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2064Nous avons déjà suffisamment parlé de Robert Parry (voir notamment le 22 juillet 2015) pour qu’on ne s’attarde pas ici à mentionner le sérieux de son travail et la base très solide de sources confirmées à laquelle il l’alimente. Un texte qu’il a publié le 7 février 2015 (sur Consortium.News) et qui est repris le 10 février 2015 sur Russia Insider, vaut quelques instants de réflexion et de commentaire, avec un élargissement de la réflexion vers la situation de la crise ukrainienne et des relations avec la Russie. Nous en citons la partie qui nous intéresse particulièrement, qui concerne effectivement le comportement du président Obama dans la crise ukrainienne et des relations avec la Russie.
Il est assuré, selon le style très particulier qu’il emploie dans cette circonstance, que Parry a reçu nombre d’informations directes sur l’attitude du président Obama. Il nous paraît assuré que ces informations viennent de l’Intelligence Commlunitry (IC) et notamment de groupes tels que le VIPS, particulièrement influent et informé sur les conditions actuelles de la situation du pouvoir à Washington. (Le 10 mai 2014, nous écrivions : «[...Le] Veteran Intelligence Professionals for Sanity [VIPS], regroupant un certain nombre d’anciens officiers de divers services de renseignement, [...] une association qui réclame l’intégrité et l’indépendance, hors de toute pression politique, du travail d’analyse des services de renseignement US. Le VIPS est honorablement connu aux USA et représente sans aucun doute une force d’influence d’excellente valeur qualitative, mais malheureusement sans le poids quantitatif de la pression des groupes-Système habituels.»).
Il s’est confirmé ces derniers mois que le VIPS, et des groupes associés, ont des accès directs vers de nombreuses sources de sécurité nationale directement connectées à l’administration et à la Maison-Blanche, et que leurs informations sont de la meilleure qualité et de la plus grande exactitude possibles. C’est en ayant tout cela à l’esprit qu’on lira ce que Parry dit du président Obama, dans le cadre de cette crise monumentale qui a sa cause opérationnelle initiale en Ukraine mais sa substance réelle et décisive dans les relations avec la Russie, et qui secoue toutes les relations internationales et le Système lui-même.
«Though I’m told that President Barack Obama personally recognizes how foolhardy this attitude is, he has made no significant move to head off the craziness and, indeed, has tolerated provocative actions by his underlings, such as neocon Assistant Secretary of State Victoria Nuland’s scheming with coup plotters to overthrow Ukraine’s elected President Viktor Yanukovych last February. Obama also has withheld from the American people intelligence information that undercuts some of the more extreme claims that his administration has made. For instance, I’m told that he has detailed intelligence reporting on both the mysterious sniper attack that preceded the putsch nearly a year ago and the shoot-down of the Malaysia Airlines Flights 17 that deepened the crisis last summer. But he won’t release the findings.
»More broadly over the last year, Obama’s behavior – ranging from his initial neglect of the Ukraine issue, as Nuland’s coup plotting unfolded, to his own participation in the tough talk, such as boasting during his State of the Union address that he had helped put the Russian economy “in tatters” – ranks as one of the most irresponsible performances by a U.S. president. Given the potential stakes of nuclear war, none of the post-World War II presidents behaved as recklessly as Obama has, which now includes allowing his administration officials to talk loosely about sending military support to an unstable regime in Kiev that includes neo-Nazis who have undertaken death-squad operations against ethnic Russians in eastern Ukraine. [...]
»I’m told that the Russians fear that U.S. officials are contemplating placing Cruise missiles in Ukraine or otherwise introducing advanced weaponry that Moscow regards as a direct threat to its national security. Whether or not the Russians are being alarmist, these fears are affecting their own decision-making.
»None of the nuclear-age presidents – not Harry Truman, Dwight Eisenhower, John F. Kennedy, Lyndon Johnson, Richard Nixon, Gerald Ford, Jimmy Carter, Ronald Reagan, George H.W. Bush, Bill Clinton or even George W. Bush – would have engaged in such provocative actions on Russia’s borders, though some surely behaved aggressively in overthrowing governments and starting wars farther away. Even Ronald Reagan, an aggressive Cold Warrior, kept his challenges to the Soviet Union in areas that were far less sensitive to its national security than Ukraine. He may have supported the slaughter of leftists in Central America and Africa or armed Islamic fundamentalists fighting a Soviet-backed government in Afghanistan, but he recognized the insanity of a military showdown with Moscow in Eastern Europe.
