Oprah-2020, the show must go on

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Oprah-2020, the show must go on

09 janvier 2018 – Vous souriez de dérision peut-être et vous n’avez pas tort, mais tout compte fait vous n’avez pas raison non plus... Le monde est fou, désormais, et rien, aucune excentricité de l’esprit, aucun projet absurde ou dérisoire, ne doit échapper à notre sagacité ni indifférer notre vigilance sous peine de se réaliser sans que nous ayons rien vu venir, comme pour une explosion brutale. Pour parler de façon plus concrète en citant les événements et les circonstances politiques, et parlant des USA, de la crise stupéfiante de puissance et de rythme de l’américanisme qui est le foyer principal de production de folie au nom du Système, notre jugement est que les deux événements additionnés, — nous voulons parler de l’élection du milliardaire narcissique newyorkais Trump et de l’effondrement du prédateur sexuel hollywoodien Weinstein, – nous emportent dans une sarabande effrénée, un “tourbillon crisique” au cœur du “tourbillon crisique”, d’une amplitude, d’une extrémité et d’une puissance jamais vues. Notre avis est qu’il est nécessaire et essentiel de prendre au “sérieux” les précisions et les ambitions les plus abracadabrantesques, les plus surréalistes. C’est là un des enseignements les plus extraordinaires et les plus impératifs de ces derniers mois, de ces deux dernières années.

Nous tenons beaucoup à notre concept de “tragédie-bouffe”... Nous sommes au cœur de la tragédie-bouffe en hurlante et folle expansion. Ce que nous découvrons en pleine lumière, alors que la tragédie discrète mais puissante pour qui sait voir de manière intuitive ne cesse de grandir et de gronder en même temps, c’est que les deux composants de la chose ne varient pas l’un en fonction de l’autre, comme font des vases communicants. La façon est toute différente : au plus la tragédie grandit et gronde, au plus le côté bouffe s’affirme dans une sorte de farandole, de bacchanale de communication.

Le dernier épisode est hollywoodien, où gronde une révolte extraordinaire, d’abord féministe, et de façon plus générale une “révolte sociétale” de la sorte que machine un progressisme-sociétal qui ne cesse de vouloir un bouleversement de plus en plus radical des dernières structures subsistant de l’ordre ancien. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que cette action dans le sens d’une “vertu” anarchiste et déstructurante, qui se prétend moralisatrice et poserait à l’antiSystème de bazar, vienne du centre hypercapitaliste de création de la communication américaniste, de l’“usine à rêves” dont la mission est évidemment l’américanisation des psychologies du monde jusqu'à l'entropisation la plus complète selon les voeux du Système.

(Ce “bouleversement de plus en plus radical des dernières structures subsistant de l’ordre ancien”, c’est l’effet de l’action du Système, mais d’ores et déjà en pleine ambiguïté surpuissance-autodestruction, tant ces “dernières structures” et cet “ordre ancien”, – une “ancienneté” qui se mesure en quelques petites années, voire en mois, – sont complètement partie intégrante d’une organisation [Hollywood] imposée et structurée par le Système lui-même. Le Système s’attaque lui-même sans cesse plus violemment par le biais de ce qu’il ne cesse de produire de nouveau et de plus en plus déstructurant de lui-même.)

Le dernier épisode vient des Golden Globe Awards, sorte de pré-“Oscars” où les acteurs du showbiz et notamment du monde hollywoodien désignent eux-mêmes leurs champions, disons leurs propres Oscars. La soirée du 7 janvier a vu un triomphe des femmes actrices, productrices, réalisatrices, etc., – toutes vêtues de noir, pour marquer un deuil offensif et revendicatif du rôle qui leur était jusqu’alors attribuées, de “victimes soumises” de la dictature masculine (blanche de préférence, et comment) symbolisée par les actes infâmes de Weinstein. La grande gagnante de la soirée fut la présentatrice, réalisatrice, productrice de talk-shows, milliardaire et Africaine-Américaine, Oprah Winfrey, récompensée pour toute sa carrière et dont le discours fut véritablement producteur d’une extase sans mesure dans ce public progressiste-sociétal . Meryl Streep, qui qualifiait pourtant Weinstein de “véritable dieu” en 2012, a affirmé qu’« avec ce discours, Oprah ne peut pas ne pas être candidate à la présidence en 2020 ».

