Obama et le soutien critique des radicaux et des “dissidents”

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L’hebdomadaire de la gauche progressiste US The Nation a pris l’initiative d’une “lettre ouverte” à Obama, en date du 30 juillet, qui rassemble des signatures de personnalités US, – pour l’instant, essentiellement de la gauche progressiste et radicale d’une part, des “inclassables” qu’on mettrait plutôt dans la catégorie des “dissidents” d’autre part, – avec parmi eux certains éditeurs de sites connus. (Parmi les signataires : Juan Cole, Robert Greenwald, Tim Hayden, Tom Engelhardt, Norman Solomon, Gore Vidal, Howard Zinn…)

Il s’agit d’une lettre de soutien mais plutôt d’un “soutien critique”, avec mise en garde concernant les récentes évolutions de Barack Obama par rapport à ses premiers engagements.

«Your candidacy has inspired a wave of political enthusiasm like nothing seen in this country for decades. In your speeches, you have sketched out a vision of a better future--in which the United States sheds its warlike stance around the globe and focuses on diplomacy abroad and greater equality and freedom for its citizens at home--that has thrilled voters across the political spectrum. Hundreds of thousands of young people have entered the political process for the first time, African-American voters have rallied behind you, and many of those alienated from politics-as-usual have been re-engaged.

»You stand today at the head of a movement that believes deeply in the change you have claimed as the mantle of your campaign. The millions who attend your rallies, donate to your campaign and visit your website are a powerful testament to this new movement's energy and passion.

( …)

»We urge you, then, to listen to the voices of the people who can lift you to the presidency and beyond.

»Since your historic victory in the primary, there have been troubling signs that you are moving away from the core commitments shared by many who have supported your campaign, toward a more cautious and centrist stance--including, most notably, your vote for the FISA legislation granting telecom companies immunity from prosecution for illegal wiretapping, which angered and dismayed so many of your supporters.»

… Suit une série de points politiques que les signataires voudraient voir soutenus par Obama, qui furent présents dans sa campagne initiale et qui semblent désormais être passés au second plan, sinon être complètement occultés.

Cette “lettre ouverte” est un signe parmi d’autres du regroupement en train de s’opérer d’une sorte de “front réformiste” constitué par diverses tendances radicales ou dissidentes, souvent en marge du système mais représentant un courant non négligeable dans ces temps de crise aux USA, exigeant d’Obama un retour à ses engagements initiaux s’il veut bénéficier du soutien qu’il eut à l’origine de sa campagne. C’est autant la marque de l’amplitude potentielle du soutien à Obama, et de la puissance réformiste de sa candidature, que de la difficulté du même Obama de tenir rassemblée la diversité de ce soutien.

Un autre passage de cette “lettre ouverte” résume d’ailleurs bien la difficulté d’Obama de concilier les compromis nécessaires pour poursuivre sa campagne et l'affirmation de certains de ses engagements fondamentaux: «We recognize that compromise is necessary in any democracy. We understand that the pressures brought to bear on those seeking the highest office are intense. But retreating from the stands that have been the signature of your campaign will weaken the movement whose vigorous backing you need in order to win and then deliver the change you have promised.»

Si l’on tient compte des difficultés qu’Obama a à concrétiser la puissance du soutien dont il dispose dans l’arithmétique des sondages, on comprend les difficultés qui l’attendent dans les mois qui viennent d’ici à l’élection (et les difficultés qui suivront s’il est élu et s’il n’a pas dissipé complètement l’ambigüité de certains de ses engagements). C’est la première fois qu’une candidature d’un grand parti bénéficie de façon aussi ouverte du soutien critique de personnalités aussi extrémistes par rapport au spectre habituel de la politique US, et des personnalités aussi ennemies du système qu’un Gore Vidal ou un Howard Zinn.

La candidature d’Obama se confirme comme absolument originale, encore plus par les mouvements, les soutiens et les critiques qu’elle suscite que par l’homme lui-même et son programme. Elle symbolise parfaitement la crise que traverse l’Amérique. Il reste plus que jamais à voir dans quelle mesure Obama saura ou ne saura pas, – par quelle attitude, par quelle manœuvre, par quel engagement – transmuter cet événement politique pour l’instant disparate et contradictoire en un événement politique structuré et efficace. Nous serions tentés de réaffirmer que le point de convergence et de fusion de ces diverses nécessités et de ces différentes exigence reste dans un nouveau tournant vers une campagne transcendant l’habituelle gymnastique de convenance vis-à-vis du système et du conformisme politique, vers une sorte de “populisme prophétique”, – ce que nous définissions de la sorte le 26 juillet:

«Avançons donc quelques “si”, puisqu’il faut bien spéculer… Si cette tendance poussive se poursuit pour Obama (absence de résultat dans les sondages pour le soi disant homme d’expérience), si la crise économique s’aggrave et si les électeurs souffrent, la tentation deviendra effectivement forte, peut-être irrésistible pour Obama de revenir à son “populisme prophétique” du début de la campagne. Le style de l’incantation, qui est une farce dans sa tournée européenne, pourrait redevenir une force aux USA, où elle a un objet et répond à une attente (rien à voir avec les phantasmes d’Européens effrayés d’être privés de leur mentor US, et qui sont, paraît-il, “en besoin d’Amérique”).»


Mis en ligne le 2 août 2008 à 15H55