»After the Soviet Union’s collapse in 1991, U.S. presidents became more assertive, pushing NATO into the former Warsaw Pact nations and, under President Clinton, bombing a Russian ally in Serbia, but that came at a time when Russia was essentially flat on its back geopolitically. Perhaps the triumphalism of that period is still alive especially among neocons who reject President Vladimir Putin’s reassertion of Russia’s national pride. These Washington hardliners still feel that they can treat Moscow with disdain, ignoring the fact that Russia maintains a formidable nuclear arsenal and is not willing to return to the supine position of the 1990s.
»In 2008, President George W. Bush – arguably one of the most reckless presidents of the era – backed away from a confrontation with Russia when Georgian President Mikheil Saakashvili, a neocon favorite, drew the Russians into a border conflict over South Ossetia. Despite some war talk from the likes of Vice President Dick Cheney and Sen. John McCain, President Bush showed relative restraint.
»But Obama has failed to rein in his administration’s war hawks and has done nothing to correct the biased narrative that his State Department has fed to the equally irresponsible mainstream U.S. news media. Since the Ukraine crisis began in fall of 2013, the New York Times and other major U.S. news outlets have provided only one side of the story, openly supporting the interests of the pro-European western Ukrainians over the ethnic Russian eastern Ukrainians. The bias is so strong that the mainstream media has largely ignored the remarkable story of the Kiev regime willfully dispatching Nazi storm troopers to kill ethnic Russians in the east, something that hasn’t happened in Europe since World War II...»
Dans le même texte déjà cité (le 10 mai 2014), nous rappelions l’évolution des analyses de Parry selon les informations qu’il recueille et les observations qu’il en déduit, et ainsi quelle était sa position vis-à-vis d’Obama ... «Parry fait vraiment un travail magnifique dans le sens de la mise à nu des impostures diverses et autres manœuvres du bloc BAO dans cette crise ukrainienne... Mais il a gardé une secrète tendresse pour Obama, qu’il a toujours considéré comme intrinsèquement hostile à la politique-Système héritée de GW Bush et directement inspirée par le Système. Il croit qu’Obama tente, désespérément, depuis des années, de parvenir à une politique d’entente avec Poutine. (On sait qu’il y a eu des indications précises dans ce sens [voir le 27 mars 2012] mais on comprend également, considérant ce qui a suivi ou plutôt ce qui n’a pas suivi, qu’elles relèvent de l’anecdotique.) Dans son article du 8 mai 2014, Parry développe la thèse qu’il y a malgré tout une secrète entente entre Obama et Poutine, et que cette entente s’exprime notamment par la dernière initiative de Poutine, le “gambit-Poutine”... Ainsi Parry explique-t-il la partie que se jouerait actuellement, après le “gambit-Poutine”, avec Washington violemment opposé au président russe, y compris dans cette instance, et Obama secrètement sollicité, et ouvert à cela, d’y répondre d’une façon ou l’autre...»
Quelques mois plus tard (voir le 26 septembre 2014), Parry revenait sur le sujet, cette fois d’une façon beaucoup plus défavorable pour Obama. Il faisait l’hypothèse, non encore substantivée par les indications précises qu’il a reçues depuis de sources dans lesquelles il a une totale confiance, et dont il sait le degré d’information directe. Il observait alors combien le comportement d’Obama s’était détérioré par rapport à celui qu’il avait au départ de ses mandats, – lorsque Parry affichait une réelle estime pour l’homme et une certaine confiance qu’il parviendrait, d’une façon ou l’autre, à se libérer de ses contraintes. Ainsi ajoutait-il à ses constats d’enquêteur une remarque selon laquelle la fonction occupée, alliée au manque de caractère et à la psychologie affaiblie, conduisaient le président à se trouver de plus en plus sous l’empire d’un Système aux desseins catastrophiques de surpuissance sinon d’autodestruction. («The longer President Obama has been in office the less honest he has become, a problem growing more apparent in his second term as he reads speeches containing information that he knows to be false or at least highly misleading. [...] During President Barack Obama’s first term, he generally was careful in making comments about world affairs – not that he was always completely honest but he was circumspect about outright lying. Over the past two years, however, he appears to have lost any such inhibitions.»)