Tout le monde ne parle plus que cela, non comme d’un événement-people, mais comme d’un événement politique mondial sinon, pesons les mots, comme d’un événement politique de civilisation.(Tout le monde, aux USA, mais aussi en Europe, du Guardian au Monde, au Financial Time, etc., bref toute la bande est là.) Les neocons eux-mêmes frétillent, en raison des engagements bellicistes de Oprah, comme si l’affaire était déjà faite.

Julia Azari, de Vox, décidée à ne plus rien rater du jugement célèbre (« Sire ce n’est pas une révolte, c’est une révolution ») titre son article : « Ce que nous pourrions attendre d’une administration Oprah. » : « D'accord, j’ai écrit le titre comme une réaction à ma honte persistante d’avoir raté continuellement l’ascension de Donald Trump vers la présidence. Après le discours émouvant d'Oprah Winfrey lors des Golden Globe hier soir, c’est le “buzz” irrésistible qui s’est envolé sur le thème “Oprah sera notre prochaine présidente”. La réponse des politologues devant cette perspective a une tonalité fortement négative. Au cours de l’été, j’ai écrit sur les pièges d'une approche amateur de la politique, en particulier la politique présidentielle. Il semble pourtant que ce soit le bon moment pour s’engager dans l’appréciation des implications de cette possibilité. »

... Suit une description de ce que pourrait être une candidature Oprah, décrite dans des termes qui se veulent “sérieux”, c’est-à-dire “politiquement sérieux”, – mais “politiquement sérieux” comme on dit “politiquement correct” à la sauce progressiste-sociétale. Par contraste, on choisira un anonyme pour décrire le personnage d’Oprah Winfrey d'une façon qui nous lisserait deviner ce que serait son gouvernement, un long commentaire d’un lecteur (“Adreng”, manifestement proche des milieux des commerces de luxe) d’un texte de TheDuran.Com commentant le brouhaha assourdissant qui a marqué la soirée du 7 janvier (on ne peut parler de commentaires à cet égard, puisque l'on parle d'exclamations d'extase).

« L’oligarchie aux États-Unis devient de plus en plus arrogante et éhontée. Alors qu’elle préférait des moyens dissimulés d'exercer le pouvoir, elle veut maintenant ouvertement le pouvoir pour les milliardaires en installant des milliardaires au pouvoir.

» Oprah Winfrey illustre une image particulièrement méprisable de l’oligarchie avide et son mépris pour la grande majorité des gens en dehors de la classe des milliardaires. Aux États-Unis, en tant que membre de la classe des milliardaires, elle a l'habitude de recevoir un traitement privilégié de la part de son entourage. Comme elle est la plupart du temps dans ce milieu, cela provoque généralement peu de tumulte. Mais dans les rares occasions où Oprah Winfrey se rend en Europe où elle est beaucoup moins connue, la laideur de son personnage devient plus visible. Une fois, à Paris, elle a fait un scandale parce qu'elle voulait faire du shopping dans une boutique de luxe après les heures de fermeture, et elle s'attendait à ce qu’on l’accueille avec déférence, que les heures d'ouverture sont pour les simples mortels et nullement pour elle, et elle était furieuse qu'un magasin de luxe à Paris l'ait traitée comme tous les autres clients. À une autre occasion, à Zurich, une vendeuse pensait que pour elle, comme pour la plupart des autres clients, même des sacs de luxe, les sacs de $30.000, seraient trop extravagants, et elle lui présenta des sacs à $5.000-$10.000 dollars. Cela causa de nouveau la fureur d'Oprah Winfrey. Elle quitta brusquement le magasin, et plus tard elle prétendit ridiculement que c’était “raciste” que le vendeur (qui ne savait pas qui elle est) n’ait pas réalisé qu’elle serait assez décadente pour dépenser en deux minutes $35.000 pour un sac (en cuir de crocodile, fabriqué dans des conditions horribles pour les animaux).

