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5260Ci-dessous, on trouve un texte de synthèse sur les possibilités de développement et de conséquences de la “guerre du pétrole” qui s’est ouverte depuis la réunion de l’OPEC+ à Vienne, vendredi dernier. Il s’agit de l’appréciation prévisionniste générale du commentateur et chroniqueur économique Max Keiser, bien connu aux USA où il a réalisé diverses initiatives marquantes, ancien traderdevenu économiste spécialiste de la finance de tendance nettement dissidente et activiste (une rareté pour un économiste US).
Depuis 2009, Keiser est collaborateur et chroniqueur régulier chez RT.com, ce qui devrait faire penser à nombre d’esprits finaud et bien-informé que cette position le conduit à prendre une position favorable à la Russie. Ce n’est pourtant pas dans les habitudes de RT.com, notamment si l’on en croit le chroniqueur Frédéric Taddeï, qui a dû passer chez RT-France (voir son émission Interdit d’interdire) il y a deux ans, venant d’Antenne2, chaîne publique française, pour pouvoir travailler en toute liberté et selon son propre jugement, hors de toute pression du pouvoir politico-culturel et progressiste-sociétal. (Voir son interview dans Éléments de novembre 2019.)
Au reste, on trouve d’autres avis qui vont dans le sens du jugement de Keiser, qui voit la Russie gagnante et les USA perdants dans cette “guerre du pétrole” (dans ses déclarations d’hier sur la situation financière à Wall Street, Trump a mis nommément en cause la Russie et l’Arabie)... Par exemple, celui de Dean Baker, codirecteur du think-tank washingtonien CERP, – et bien que les mêmes esprits déjà cités relèveront que l’interview est réalisée RIA Novosti, via Sputnik.News, ce qui relève quelque part ailleurs d’un éclairage du type-Russiagate :
« L’Arabie saoudite est sans doute l’unique producteur de pétrole pour lequel la rentabilité est possible même avec un prix du brut à 30 dollars le baril, a déclaré lundi 9 mars à l’agence de presse RIA Novosti Dean Baker, codirecteur du CERP (Centre pour la recherche économique et politique) à Washington, au sujet de l’effondrement des cours du pétrole.
» “Il se peut que certains producteurs russes puissent faire des bénéfices à un tel prix, mais dans le reste du monde, l’extraction de brut revient beaucoup plus cher. Et ce qui est parfaitement évident, les producteurs américains de pétrole de schiste ne pourront même pas rentrer dans leurs frais si le brut ne coûte que 30 dollars le baril. Il n’y a aucun doute là-dessus”, a tranché l’expert.
» Et d’ajouter que, même avec un prix de 45 à 50 dollars le baril, les producteurs américains auraient beaucoup de difficultés pour gagner quoi que ce soit. »
L’intérêt de l’intervention de Keyser (ci-dessous présentée sous la forme d’un condensé de ses déclarations dans son émission bihebdomadaire Keyser Report) est qu’il considère cette crise du pétrole, cette “guerre du pétrole”, sans la placer, comme font beaucoup de commentateurs un peu courts, dans la logique de la crise-Cevid-19. Il est évident que cette crise du pétrole s’insère dans la crise Cevid-19 dans la mesure où celle-ci est l’expression la plus dynamique et la plus puissante en termes de communication de la Grande Crise d’Effondrement du Système, mais elle n’en dépend nullement, elle n’en est nullement une conséquence.
Keyser peut donc l’examiner en tant que telle parce que certains de ses fondamentaux lui sont propres, et sont compréhensibles en fonction d’elle sans devoir se référer à Cevid-19 pour bien les appréhender : Cevid-19 n’a pas provoqué la guerre du pétrole mais lui a donné un cadre qui l’a aussitôt rendue dramatique. (Une autre question est de savoir si ceux qui ont déclenché cette guerre du pétrole, – sans nul doute, les Russes sont les premiers responsables, – l’ont fait en fonction de cette conjoncture crisique maximale de la Grande Crise sous la forme de Cevid-19. On a vu que notre appréciation de ce point de vue tendrait à être positive.)
