“Otanisation” de la “gauche”

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“Otanisation” de la “gauche”

• Notre propos est somme toute assez simple : la gauche, autrefois diverse et parfois proaméricaniste, est devenue otaniste comme on entre en religion. • L’OTAN est pour elle une religion et une idéologie qui conduisent le troupeau des non-initiés vers des lendemains qui chantent les missiles ultra-guidés et les chars hyper-blindés. • Elle fait ses ablutions et ses génuflexions à Evere et espère qu’on cognera le plus fort possible sur les populaces qui prétendent échapper à la Bonne Parole. • Avec un article de Carlos X. Blanco sur l’exemple de la gauche espagnole.

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Le texte ci-dessous, de Carlos X. Bianco, nous parle de la gauche espagnole, – laquelle, comme la plupart des “gauches” occidentales, de l’Occident-collectif, mériterait de nombreux guillemets, – on s’en abstient pour ne pas charger la lecture, mais qu’on le sache. Il parle essentiellement
• de l’“otanisation” de cette gauche ;
• de ce qui fait que cette gauche est devenu “otaniste”, en plus d’être “atlantiste” et au-delà d’être simplement “otanienne”, après avoir été souvent “pro-américaniste”...

On retiendra, – là aussi avec guillemets dans l’esprit parce qu’il faut tout connaître de l’originalité du processus, même si ces guillemets ne sont pas tracés dans l’écrit, – ces deux néologismes que nous proposons spécialement pour le phénomène que nous voulons décrire, après l’avoir réalisé à la lumière du texte ci-dessous. En effet, il s’agit pour nous du constat d’une situation nouvelle, qui est une idéologisation de l’OTAN, – comme à peu près tout ce qu’embrasse la gauche est immédiatement idéologisé. L’OTAN devenue “idéologie” en tant qu’“otanisme” en même temps que la gauche devenue “otaniste”, voilà ce qui a commencé à se réaliser, selon notre perception chronologique, depuis la guerre du Kosovo de 1999 justement conduite par une OTAN agressive ; de façon accélérée depuis l’agression contre la Libye en 2011 ; de façon hyper-accélérée depuis le putsch de Kiev (février 2014) jusqu’à l’actuel apothéose où la gauche euro-occidentale se prosterne devant le Dieu-OTAN, – tandis que l’OTAN, elle, ne cesse de se gauchiser (présence entêtante du wokenisme sous toutes ses formes, recherche haletante d’une secrétaire-générale femme-woke, etc.).

Ce qui vaut pour la gauche espagnole vaut très largement pour la gauche, – plus spécifiquement “les Verts”, – allemande et britannique. Elle vaut clairement pour la gauche française, toujours de cette façon française, à la fois complexe et d’une intelligence totalement inutile et invertie, enrobée d’une formidable moraline explicitée quasiment comme une nouvelle philosophe. Les “Nouveaux Philosophes” accouchés de 1968 et apparus à la fin des années 1970 (BHL, Glucksmann-père, etc.), y sont évidemment pour beaucoup. La gauche française actuelle, comme les Verts-allemands, est hyper-zélenskiste autant qu’elle est hyper-otaniste.

Ce que nous voulons préciser, c’est cet aspect brutal et guerrier qui est apparu, en même temps que diverses conceptions et idéologies-slogan, du droitdel’hommisme au R2P (acronyme durement travaillé pour figurer le ‘Right To Protect’ [‘Droit de Protéger’] anglo-saxon qui est la doctrine s’arrogeant le “droit” d’intervenir chez le voisin par tous les moyens, surtout subversifs et militaires, une fois que son régime a été jugé comme non-conforme par un tribunal imprécis et liquide, fait de brics médiatiques et de brocs wokenistes rassemblés dans un flux central adoubé par le capitalisme progressiste-moderniste et les organes de sécurité nationale [CIA, OTAN justement, etc.]). Tous les aspects de la gauche hypermoderniste sont présents, avec toutes les facettes du wokenisme, l’activisme des minorités, raciales mais aussi sexuelles. Les femmes de pouvoir en politique ont joué et jouent un rôle central dans ce courant, des « Harpies d’Hillary » mobilisées dès les années 2010 aux bataillons de beautés nordiques extraordinairement antirusses et zélenskistes, en passant par les vieilles sorcières du type Lagarde ou Van der Layen.

Ce qui est donc remarquable dans ce mouvement, ce n’est pas le pro-américanisme, qui a déjà existé au sein de la gauche à d’autres époques, pro-américanisme pouvant aller jusqu’à la fréquentation de la CIA. (Notamment les diverses activités culturelles anti-communistes [largement de gauche] exposées par Frances Stonor Saunders, aussi bien que les péripéties de Raymond Aron.) Effectivement, les fondements évidemment fondamentaux des Pères-Fondateurs des USA sont à la fois modernistes, libéraux et progressistes, – quoi qu’il en soit en réalité, certes, de la façon que tout cela fut appliqué, c’est-à-dire servant à fabriquer un simulacre séduisant pour les âmes progressistes ; de ce fait, l’américanisme présente un menu attirant pour l’esprit de gauche, même s’il voisine avec un capitalisme destructeur et ce qui devint finalement ce que nous nommons la politiqueSystème.

