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10 juin 2005 — Situation typique des rapports entre l’OTAN et l’UE pour la question du Darfour (mission d’aide au Darfour). Une décision a été prise selon laquelle deux missions seront conduites simultanément, l’une sous contrôle de l’OTAN, l’autre sous contrôle de l’UE. Les Américains voulaient l’OTAN en charge de tout, les Français, la même chose pour l’UE. Le compromis, après plusieurs semaines de marchandage, s’est terminé par l’évidence de la séparation des deux organisations, lesquelles auront d’ailleurs des missions différentes (remarque d’un diplomate : « Since we were not going to do the operation together, it was not worth moving people from Mons [pour l’OTAN] to Eindhoven [pour l’UE]
Selon The Independent du jour: « However, suggestions from France that the operation should be co-ordinated from one EU base in Eindhoven in the Netherlands — which is also used by Nato planners — was rejected by the US. Instead countries contributing to the airlift will chose whether they want to have their operations planned from Eindhoven under an EU banner or from Nato's military planning headquarters at Mons in Belgium. »
D’une façon générale, les Français ont été isolée comme d’habitude, mais, en un sens, les Américains l’ont été également. Cela définit assez bien la situation. Comme tout à l’OTAN aujourd’hui, l’affaire s’est réduite à un dialogue antagoniste entre la France et les Etats-Unis. Les Français ont tenu leur position, seuls contre les Etats-Unis, et avec l’abstention effrayée, intéressée ou interloquée des autres. Effectivement, comme le disaient les partisans du “oui”, la France est isolée: elle est la seule de tous les Européens qui défende l’Europe, et l’on comprend que ni un “oui” ni un “non” n’y changent grand’chose. Comme le dit un communiqué furieux des conservateurs britanniques (selon The Daily Telegraph du jour), la France poursuit son but (son “propre agenda”, comme on dit sur un ton soupçonneux, dont il nous semble pourtant qu’il est [cet agenda] celui de tous les Européens) de constituer une défense européenne. Cela a l’air d’être, selon les termes du communiqué conservateur, une position d’un ridicule complet et particulièrement scandaleux: « This is ridiculous duplication. It would have made sense if all airlifting were done under the Nato banner by the different countries. Once again, the French are pursuing their own agenda for a European army. »
Bien entendu, les âmes sensibles sont promptes à déplorer cette perte de temps, au nom de motifs humanitaires. Elles se gardent bien de placer le problème en perspective, qui est complètement politique. Cette remarque du ministre allemand de la défense est typique de cette attitude (en même temps qu’elle donne les limites du soutien allemand à une politique volontariste européenne): « This is completely irrelevant. One should simply agree to help. Who takes the lead in co-ordinating it is secondary. »
D’autres réactions (voir The Independent du jour) sont par contre plus nuancées et plus intéressantes, montrant que l’affirmation de l’UE n’est pas si mal accueillie.
• Le secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer: « The situation in that region is appalling, and we must do all that is in our power, in co-ordination with other organisations starting with the EU, to assist the African Union. »
• Le ministre de la défense britannique, John Reid: « The EU and Nato have come together despite all the history. This is such an important humanitarian mission that we would never be forgiven if we did not put aside rivalries. » (Cette position britannique renvoie à certaines incertitudes inquiètes des Britanniques à l’enconrtre des USA.)
• Un diplomate anonyme, toujours arrangeant: « It is not a big deal — this operation is not the Berlin airlift. It would have been better to have had one co-ordination centre. But it was more important to get a solution quickly. »
Un haut fonctionnaire français nous rappelait, sans forfanterie particulière ni même satisfaction quelconque, mais comme une chose qui va de soi et dont il s’étonne pourtant toujours: « Dans les enceintes des négociations internationales, les Français sont les seuls qui n’aient pas peur des Américains. » Il n’y a pas de vertu cachée ni de potion magique à la base de ce comportement mais une réalité de nature: la France est le seul pays qui n’ait pas songé, comme ont fait les autres, à abdiquer leur souveraineté. Par conséquent, la remarque devrait être, avec la nuance qu’on devine: “Ils ont tous peur des Américains, sauf la France.” Il ne faut aller chercher nulle part ailleurs la formidable et permanente offensive anti-française dans tous les organes de communication bien-pensants, anglo-saxons (britanniques) de préférence.
Les Français sont donc assurés d’une chose: tant qu’on les insultera de la sorte, par persiflage et sous-entendus habituels, ils pourront se dire qu’ils sont dans la bonne voie et qu’ils pèsent le poids qui est le leur, qui est le plus importants des pays de l’UE dans les matières essentielles (défense notamment). A ce moment-là, ils établiront des situations où, pour paraphraser la même source caractérisant la position de la France lors des débats à l’ONU en novembre 2002-mars 2003, « la France représentera l’opinion publique du monde entier ». (Phrase intéressante qui implique une substitution à des gouvernements défaillants pour exprimer une opinion générale dans le monde, ou, disons, dans the Rest Of the World.) Bien entendu, le “non” renforce cela, même si le président français fut prétendument le défenseur du “oui”.