Nouvelles de la “new Europe”

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Nouvelles de la “new Europe”

13 février 2003 — Depuis la “lettre des 8” (ou 9, on ne sait plus très bien), — les 8 Européens (3 de l’Est, 5 de l’Ouest) prônant une politique de suivisme des USA, — on suit avec intérêts l’évolution de cette new Europe (selon le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld). Voici un rapide résumé des nouvelles obtenues de quelques-uns de ces pays.

• Au Royaume-Uni, la situation qu’on connaît se poursuit et, par conséquent, s’aggrave puisqu’elle s’achemine, avec la possibilité de la guerre, vers une situation de rupture. Rarement la position d’un Premier ministre a autant dépendu d’événements extérieurs sur lesquels il n’a aucun contrôle, encore plus que Eden lors de la crise de Suez et Thatcher lors de la première crise du Golfe (tous les deux “démissionnés” par leur parti). C’est ce qu’exprime the Independent du 12 février, lorsqu’il écrit : « Germany said yesterday that a clear majority of nations on the UN Security Council will oppose a new resolution authorising war on Iraq, heralding a political catastrophe for Tony Blair. » La « political catastrophe for Tony Blair » signifie qu’une guerre sans résolution de l’ONU entraînerait très probablement sa chute.

• En Espagne, des indications constantes montrent l’isolement politique de Aznar et de son parti, notamment et précisément sur cette question de la guerre (les sondages donnent 91% d’Espagnols contre la guerre, 2% pour). Josep Ramoneda, chroniqueur de El Païs, écrit le 11 février : « Si notre pays participe à la guerre sans l'accord des Nations unis, de l'Europe et de l'ensemble de la classe politique espagnol, Aznar aura provoqué le plus gros séisme institutionnel. » Le PP d’Aznar est isolé, tant de l’opposition que de ses alliés politiques. Un mouvement anti-guerre soulève la “société civile”, commençant par les artistes et acteurs de cinéma. On attende des millions de personnes dans toute l’Espagne ce week-end, dans les manifs anti-guerres. Le Figaro (12 février) écrit : « Cette fois, le gouvernement est confronté à une très forte opposition, y compris, en coulisses, au sein de son propre parti. Dans un pays où l'alliance avec Washington n'est pas ancrée dans l'histoire, et où l'antiaméricanisme reste sous-jacent, l'option du Parti populaire a provoqué un tollé dans l'opinion. » Bien qu’il ait décidé de partir prochainement, Aznar risque réellement de perdre le soutien politique et populaire pour poursuivre son gouvernement.

• En Italie, les rapports ambigus de Berlusconi avec sa majorité, voire avec ses électeurs et avec la population elle-même, s’exacerbent à l’occasion de cette crise. La position de Berlusconi sur la guerre est perçue par une source diplomatique, « comme une position personnelle, sans aucun soutien politique ni aucune rationalité stratégique, sans aucun soutien sérieux. Alors qu’il est au coeur d’un grave conflit avec la magistrature, Berlusconi pourrait connaître ses premiers véritables déboires. »

• Le Danemark, autre pays signataire, a précisé depuis qu’il ne soutiendrait la guerre que si celle-ci recevait le soutien d’une résolution de l’ONU.

Il y a d’autres pays européens, non-signataires de la lettre et non engagés avec le trio Allemagne-Belgique-France, dont la situation doit être notée. Nous mentionnons ici quelques observations et informations venues de nos sources.

• Le Luxembourg s’est d’abord joint aux trois “rebelles” de l’OTAN (Allemagne, Belgique, France) puis s’en est retiré sous la pression des libéraux, alliés du Premier ministre Juncker (chrétien-démocrate). Mais la tendance générale (articles, conversations, etc) est très critique de cet alignement atlantiste qui coupe le Luxembourg de la “vraie Europe”, de ses amis beneluxiens, et du couple franco-allemand. Juncker n’est pas mécontent de ces pressions.

• Les Pays-Bas sont étrangement discrets (sauf un ambassadeur vociférant, pro-US, à l’OTAN) et son absence de la “lettre des 8” était déjà un signe inhabituel. Des sources estiment qu’un débat profond est en cours à propos de la crise, de l’Europe, des relations avec les USA.

• L’Irlande a refusé de signer la lettre. Toutes les indications montrent que le gouvernement irlandais a une approche similaire à celle des trois “rebelles”.

• La Norvège, non-membre de l’UE mais européenne et membre de l’OTAN, est aussi un bon exemple, derrière une apparence lisse et conformiste (atlantiste). Le gouvernement norvégien a reçu fin janvier une délégation de la présidence (grecque) de l’UE. Les Norvégiens ont surpris les Grecs par leur exaspération à l’encontre de la politique américaine, leur volonté de rapprochement de l’Europe et leur souhait que les Européens constituent un caucus au sein de l’OTAN.

• On dit également un mot de la Turquie. On écarter la logique simpliste et ressortant du théâtre de l’absurde de Beckett des propagandiste atlantistes : si la Turquie est soi-disant “repoussée”, par le vote des “rebelles” à l’OTAN, hors du cadre d’une Europe/OTAN agissant conformément aux ordres US, elle se rapproche des US et devient anti-européenne. (Alternative absurde puisque antieuropénne dans les deux cas.) La position turque actuelle est entièrement tactique et représente un compromis devant des pressions US phénoménales. Sur le fond, le nouveau gouvernement turc est largement en accord avec les thèses franco-allemandes.

La conclusion est que la “lettre des 8” (9), manigancée par quelques journalistes neo-cons et quelques aventuriers de cabinets ministériels, ne représente rien politiquement. C’est une combine, rien d’autre. Mais elle a déclenché une mécanique de déstructuration qui menacera vite tous les soutiens des US en Europe. Ce processus illustre l’attitude fondamentale mais inconsciente de la politique bushiste, comme expression avancée de la politique américaniste, que nous comparons avec un certain goût du paradoxe et (nous l’espérons) de l’humour absurde, au trotskisme à la sauce capitaliste ; une politique totalement déstructurante, dont les effets devraient s’avérer, à terme assez rapide, bien pires que les gains qu’elle prétend susciter. Cet effet négatif a comme conséquence de menacer tous les politiciens européens soutiens des Américains actuellement au pouvoir, après les avoir amenés à se dévoiler de façon publique.