kettle black,” Putin said. “I want to send the ball back to our American colleagues,” Putin added.»
A noter que la dépêche est alors rédigée d’une façon significative. Après cette description de la réaction de Poutine, la dépêche poursuit, comme pour mettre les choses au point, en rappelant ce que les câbles diplomatiques US disent de Poutine. La présentation sonne curieusement, ou bien significativement : les critiques anti-Poutine de ces câbles, qui sont de même écrites par des diplomates US, sont présentés de facto comme s’ils exposaient une vérité objective équilibrant la critique des USA par Poutine portant sur un cas bien présent et connu de tous (Assange)…
«Despite his defence of Assange, Putin was portrayed in an embarrassing light by some of the leaked cables. In one, US Secretary of State Hillary Clinton called him a “behind the scenes puppeteer” dissatisfied with his role. Others detailed allegations of high-level Russian corruption and referred to Putin as an “alpha dog”.»
• Medvedev, qui avait semblé très modéré vis-à-vis des USA dans cette affaire, est lui aussi intervenu mais indirectement, cette fois en faisant dire qu'Assange mériterait bien le Prix Nobel de la Paix (le Guardian du 9 décembre 2010)... «“Public and non-governmental organisations should think of how to help him,” the source from inside president Dmitry Medvedev's office told Russian news agencies. Speaking in Brussels, where Medvedev was attending a Russia-EU summit yesterday , the source went on: “Maybe, nominate him as a Nobel Prize laureate.”»
• Autre critique anti-US, de la Commissaire pour les Droits de l’Homme de l’ONU… «Navi Pillay, the UN High Commissioner for Human Rights, hit out at pressure being exerted on “private companies, banks and credit card companies” to cut commercial ties to WikiLeaks. “They could be interpreted as an attempt to censor the publication of information, thus potentially violating WikiLeaks' right to freedom of expression,” she told a press conference in Geneva.»
Toutes ces réactions sont effectivement intéressantes dans la mesure où elles montrent que Cablegate est en train de s’institutionnaliser, d'acquérir un caractère de plus. Alors que la bataille se poursuit dans les domaines déjà connus (l’arrestation d’Assange, la divulgation des câbles, la “cyber-insurrection”), voilà qu’un nouveau front est ouvert. Les politiques ont pris la mesure de l’événement, ont constaté sa solidité, sa durabilité en même temps que le désarroi et le désordre de la riposte US. Du coup, ils commencent à songer à politiser l’affaire en s’engouffrant dans la brèche, qui est celle de la mise en cause des USA et de leur prétention à assurer un monopole vertueux justifiant leur hégémonie politique dans le monde.
Ainsi et sans abandonner ses dimensions initiales, Cablegate prend une autre dimension qui est de s’inscrire dans la série d’événements mettant en cause l’hégémonie US dans tous les domaines. Cette opération est en train de s’amorcer au moment où la diplomatie US, et le réseau d’influence colossal qui va avec, sont dans la crise qu’on sait.
Mis en ligne le 10 décembre 2010 à 11H41
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