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964Sarkozy découvrant par ailleurs que nous (lui, la France et nous par conséquent) avons rendez-vous avec l’histoire, – fin du discours à Argonay, aujourd’hui, nous semble-t-il, – les Français ne prennent plus de gants sur les problèmes délicats et en suspens, et à traiter d’urgence. Même s’il parle “à titre personnel”, – quoiqu’en tant que ministre du gouvernement français, après tout, – les déclarations du secrétaire d’Etat français aux affaires européennes Jean-Pierre Jouyet, à des journalistes, hier à Strasbourg, sont l’objet de toutes les conversations à Bruxelles. Si nous demandons à une source à l’OTAN ce qu’il faut penser de cette déclaration signifiant que Jouyet (la France?) est opposée à l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine à l’OTAN dans la situation présente, la réponse (dite sur un ton ironique, tout de même: «Eh bien… C’est-à-dire que…euh…») ne nous fait plus douter de l’embarras de la digne organisation à presque un mois de la réunion des ministres des affaires étrangères qui doit statuer sur le cas (adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine à l’OTAN).
Voici ce que France 24 dit, hier, à partir d’une dépêche de l’AFP, de la déclaration “à titre personnel” du secrétaire d’Etat:
«Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes Jean-Pierre Jouyet s'est dit opposé mercredi en l'état à une entrée de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'Otan, estimant que ce ne serait “pas dans l'intérêt” de l'Europe. “Je pense que l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie n'est pas d'actualité”, a-t-il déclaré lors d'une rencontre avec des journalistes à Strasbourg, en marge d'une session du Parlement européen. Il a précisé s'exprimer à titre personnel, mais ses propos ne font que confirmer l'opposition de la France.
»“Ce n'est pas dans l'intérêt de l'Europe et de ses relations avec la Russie”, a-t-il ajouté, alors que Moscou est farouchement opposé à cette perspective d'adhésion, a-t-il ajouté.»
A noter que, parallèlement, une petite polémique a eu lieu à propos de déclarations du ministre allemand délégué aux affaires étrangères, Gernot Erler. L’agence Novosti fait aujourd’hui un rapport rapide de l’incident. «M. Erler a lancé le 21 octobre au cours d'un duplex Moscou-Berlin que l'Ukraine ne correspondait actuellement pas aux standards de l'OTAN. De plus, selon lui, la majeure partie des Ukrainiens est opposée à l'intégration du pays au sein de l'OTAN, ce qui pourrait entraîner un schisme dans la société.» Ensuite, le ministère ukrainien des affaires étrangères “s’est étonné”, a demandé “des explications”, etc. Erler a dit ou fait dire qu’il parlait “en son nom personnel” (lui aussi), qu’on avait déformé ses propos et ainsi de suite, – bref, la salade habituelle.
Bien entendu, les Allemands pensent, avec tant d’autres, à peu près comme les Français mais le disent à doses plus homéopathiques. Cette question de l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine est d’une stupidité diplomatique à couper le souffle, dépendant de l’aveuglement d’une administration qui ne représente même pas elle-même à Washington, de quelques réseaux d’argent et de complicités diverses et du conformisme hébétée des élites occidentales. Ce n’est donc pas sur le fond qu’il importe d’en juger mais plutôt sur la forme, et sur l’écho que les déclarations en question rencontrent.
La déclaration de Jouyet a eu beaucoup d’écho, comme nous le disions, et elle en a eu beaucoup plus que celle de l’Allemand. Elle est nette, tranchée et ne laisse de guère de coin d’ombre. Elle s’inscrit dans une ligne diplomatique française qui est de plus en plus nettement tracée, à mesure que les crises diverses exercent leurs pressions. Il est manifeste qu’il y a une cohérence entre cette position sur la Géorgie et l’Ukraine, sur le désir des Français de rencontrer la proposition des Russes de mettre en place une nouvelle architecture de sécurité en Europe, sur la position des Français sur la réforme radicale du système financier mondial à l’occasion de la crise financière. Les deux pays (la France et la Russie), appuyés sur une forte souveraineté et sur une identité nationale affirmée, recherchent désormais, implicitement ou explicitement, une déstructuration complète du système actuel des relations internationales, et une restructuration selon des normes plus conformes à la réalité de la situation. (On ajoutera qu'à la lumière des avancées vers une communauté de vues qu'on constate dans les conceptions françaises et russes, et notamment la nécessité exprimée par les Russes et partagée par les Français d'une refonte de l'architecture de sécurité européenne, la réintégration de la France dans l'OTAN pourrait prendre de plus en plus son temps, jusqu'à apparaître dépendante d'une actualité complètement dépassée, et donc à traiter à mesure...)
Dans cette situation toute entière marquée par les pressions de l’Histoire, Sarkozy, naturellement, fait merveille. Rien à redire à cela ni à s’exclamer dans un sens ou l’autre. C’est un fait que l’on peut constater chaque jour et la prise de position de Jouyet s’inscrit dans cette logique. D’une façon générale, les Français sentent que les événements sont pressants aujourd’hui, que les USA n’ont plus leur rôle dominant et s'abîment dans une crise où l'on doit être le moins possible impliqué, que le système général qui régit les relations internationales et les rapports économiques doit être réformé de fond en comble, que des rapports nouveaux doivent être établis avec la Russie. Au niveau européen, on parle aussi beaucoup des idées de Sarkozy pour établir un pouvoir politique plus fort au niveau européen, selon une formule à trouver, dans tous les cas pendant cette période de crise, – éventuellement avec la France prête “à faire don de sa personne” à l'Europe. (Commentaire d’une source européenne, mi-figue mi-raisin: «Ces projets, c’est un coup d’Etat, mais parfois la situation a d’étranges exigences.») Cette affaire va prendre d’autant plus d’ampleur dans les semaines qui viennent que le gouvernement tchèque, ultra-libéral et ultra-eurosceptique, est également dans un état ultra-comateux, au point où l'on se demande s’il sera encore en fonction le 1er janvier 2009, pour prendre en charge la présidence de l’UE. Beau temps pour un “coup d’Etat”.
Mis en ligne le 23 octobre 2008 à 17H56
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