Ontologie de The-Donald J. Trump

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Ontologie de The-Donald J. Trump

En vérité, c’est une chance d’avoir un Trump là où il est, impossible à brider, impossible à étouffer, faisant pourtant le travail du DeepState par simple narcissisme et calcul des voix de sénateurs lors du vote sur la destitution, mais faisant le travail du DeepStatealors que le DeepState cherche désespérément à avoir sa peau, aveuglé par la haine ; tout cela, on le comprend, engendrant désordre et chaos à l’intérieur du Système, ce qui est une excellente chose... C’est une situation extraordinaire au sein du Système, mais c’est aussi une situation extraordinaire du point de vue de l’humain et de son ontologie, – parce que Trump est vraiment l’extrême, l’ultimité d’une ontologie particulière de l’homme.

Nous avons été arrêté par ce passage d’un texte d’Andrew J. Bacevich, ancien colonel de l’US Army passé à la dissidence, sur ce que nommerions “le complexe de Samson” dont sont affectés l’Amérique, et Trump plus précisément ; en référence au  personnage biblique d’une force sans équivalent, perdant sa force du fait de la perfide Salomé Dalila, la retrouvant et l’utilisant pour faire s’écrouler le temple sur les Philistins, mais mourant lui aussi dans cette catastrophe qu’il a provoquée. (« America has a Samson problem », sur Strategic-culture.org, le  13 janvier 2020.) :

« ...Ainsi, alors que le dernier en date des épisodes d’hystérie guerrière contre l’Iran était en train de terminer, le président Trump a pris sur lui de rassurer ses concitoyens nerveux de la force inégalée des forces armées américaines. “Jusqu'ici, tout va bien !”, a-t-il tweeté fort prématurément. “Nous avons l'armée la plus puissante et la mieux équipée au monde, et de loin !”.
» J'avoue que ce sont ces points d'exclamation qui me laissent le plus mal à l'aise. Ils suggèrent une personnalité maniaque inconsciente de la gravité du moment. Pouvez-vous seulement imaginer Kennedy au milieu de la crise des missiles cubains publiant une déclaration comparable ?
» Bien que non sans ses défauts, Kennedy avait compris à quelle vitesse une position de force apparente peut se dissiper. Notre commandant en chef actuel ne possède pas une telle appréciation. La confiance de Trump dans l'armée américaine, exprimée avec sa fanfaronnade et sa bravade caractéristiques, ne semble pas avoir de limites. Et bien qu'à cette occasion le président et ses homologues à Téhéran aient trouvé un moyen d’éviter de faire s’effondrer le temple sur nous tous, la performance de Trump n’a pas vraiment inspiré confiance. Il faut espérer qu'à l'avenir, il sera confronté à peu de crises comparables. Nul ne sait quand sa chance (et la nôtre) lui fera défaut. »

Ce qui donne sa force à ce passage sans aucun doute, c’est la comparaison avec Kennedy. Qui a vécu cet épisode de 1962 (cas de PhG), ou qui a vu un des nombreux documentaires sur cette crise des missiles, peut témoigner de ce que Bacevich rapporte dans ce passage. Le comportement du président témoignait en tous points de la perception juste qu’il avait de la dimension tragique du moment, et de la nécessité de ne rien dire ou faire qui pût introduire une dimension-bouffe qui fasse perdre le contrôle de cette réalité terrifiante.

(A cette époque, bien entendu, la  tragédie-bouffe n’avait pas encore fait son apparition dans la dimension et l’adoubement officiel où on la voit, et la réalité n’était pas complètement désintégrée.)

Observer cela, ce n’est pas couvrir Kennedy de louanges, – Bacevich souligne justement qu’il avait ses défauts ; c’est plutôt rappeler que Kennedy n’était pas complètement perverti par une vision idéologique enfantée par un caractère maniaco-narcissique, impliquant de vivre dans un simulacre permanent. Kennedy avait encore une vision du monde telle qu’il orientait sa volonté vers la recherche d’une perception objective de la réalité, et disposant de certains traits psychologiques pour se rapprocher de cette objectivité. Cette sorte de démarche est totalement inconnue de Trump. Ainsi sommes-nous conduits, en nous référant au livre de Mircea Marghescu  Homunculus  sur une  ‘Critique dostoïevskienne de l’anthropologie’, dont nous avons  déjà parlé  à plusieurs  reprises, à constater à l’occasion de cette remarque de Bacevich qu’il y a entre les deux hommes, – Kennedy et Trump, – une différence qui renvoie à l’ontologie et nullement à l’idéologie.

