Oncle Sam qui rit, Oncle Sam qui pleure: une journée de la crise “yo-yo”

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La journée du 13 mai 2009 nous a semblé intéressante, c’est-à-dire instructive, d’autant plus que l’on peut s’appuyer pour ce constat sur deux textes d’une même source, –Bloomberg.News, source incontestable pour les nouvelles économiques, – et deux textes édités à six heures d’intervalle, – 10H46 et 16H18, heures de la côte Est (EDT).

Le premier est donc, chronologiquement, celui de 10H46 ce 13 mai 2009. C’est Oncle Sam qui rit, parce que, ô divine surprise qu’on prévoyait déjà par avance, voilà le Messie, – dito, le consommateur américaniste, – qui recommence à faire son devoir de civilisation, – consommer, consommer, consommer… Le texte est pimenté d’avis impératifs et enlevés d’économistes vous décrivant les lendemains qui chantent dès aujourd’hui, de descriptions exotiques soulignant le cas de telle ou telle héroïque famille de consommateurs qui a décidé de monter à l’assaut de l’économie pour, selon les consignes des généraux Summers, Genthner et Bernanke, prendre la citadelle d’assaut et remettre le progrès sur ses rails. L’impression laissée est irréfutable, d’une reprise qui est déjà parmi nous.

(A noter, dans l’extrait ci-dessous la précision donnée par les calculs de Bloomberg.News, selon laquelle le gouvernement fédéral a “dépensé, prêté ou promis”, depuis septembre 2008, autour de $12.800 milliards pour tenter de mettre un terme à la récession.)

«Brooke and Doug Sterenberg booked a seven-day, $2,800 cruise to the Bahamas on Carnival Corp.’s ship the Conquest, with its three-deck-high Twister water slide. It’s the family’s reward for Doug keeping his job.

»“He made it through the first round of layoffs” at the Houston unit of bankrupt chemicals maker LyondellBasell Industries AF SCA, said Brooke, a 37-year-old mother of two. “We feel like we can’t control what’s going to happen in the future. No matter what, our family deserves a week away.”

»The Sterenbergs are among Americans who are cracking open wallets as the U.S. economy begins to stabilize after the federal government spent, lent or pledged as much as $12.8 trillion to end the longest recession since the Great Depression, according to data compiled by Bloomberg.

»Consumer confidence rose last month by the most in two years, and the pace of job losses declined. The Standard & Poor’s 500 Index climbed 34 percent, as of yesterday, from a low March 9 -- the biggest such move over a similar time span since the 1930s.

»“We are seeing what I call good bad reports,” said Joel Naroff, president of Naroff Economic Advisors in Holland, Pennsylvania. “How can anyone think that 539,000 lost jobs in April is something good? But it is better than the month before and these are starting to make consumers feel more confident.” […]

»Fifty-two economists predict personal consumption will start rising in July, according to a Bloomberg survey. Median projections for spending growth in the third quarter increased to 1 percent from 0.7 percent at the end of March. Those interviewed project a gain of 1.5 percent in the final three months, versus 1.1 percent in the earlier survey.»

Le second texte est donc celui de 16H18, toujours de ce même 13 mai 2009. Eh bien, non, les nouvelles sont mauvaises. Avril nous apporte un flot de nouvelles beaucoup plus mauvaises que ce qu'on avait prévu, d'une façon qualifiée d'“inattendue” qui montre bien combien on tient comme évidentes la mauvaise volonté et la très mauvaise qualité de la réalité, – une réalité pas loin d'être mise en procès. Les Sterenberg n’ont pas réussi à rétablir la confiance et peut-être la décision de s’offrir une croisière pour fêter l’excellente nouvelle selon laquelle Doug Sterenberg a toujours un emploi est-elle prématurée. Inutile de vous dire qu’on trouve les mêmes experts impératifs pour vous dire que les choses ne vont pas si bien qu’on pourrait le croire, qu’au contraire rien n’est fait, que la situation est difficile…

«Retail sales in the U.S. unexpectedly dropped in April for a second month, indicating that rising unemployment is prompting consumers to conserve cash. The 0.4 percent decrease followed a revised 1.3 percent drop in March that was larger than previously estimated, the Commerce Department said today in Washington. Other reports showed companies continued to cut stockpiles as demand slowed, and climbing oil costs pushed up prices for imported goods.

»Fewer jobs, falling home values and the biggest loss of household wealth on record may limit consumers’ ability to spend for years, analysts said. Stocks dropped for a third day as the reports indicated any recovery from the worst recession in at least half a century is likely to be subdued.

»“It looks like consumers are losing momentum heading into the second quarter and that is a very worrisome development,” said Carl Riccadonna, an economist at Deutsche Bank Securities Inc. in New York. “They have very significant headwinds and number one among them is that the labor market is far from turning the corner.”»

Outre la réalité de la crise, – qui se rapproche selon nous plus de la deuxième version que de la première, bien entendu, – il ne nous paraît pas que cette sorte de jeu de yo-yo quotidien dans les nouvelles, les analyses, les prévisions, soient de nature à rétablir un peu de stabilité dans les psychologies, qui pourrait être d'une aide précieuse pour la résorption de la crise selon leurs voeux. Au contraire, cette valse de l’information, entre les pressions insistantes de l’offensive virtualiste du “tout va très bien madame la marquise” et la résistance forcenée et contre-offensive de la réalité, contribue à accentuer d’une façon générale un état d’esprit de paranoïa, qui fait de chaque jour, de chaque nouvelle prévision, de chaque nouvelle orientation, l’objet d’emportements échevelés, évidemment en sens contraires. Au-delà de la question de la crise économique, ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas, il y a manifestement l’accroissement d’une instabilité générale de la psychologie qui constitue, en soi, un aspect très particulier de la situation, – bref, comme une crise dans la crise, qui affecte la population et la direction US en général. Cette situation est évidemment imposée par la poussée massive de cette direction pour forcer la situation à une amélioration, en tentant de déclencher des réflexes psychologiques de relance de la consommation. L'incontestable deus ex machina de la chose, aux USA, reste la consommation.


Mis en ligne le 14 mai 2009 à 12H53

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