» Oprah Winfrey comme candidate serait un bon symbole et une représentante adéquate de l'extrême arrogance et le narcissisme d’une partie de la classe des milliardaires qui a complètement perdu le contact avec le monde réel des gens commun et réagit avec fureur à l'idée qu'ils pourraient être traités comme n'importe quel autre citoyen... [...]

» ... La classe des milliardaires aux États-Unis est vraiment très arrogante, décadente et méprisante, donc peut-être Oprah Winfrey qui semble être la caricature adéquate de cette classe des milliardaires serait un candidat approprié. »

Il ne fait aucun doute que cette mascarade hollywoodienne et sociétale est un événement important dans ce qu’il marque indirectement et symboliquement un recul supplémentaire et peut-être décisif, voire l’effondrement du monde politique washingtonien. Après l’élection de Trump, l’évocation de noms tels que celui de Zuckerberg (jeune patron de Facebook) et celui de Dwayne Johnson dit The Rock (champion de catch, producteur et acteur) comme possible candidat démocrate en 2020, voici Oprah Winfrey. Du côté républicain, le seul nom envisagé est celui du milliardaire-président Trump, champion du monde des tweets. Dans toute cette liste exotique n’apparaît aucun nom de politicien professionnel, et l’on voit mal le moindre homme politique pouvant prétendre à une stature de présidentiable parce que les seuls arguments qui comptent aujourd’hui – du progressisme-sociétal au populisme, – sont hors du champ où un homme politique peut s’affirmer face à ces divers poids lourds de la société de la communication et du simulacre postmoderne.

D’autre part, tous ces “candidats” sont non seulement sociétaux, mais encore ils possèdent des capacités de financement, propres et de groupements de grosses fortunes, qui lèvent pour eux l’obstacle principal de l’argent. Trump a levé le tabou du soi-disant “sérieux” politique nécessaire pour accéder à la présidence. Quel que soit l’aspect catastrophique de sa politique, il a montré que la fonction politicienne n’était plus une condition sine qua non pour être élu, et même qu’elle était un désavantage de plus en plus insurmontable, et rencontrant ainsi, sinon justifiant le discrédit total dans lequel est plongé le monde politicien aux yeux des électeurs. Par conséquent, toutes ces candidatures farfelues ne le sont absolument plus du tout... Dont acte, d’autant que cela correspond si bien à notre époque.

Inutile insister, avant de poursuivre, sur cefait évident que ces constats signalent que la crise de l’américanisme, non seulement se poursuit, mais ne cesse de s’aggraver en rythme et en profondeur.

Une guerre civile qui est une “guerre de civilisation“

Revenons sur ce fait fondamental : le triomphe politique de Winfrey au Golden Globe Awards n’aurait pas eu lieu sans le torrent diluvien d’événements provoqué par l’affaire Weinstein et, par conséquent, répétons-le avec la plus grande force, cet événement (l'affaire Weinstein) acquiert autant d’importance que l’élection de Trump. D’autre part, on observera qu’il y a bien deux façons d’interpréter l’événement-Winfrey :

• Un pas de plus, capital celui-là, dans l’évolution de la mouvance progressiste-sociétale, qui se place directement contre l’événement de l’élection de Trump.

• Une affirmation du phénomène tel qu’il est affirmé par le commentateur anonyme de TheDuran.Com, et qui enchaîne alors directement sur l’élection de Trump plutôt que de s’y opposer pour en faire une nouvelle sorte de “politique”, ou la dictature de l'argent à visage découvert et dans tioute sa morgue et sa futilitéintellectuelle : « Alors [que la classe des millardaires] préférait des moyens dissimulés d'exercer le pouvoir, elle veut maintenant ouvertement le pouvoir pour les milliardaires en installant des milliardaires au pouvoir. »

Pour l’instant présent, notre choix est bien qu’il s’agit des deux à la fois, fixant aussi bien une concurrence mortelle entre deux courants d’une part, et la volonté des milliardaires (les 1%, voire les 0,1%) d’assurer directement leur pouvoir absolu sur les 99%, voire les 99,9%. Mais là s’arrêtent les constats, tandis que la situation évolue très rapidement, et l’analyse par conséquent également.

