Nucléaire : tactique ou stratégique ?

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Nucléaire : tactique ou stratégique ?

 

• Petite visite guidée dans l’usine à gaz des fous du bloc-BAO, s’emportant et s’empêtrant dans des vociférations incroyables à propos de l’utilisation du nucléaire tactique que Poutine n’a jamais évoqué précisément. • Pourtant, tout se passe comme s’il l’avait évoqué. • Nous sommes enfermés dans un déterminisme-narrativiste comme dans une prison, et encore avec un geôlier aux allures de vieillard du nom de Dementia Senile. • Cela n’empêche pas de s’interroger sur la question du nucléaire, et de conclure que la dimension tactique n’est pas de saison chez les Russes.

 

Au départ, – comme s’il y avait une course à l’échalote, – il y a une déclaration de Poutine, c’est-à-dire un discours donné par le président d’une puissance en train de conduire une guerre qu’il qualifie continuellement, lorsqu’il en parle, d’“existentielle”. Il s’agit donc d’une guerre où il juge que l’existence de la Russie est en jeu, – ce qu’on comprend parfaitement si l’on ouvre un tout petit peu les yeux, dans l’enchaînement qui a conduit du pillage de la Russie dans les années 1990 à une confrontation où l’intervention des USA et de l’OTAN est désormais à la fois massive, permanente et directe.

Il dit donc ceci, que nous donnons dans une traduction où la courte portion de “salade de mots” concoctée par FoxNews (tous les autres font pareil) semble avoir un sens conforme à la narrative que les abrutis  sont conduits à suivre, comme le Petit Poucet ses petits cailloux... En effet, il y est écrit que lorsque Poutine dit que la Russie utilisera “tous les moyens dont elle dispose pour survivre”, – situation simple à comprendre, – il faut en déduire qu’il va séance tenante utiliser du nucléaire tactique en Ukraine..

« Poutine a initialement suggéré d'utiliser des armes nucléaires en Ukraine, lorsqu’il a déclaré le 21 septembre que la Russie “utiliserait tout ce qu’elle peut” dès lors que “son intégrité territoriale est menacée”. [...]

» “Ce n'est pas du bluff”, avait alors ajouté le président russe. »

Eh oui... “Ce n’est pas du bluff” : lorsque le président de la Fédération de Russie parle ès qualité, ce n’est pas du bluff, – il a au moins cela de démocratique, non ? Il dit : “Moi Russe, je vais utiliser tous les moyens dont je dispose pour défendre la Russie si l’on est en train de tuer la Russie”. Il ne dit pas “je vais tirer du nucléaire tactique en Ukraine”, même s’il dispose de la chose comme il dispose de couteaux suisses, de systèmes pour réparer rapidement les ponts endommagés par un attentat et de missiles stratégiques hypersoniques inarrêtables et capables d’anéantir notamment l’essentiel des USA. Point final pour la basse-cour des élitesSystème, puisque les portes ouvertes ont été enfoncées dans une envolée héroïque.

Mais non, ce n’est pas fini ! Avec Biden-Zelenski, le duo de charme, ce n’est jamais fini... Honneur à l’héroïque-héros du bloc-BAO, place à Zelenski... Autre “salade de mots”, toujours d’après FoxNews dont on est souvent surpris d’apprendre qu’elle compte le stellaire Carlson dans ses rangs, – Carlson qui doit bien rire des analyses de sa chaîne. Donc, Zelenski selon FoxNews, revu et corrigé paraît-il, qui a dit ce qu’il a dit, mais qui l’a dit en en disant moins qu’on ne lui a fait dire, – vous voyez ? Entre l’emploi de “sembler” et le discours “virtuel” en t-shirt, vous voyez ? En fait, nous dit Zelenski, qui s’est repris depuis, il faudrait frapper en premier pour empêcher de frapper, et tout serait vraiment très bien.

« Les responsables ukrainiens semblent être revenus sur les propos du président Zelenski, qui semblait appeler l'OTAN à lancer des frappes préventives en Russie pour mettre fin aux menaces nucléaires du président russe Vladimir Poutine.

» Lors d'un discours virtuel prononcé à l'Institut Lowy le 6 octobre, on a demandé à M. Zelenski comment la communauté internationale pouvait contribuer à prévenir une éventuelle guerre nucléaire entre la Russie et l'Ukraine. Dans sa réponse, le président ukrainien a mentionné le lancement de "frappes préventives".