(Et Trump ne doit pas être pris comme un cas “à part” : en un peu plus bruyant, plus grossier et moins hypocrite, il équivaut pour ce comportement aux Clinton, Bush & Cie, et toutes leurs bandes de conseillers, commentateurs, larbins & zombieSystème. La fin de la Guerre Froide multiplié par ce “trou dans l’espace-temps” que constitue l’attaque 9/11 ont déchaîné la fin de cette évolution vers son ultimité.)

Marghescu définissait ainsi cette différence/cette erreur que nous faisons à propos de l’évolution “moderniste” de la conscience humaine : « Deux hypostases de l’humain s’affrontent, ontologiquement différentes puisque chacune a son ouverture au monde spécifique…  […]  La transgression dont Raskolnikov se rend coupable et qui plus tard ne fera que se répéter avec le meurtre, n’est pas idéologique mais ontologique ; “avant” et “après”, ce n’est pas d’un même homme qu’il est question puisque le second a une conscience nouvelle dont les compétences ont été “élargies”. […]  On comprend mieux ainsi la teneur du conflit dostoïevskien, – qui n’a rien de commun avec le débat idéologique… »

Ce que nous voulons suggérer, c’est une nuance par rapport à ce propos général dont nous approuvons entièrement le fond. Nous voulons dire qu’à notre sens cette rupture ontologique est constamment en action, et constamment qu’il existe des variations entre des “hommes traditionnels” (entendu plus précisément comme “relativement traditionnels”) et des “hommes nouveaux”, les premiers résistant à la modernité et pouvant être désormais appréciés dans le cadre d’une véritable Résistance ou “dissidence” à l’instar de ce qui existait en URSS en 1960-1985, les seconds y succombant tout à fait ; et il va sans dire, et mieux encore en le répétant, que cette disparité conflictuelle est aujourd’hui plus forte que jamais. Trump semble être l’“homme nouveau” ultime, – quels que soient ses défauts et qualités, quelle que soit son “idéologie” (!), – et ceux qui s’opposent à lui non pas parce qu’il s’agit de Trump mais parce qu’il s’agit de l’“homme nouveau” ultime nécessairement acquis au Système (puisque pour nous, la modernité c’est le Système) sont fondamentalement des “hommes relativement-traditionnels”.

(Il faut bien entendu entendre cette affirmation comme fondamentale, ou stratégique. Cela ne doit pas empêcher que ceux qui s’opposent à l’“homme nouveau” ultime peuvent à certains moments tactiques applaudir aux actes de Trump qui, par des enchaînements complexes et paradoxaux, suscite des effets antiSystème. Même chose, dans l’autre sens, pour les “hommes nouveaux” ultimes, – en l’occurrence les démocrates attachés à sa destitution ou les zombies des élites-Système européennes, – qui s’opposent à Trump pour des raisons soi-disant idéologiques mais en fait animées d’une haine primaire reflétant leur malaise profond devant une réalité désintégrée qui ne disparaît pas complètement à cause des effets de  vérités-de-situation continuant à se signaler, et même de plus en plus nombreux à la mesure de l’effondrement du Système.)

Cela ne signifie certainement pas que Kennedy était un “homme relativement-traditionnel”, – le jugement reste ouvert, – parce qu’il était d’une autre époque où l’“homme nouveau” n’était pas encore “ultime” jusqu’à la caricature-bouffe comme l’est Trump, et comme le sont ses adversaires à l’intérieur du même “monde nouveau”. Cela signifie qu’il y a une extraordinaire accélération des comportements, des modifications ontologiques, des résistances aux modifications ontologiques, correspondant à cette accélération du “temps-courant” jusqu’à la “rébellion du temps” dont PhG parlait hier.

 

Mis en ligne le 13 janvier 2020 à 12H40