On ne prend plus de gants : c’est le coeur de la puissance américaine qui est menacé

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On ne prend plus de gants : c’est le coeur de la puissance américaine qui est menacé


7 avril 2004 — Le sens est celui d’une extrême fragilité, aujourd’hui. Les événements d’Irak, dus en bonne part à une erreur de plus des Américains, — à moins que ce ne soit un complot, nous n’en sommes plus à ça près, — ont accéléré la sensation de la fragilité, déjà préparée par l’affaire Clarke, et accentuée, soulignée par le comportement totalement surréaliste du 43e président des États-Unis. (Même l’impeccable Daily Telegraph, toujours pro-GW, en a son souffle d’Européen coupé : lorsque le susdit président a comme “message” pour ses électeurs « Crisis? What crisis?» ... « President George W Bush is throwing baseballs and focusing his speeches on love and jobs — almost anything but the turmoil in Iraq — as Washington insists that talk of a crisis is overblown. ») Ajoutons, cerise amère sur le gâteau, le témoignage de Condi Rice demain devant la Commission d’enquête 9/11.

Désormais, la bataille est ouverte, la bataille des élections, avec un Ted Kennedy dans une forme infernale, qui écarte toute idée de solidarité de système et attaque le président d’une façon qui fait s’exclamer les républicains. (« Mitch McConnell, the majority whip and second-ranking Republican in the Senate, denounced Mr Kennedy's remarks as “completely outrageous”. He told the chamber: “Americans would be much better served if the senator from Massachusetts would remember who the enemy is.” »)

Nous sommes dans une situation qui n’a absolument aucun précédent. Il y a une super-puissance qui domine le monde par son influence, qui est engagée partout aux limites de ses forces (bien plus faibles qu’on ne croit), qui fait face à une insurrection catastrophique dans un pays de 25 millions d’habitants systématiquement agressé par elle depuis 12 ans et qu’elle occupe, qui s’engage dans une campagne électorale qui recèle d’ores et déjà tous les ingrédients d’une crise de régime qui promet d’être le plus grave événement de son histoire. L’hystérie entretenue par le monde irréel que Washington a créé (le virtualisme) fait juger comme extrêmement improbable que quiconque puisse reprendre le contrôle de la situation.

Désormais, les hypothèses les plus extrêmes sont monnaie courante :

• Que ce soit l’hypothèse d’une attaque terroriste massive aux USA, réelle ou fabriquée (voir nos textes sur cette question), comme seule possibilité, dans certaines circonstances, pour que GW Bush remporte (?) un deuxième mandat. Une telle hypothèse recèle la possibilité non pas tant d’une dictature, — notre avis est que les structures américaines sont trop liées, notamment au niveau économique, à la liberté et à l’individualisme pour imposer un état policier, — que d’un désordre extraordinaire, véritablement postmoderne avec le choc de mesures policières et de situations de liberté nécessaire, bref une crise qui, elle non plus, n’aurait aucun précédent dans l’histoire. (Voir l’édito du 6 avril de BuzzFlash.com, site activiste anti-GW extrêmement puissant [plus de trois millions et demi d’“entrées” en mars]  : « Will the 2004 Election Be Called Off? Why Three Out of Four Experts Predict a Terrorist Attack by November »)

• Que ce soit l’hypothèse d’une défaite américaine en Irak (voir Buchanan : «Is Failure an Option?»), qui, elle aussi, porte le germe de désordres extraordinaires, en comparaison desquels ceux du Viet-nâm nous paraîtront une promenade de santé. Certains, comme Ivan Eland, de l’Independent Institute, estiment que la défaite est d’ores et déjà là  : « The Bush administration’s balloon, filled with triumphalist hot air a year ago as U.S. forces entered Baghdad, has finally burst. »

Il ne faut pas s’aventurer à la divination. Dans une semaine, si l’affaire Rice est convenablement gérée (la Commission 9/11 étant absolument complice du pouvoir), si les désordres irakiens sont contenus, on pourrait ne plus parler des jours de fièvre que nous connaissons et la machine à virtualisme washingtonienne sera à nouveau en marche pour nous dire que tout va bien. Qu’importe : cette hypothèse basse ne peut écarter de notre esprit le fait qu’en profondeur, la psychologie collective américaine et l’hystérie de la direction washingtonienne auront été encore plus profondément déstabilisées, à notre sens de façon irrémédiable. Par conséquent, nous attendrons le prochain coup de boutoir de la déstabilisation.

Quelque part, à un moment ou l’autre, tout cela cédera.

Les dirigeants européens, s’il en reste, feraient bien de se pencher sur ce problème effrayant : la dissolution, dans le désordre virtualiste et psychologique, de la stabilité de la plus grande puissance du monde. Aujourd’hui, la rapidité de la “turbo-histoire” ne nous laisse plus de choix que de travailler sur l’hypothèse et de nous tenir prêts à tout.