» “Nous pouvons déjà voir que ces personnes [les responsables russes] sont capables de telles atrocités. Que doit faire l'OTAN ? Rendre impossible l'utilisation d'armes nucléaires par la Russie”, a-t-il répondu, selon Yahoo ! News.

» Zelenski a ajouté : “Mais ce qui est [plus] important, c'est que je me tourne à nouveau vers la communauté internationale, comme je l'ai fait avant le 24 février, pour faire des frappes préventives afin qu'ils sachent ce qui les attendra s'ils les utilisent [les armes nucléaires]."

» Les frappes ne peuvent pas se produire “dans l'autre sens”, a soutenu le président ukrainien, car “attendre les frappes nucléaires russes” ne ferait qu'aggraver le conflit.

» Reconsidérer l'application de la pression”, a exhorté M. Zelenski dans son discours, “c’est ce que l'OTAN devrait faire, et reconsidérer l'ordre dans lequel elle est appliquée”. »

Biden maintenant. Dans une grande envolée cognitive, il semble (prudence du mot) que le président des États-Unis ait retenu le terme héroïque quoique biblique d’“Armageddon“, puisqu’il ne cesse de le ressortir. A propos de quoi ? Surprise, surprise, – attention, Poutine pourrait bien “tirer du nucléaire tactique en Ukraine”.

Biden ne cesse donc de répéter que nous risquons un Armageddon. Le site trotskiste ‘WSWS.org’, après avoir présenté factuellement cette intervention cognitive sinon ‘cognito-narrativiste’ de Biden (mais aussi des autres, Zelenski, l’ancien secrétaire général de l’OTAN Rasmussen qui tient le rôle de directeur d’une chorale, plus diverses plumes rangées dans ce sens), ‘WSWS.org’ se décide à la mettre en pièces avec les arguments de l’évidence.

« Le New York Times rapporte que le président Biden a déclaré jeudi soir à un groupe de milliardaires lors d'un événement de collecte de fonds : “Nous n'avons pas été confrontés à la perspective d'un Armageddon depuis Kennedy et la crise des missiles de Cuba.”

» Biden a poursuivi : “Nous essayons de comprendre : Quelle est la stratégie de sortie de Poutine ? Quelle issue va-t-il trouver ? Où veut-il se trouver pour qu'il ne perde pas seulement la face mais aussi un pouvoir important ?” Ce sont des questions que Biden devrait se poser.

» Après avoir déclenché la guerre par procuration entre les États-Unis et l'OTAN, fourni à l'Ukraine des armes et de l'argent en quantité illimitée, promis la reconquête de la Crimée et appelé à un changement de régime en Russie, quelle est la “stratégie de sortie” de Biden ? Comment peut-il désamorcer une situation “pour qu’il ne perde pas seulement la face mais aussi un pouvoir important ?” »

On notera par ailleurs que cette “stratégie de sortie” de Biden, qui a dû se tromper d’étage, met mal à l’aise aussi bien nombre de républicains (ou à leur aise puisqu’ils en font par ailleurs leur miel électoral), telle l’ancienne ambassadrice des USA à l’ONU Nikki Haley, à la fois absolument féministe et dénonciatrice de la « contre-productivité » de la vaste pensée présidentielle. Plus encore, les médias US se sont aperçus que le président français Macron jugeait lui aussi, et sans mâcher ses mots, qu’il n’était certainement pas opportun d’évoquer de telles possibilités (« Nous devons parler avec prudence », – ah, le grand bon sens français !).

Enfin, on pourrait embrasser toutes ces “salades de mots” dont l’ingrédient principal est la narrative et la matière liante le déterminisme-narrativiste, avec un texte archétypique de la situation où se trouvent, et le bloc-BAO, et les USA. L’aspect intéressant du texte du député républicain de l’Utah Chris Stewart, c’est qu’on y trouve à la fois les grandes lignes intouchables de la narrative (“Nous avons remporté la victoire, ah les braves et héroïques ukrainiens”) et les évidences de la vérité-de-situation, qui se traduisent en grondements électoraux devant les $milliards qui filent chez Zelenski alors que les USA se trouvent, comme tout le monde, au fond du trou du cul du monde, en fin de cycle, de la GrandeCrise. Ainsi Stewart parle-t-il de “victoire” (ukrainienne via-USA, certes) et de la nécessité d’une “stratégie de sortie” (des USA de l’Ukraine) ; ainsi parle-t-il de “victoire” et de risques existentiels (pour tout le monde) à la fois, à trop parler du nucléaire et à suivre de trop près la ligne zélenkiste conduisant à l’affrontement direct avec la Russie...