Mais aujourd’hui, tout cela s’est transformé. Ce ne sont plus les principes des Pères Fondateurs qui attirent la gauche, mais les moyens pour “imposer” l’application de ces principes et du reste des bons-sentiments hollywoodiens, c’est-à-dire, comme nul ne peut prétendre l’ignorer, un faux-nez grossier pour faire usage avec vigueur et enthousiasme, et sans le moindre souci de légalité et autres babioles, de la force la plus brutale et imposer un ordre-américaniste qui devient l’ordre-globaliste. On parle ici de l’interventionnisme, la subversion, le capitalisme prédateur, la politiqueSystème, etc., pour “vendre”, pistolet sur la tempe du retardataire, la démocratie, le wokenisme, le changement climatique, l’Intelligence-Artificielle et le transhumanisme, avec toutes les gâteries numériques et surveilleuses qui vont avec... La gauche adopte tout cela en chantant avec enthousiasme : c’est absolument son Paradis-sur-terre, car non seulement « Dieu est mort » mais Il est complètement inutile, dépassé, recalé au contrôle technique, – à côté de nos superbe 4x4 pétaradantes dans un silence velouté.

La gauche s’est littéralement transmutée en devenant, non pas une super-“idiote-utile” du capitalisme progressiste-sociétal mais une véritable associée, une coréalisatrice, une complice, consciente et “éveillée” (‘to woke’), asexuée et transexuée, genrée et transgenrée de l’américanisme-globaliste (autre étiquette du capitalisme progressiste-sociétal). Dans ce cas, certes, l’OTAN est, – bien plus que le Pentagone ou la CIA mais sans aucunement trahir ces amis-là, certes, – la torche idéologique de l’égalitarisme américaniste-occidentaliste (bloc-BAO) éclairant le ‘monde d’Après’. L’OTAN est devenue une idéologie (l’otanisme) et effectivement, plus aucun besoin de ces vieilleries et bondieuseries des temps obscurs. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est frapper sec, cogner dur, et surveiller tout ce monde dissipé en étant prêt à faire sauter la moindre tête dépassant de l’alignement idéologique gaucho-otanien, grâce à une guillotine électro-magnétique inventée par Google et activée par un F-35.

... Voici donc cet article, « La gauche otaniste », de Carlos X. Blanco, sur ‘euro-synergies.hautefort.com’, du 8 mai 2023.

dedefensa.org

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La gauche otaniste

L'OTAN est une organisation militaire dotée de nombreuses "ailes", extensions et franchises. Nous avons vu l'Union européenne se mettre à son service, surtout après l'intervention militaire spéciale de la Russie en Ukraine. Les meneurs et les fonctionnaires "pro-européens", même sans uniforme, se plient volontiers aux exigences du haut commandement, exécutent les ordres - très obligeamment - et se tiennent à la disposition de Washington. Josep Borrell est déjà un "général civil", un porte-parole du bellicisme américain, un homme "pentagonal" et otaniste.

Une "aile" de l'OTAN dont on parle moins est la gauche révisionniste (représentée en Espagne par PodemosMás País et la nouvelle entité "Sumar"). Il est tout à fait possible de parler désormais d'une gauche otaniste. Il s'agit d'une gauche très répandue en Occident, et en particulier en Espagne, une gauche qui rejette ses origines idéologiques: "L'OTAN n'est pas faite pour desdébutants". Vous en souvenez-vous ? Moi, pour des raisons d'âge, je m'en souviens parfaitement. Je me souviens de l'arnaque du référendum. Il y avait, dans cette soi-disant "transition", une refus tranché et majoritaire au sein du peuple espagnol contre une organisation guerrière et belliciste dont la raison d'être et l'utilité pour la défense nationale étaient plus que discutables.

Avec une certaine dose de terrorisme médiatique et les manigances typiques du PSOE, l'Espagne a rejoint une telle organisation, signant des chèques en blanc et laissant son dos méridional à découvert : ce dos à découvert reste un danger, par lequel pénètrent les maux les plus nocifs pour l'Espagne: il a un nom. Il s'agit du Royaume du Maroc. L'OTAN a lavé le visage des Espagnols avec le soi-disant européanisme et a délivré un prétendu certificat d'occidentalisme: avec un visage lavé et une coiffure fraîchement peignée... mais avec l'arrière-train à découvert.

