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17 juin 2003 — Un de nos lecteurs (“Forum” en date du 14 juin) nous a signalé l’article de Patrick Buchanan sur le déclin des néo-conservateurs (« Is the Neoconservative Moment Over? »). Un autre commentaire, celui de Justin Raimundo le 13 juin, va dans le même sens général en décrivant le War Party comme étant « sur la défensive ». C’est encore ce thème que présente Newsweek dans ses éditions du 23 juin. Ces différents articles reflètent un courant général d’appréciation sur la position des néo-conservateurs US.
Les néo-conservateurs sont-ils en train de perdre leur position de prééminence ? Cela semble assez probable, sinon assuré. Perdent-ils leur influence ? A première vue, la réponse positive est évidente. De façon plus indirecte, cette réponse devient beaucoup plus nuancée, et cela conduit à une autre question, qui est tout simplement centrale : ce déclin probable de la position des néo-conservateurs signifie-t-il la fin de la politique actuelle de Washington ? C’est là que notre réserve se renforce jusqu’à devenir considérable.
Nous développons quelques points pour illustrer et justifier cette réserve.
• Les néo-conservateurs, qui formaient à première vue un “groupuscule” sans position centrale à Washington, ont acquis leur position centrale par une série de “coups” réussis à l’intérieur du système. “Coups d’État” internes ? Il faut s’entendre sur le sens de l’expression. Il s’agit sans aucun doute de “coups” bureaucratiques et médiatiques, notamment avec l’aide de réseaux médiatiques très bien organisés. Il n’est pas question de “coups” politiques et idéologiques.
• En d’autres termes, les néo-conservateurs n’ont pas apporté une révolution politique dans le sens du radicalisme, selon nous. Avec et après le 11 septembre, la politique US était inéluctablement destinée à se radicaliser (d’ailleurs, la radicalisation a été conduite par Rumsfeld, qui n’est pas un néo-conservateur). Nous ne sommes pas du tout sûrs qu’un Al Gore aurait été moins dur qu’un GW Bush, à cause du réflexe habituel des démocrates qui, à cause de leur étiquette libérale de convenance, ont toujours eu comme principal travail d’écarter le soupçon d’être trop soft sur les matières de sécurité nationale.
• On pourrait alors considérer que le déclin des néo-conservateurs ne marque pas la fin de la politique maximaliste. Elle marque la nécessité de trouver un bouc émissaire pour porter la responsabilité des nombreux déboires de cette politique, sur tous les fronts (Afghanistan, Irak, guerre contre le terrorisme en général, etc), autant que de ses limites (les USA, à cause des nécessités des situations afghane et irakienne, n’ont plus assez de forces pour entreprendre une nouvelle campagne). Si la politique maximaliste est freinée, c’est par les événements plus que par une volonté de Washington qui impliquerait l’adoption d’une politique plus modérée.
• Renversant l’image habituelle qu’on a d’eux, on pourrait dire que les néo-conservateurs sont (ont été) des “compagnons de route”, ou “idiots utiles”, de la machinerie expansionniste US. Ils ont donné à sa politique pan-expansionniste maximaliste un habillage chic, avec un semblant d’approche de philosophie de l’histoire, des références (le philosophe Léo Strauss) qui renforcent l’aspect sérieux et sophistiqué. Cette technique est courante, comme on l’a vu avec le maccarthysme dans les années 1950, avec un McCarthy donnant une caution puissante à la mise en place de l’État de Sécurité Nationale grâce à son action, de 1950 à 1954, puis étant liquidé parce qu’il était allé trop loin (il avait mis en cause l’U.S. Army). McCarthy perdit la présidence de la Commission sur les activités anti-américaines, redevint un sénateur anonyme, sombra dans l’alcoolisme et se suicida en 1956.
En conclusion : la perte de crédit des néo-conservateurs marquerait plutôt, du point de vue de la situation générale, un accroissement du désordre et de la confusion au sein de l’administration GW Bush. Elle serait également le reflet des limites des capacités militaires des États-Unis.