On prend ici Stewart en route, après deux paragraphes dégoulinant d’héroïsme zélinkeste... Ah oui ! On redira pour paraître le plus lourd possible que Stewart est un républicain, confirmant pour notre gouverne, après ce qu’a dit Halley, que le 8 novembre se joue de plus en plus sur l’enjeu intérieur de l’intervention en Ukraine, assez peu à l’avantage des démocrates.

« ...Mais maintenant, alors que le Congrès a voté une aide supplémentaire de 12 milliards de dollars pour l'Ukraine, je pense que le moment est venu de poser une série de questions essentielles. Quelle est la stratégie de l'Amérique en Ukraine ? Quel est notre objectif ? Pouvons-nous atteindre cet objectif sans pousser Poutine à utiliser, selon ses propres termes, “tous les moyens disponibles” dont il dispose ?

» Notre commandant en chef n'a encore répondu à aucune de ces questions. Je pense qu'il est irresponsable de dépenser 12 milliards de dollars, – et un total cumulé d'au moins 54 milliards de dollars, – pour financer un effort qui n'a pas de fin définie.

» Le succès de l’Ukraine sur le champ de bataille soulève des questions pour l'administration Biden : À quoi ressemble la fin de la guerre, et comment l’Amérique peut-elle y parvenir sans conflit avec la Russie ?

» J'ai soutenu avec fierté tous les efforts visant à soutenir le peuple ukrainien épris de liberté, et je suis fier du rôle important joué par l'Amérique dans son succès contre Poutine. Mais le paysage de cette guerre n'est plus ce qu'il était il y a deux mois, et encore moins lorsque les bottes russes ont foulé le sol ukrainien. Cela exige un changement de stratégie ou, à tout le moins, une clarification de notre stratégie. »

... Et encore ceci de Stewart, – qui, tous comptes faits, ne déplairait pas vraiment à Poutine :

« Zelenski a récemment déclaré que l'Ukraine reconquerrait la Crimée par tous les moyens nécessaires. Mais il est important de noter que la Crimée, – qui a été reconnue par la Russie comme faisant partie de la Russie depuis 2014, – a beaucoup plus de liens historiques et culturels avec la Russie qu'avec l'Ukraine. Poutine considérerait sans doute une action offensive en Crimée comme un acte de guerre sur le territoire russe. 

» Partageons-nous cet objectif avec Zelenski ? Si oui, Biden doit expliquer au peuple américain pourquoi il est nécessaire d'engager des dizaines de milliards supplémentaires en assistance économique et militaire directe. Plus encore, il doit préparer le peuple américain à une affaire longue et sanglante dans laquelle il est non seulement possible, mais probable, que les États-Unis et l'OTAN soient directement impliqués. Poutine ne perdra tout simplement pas la Crimée sans étendre la guerre. »

Stratégique bien plus que tactique

Comme l’on voit, cette affaire de la possibilité de l’emploi du nucléaire en Ukraine est un complet montage, – non, pas volontaire, mais obligé selon les mensonges de l’origine et la narrative qui s’ensuit. C’est effectivement ce que nous nommons : déterminisme-narrativiste, concept justement élaboré par nous au moment du coup de Kiev (février 2014) et la suite. Il s’agit d’indiquer l’emprisonnement logique et rationnel qui vous met dans un déterminisme à partir d’une fiction, d’un “récit” nommé  par nous narrative par pur américanisme (à tout Seigneur...), et fiction-récit qui vous fait obligation dès l’origine, à la vitesse hypersonique de la communication étalant sans vergogne les plus énormes mensonges, vous empêchant de rompre, de reprendre une voie plus raisonnable dans ses rapports avec la vérité-de-situation. Au lieu de cela, nous (“ils) dansons comme des fous une sarabande d’une joie explosive, où les os des squelettes de nos mensongères illusions s’entrechoquent avec les transats des fortunes vite faites, tandis que le feu d’artifice de la victoire éclaire le pont de plus en plus à-pic du ‘Titanic’.