Bien entendu, la prospective envisagée par Keyser à partir d’une “crise-souche” spécifique concrétisée à la réunion OPEC+ de Vienne intègre par contre, de facto dirait-on, des éléments extrêmement puissants de la Grande Crise/Cevid-19, dans le sens de l’accélération des effets et de la puissance des conséquences. C’est ce qui tend à donner du crédit à l’appréciation de Keyser, qui voit dans cette perspective l’épisode-clef de la chute du dollar.
Pour nous, bien entendu, cette chute se réalise non pas tant dans la valeur spéculative de cette monnaie définie par des marchés et des transactions sous influence qui constituent en général la forme de raisonnement des “experts”-BAO, mais dans sa fonction de monnaie-reine (même si usurpatrice) de l’économie du monde, et parallèlement dans son rôle d’agresseur de l’exercice plein et entier de la souveraineté des nations. Les considérations autour, par exemple, de la valeur du rouble par rapport au dollar, ont aujourd’hui beaucoup moins d’importance en raison du relâchement des liens entre la Russie beaucoup plus autosuffisante et la sphère globalisée du bloc-BAO sous la dictature de l’“anglosphère”, – en notant par ailleurs que cette caractéristique de “globalisée” (“sphère globalisée”) n’est plus aujourd’hui un signe de puissance et d’influence mais plutôt une marque d’infamie et de chute dans les abysses.
On observera que, dans cette analyse générale, la position et le rôle de l’Arabie, même s’ils sont d’une réelle importance (quoique pas à son avantage) dans le drame qui s’est joué, parallèlement à des troubles intérieurs à Ryad, à la réunion de l’OPEP+ de Vienne, n’ont nullement la dimension de grande politique (de géopolitique considérée d’un point de vue métahistorique) qu’ont les positions russe et américaniste. La guerre du pétrole représente bien, pour ces deux puissances, un affrontement dont les références, – l’une vers l’antiSystème, l’autre vers le Système, – sont directement connectées aux tensions et aux poussées de la Grande Crise.
Ci-dessous, on trouve le texte sur Max Keyser, en date du 9 mars 2020, sur RT.com. Le titre original est « La guerre des prix du pétrole va accélérer la fin du pétrodollar et la hausse de la monnaie sino-russe ».
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Le marché américain du [pétrole de] schiste doit supporter le poids de la guerre des prix du pétrole qui a fait chuter le Dow Jones et les prix du brut, et l'Arabie saoudite ne s'en sortira pas mieux. En attendant, la Russie a la meilleure main dans le jeu, estime Max Keiser.
La chute des prix du pétrole a plusieurs causes, et le conflit entre Moscou et l'OPEP dirigée par Riyad ainsi qu'une épidémie de coronavirus ne constituent pas une liste exhaustive, estime l'hôte du rapport Keiser de la RT.
Nous assistons également à un « deuxième épisode » de la crise de 2008 avec l'explosion de la bulle de crédit, – laquelle attendait la première occasion pour se produire, selon Keiser. « Si vous donnez aux mêmes malfaiteurs une ligne de crédit plus importante pour faire les mêmes mauvaises choses, cela donnera le même mauvais résultat. »
Quelles que soient les raisons de l’effondrement du marché pétrolier, la Russie est mieux placée pour y faire face. Contrairement au pétrole de schiste américain, celui de la Russie est beaucoup moins cher à extraire, et elle n'a pas de dette énorme à gérer, contrairement à l'Arabie saoudite.
« La tendance s’est renversée, la Russie a désormais la meilleure main dans le jeu géopolitique du pétrole. »
Au contraire, les États-Unis sont en « très mauvaise posture » dans cette partie à enjeux élevés, les stocks américains de pétrole de schiste étant déjà touchés, et Keiser prédisant que cela « sera une éviscération complète de l'industrie américaine du schiste. Il va falloir un renflouement massif, une impression monétaire massive. »
Le dollar américain va « souffrir énormément » pendant la crise, ce qui mettra fin à sa position de monnaie mondiale la plus forte et la plus fiable.
« Aujourd'hui, c’est la fin du pétrodollar. Nous allons assister à la montée en puissance du rouble-dollar ou du dollar sino-russe basé sur le pétrole. »
L'époque où les États-Unis détenaient la monnaie de réserve mondiale est « terminée », estime Keiser, ajoutant que le marché boursier américain hyper gonflé devrait également se préparer à un choc. Le Dow pourrait descendre jusqu’à 8 000 lorsque les bénéfices refléteront les performances réelles des entreprises.