Instruits comme nous le sommes par le précédent Trump, il n’y a pas de raisons de ne pas se préparer à prendre au sérieux une éventuelle candidature Winfrey, comme le fait, débordant d’un affectivisme stupéfiant de puissance et de mièvrerie, l’essentiel de la presseSystème. (Ce cas vaut d’autant plus qu’une Winfrey est proche des Obama et aura leur soutien à 100%, sans épiloguer plus avant, — par exemple comme l’a fait une tweeteuse hollywoodienne en évoquant, rien que cela, un “ticket” Oprah-Michelle [Winfrey avec Michelle Obama candidate vice-présidente, association qui formerait une sorte de sublimité dans l’extase progressiste-sociétale].) Alors, si l’on prend au sérieux les perspectives présidentielles de Winfrey, on se trouve devant une perspective extrêmement agitée, sinon révolutionnaire d’une façon ou l’autre.

Un affrontement entre Trump (durant le reste de sa présidence et éventuellement aux présidentielles 2020) et une Winfrey avec tout ce qu’elle représente ne peut prendre qu’une allure radicale, sinon de révolution, dans tous les cas sans aucun doute dans le sens d’une véritable de guerre civile qui prétendrait très vite être une “guerre de civilisation”. Dans ces conditions, et quelque catastrophique qu’ait été sa politique, quelque importance scandaleuse qu’ait été sa trahison, Trump redevient le porte-drapeau populiste des “Deplorable”, tandis que Winfrey évolue bien entendu avec l’idée de sa candidature représentant dans tous les cas une concrétisation de la volonté politique du camp progressiste-sociétal dont le centre de puissance devient Hollywood. Inutile d’ajouter qu’on n’arriverait certainement pas indemne au scrutin du premier mardi de novembre 2020, et qu’il y a même un certain nombre de chances qu’on n’y arrive pas du tout, – tout court, – tant la crise ne demande qu'à se déchaîner dans des conflits du plus haut niveau et des plus graves enjeux.

Dans tous les cas et hors de tout pronostic, soit pour déjà spéculer sur les présidentielles de 2020, soit pour déterminer si l’idée d’une candidature Winfrey est ridicule ou non, il reste l’observation considérable que le scandale Weinstein avec ses effets en cascade a acquis une structure politique indéniable, qui l’inscrit absolument dans le “tourbillon crisique” du système de l’américanisme. Le scandale Weinstein se révèle comme la véritable riposte à l’élection de Trump, sous forme d’une circonstance accidentelle mais parfaitement adaptée à la dynamique de la déstructuration/de l’autodestruction du Système. Bien sûr, il s’agit d’une interprétation intuitive et sous une forme symbolique, mais c’est de cette façon que les événements acquièrent toute leur force par lestempsqui courent, nos Derniers Temps... Tout se passe effectivement comme si les deux événements dans tous leurs effets et leurs conséquences étaient liés et représentaient parfaitement la manifestation de l’antagonisme fondamental entre le progressisme-sociétal que représentent sans aucun doute Hollywood et ses satellites démocrates d’une part, le populisme censé être représenté par Trump d’autre part.

(Qu’importe que Trump ait complètement trahi le populisme, qu'importe même qu’il ne l’ait jamais vraiment représenté, l’essentiel est l’étiquette qu’il porte, vers laquelle il revient et reviendra toujours lors de la bataille interne, surtout une bataille contre Winfrey, Hollywood et le progressisme-sociétal.)

L’entrée en scène d’Oprah Winfrey, personnage bien aussi détestable pour les “Deplorable” que Trump peut le paraître pour les bataillons LGTBQ, implique une ligne politique désormais construite, présente, affirmée, autour de laquelle il y aura un regroupement à chaque cérémonie, à chaque présentation de film, à chaque talk-show, etc. (Dieu sait qu’Hollywood n’est pas avare de cette sorte de manifestations où l’on pourra relancer la ligne politique aussi bien que la candidature Winfrey, – elle ou une autre.) La crise centrale de l’américanisme a de beaux jours devant elle, des perspectives d’accélération, d’incontrôlabilité, de complexification, etc. ; chaque événement que nous voyons se produire contribue à renforcer et à élargir les dimensions de cette crise : à cet égard, Hollywood n’a plus besoin de produire des scénarios grandioses, il est devenu scénario grandiose et ultime en lui-même...