Les décennies passent et, au-delà du PSOE, dont la praxis néolibérale ne fait plus aucun doute, dans ce pays qui est le nôtre, si usé par les menteurs et les bonimenteurs, les "penseurs de la gauche otaniste" ont émergé. L'un d'entre eux, digne d'intérêt, est Santiago Alba. Ce monsieur est l'un des fondateurs du site web rebelión.org, et l'inspirateur du parti politique Podemos depuis ses tout débuts.

Dans le quotidien Público, Don Santiago s'étonne du fait qu'il puisse y avoir des gauchistes qui ne soutiennent pas l'OTAN. En tant que philosophe, il connaît le pouvoir de l'utilisation des mots, du choix des termes et de l'appropriation d'un "récit". Cet auteur représente parfaitement la gauche otaniste : cette étrange position de ceux qui affirment que le capitalisme est certes mauvais mais qu'il n'y a pas d'alternative à la puissance abusive et hégémonique de son gendarme, les Etats-Unis. Les gendarmes du monde ont créé l'OTAN, vient nous dire la gauche otaniste, et, ma foi, nous n'aimons pas beaucoup cette organisation. Mais quelle est l'alternative, l'"autocratie" de Poutine ? D'une manière ou d'une autre, Don Santiago parle ainsi.

Nous devons parler la langue du gendarme Biden, selon le conseil de M. Alba: ne parlons pas de "guerre en Ukraine", mais d'"invasion russe" (je cite M. Alba: "donner l'illusion que c'est l'Alliance qui assiège et menace les villes ukrainiennes"). L'article de M. Alba ne tient pas compte de l'ensemble du contexte - manifestement agressif - qui conduit l'OTAN à outrepasser ses compétences dans tous les sens du terme : au-delà des limites territoriales pour lesquelles elle a été conçue, au-delà de la limite stratégique de sécurité convenue avec la Russie il y a des années, au-delà des besoins défensifs des pays membres.... En dehors de la prudence et du bon sens. L'OTAN a déclaré la guerre à la Russie par procuration. Officiellement, l'OTAN aide un pays envahi. Le pays envahi, partie intégrante de la civilisation russe depuis des siècles, est cependant un territoire où l'Occident collectif a - précédemment - forcé un changement de régime, au profit des ultra-nationalistes et des nazis anti-russes, ce qui l'arrange bien pour compléter l'"encerclement" de la Russie.

Le langage de la gauche "correcte", alignée sur le gendarme mondial, M. Biden, et sur les autres "pentagonaux", doit insister sur la dénonciation de la volonté néo-impériale de Poutine. Santiago Alba a peur d'une volonté néo-impériale, celle de la "Troisième Rome" moscovite, et il s'est plutôt habitué à l'autre volonté d'empire, celle de Biden et du Pentagone. C'est celle devant laquelle l'auteur otaniste dit que nous devons nous incliner. C'est du moins celle que nous connaissons en Occident et qui nous guide. C'est aussi celui de la gauche. Alba demande : "Que fait la Russie, par exemple, en Syrie, au Mozambique, au Mali, en Libye, pour se défendre contre l'OTAN ?

Il s'avère que certains empires ont le droit d'être omniprésents. Mais les interventions ponctuelles d'autres empires, la Russie ou la Chine, doivent être immédiatement remises en cause. Faut-il chercher des chiffres pour comparer le nombre de porte-avions, de bases militaires dans le monde, de troupes déployées à l'étranger ? La différence est écrasante : les États-Unis l'emportent dans toutes les statistiques. C'est l'empire interventionniste et omniprésent : ils sont sur toutes les mers, sur tous les continents. La présence extérieure de la Russie, au-delà des pays satellites rattachés ou territorialement contigus à la Fédération, est rare, ponctuelle, limitée. De son côté, la présence militaire de la Chine, au-delà de la défense de ses eaux et frontières juridictionnelles, est très limitée. Dans cet article, Don Santiago maintient une équidistance inacceptable. Cette équidistance rappelle les années de plomb, des années où un camp tue et tire, et où l'autre tombe sous les coups en entendant, de la bouche de son propre bourreau, le refrain : "asseyons-nous et négocions !"

Don Santiago, avec sa gauche otaniste, condamne à mort toute une trajectoire idéologique d'opposition à l'empire yankee, de lutte contre le cadre agressif et belliciste de l'OTAN, de pacifisme conscient et réaliste, de défense active de la multipolarité, de lutte au nom des peuples, des nations qui ne veulent pas continuer à être des colonies des États-Unis ou les acolytes d'une armée omniprésente et génocidaire. Il ne s'agit pas d'aimer Poutine, ni d'adhérer à son "récit". Il s'agit pour nous de dénoncer clairement l'existence d'une gauche otaniste, l'une des "jambes" sur lesquelles repose l'empire du néolibéralisme.

Carlos X. Blanco