Il n’empêche que cette danse de Saint-Guy éclaire tout de même un problème sérieux, qui est effectivement celui de l’emploi du nucléaire en Ukraine, c’est-à-dire dans un conflit du type-‘Ukrisis’. Mettons de côté les fous et leurs folies, et posons sérieusement le problème : les Russes, s’ils en arrivent à envisager d’employer du nucléaire, emploieraient-ils du nucléaire tactique, dit “du champ de bataille” ?

Notre réponse est résolument négative.

Lors de son commentaire sur l’attaque du pont de Kerch, Alexander Mercouris donne une indication indirecte qui nous intéresse. Il minimise fortement l’importance opérationnelle de cette attaque, observant par contre son importance politique du fait que toute la stratégie du côté Ukraine-OTAN est gouvernée par les exigences des relations publiques (narrative, etc.). Observant que l’attaque n’a pas eu lieu par missile, notamment les missiles guidés ATACMS des système HIMARS avec 300 kilomètres de portée, Mercouris affirme que les USA ont (jusqu’ici, dans tous les cas) catégoriquement rejeté toute demande ukrainienne de missiles à portée de frappe significative en territoire russe (donc en Crimée)

« ...Je suspecte [quand il dit cela, on traduit “Je crois savoir”] qu’il y a eu des avertissements officieux des Russes aux Américains signifiant que si de tels missiles étaient livrés à l’Ukraine, il y aurait une riposte, probablement contre une des nombreuses installations militaires des USA dans le monde. »

Pour nous, cette indication conduit notre observation sur le nucléaire. Le seul emploi infiniment probable du nucléaire russe concerne une occurrence où des acteurs extérieurs (OTAN, USA) entreraient directement dans le conflit, l’Ukraine étant par elle-même incapable de conduire une campagne victorieuse contre l’armée russe. L’emploi du nucléaire concerne donc un acteur extérieur, et, pour les Russes, cet acteur extérieur ne peut être que les USA. Pour cette raison, notre argument est que, si les Russes emploient jamais du nucléaire, ce sera du nucléaire stratégique, hors du champ de bataille, parce que la chose s’adressera directement aux Etats-Unis, sur les possessions et les territoires US.

La question des ripostes intermédiaires, portant sur des installations ou autres, – bases extérieures, porte-avions, etc., – se pose effectivement mais ne conduit pas nécessairement au nucléaire à cause du fait important que nous avons déjà signalé, qui concerne les capacités des missiles hypersoniques à portée stratégique et à très grande précision. Nous répétons ici notre argument à cet égard, celui du 23 avril 2022 repris déjà le 22 septembre :

« ...Cela implique la possibilité, dans le cas d’une escalade, de la mise en place et de l’existence d’un échelon intermédiaire entre la guerre conventionnelle de haut niveau et la guerre nucléaire avec son enchaînement quasiment inéluctable du tactique au stratégique (guerre totale d’anéantissement). Dans l’état actuel des forces, cette novation serait au seul avantage des Russes, grâce à leur missiles hypersoniques qui, dans certaines conditions, pourraient frapper avec précision une cible militaire aux USA (bases, centre de commandement, etc.) sans provoquer les dégâts collatéraux catastrophiques d’une frappe nucléaire. Il s’agirait alors d’une frappe d’avertissement non-nucléaire brisant dans des conditions opérationnelles normales le verrou symbolique et stratégique que constitue l’invulnérabilité du territoire US ; démontrant au contraire la réalité nouvelle fondamentale de la vulnérabilité désormais directe, de la “dé-sanctuarisation” du territoire US. En mettant les USA sur la défensive, cela constituerait une forte incitation à stopper les politiques agressives diverses des USA, dont la politique de soutien aux poussées agressives contre la Russie, comme en Ukraine depuis 2014. »

Ce cas élargit le champ des possibles stratégiques pour la Russie, avant de passer au nucléaire, et nous conduit par conséquent à conclure que le nucléaire russe sera, – dans la conjoncture actuelle, – nécessairement stratégique, et nécessairement adressé poste restante aux USA. Le Pentagone sait cela, comme il sait parfaitement la puissance dévastatrice de l’avance russe dans ce domaine (voir ce même 22 septembre 2022). Il se bat rudement pour ne pas céder aux pressions des neocons qui sont prêts à tout pour obtenir leur Armageddon doré sur tranches, et qui font le siège de l’équipe Biden depuis le printemps pour parvenir à la livraison d’obus-missiles ATACMS pour les systèmes HIMARS.

Ah, les braves gens !

 

Mis en ligne le 9 octobre 2022 à 15H00