Cela étant rappelé, on peut alors mesurer le chemin que Parry a parcouru concernant son jugement d’Obama, et ce constat constitue pour nous une référence précieuse. Alors qu’il émettait l’hypothèse, dans la période rappelée, qu’Obama était “prisonnier” de ses conseillers, et donc dans la quasi-impossibilité de porter un jugement informé sur les événements d’Ukraine et sur le comportement de la Russie, ou bien qu’il devait savoir mais sans certitude absolue qu’il le soit, il tranche aujourd’hui d’une façon irrémédiable. Obama sait, il dispose d’informations qui lui permettent d’apprécier la vérité de la situation, il est même opposé à la politique suivie («...I’m told that President Barack Obama personally recognizes how foolhardy this attitude is... [...] ...I’m told that he has detailed intelligence reporting on both the mysterious sniper attack that preceded the putsch nearly a year ago and the shoot-down of the Malaysia Airlines Flights 17 that deepened the crisis last summer») ; pourtant, il ne fait rien, il laisse faire, et il renforce même dans ses discours la narrative faussaire en lui donnant l’onction et la légitimité de sa fonction. La condamnation de Parry est alors sans appel et toute trace de penchant pour Obama a disparu, jusqu’au jugement qu’il est l’un des pires présidents que les USA aient eu : «Obama’s behavior... [...] ranks as one of the most irresponsible performances by a U.S. president.»
Dans le contexte présent, le portrait que Parry nous fait d’Obama, de la part d’un homme bien informé mais absolument pas suspect de la moindre rancœur ou du moindre antagonisme personnel dans son jugement, est absolument effrayant. Pour des raisons qui ne peuvent qu'être futiles si l’on s’en tient aux données connues, – arrogance, crainte d’être perçu comme “faible”, comme incompétent ou comme privé d’autorité sur son administration, – Obama laisse se développer sciemment une crise dont l’une des perspectives est la guerre nucléaire d’anéantissement. (Si les raisons ne sont pas “futiles” selon des données que nous ignorons impliquant des pressions et des contraintes sur lui, alors cet homme est totalement privé du sens du tragique qui, dans les circonstances présentes, devrait le pousser à prendre les plus grands risques pour sa position, voire pour sa sécurité, dans une perspective impliquant des situations l’extrême dangerosité, dont il connaîtrait ainsi les arcanes mieux que personne.) Non seulement Obama n’a pas été l“American Gorbatchev” qu’il aurait dû être pour changer vraiment la situation de crise générale, mais il n’est même plus le Obama qu’on a connu dans ses premières années de présidence.
Si le verdict de Parry est juste, – et l’on voit que nombre d’éléments vont dans ce sens, – la crise Ukraine-Russie devrait prendre la pire orientation possible, à commencer par des livraisons d’armes US au régime de Kiev, avec les hypothèses comme celle qui est indiqué dans le texte du possible stationnement de missiles de croisière US en Ukraine restant bien entendu sous le contrôle US. Le cœur de la crise devient alors, comme on en a vu les premiers signes depuis une semaine, la situation au sein du bloc BAO, principalement avec les premiers signes de la formation, bon gré mal gré et du fait des circonstances, d’un important bloc de pays européens se séparant de plus en plus nettement des USA avec quelques alliés épars (le Royaume-Uni, quelques pays de l’ancienne Europe de l’Est, principalement la Pologne et les pays baltes).
Plus encore, il existe désormais une possibilité extrêmement pressante que cette crise puisse s’élargir à d’autres acteurs hors de la zone crisique du fait de sa dimension globale avec l’existence de l’option extrême de la possibilité d’un conflit nucléaire, c’est-à-dire des pays asiatiques dont principalement la Chine, ainsi que d’autres puissances du type BRICS, ou de divers pays du Moyen-Orient. Désormais, tous les contacts et échanges des acteurs de la crise avec des puissances extérieures à cette crise impliquent des possibilités de coopération, d’arrangement ou d’implications dans cette crise. C’est ainsi le cas de la visite de Poutine en Égypte, où les discussions entre Poutine et Sisi, à coté des sujets bilatéraux évidents, ont notamment abordé cette question de la crise Ukraine-Russie, avec une solide information du premier vers le second, et la réalisation par le second de la dangerosité quasiment globale de l'événement, impliquant des effets possibles sinon probables dans la région du Moyen-Orient. A cette occasion, les Égyptiens ont pu mesurer combien ils se trouvaient peu informés de la situation, notamment par leurs “amis” US qui n’informent guère leurs contacts hors ceux du champ le plus restreint possible de la crise.
Mis en ligne le 11 février 2015 à 14H02
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